.

.

samedi 12 mai 2007

Il y a du pain sur la planche

Samedi, 12 Mai 2007


Il y a du pain sur la planche

Alain Rebours

Politique
Il y a du pain sur la planche
L’avantage d’écrire après Philippe Randa, en surplus du simple plaisir de la lecture, est de se servir de ce qui fut écrit afin d’enrichir sa réflexion personnelle.

Le terrorisme intellectuelle de la gauche a définitivement vécu en effet. Terminées les modes dites incontournables comme le structuralisme ou la psychanalyse que l’on DEVAIT encenser. Il n’en reste plus rien aujourd’hui ou presque. Et il y aurait tellement d’autres exemples à donner. Ce qui fut gênant, ce n’était pas tant cette hégémonie dont on ne sait aujourd’hui qu’elle ne reposait sur rien, mais l’absence de contre-culture si ce n’est marginale.

Ce qui est désormais inquiétant c’est le passage d’un terrorisme intellectuel à un autre, qui au même titre que son prédécesseur, s’exerce sans la moindre opposition. Terrorisme qui comme naguère est exercé aussi par l’homme de la rue répétant des formules lapidaires comme naguère sans en avoir compris les enjeux.

Inutile d’évoquer le terrorisme par excellence qui n’a jamais été aussi puissant et qui fait la quasi unanimité dans les sphères politiques et dans la rue.

Je trouve que les analystes politiques ne méritent guère leur salaire. Pour expliquer la victoire de Nicolas Sarkozy, ils se contentent de simples analyses de reports de voix et se limitent au simple fait politique. Ainsi, Nicolas Sarkozy aurait gagné parce que d’une part présent dans la majorité mais sans en être vraiment, ce qui lui permettait de conserver sa clientèle naturelle tout en en gagnant une autre, et parce que ponctionnant les voix du Front National. Il ne s’agit pas de prétendre que c’est faux mais que c’est passer à côté du phénomène essentiel de cette élection.

Nicolas Sarkozy a gagné parce qu’il devait gagner. Parce que c’était le seul à être en phase avec la France d’aujourd’hui. Que la faiblesse linguistique du discours qui chez lui n’est pas récente soit feinte ou pas, peu nous importe, il tape juste. Que ‘Karcher’ ou ‘racaille’ puissent choquer, là encore aucune importance puisque c’est le discours qui veut être entendu. Si Ségolène Royal a eu des problèmes au sujet de sa proposition d’encadrement militaire des délinquants, c’est avec son parti mais pas avec l’électorat.

Qu’est ce que l’Ump ? On a fini par oublier la signification des lettres. Cela n’a pas d’importance puisqu’aux yeux de l’électorat c’est l’association derrière Sarko. Parallèle : le parti socialiste a deux tares pour l’électorat. Il est ‘parti’ et il est ‘socialiste’ : de ‘parti’ on retient l’image politicienne, de ‘socialiste’ une idée du même qualificatif. Parce que consciemment ou non, les faits sont perçus ainsi. On comprend le désastre du parti communiste qui se trouve et ‘parti’ et ‘communiste’, ‘communiste’ outre l’aspect politicien étant devenu péjoratif.

Des partis qui ont des structures internes : comité central, bureau politique, section, le conseil national, le bureau national, les courants. Non pas que l’Ump soit exempte de structures, mais elle ne se voient pas. Ainsi quand des sdf montent des tentes à Paris, Nicolas Sarkozy envoie Arno Klarsfeld – qui évidemment n’y connaît rien – mais qui constitue aux yeux de l’opinion une réponse humaine et immédiate. Au parti socialiste on se réunit dans une des instances pour réfléchir et chez les écolos on passe une nuit dehors. Trois réactions inadéquates mais une seule ayant grâce aux yeux de l’opinion.

Le président fraîchement élu s’en va en jean et sans cravate : c’est pas cool ? Le soir de l’élection, dans sa voiture il montre un pouce levé par la fenêtre : c’est pas cool ? Combien de fois porte t-il les mains aux lèvres pour envoyer des baisers à la foule, ce que n’aurait jamais fait ni le général de Gaulle ni François Mitterand : c’est pas cool ? Il va passer des vacances sur un yacht ce que le parti socialiste dénonce immédiatement : le résultat tombe puisque c’est 58% des Français qui approuvent.

Nicolas Sarkozy n’est pas plus en politique que ne l’était Bernard Tapie ; dans les deux cas ce sont des managers. Dans les deux cas ils séduisent bien au delà de leur électorat naturel. Un président d’une association de supporters de Marseille résumait bien les choses voici quelques années en expliquant que peu lui importait les affaires puisque du tant du bon Bernard l’Om gagnait. Les Français espèrent que Nicolas Sarkozy va les faire gagner. N’est-il pas lui même un gagnant ? Un gagnant qui passe pour beaucoup comme issu d’un milieu modeste, ce qui est faux mais ce qui accrédite le rêve de l’ascension sociale, alors que les statistiques des grandes écoles infirment l’idée. Peu importe puisqu’elles ne sont pas lues.

Il n’est nullement nécessaire d’avoir des connaissances importantes pour être élu aujourd’hui : il suffit de paraître comme celui qui est le meilleur. Le phénomène n’est pas une spécificité française puisqu’il suffit de se remémorer le cas de Berlusconi. Ou celui de Bush dont chacun sait qu’il n’est pas une lumière. Il fut pourtant élu et réélu. N’est ce pas ?

Nombre de politiques n’ont toujours pas compris que la société n’existait plus à l’état solide constituée en strates mais qu’elle était aujourd’hui marquée par sa fluidité. Inutile sachant cela de tenir un discours prolétaire ou bourgeois puisque ces termes ont disparu du discours sociologique. La solution passe dès lors par un discours s’adressant à tous et qui puisse faire écho à chacun. Mission évidemment impossible à réaliser sauf si c’est le candidat qui se présente – au sens où on l’entend en marketing – en mettant l’accent sur ce qu’il montre bien plus que sur ce qu’il dit. Une image paraissant (le terme est important) flatteuse doublée d’un discours assez consensuel. Ainsi, personne ou presque ne s’opposera à la punition des délinquants, au contrôle de l’immigration, à la baisse des impôts, à la création d’entreprises, à la célébration de la France qui travaille, etc …

Le nouveau totalitarisme ne passe pas par des encadrements politiques oppressifs mais par une dictature à l’encontre de l’opinion par l’opinion. Le pouvoir de l’image ou des formules toutes faites et bien souvent sophistiques formatent la majeure partie de l’électorat qui ignore les manipulations sous jacentes. Là encore l’extrême gauche avec son concept de ‘libéral-fascisme’ n’a rien compris : en réaction à cette formule l’homme de la rue fera remarquer d’une part que ce qui est libéral ne peut être fasciste et que d’autre part il a le droit de dire ce qu’il veut ce qui montre qu’on est en démocratie. L’homme averti sait que la démocratie sait être très répressive et que le droit d’expression ne vaut rien si personne n’écoute.

Sur l’ensemble, le Grece d’Alain de Benoist avait vu juste dans ses analyses pourtant vieilles d’une trentaine d’années et néanmoins très actuelles.

Il y a du pain sur la planche