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vendredi 17 août 2018

15 août 778, bataille de Roncevaux : mythe ou réalité ?

15 août 778, bataille de Roncevaux : mythe ou réalité ?

Voilà qui nous changera un peu : de l’HISTOIRE.

Ce n’est évidement pas de ma production, mais la copie partielle d’un article de MAG Sud-ouest documenté auprès d’un professeur de littérature médiévale de l’Université de Bordeaux, Danièle James-Raoul…

Des leçons sont à en tirer.

Comme déjà formulé sur ce site, l’époque n’est pas tendre. Les puissants ont des mœurs qui n’ont rien à envier aux « barbares » qu’ils ont en face d’eux ! Charlemagne s’il fut à l’origine de ce qui est appelé la Renaissance carolingienne était probablement plus que rustre dans ses comportements. De même, Machiavel existait en lui : il n’hésita pas à s’emparer du royaume de son frère Carloman à son décès au détriment de ses neveux…
Il n’hésita pas non plus à faire alliance avec le wali (gouverneur) de Barcelone en délicatesse avec le Calife de Cordoue, souhaitant disposer d’une marche pour protéger son royaume. Ce genre d’alliance qui peut nous surprendre confirme que les chrétiens de l’époque et les musulmans, en tout cas les puissants, n’étaient pas si « ennemis » les uns des autres, les intérêts politiques passant avant (encore aujourd’hui !)…
Avant lui, Eudes comte de Toulouse, vers 730, avait -probablement- marié sa fille* et fait alliance avec Munuza le gouverneur de Narbonne et de Llivia (Cerdagne) pour se protéger au sud… ce qui n’a pas arrangé ses relations avec Charles Martel !
* : Munuza défait et tué, Lampégie aurait été envoyée à Damas dans le harem du Calife !!!

Dans la chanson de Roland tout est faux…ou presque !
« … CHARLEMAGNE EN ESPAGNE.
En juin 778, Charlemagne part avec toute son armée aider Soulemane Ibn El Arabi, gouverneur de Barcelone révolté contre l’l’émir de Cordoue. On est loin de l’affrontement chrétiens-musulmans : des chrétiens soutiennent certains musulmans et vice versa,selon les intérêts du moment. En échange de son aide, le gouverneur de Barcelone a fait miroiter à Charlemagne la prise facile et la possession de Saragosse et Pampelune. Le roi s’empare bien de Pampelune, mais le siège de Saragosse est un échec et l’armée doit se replier. De rage, et parce que Pampelune s’est finalement rebellée, il en rase les murailles mais ne peut pas poursuivre sa campagne d’Espagne : les Saxons se sont (encore) révoltés au nord du royaume et le roi prend le chemin du retour, avec quelques otages, histoire d’assurer ses arrières. Mauvais calcul : c’est là, dans les Pyrénées, que l’arrière garde est attaquée et défaite. C’est tout : dix lignes dans la « Vita Karoli Magni* », la vie de l’empereur, écrite quelques années après sa mort. Pas de quoi en faire un fromage. Encore moins une épopée. (Je laisse à l’auteur la responsabilité de sa rédaction !).
* : écrite plus de 50 ans après l’événement, inspirée des Annales royales certainement…
Bien sûr, il y a quelques morts : Roland comte des marches de Bretagne, et surtout Anselme le Preux, comte du palais, rien de moins que le « Premier ministre » du Royaume. Les assaillants, montagnards légèrement armés et très mobiles, s’évaporent dans la montagne et on en reste là.
Près de deux siècles plus tard,  » La Chanson de Roland » fait de cet accrochage sans conséquence, un combat de titans au scénario digne d’un blockbusteur américain, où les héros meurent selon une suite logique, du moins important au héros absolu : « Roland ». « Certains affirment que c’est la seule défaite de Charlemagne. Mais on ne sait pas si on a cherché à minimiser l’événement parce qu’il était traumatisant ou s’il était considéré à l’époque comme peu important », pointe Danièle James-Raoul. Quoi qu’il en soit, même si l’événement concerne tout le royaume franc, c’est d’ici dans le Sud Ouest, que les choses commencent à fermenter autour de la légende. Une fermentation bien  utile pour les monastères  qui la font vivre pour faire ce que l’on appellera  bien plus tard de la propagande. Ils s’égrènent sur la route de l’Espagne à une époque où le pèlerinage vers Compostelle bat son plein et, surtout, où les premières croisades s’organisent pour libérer l’Espagne des Sarrasins. On les a un peu oubliées de nos jours, mais il y en aura 34, du XIè au XIIIè siècle et ces édifiants hauts faits de Roland inspirent naturellement les chevaliers chrétiens.
Les VASCONS deviennent SARRASINS.
C’est notamment pour cela que les assaillants originels sont transformés, pour les besoins de la « La Chanson », en Sarrasins. Alors que, selon la chronique orignale, il s’agit de Vascons. Aujourd’hui on ignore encore qui sont ces Vascons : des Gascons ou des Basques ? Aucun indice ne permet de trancher avec certitude mais Danièle James-Raoul penche plutôt pour des « Basques, alliés des musulmans. Ils occupent cette partie des Pyrénées, c’est plus logique géographiquement. » Et ce n’est pas la seule liberté que « La Chanson de Roland » prend avec l’Histoire. Tout, ou presque, y est faux. Roland n’a jamais été le neveu du roi, le terme désigne sans doute quelqu’un de proche, voire… « peut-être un fils incestueux que Charlemagne aurait eu avec sa sœur. Après tout, tous les rois légendaires sont incestueux. » Gamelon, le fourbe idéal, n’a jamais existé, il n’y a pas eu besoin de trahir qui que ce soit pour tomber sur l’arrière garde d’une armée peu discrète. Et il est vraisemblable que Charlemagne n’a pas perdu son temps à rebrousser chemin pour se venger, comme le narre « La Chanson », trop pressé qu’il était d’aller préserver son royaume des saxons autrement plus dangereux que quelques montagnards un peu rustres*.
* : il mènera une opération militaire en 779…
Demi-Dieu.
Mais, peu à peu, la réalité historique disparaît derrière la légende et Roland devient un demi-dieu dans les légendes pyrénéennes. Les basques eux-mêmes, qui l’ont battu, en font un héros entre Romulus et Hercule : un berger l’aurait découvert enfant, tétant à même le pis de sa vache, ce qui lui aurait fait acquérir une force surhumaine qui l’entraîne dans des exploits où il bousille tout sur son passage, façon franchise Marvel. Curieux destin pour quelqu’un  dont la seule chose que l’on sache avec certitude est qu’il s’est fait battre. Justement, en écrivant sur un presque inconnu, on peut prendre toutes les libertés possibles et construire un roman qui a traversé les siècles en entrant profondément dans l’inconscient collectif, à l’égal du roi Arthur de l’autre côté de la manche. »

Le MAG Sud-Ouest égrène les origines possibles de « La Chanson de Roland », des légendes qui s’y rattachent, du tombeau « virtuel » de Roland (Blaye !), du cor de Roland (église St Seurin de Bordeaux), etc.

Certes, la perte d’une magnifique légende peut attrister, mais replacer l’Histoire dans sa réalité a aussi du bon. Charlemagne a vu bien de ses vaillants soldats périr dans les combats, seules deux années de son long règne (768-814) ne furent pas militaires…
Ce professeur d’Université confirme l’existence,  dès le XIème siècle,  de CROISADES* participant à la Reconquista. Les croisades démontrent de la montée en puissance de l’Eglise à l’orée de l’influence civilisationnelle qu’elle impulsera lors du moyen age et donc l’écho se fait encore ressentir de nos jours. Ainsi, pour affronter l’islam, vers 1020, l’Eglise réoriente l’utilisation des indulgences.
Les croisades y sont annoncées comme ayant duré jusqu’au XIIIème siècle. L’écrasante victoire de Las Navas de Tolosa (1212) fait que les Almohades ne sont plus invincibles… Les croisés mal organisés n’ont pas servis à grand chose, voire ont été à l’origine de pillages désappointés par l’indulgence d’Alphonse VII à l’endroit des populations musulmanes…
Après cette victoire, la voie de l’Andalousie est ouverte… De grandes places tombent les unes après les autres dans le 50 ans qui suivent : Cordoue, Séville, Cadix. Les musulmans préfèrent se déclarer vassaux comme l’émir de Grenade (1246) pour subsister un temps… jusqu’en 1492 quand même !
* : considérer que la première eut lieu probablement en 973 avec l’expulsion des musulmans de la région niçoise à l’appel des moines provençaux.
Autre présentation : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Roncevaux_(778)
Bonne lecture.

Note de Christine Tasin

Jean-Paul a eu une bonne idée d’anniversaire. La bataille de Roncevaux ( dont nos jeunes têtes blondes n’ont jamais entendu parler ) fait partie de notre histoire, de notre imaginaire, de nos forces vives. Elle nous parle de quelque chose d’essentiel, nos héros fondateurs.
Il n’y a pas de nation sans héros fondateurs. Les Grecs le savaient qui ont développé, en partie grâce à cette colonne vertébrale la civilisation que nous connaissons.  Ils ont commencé à décliner quand le monde est devenu trop grand pour eux, quand Alexandre allait révérer des dieux et héros qui n’étaient plus les siens, ceux de son peuple d’origine ( si on considère que les Macédoniens étaient des Grecs ce qui n’est pas tout à fait juste, mais c’est une autre histoire, c’est en tout cas la même civilisation, et il avait eu pour précepteur un Grec, Aristote…). Alexandre épousant Roxane, vivant en Orient… c’est la fin de la fierté grecque, de ses symboles. Ne vous méprenez pas, je voue une admiration sans bornes à Alexandre, et je ne me lasse pas, par exemple, de regarder la reconstitution de la bataille de Gaugamélès.