Claude Fouquet
Une perte de dynamisme qui tient en partie à la moindre vigueur des investissements et au poids du commerce extérieur.
Après plusieurs trimestres
consécutifs de croissance, l'économie française marque le pas en début
d'année. Selon la première estimation publiée ce vendredi par l'Insee en
effet, le PIB affiche une hausse de 0,3 %. Bien loin des 0,7 % de la
fin d'année 2017, c'est également sa plus faible hausse depuis l'automne
2016.
Le ralentissement constaté n'est cependant pas totalement une surprise. Après une année 2017 particulièrement dynamique
(la croissance a atteint 2 %, sa meilleure performance depuis six
ans), tous les économistes l'avaient anticipé. Ceux de l'Insee tablaient
cependant sur un PIB un tout petit peu plus dynamique et avançaient
dans leurs dernières prévisions une hausse de 0,4 %. Le chiffre rendu
public ce vendredi est en revanche conforme à ce qu'anticipaient les
économistes de la Banque de France.
Peu
après l'annonce de ces chiffres, le ministre des Finances s'est voulu
rassurant. « La réalité, c'est qu'il y a eu un quatrième trimestre 2017
qui a été excellent. Comme toujours, lorsqu'il y a eu un très bon
chiffre de croissance, il y a un léger tassement ensuite. Il n'y a rien
de très surprenant à tout cela », a déclaré Bruno Le Maire à son arrivée
à une réunion des ministres des Finances de la zone euro à Sofia.
« Je ne crains pas une perte de
dynamique de la croissance », a encore assuré le ministre. Ajoutant :
« Il est hors de question de relâcher nos efforts, nous poursuivrons la
transformation économique du pays pour donner aux Français de la
croissance et des emplois. »
Fort ralentissement de l'investissement
Ce
ralentissement s'explique par plusieurs facteurs. Notamment une
quasi-stabilité de la consommation des ménages par rapport à la fin de
2017, que l'Insee qualifie « d'atone » et qui s'explique sans doute en
partie par la moindre confiance des ménages dans l'évolution de leur pouvoir d'achat.
Mais c'est surtout le coup de frein à
l'investissement total (entreprises + Etat + particuliers) qui a pesé
sur les performances du début d'année. Après avoir progressé de 1,1 % au
quatrième trimestre de 2017, celui-ci affiche, sur les premiers mois de
2018, une hausse de « seulement » 0,6 %.
Le
ralentissement touche surtout les entreprises : alors que leurs
dépenses d'équipements avaient progressé de 1,6 % à la fin de 2017, leur
rythme a été divisé par près de trois en ce début d'année avec une
hausse de 0,5 %.
De son côté, le commerce extérieur ne contribue pas à la croissance, indique l'Insee.
L'objectif de croissance de Bercy à portée de main
Doit-on
pour autant s'inquiéter pour l'avenir ? Sans doute pas, pour l'instant.
En effet, d'une part, le ralentissement était largement anticipé et
donc intégré dans les prévisions, y compris celles du
gouvernement. D'autre part, selon l'Insee, l'acquis de croissance -
c'est-à-dire le niveau qu'atteindrait le PIB s'il stagnait d'ici à la
fin de l'année - atteint 1,2 %.
Autant dire
que, sauf accident, l'objectif du gouvernement d'atteindre une
croissance de 2 % cette année, reste à portée de main.
Aléas
Reste
cependant au moins deux aléas. Celui lié à l'impact que pourrait avoir
cette année la guerre commerciale engagée par Washington. Le FMI a, à
plusieurs reprises, tiré la sonnette d'alarme sur les effets de
l'attitude américaine sur la croissance mondiale. Et celui des effets des mouvements sociaux qui agitent la France depuis plusieurs semaines . Leurs retombées pourraient en effet pénaliser les chiffres du deuxième trimestre qui ne seront connus qu'en juillet prochain.
Même s'il s'est voulu rassurant ce vendredi matin, le ministre de l'Economie s'est d'ores et déjà alarmé
du fait que ces grèves commencent à peser sur la croissance. « C'est
un impact qui est limité, qu'on ne peut pas mesurer aujourd'hui, mais on
voit déjà dans certains secteurs d'activité, dans les réservations
d'hôtellerie, dans les transports, dans la présence de touristes », a
ainsi expliqué récemment Bruno Le Maire.
De même, plus récemment, l'Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF) s'est alarmée des effets des mouvements sociaux sur l'activité du secteur et l'économie en général.
Le tassement de la consommation confirmé en mars
Selon
les chiffres mensuels publiés par l'Insee, la consommation des ménages
en produits manufacturés est restée quasi stable en mars. Elle a
progressé de seulement 0,1 % sous l'effet principalement du recul des
dépenses en habillement-textile (-1,6 %, après +2,8 %) et des dépenses
en énergie (-1,6 %, après +9,9 %).
Sur
l'ensemble du premier trimestre, la croissance de la consommation en
biens est également restée atone (0 %), comme au trimestre précédent.
Pour
mémoire, les dépenses en produits manufacturés représentent environ le
quart de la consommation totale des ménages (biens, services et
alimentation) qui est retracé dans les comptes trimestriels du PIB.
Claude Fouquet