«
Exister, c’est combattre ce qui me nie », dit encore Dominique Venner.
De l’invasion programmée de nos villes à la négation volontaire de la
mémoire européenne, au fil des pages, il ne cesse en effet de s’insurger
contre ce qui le nie. Il met en cause la « métaphysique de l’illimité
», c’est-à-dire cette démesure (hybris) par laquelle l’homme a entrepris
d’arraisonner le monde en confondant le « plus » et le « mieux ». « Si
les Européens ont pu accepter si longtemps l’impensable, c’est qu’ils
ont été détruits de l’intérieur par une très ancienne culture de la
faute et de la soumission », écrit-il aussi, en proposant d’opposer à
cette culture une éthique de l’honneur : « Je souhaite qu’à l’avenir, au
clocher de mon village comme à ceux de nos cathédrales, on continue
d’entendre la sonnerie apaisante des cloches. Mais je souhaite plus
encore que changent les invocations entendues sous leurs voûtes. Je
souhaite que l’on cesse d’implorer le pardon et la pitié pour en appeler
à la vigueur, à la dignité et à l’énergie. »
« La Tradition, c’est ce qui ne passe pas et qui revient toujours »
Dominique
Venner se réclamait de la tradition, terme auquel il donnait un sens
qui n’est pas le plus courant. « La tradition est la source des énergies
fondatrices. Elle est l’origine. Et l’origine précède le commencement
[…] La tradition n’est pas le passé, mais au contraire ce qui ne passe
pas et qui revient toujours sous des formes différentes ». C’est en
incarnant la tradition qu’Antigone se dresse face à Créon, au nom d’une
légitimité immémoriale opposée à la légalité du désordre établi. «
L’insoumis est en rapport intime avec la légitimité. Il se définit
contre ce qu’il perçoit comme illégitime. »
Telle est
aussi la raison pour laquelle Venner rejette toutes les fatalités
historiques. Ceux qui l’ont connu savent à quel point il était étranger
aux propos négatifs, aux critiques personnelles et aux ragots. Il était
tout aussi étranger aux prophètes de malheur qui annoncent l’inéluctable
déclin. S’il s’adresse à une Europe « entrée en dormition », c’est avec
la certitude qu’elle se réveillera. Martin Heidegger a écrit que
l’homme est inépuisable, en ce sens qu’il garde toujours en réserve plus
qu’il ne montre : « Il y a toujours provision d’être ». Venner dit
simplement : « L’histoire est le domaine de l’inattendu ». Aussi, par
son geste romain, a-t-il voulu délivrer un message de protestation (« Je
confesse mon dégoût pour l’imposture satisfaite des puissants et
impuissants seigneurs de notre décadence »), mais aussi de fondation,
c’est-à-dire tout à la fois de volonté et d’espérance – d’ « espérance
argumentée et raisonnée », comme l’a écrit Bruno de Cessole.
« La Nature comme socle, l’Excellence comme but, la Beauté comme horizon »
Ce
« bréviaire » n’est ni un petit catéchisme ni un livre de recettes
(même si l’auteur suggère quelques conseils « pour exister et
transmettre »). C’est plutôt une boussole. Et aussi une main tendue pour
nous amener vers les cimes, là où l’air est plus vif, où les formes
deviennent plus nettes, où les panoramas se dévoilent et les enjeux
apparaissent. C’est une invitation à devenir ce que l’on est. Et c’est
encore de l’œuvre d’Homère – dont les Anciens disaient qu’il était « le
commencement, le milieu et la fin » – que Dominique Venner tire cette
triade qui résonne comme une consigne : « La nature comme socle,
l’excellence comme but, la beauté comme horizon ».
Venu à
l’histoire par l’observation critique du présent, devenu « historien
méditatif » après avoir été combattant, cet homme « qui offrait un
curieux mélange d’acier trempé et de velours, de froideur et
d’incandescence, de raideur et d’élégance » (François Bousquet, encore)
est devenu par sa mort un personnage de l’histoire de France – un «
homme illustre » au sens de Plutarque. L’historien fait désormais partie
de l’histoire. Lisez son testament.
Alain de Benoist 3/08/2013