Le 27 août 2008, Le Figaro
« découvre » le « secret du polonium-210 », élément hautement
radioactif contenu dans les cigarettes ; « les industriels savaient tout
et n’ont rien dit »
Le Nouvel Observateur
titre : « Du polonium 210 dans les cigarettes : les industriels
savaient » en mettant l’information au conditionnel (le Nouvel
Observateur ne vérifie donc pas ses informations avant de les rendre
publiques).
L’Express, comme Europe 1 et la RTBF assurent, eux aussi, qu’il s’agit d’une « révélation ». Europe 1 déclare que « le secret a été si bien gardé ». 20 Minutes reprend : « Du polonium dans les cigarettes : comment le grand secret des fabricants a été dévoilé ».
Etant co-auteur de l’ouvrage « Le Rideau de fumée – les méthodes
secrètes de l’industrie du tabac » avec le professeur Gérard Dubois, je
m’étonne que les journalistes aient la mémoire si courte. Publié en
2003, aux éditions du Seuil, « Le Rideau de fumée » annonçait dans la
liste des composantes du tabac : « le polonium-210 (élément hautement
radioactif) » (p.83). Même en 2003, il ne s’agissait pas d’une
révélation de notre livre.
Nous évoquions une réunion de scientifiques de l’industrie du tabac,
en janvier 1974, à Floriday Keys, lors de laquelle un chercheur de
Philip Morris, William Farone, évoquait les moyens de réduire cette
radioactivité. Nous résumions : « Contre la présence de polonium
radioactif, il est possible de dépister les métaux lourds dans les
récoltes et de rejeter les chargements aux niveaux trop importants. »
(p. 129).
La recherche publiée par Monique Smuggli dans l’American Journal of
Public Health de septembre 2008 a le mérite d’approfondir la question.
Néanmoins, comment expliquer que les journalistes attendent 2008 pour
révéler une information disponible dès 2003 et qui n’a jamais été
contestée par l’industrie du tabac ?
Comment expliquer la stratégie des mass médias qui a consisté pendant cinq ans à taire cette information ?
Comment expliquer le traitement médiatique qui a été, plus
généralement, réservé au « Rideau de fumée », fruit de plus de dix
années d’archives personnelles, de deux années d’enquête, contenant plus
de 370 pages et 640 sources référencées ? Entre le boycott pur et
simple par certains « journaux de référence » et les éloges de façade
qui servaient d’alibi à des résumés tronqués, entre d’une part les
contrefaçons consistant à recopier l’ouvrage pour en falsifier les
informations et en détourner le lectorat et, d’autre part, le sabotage
minutieux de son exploitation par notre éditeur, les éditions du Seuil,
nous n’avons pas trouvé une seule recension exacte et conséquente de
l’ouvrage dans aucun des médias de masse.
Pendant combien de temps encore les journalistes vont-il faire
semblant de découvrir des informations déjà disponibles et jamais
démenties par l’industrie du tabac ?
A qui profite cette inertie et cette naïveté feinte ?
Charles-Eric Dubois
co-auteur du « Rideau de fumée – les méthodes secrètes de l’industrie du tabac »