L’annonce avait sonné comme une provocation. En plein débat sur la
question de l’accueil des migrants, les représentants des
hôteliers-restaurateurs annonçaient que des discussions étaient en cours
avec le gouvernement « pour faciliter la régularisation des migrants
qui souhaitaient travailler dans le secteur ».
Un pavé dans la mare et quel pavé ! L’information surréaliste parue dans
le Parisien du 5 août était aussitôt reprise par l’ensemble des médias.
L’Union des métiers de l’hôtellerie (UMIH) expliquait qu’elle était
désespérément à la recherche de personnel dans les différents secteurs,
qu’il s’agisse des hôtels, des cafés, des restaurants et des brasseries.
La bagatelle de 130 000 postes à pourvoir au total dans ces commerces.
Les raisons de cette désaffection ? La mauvaise image de ces métiers
dans l’opinion et des conditions de travail pénibles selon les
représentants de la profession.
Comment résoudre le problème ? C’est tout simple voyons, il suffit de
faire appel aux migrants ! Et de lancer cette surprenante proposition
dans la presse. « On attend maintenant du gouvernement qu’il donne des
papiers à ces personnes-là. La formation, le boulot, on est là pour les
fournir », lançait Didier Chenet, président du groupement national des
indépendants(GNI) de l’hôtellerie-restauration. On reste confondu devant
tant de naïveté… ou de cynisme ! Comment les responsables de ces
professions en contact avec le gouvernement n’ont-ils pas imaginé les
conséquences politiques d’une telle annonce ? Comment ont-ils pu se
fourvoyer à ce point en touchant à un dossier aussi explosif que
l’immigration, sans penser un seul instant que leur proposition allait
susciter un véritable tollé.
Encouragement à l’immigration
Demander, voire exiger du gouvernement la régularisation dans les plus
brefs délais de gens entrés clandestinement en France pour travailler
dans le secteur de la restauration, voilà un encouragement à
l’immigration dont les passeurs n’auraient même pas rêvé ! « La France a
besoin de vous pour travailler dans ses cafés, ses hôtels et ses
restaurants. Régularisation immédiate ». Quelle aubaine pour les
migrants !
Pourtant, il n’est pas interdit de penser que sous l’aspect «
humanitaro-utilitariste » de cette proposition se cachait une réalité
bien moins reluisante avec, peut-être, l’arrière-pensée de disposer
d’une main-d’œuvre abondante et à bon marché, rendue docile par le fait
qu’elle ne parlait pas ou mal le français. Et que, dans l’ignorance de
la réglementation en matière de droit du travail, elle accepterait les
travaux les plus pénibles sans compter ses heures.
Mais le 13 août, face à l’indignation suscitée par cette proposition
aussi absurde que provocatrice, c’est marche arrière toute. Dans un
communiqué publié dans la revue professionnelle « Tendancehôtellerie.fr »
– et ignoré par la presse -, Didier Chenet se déballonne piteusement et
enterre sa proposition : « Bien entendu, il ne s’agissait pas
d’embaucher des personnes en situation illégale ou irrégulière sur notre
sol, mais d’embaucher des réfugiés ayant leurs papiers en règle et
toutes les autorisations de travailler ». Et de préciser à l’intention
de ceux qui avaient sans doute mal compris ses propos : « Il ne
s’agissait pas non plus d’un appel général à une régularisation des
sans-papiers comme d’aucuns, par provocation ou besoin de sensationnel,
ont bien voulu le prétendre ou l’écrire ». Là, il y va un peu fort le
président du GNI de l’hôtellerie-restauration. N’est-ce pas lui qui a
interpellé le gouvernement pour « qu’il donne des papiers à ces
personnes-là » ? Quant à parler de « provocation » et de « besoin de
sensationnel », il est vraiment mal placé pour les dénoncer, lui qui est
à l’origine de cette surprenante annonce. Mais ce n’est pas tout. Comme
son discours pro-migrants a dû indisposer nombre de ses adhérents, il
croit utile de rassurer ceux qui s’inquiétaient de cette dérive : «
Assurément il ne s’agit pas non plus d’exclure de nos offres d’emploi
nos concitoyens et encore moins nos jeunes ». ajoute-t-il, comme si cela
n’allait pas de soi.
Fausse bonne idée
Bref, une polémique totalement inutile dans laquelle les responsables de
ces organisations professionnelles se sont ridiculisés. Pire, ils se
sont même discrédités auprès des membres de la profession en se
fourvoyant avec cette fausse bonne idée.
Plutôt que de chercher des pis-aller, les hôteliers-restaurateurs
devraient avant tout revoir la gestion de leurs entreprises afin de les
rendre plus attractives pour le personnel et d’attirer les demandeurs
d’emploi. Dans un pays qui est la première destination touristique
mondiale, où les visiteurs se pressent chaque année plus nombreux pour
découvrir la richesse de son patrimoine, la beauté de ses sites tout
autant que sa gastronomie, il n’est pas acceptable que les employés de
ce secteur soient si mal payés et que leurs efforts ne soient pas
davantage reconnus par leur employeur.
Ils exercent un métier ingrat dans des conditions parfois difficiles
avec des horaires de travail atypiques qui les privent souvent de toute
vie de famille les week-ends et jours fériés. Tout cela doit être pris
en compte par l’État qui n’aide pas vraiment ces petits patrons en leur
imposant des normes toujours plus contraignantes et en les ponctionnant
de charges et de taxes.
Il faut espérer que l’État prendra en compte toutes ces problématiques
dans le cadre du plan-emploi qui sera présenté à l’automne par l’UMIH
pour favoriser le recrutement et la formation des personnes en recherche
d’emploi. Sans avoir besoin de « faciliter la régularisation des
migrants ».
Alain Marsauguy pour ripostelaique.com