Interview de Jacques Vergès par Silvia Cattori, mars 2006 |
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Maître Jacques Vergès s’est éteint à jamais.
Clairvoyant et inflexible, engagé et détaché à la fois, sensible à la
souffrance des faibles et des vaincus, Jacques Vergès a été de son
vivant la cible de ceux qui passent leur temps à jeter l’opprobre sur
tout témoin lucide et rebelle. Il n’a jamais flanché. Nous rendons ici
hommage à ce personnage hors du commun, en rediffusant l’entretien qu’il
nous avait accordé en mars 2006 lors d’une rencontre restée pour nous
inoubliable.
« Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie est une institution illégale »
Interview de Jacques Vergès par Silvia Cattori, mars 2006
À
l’heure où tant de gens peinent à comprendre le silence de leurs
autorités face aux victimes qui, en Irak, en Afghanistan, en Palestine,
mais aussi chez nous, sont laissées sans protection, nous croyons que
des voix comme celle de Maître Vergès sont importantes.
Silvia Cattori : Vous connaissiez M. Milosevic. Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de son décès ?
Jacques
Vergès : Je suis son avocat, un parmi d’autres. Qu’ai-je ressenti ?
J’ai ressenti de l’indignation parce que, manifestement, c’est une mort
que l’on a voulue. De ce point de vue, c’est un assassinat. M. Milosevic
était très malade. On lui a imposé des séances harassantes qui se
terminaient après l’heure de la promenade journalière, qui consistait à
faire les cent pas, dans la cour de la prison.
Au début de cette
année il a été très malade ; il a demandé à se faire soigner en Russie.
Nous ne sommes plus au temps de la guerre froide. Les Russes avaient
promis de le garder entre les mains de la justice, de ne pas lui
permettre de s’évader. Le Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie (TPIY) a refusé qu’il se fasse soigner en Russie. À cet
homme qui avait besoin de soins urgents, on les lui a refusés, avec au
bout sa mort.
Aujourd’hui, l’autopsie dit qu’il est mort d’un infarctus, que c’est une mort naturelle. Ce n’est pas vrai.
Des
morts naturelles peuvent être provoquées. Pendant la guerre d’Algérie,
j’ai été désigné par les nièces d’un Monsieur qui venait d’être arrêté.
Je leur ai dit que j’allais intervenir auprès des autorités pour qu’il
ne soit pas torturé et elles ont dit : « Mais il ne s’agit pas de
tortures, il s’agit de sa vie, il est diabétique et a besoin d’une
piqûre d’insuline tous les jours, sans quoi il meurt. » Il serait mort
de mort naturelle.
Dans le cas de M. Milosevic, même si l’on ne
trouve pas de trace de poison, il est mort d’une mort naturelle, mais
d’une mort naturelle provoquée. On me dit : mais pourquoi ceci ? Parce
que, premièrement, c’était un homme qui était courageux, qui se
défendait seul devant le tribunal, et on voulait le briser, au risque de
le tuer. Eh bien, on l’a tué. C’est pourquoi je dis que ce tribunal est
un tribunal d’assassins.
Silvia Cattori : En n’accordant
pas au prévenu le respect auquel tout prisonnier a droit, fut-il un
criminel, Mme Carla del Ponte a-t-elle donc failli ?
Jacques
Vergès : Oui, on a refusé à M. Milosevic le respect que l’on doit à
tout prisonnier. En France, nous avons un ancien ministre, M. Papon, qui
a été condamné pour crimes contre l’humanité. Il s’est senti malade.
Des médecins ont fait leur constat, et on l’a mis en liberté. Il a été
traité humainement.
Silvia Cattori : N’avez-vous aucune considération pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ?
Jacques
Vergès : Ce Tribunal pénal international est une institution illégale
qui a été décidée par le Conseil de sécurité, qui n’a aucun pouvoir
judiciaire. On ne peut pas déléguer un pouvoir que l’on n’a pas. Seule
l’Assemblée pouvait décider cela.
Deuxièmement, ce tribunal n’a
pas de loi. En France ou en Suisse, quand vous allez devant un tribunal,
il y a un code de procédure que l’on applique. Pour le TPIY, il n’y a
pas de code de procédure. Le TPIY change la procédure selon les besoins
qu’il éprouve. La procédure, en ce qui concerne M. Milosevic, a été
changée vingt-deux fois.
Troisièmement, ce tribunal s’occupe de
faits antérieurs à sa création, ce qui est illégal. Cela s’appelle « la
rétroactivité de la loi pénale », procédé qui est parfaitement contraire
à toutes les règles démocratiques. Ce tribunal admet que des témoins
puissent témoigner masqués. Quel débat contradictoire est-il encore
possible ?!
Ce tribunal dit que, dans certains cas, la rumeur
publique suffira comme preuve. Or, nous savons à quel point la rumeur
publique est lourde d’erreurs et de manipulations.
Enfin, pour
couronner le tout, le tribunal accepte des dons : 14 % du budget du TPIY
provient de dons. Par exemple, M. Soros, qui est un adversaire de la
Serbie, contribue aux payements du salaire des juges. Que diriez-vous si
vous deviez comparaitre devant un tribunal payé par une chaîne
hôtelière ou par une chaîne d’épicerie ?
Silvia Cattori :
N’y a-t-il plus de légalité internationale ? Quelle confiance, par
conséquent, les faibles peuvent-ils encore avoir en la justice ?
Jacques
Vergès : Écoutez, la légalité internationale ? Vous avez entendu parler
de Guantanamo. Quelle légalité !? Vous avez encore appris quelque chose
qui est pire que Guantanamo : que des services secrets américains
auraient, en Europe, des prisons où l’on envoie des gens pour y être
torturés sans que cela se sache. On a avancé les noms de pays comme la
Pologne et la Roumanie.
Silvia Cattori : Comment cela se
fait-il que la France ou l’Europe ne tapent pas du poing sur la table
face à la gravité des violations auxquelles le monde assiste ?
Jacques
Vergès : Là-dessus, le souhait que j’aurais est que des pays comme la
France s’y opposent mais, malheureusement, ce n’est pas le cas. Déjà, de
sa part, s’être opposé à la guerre contre l’Irak, je considère que
c’est une grande chose, c’est inespéré.
Les États-Unis détiennent
des gens à Guantanamo en-dehors de toute légalité. Ces détenus ne
dépendent même pas de la loi américaine. On a vu également, à la prison
d’Abou Graib, comment la torture n’était plus un instrument
d’interrogatoire mais un instrument d’abaissement de la dignité humaine.
En Algérie, quand les Français torturaient, ce qui était ignoble,
c’était, disaient-ils, pour avoir des renseignements. Mais quand, comme
cela s’est vu, une jeune Américaine rit en traînant par une laisse un
homme nu agonisant, ce n’est pas pour chercher des documents, c’est pour
l’assimiler à une bête. Là, nous assistons à une époque d’ensauvagement
de l’humanité.
Silvia Cattori : En ne condamnant pas les
États-Unis et la Grande-Bretagne, durant les années où ces pays ont
bombardé en Irak, en violation du droit, la zone appelée « No fly zone
», l’ONU ne s’est-elle pas rendue complice des préparatifs de cette
guerre ?
Jacques Vergès : Bien sûr. Aucune instance n’a
vraiment condamné les mauvais traitements de ces prisonniers. Toutefois,
la guerre contre l’Irak, l’ONU ne l’a pas votée. Les Américains ont
engagé cette guerre sur un mensonge. Tout le monde savait très bien que
Saddam Hussein n’avait pas d’armes de destruction massive. Et la guerre a
quand même été menée sous ce faux prétexte. Et personne ne condamne les
agresseurs.
D’autre part, il y a eu l’embargo, entre les deux
guerres ; embargo qui a causé la mort de cinq cent mille enfants. C’est
l’OMS qui le dit. Quand on demande à Mme Albright ce qu’elle en pense,
elle dit : « C’est le prix de la démocratie. » Est-ce qu’un régime, quel
qu’il soit, mérite le sacrifice de cinq cent mille enfants ? Les
criminels contre l’humanité, c’est parmi les grandes puissances
occidentales qu’on les trouve.
Silvia Cattori : Les gens
se souviennent de la période où les médias vous ont qualifié de « nazi
», de « terroriste », pour avoir défendu Barbie et Carlos. Cela ne vous
dérange-t-il pas quand on vous traîne dans la boue ?
Jacques Vergès : Non.
Silvia Cattori : Et quand on vous traite d’« antisémite » cela vous laisse-t-il indifférent ?
Jacques Vergès : Écoutez, du moment que cela n’est pas vrai, cela me laisse indifférent.
Silvia Cattori : Mais la rumeur peut détruire des carrières !
Jacques
Vergès : Je vis dans un pays qui s’appelle la France. Il existe une
tradition en France : le Français a une tendance à se sentir seul contre
l’establishment. Il est pour d’Artagnan, pour Mandrin.
Un jour,
je sortais de la cour d’assises d’Aix. Je traversais le petit marché qui
se tient aux abords du palais de justice. Un confrère m’a dit : « Tu
vois, quand les gens te reconnaissent cela ne m’étonne pas ; ce qui
m’étonne c’est la manière dont ils te saluent ; ce n’est pas un notable
qu’ils saluent, c’est un complice. Alors, Maître, on continue. »
Silvia
Cattori : À part vous, il y a des nombreuses personnes qui sont
accusées d’« antisémitisme », d’être « antijuives », qui est un délit
qui pèse plus lourd que si l’on est accusés de « racisme », d’être «
anti-arabes » !
Jacques Vergès : Actuellement, on ne me
traite plus d’antisémite. Ma plaidoirie a été publiée et diffusée à la
télévision ; on a bien vu que je n’avais pas tenu de discours «
antisémite ».
Le problème des médias, vous le connaissez : les
médias hurlent avec les loups. Ils considèrent que c’est leur fonction.
Je disais, au moment du procès Barbie, à un journaliste de télévision :
le service que vous pourriez me rendre c’est de publier ma photo tous
les jours dans votre journal en disant « cet homme est un salaud ». Les
Français ne sont pas assez bêtes et ils décrypteront votre message et se
diront : si on l’insulte tant c’est que c’est un type bien.
Silvia Cattori : Vous croyez vraiment que les gens soumis au matraquage médiatique savent faire la part des choses ?
Jacques Vergès : À la longue, oui.
Silvia
Cattori : Vous avez connu des personnalités comme Tarek Aziz que
beaucoup respectaient. Elles sont aujourd’hui traitées comme des chiens,
livrées à la torture. Comment vivez-vous, en votre for intérieur, cette
violence des États faite au nom « des droits humains et de la
démocratie » qui a déjà fait tant de victimes, causé tant de souffrances
?
Jacques Vergès : Comme la grande imposture. Nous
vivons une période de sauvagerie et d’imposture. Saddam Hussein était
l’allié de l’Occident puis, un jour, on a pensé qu’il était trop fort et
on a décidé de l’abattre. Et ensuite on l’a abattu sur des mensonges.
On le reconnaît aujourd’hui.
Et puis on nous dit que l’on se bat
pour les droits de l’homme mais on n’a jamais autant humilié et bafoué
les hommes que dans les prisons américaines, en Irak et à Guantanamo. On
est allé en Afghanistan pour vaincre les Talibans et le résultat est
que la production d’opium a été multipliée par dix. On menace l’Iran, en
disant que l’Iran ne doit pas avoir la bombe atomique. Il ne doit même
pas être soupçonné d’avoir les moyens de faire la bombe nucléaire. Alors
que l’Iran a deux voisins qui l’ont déjà : le Pakistan d’un côté et
Israël de l’autre. Pourquoi ces deux pays ont-ils droit à la bombe et
l’Iran non ? Ne cherchez pas de réponses. Ce sont des décisions des
puissants du moment.
Silvia Cattori : Imaginez-vous que l’on puisse modifier le cours des choses ?
Jacques
Vergès : En 1941, en Europe, on pouvait prévoir que les choses
changeraient si Hitler faisait une folie. La folie, il l’a commise : il a
attaqué l’Union soviétique et il a été vaincu.
Je pense que tout
cela va se terminer par une folie et, malheureusement, un grand
massacre. À ce moment-là, il sera mis fin à cet état d’hypnose dans
lequel vit le monde. On sait très bien, par exemple, que, si les
États-Unis attaquent l’Iran, nous assisterons à une confrontation
extrêmement grave dans tout le Moyen-Orient. Avec même des conséquences
dans les pays occidentaux, avec le cours du pétrole. C’est pour cela du
reste qu’ils hésitent tellement !
Silvia Cattori : Donc
ces guerres dites « préventives », voulues même par des personnalités
qui se disent humanitaires, comme Pascal Bruckner et Bernard Kouchner,
par exemple, ne mènent pas vers le meilleur des mondes !
Jacques
Vergès : Non. Vous n’avez qu’à voir, actuellement, cette prétendue «
guerre contre le terrorisme ». Qu’est-ce que c’est que le « terrorisme »
? Ce n’est pas une entité.
J’ai fait la guerre dans l’armée
française libre ; j’étais artilleur. L’artillerie n’était pas une
entité. Il n’y avait pas une artillerie contre une infanterie. Il y
avait une artillerie allemande et une artillerie française.
Les «
terroristes » sont différents entre eux. Les gens de l’IRA et les gens
d’Al Qaïda ne sont pas les mêmes. Les gens de l’ETA et les Corses ne
sont pas les mêmes. Mais, au nom du « terrorisme », on justifie tout.
Silvia Cattori : Pour les peuples sous occupation ou agressés, n’y a-t-il pas un droit international à se défendre ?
Jacques
Vergès : Cela s’appelle la résistance. Le mot terrorisme a été utilisé
pour la première fois, en France, par les Allemands, pendant
l’Occupation.
Silvia Cattori : Comment expliquer, dès
lors, que le Parlement européen ait inscrit – avec l’accord de tous les
partis, de l’extrême gauche à la droite – le mouvement du Hamas sur la
liste des « organisations terroristes » à la demande d’Israël et des
États-Unis ?
Jacques Vergès : Parce que, à mon avis, on
vit sur une équivoque. Quand on examine les crimes de l’Allemagne nazie,
je disais, au cours du procès Barbie : « Avant de le juger, essayez de
balayez devant votre porte. » La Gestapo a commis moins de crimes en
France que la France n’en a commis en Algérie. Ou bien que les Russes
n’en ont commis en Afghanistan, ou que les Américains n’en ont commis au
Vietnam. Et on me répond « non, nous sommes une démocratie ».
Mais
une démocratie est capable de crimes. Il y a cette équivoque : la
démocratie ne serait pas capable de crimes ! Au contraire. Près de la
Nouvelle-Zélande, vous avez une île qui est plus grande que la Suisse,
la Tasmanie ; il n’y a plus de Tasmanie. La dernière tasmanienne est
morte en 1977, détruite par les colons anglais. Prenez les Peaux-Rouges,
les Incas, les Aztèques, tous ont été détruits ; c’étaient des
civilisations florissantes.
Donc, les démocraties sont capables
de crimes aussi bien que les dictatures. Avec des circonstances
aggravantes dans le cas des démocraties : c’est que l’opinion est
avertie. On me dit « mais il y a la liberté de la presse ». Mais alors,
cela aggrave la responsabilité de l’opinion.
Silvia Cattori : Je crois que l’opinion n’est pas avertie !
Jacques
Vergès : Pendant la guerre d’Algérie, la torture, nous la dénoncions. À
Abou Graib, tout le monde est censé savoir ce qui s’est passé, les
photos sont passées sur les télévisions.
Silvia Cattori : L’opinion a été pré-conditionnée : ne lui a-t-on pas présenté la guerre comme « un moindre mal » ?
Jacques
Vergès : Mais l’histoire du « moindre » mal n’excuse pas cette
inhumanité gratuite, et l’opinion le sait, et l’opinion démocratique n’a
pas réagi.
Silvia Cattori : Auriez-vous pu imaginer, il y a quinze ans, que les choses se passeraient de la sorte ?
Jacques
Vergès : Oui, à partir de la chute du Mur et de la chute de l’URSS, où
les États-Unis se retrouvaient être les seul maîtres, avec, à leur tête,
des dirigeants incultes.
Ce n’est pas étonnant que les
dirigeants allemands et français aient été contre la guerre en Irak. La
France et l’Allemagne ne sont pas des îles. Chirac a une expérience du
monde arabe. Il était officier en Algérie, il sait ce que c’est qu’une
guerre de libération.
Les Américains ne savent pas. L’Amérique
est une île. La couche éclairée de la côte Ouest et Est, peut-être, le
sait. Mais l’Amérique profonde, du Nebraska à l’Arkansas, l’ignore. Je
disais à des Serbes, à Belgrade : comment voulez-vous expliquer à un
type de l’Arkansas que le Kosovo est le berceau de votre nation ? Eux,
ils n’ont pas de nation. Ils n’ont pas d’histoire.
Silvia Cattori : Voulez-vous dire que les barbares sont de retour ?
Jacques
Vergès : Oui, bien sûr. Je pense que jamais l’humanité n’a vécu une
époque aussi sauvage qu’aujourd’hui. En Europe, il y avait certaines
règles ; aujourd’hui on ne les respecte plus.
Silvia Cattori : Qui peut faire contrepoids à l’unique superpuissance américaine ?
Jacques
Vergès : Au point de vue militaire, personne. Mais au point de vue
économique, beaucoup de pays le peuvent. La guerre n’est plus seulement
militaire aujourd’hui, elle est hors normes. Il suffit que deux tours
s’effondrent à New York, sous les coups d’une organisation qui n’a pas
de territoire, pour que les compagnies d’aviation américaines déposent
leur bilan. Il suffit qu’il y ait des manœuvres chinoises sur le détroit
de Formose pour que la bourse de Taipei s’effondre.
À la fin,
mêmes soumis, la télévision, les journaux, devront dire certaines
choses. L’opinion est très lente à changer de point de vue, mais elle se
réveillera. Un jour, elle changera de point de vue.
Silvia
Cattori : Qui sont les propriétaires des démocraties occidentales
aujourd’hui ? Qui commande réellement ? Vers qui les peuples opprimés
peuvent-ils encore se tourner ?
Jacques Vergès : Dans
nos démocraties, ce sont les dirigeants des grandes sociétés. L’exemple
est typique : quand les biscuiteries « LU » licencient leur personnel,
les grévistes s’adressent à M. Jospin, qui était alors le Premier
ministre, et celui-ci leur répond : « Que puis-je faire ? »
Effectivement, il ne pouvait rien faire dans le système actuel.
Silvia Cattori : Donc les gens ne peuvent plus rien y changer ?
Jacques Vergès : Si, mais pour changer il faudra vraiment de grands bouleversements.
Silvia
Cattori : Actuellement, le rapporteur spécial du Conseil de l’Europe,
le procureur suisse Dick Marti, chargé de faire la lumière sur
l’existence des « prisons volantes » de la CIA, se débat avec des
gouvernements réticents à lui fournir les informations. Pensez-vous
qu’il va pouvoir aller au bout de l’enquête ?
Jacques
Vergès : S’il le veut, il peut y arriver. Quand on s’acharne, la vérité
finit toujours par éclater : il y a toujours des témoins. Il réussira à
condition qu’il accepte d’être isolé et d’être insulté. Je lui souhaite
beaucoup de chance.