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jeudi 16 août 2018

L’oecuménisme à haut risque du Pape François

Cette note est parue dans « L’Espresso » n. 32 de 2018, en vente en kiosque le 12 août, à la page d’opinion intitulée « Settimo Cielo », confiée à Sandro Magister.

Sur le terrain œcuménique aussi, le Pape François emprunte de nouveaux chemins

Aucun pape avant lui n’aurait nommé un protestant directeur de « L’Osservatore Romano ».  Mais lui, il l’a fait, en nommant directeur de l’édition argentine du journal officiel du Saint-Siège le presbytérien Marcelo Figueroa, son ami de longue date.
Aucun pape n’avait jamais pu organiser une rencontre avec le patriarche orthodoxe de Moscou. Mais lui y est parvenu, en lui donnant rendez-vous à l’aéroport de La Havane.

En ce qui concerne le dialogue avec les non-catholiques, Jorge Mario Bergoglio ne néglige vraiment personne. Il accueille avec le sourire même les interlocuteurs les plus difficiles comme ces courants évangéliques et pentecôtistes qui font des ravages dans les rangs des catholiques chez lui en Amérique latine.

Son ami Figueroa, de souche calviniste, vient de signer dans le dernier numéro de « La Civiltà Cattolica » une attaque frontale contre la soi-disant « théologie de la prospérité » professée par un courant pentecôtiste né aux États-Unis et qui est en train de se répandre dans le Sud du continent selon lequel la pauvreté serait coupable alors que la vraie foi permet de vivre riche, en bonne santé et heureux.
Pourtant, un leader de cette théologie, le pasteur texan Kenneth Copeland a été l’invité de marque du Pape au Vatican.  Et le Pape François déclaré à une occasion, au cours d’une conversation : «  Dieu est avec nous où que nous allions.  Pas parce que je suis catholique, ni parce que je suis luthérien, ni parce que je suis orthodoxe », car si tel était le cas, a-t-il ajouté, nous serions dans un « asile théologique ».
Dans le bulletin du Vatican qui retranscrit ses conversations, on trouve à cet endroit, entre parenthèses, la mention « rires ». Et on trouve d’autres « rires » et « applaudissements » après cette autre boutade : « Que les théologiens fassent leur travail.  Mais n’attendons pas qu’ils se mettent d’accord ».
François l’a répété des dizaines des fois. Les monumentales divergences de foi qui divisent le monde chrétien doivent être mises sur le côté.  Son œcuménisme est un œcuménisme de l’action, en faveur de la paix entre les peuples.
En ce qui concerne l’unité de la foi, en revanche, pour lui être baptisé c’est déjà beaucoup et, pour le reste, « on n’a qu’à mettre les théologiens sur un île déserte pour qu’ils discutent entre eux ». Le Pape François répète souvent cette plaisanterie qu’il attribue au patriarche œcuménique de Constantinople Athénagoras, celui de la mémorable embrassade avec Paul VI à Jérusalem en 1964.  Il ne semble pas que ce patriarche l’ait jamais prononcée mais elle fait désormais partie du répertoire du Pape actuel.
Cet œcuménisme de l’action est pourtant problématique et a des répercussions dramatiques dans l’Église et en-dehors.
Pour les catholiques, par exemple, la communion à la messe est très différente de la manière dont la voient les protestants. Mais François, en répondant il y a trois ans à une luthérienne qui lui demandait si elle pouvait communier avec son mari catholique, lui a d’abord dit oui, puis non, puis je ne sais pas, et enfin faites comme vous voulez.
Le résultat est qu’en Allemagne, où les mariages interconfessionnels sont courants, la majorité des évêques consent à donner la communion aux deux conjoints. Même si sept évêques allemands, dont un cardinal en ont appelé à la Congrégation pour la doctrine de la foi qui a bloqué cette pratique en exigeant, sur un sujet aussi sensible, de d’abord parvenir à un accord non seulement dans l’Église catholique toute entière mais également parmi les autres confessions chrétiennes.  Ce qui revient à dire jamais, étant donné que les orthodoxes sont radicalement opposés à toute forme d’ « intercommunion » qu’ils considèrent comme une étant un abomination.

L’Ukraine constitue un autre exemple de sujet explosif. Là-bas, les orthodoxes dépendent depuis des siècles du patriarcat de Moscou.  Mais aujourd’hui ils veulent leur indépendance avec le soutien de leurs compatriotes grecs-catholiques et l’appui du patriarcat de Constantinople Bartholomée.

Moscou refuse naturellement de céder et entretemps, le président russe Vladimir Poutine a annexé la Crimée et agressé militairement l’Ukraine. Et François ?  Il a rejoint le camp de Moscou en réprimandant publiquement les grecs-catholiques et en leur intimant l’ordre de ne pas « s’immiscer ».  Car c’est cela aussi, l’œcuménisme de François.

Source : diakonos.be