Résumé : La loi est claire : le droit de filmer les policiers durant une manifestation publique est clairement établi et il est interdit aux forces de l’ordre de s’y opposer.
Il est vivement conseillé de filmer les policiers faisant preuves de violences, mais aussi de prendre des images qui permettront d’innocenter des militants injustement accusés le cas échéant.
Les policiers abusent parfois de leur pouvoir pour vous y contraindre. Ils utilisent parfois d’autres arguments pour vous contraindre à cesser de filmer, voire à vous mettre en garde à vue. Si cela arrive n’hésitez pas à les poursuivre, à contacter les associations de soutien aux prisonniers, les autorités compétentes, etc.
Durant une manifestation, outre les participants, les badauds et d’éventuels contre-manifestants, des policiers et gendarmes sont susceptibles d’être filmés. La plupart des manifestations nationalistes font l’objet d’une exploitation médiatique à base d’images.
Des militants peuvent se consacrer à cette tâche et chacun peut être
amené à filmer ou à prendre des photos durant une manifestation. Outre
l’exploitation à but de propagande des images, elles peuvent être utiles
en cas de violences policières.
À de nombreuses reprises, des fonctionnaires de police ont interdit
la prise d’image, y compris par la force. Des policiers ont confisqué
des appareils photos, parfois les ont détruits ou ont procédé à
l’effacement des images. Pourtant, le droit de filmer les policiers
durant une manifestation est clairement établi et il est totalement
interdit aux forces de l’ordre de s’y opposer.
Il est nécessaire de bien faire la distinction entre la prise d’images et la diffusion de l’image. Le « droit à l’image »1
concerne exclusivement la diffusion de l’image et en aucun cas la prise
d’image qui ne fait l’objet de quasiment aucune restriction.
Nous abordons ici le cas d’une personne qui filme une scène sans
participer activement à la manifestation et bien entendu ne commet pas
d’autres délits.
A. L’enregistrement de l’image
1. Droit à filmer ou photographier les forces de l’ordre
Les policiers n’ont aucun droit à s’opposer à ce qu’une personne les filme lors d’une manifestation2.
Ils ne peuvent en aucun s’opposer à l’enregistrement de leur image ou
d’un événement lorsqu’ils effectuent une mission. Il est interdit aux
forces de l’ordre d’interpeller quelqu’un au motif qu’il les filme, de
lui prendre son matériel tout comme il leur est interdit de détruire ou
de l’obliger à effacer les données.
Ces règles ont été énoncées et rappelées à plusieurs reprises.
Le 23 décembre 2008, une circulaire du ministère de l’Intérieur
relative à l’enregistrement et la diffusion éventuelle d’images et de
paroles de fonctionnaires de police dans l’exercice de leurs fonctions
précisait à destination de ses fonctionnaires « que les policiers ne
peuvent s’opposer à l’enregistrement de leur image lorsqu’ils exercent
une mission. Elle précise qu’il est exclu d’interpeller pour cette
raison la personne effectuant l’enregistrement, de lui retirer son
matériel ou de détruire l’enregistrement ou son support »3.
Le défenseur des droits a rappelé cette réalité à plusieurs reprises, dans plusieurs décisions comme dans son dernier rapport4. « Trois
décisions ont été rendues concernant des initiatives critiquables de
fonctionnaires de police ayant empêché des témoins d’enregistrer des
images à l’aide de caméscope au cours de leur intervention5
[…]. Le Défenseur des droits, après avoir constaté la confiscation
illégale de la caméra […] a demandé que les termes de la circulaire du
23 décembre 2008 du ministre de l’Intérieur sur la confiscation de
matériel d’enregistrement d’image soient rappelés aux fonctionnaires mis
en cause ».
Tout militant a donc un droit incontestable de filmer les policiers
durant les manifestations, y compris illégales, comme d’ailleurs à
l’occasion de quasiment toutes les autres missions des policiers sur la
voie publique : interpellation, contrôle d’identité, etc.
2. Les limites à la possibilité de filmer durant une manifestation
a. Un droit largement bafoué
Si le droit d’enregistrer des images lors de l’intervention des
forces de police a été à de multiples reprises réaffirmé, c’est qu’il
est constamment bafoué par certains fonctionnaires. Dans les cas les
plus graves, cela conduit à la confiscation de l’appareil, à
l’effacement des données, voire à l’interpellation et la garde à vue du
vidéaste malgré l’absence de délit.
Comme c’est le cas pour les contrôles d’identités illégaux, il est
très difficile sinon impossible de ne pas céder devant la force
publique, même lorsqu’elle est utilisée en violation des lois mêmes du
système. S’opposer à ce type d’acte, même illégal, c’est risquer de se
retrouver poursuivi par la suite pour d’autres motifs (injures, coups et
blessures sur agents, rébellion, etc.). Et face à un nationaliste, la
justice n’hésitera à appliquer sévèrement la loi, même si initialement
toute la faute en incombe à une faute commise par les policiers.
La tentative par un policier d’empêcher une personne de filmer peut
aussi être l’occasion aussi d’exposer l’injustice et l’abus de pouvoir.
Le militant devra adopter sur le terrain la meilleure attitude.
b. Les restrictions légales
Les autorités pourraient prendre, préalablement à une manifestation
ou dans la perspective d’événements, un arrêté visant à interdire la
prise d’image sous un prétexte quelconque. Mais en dehors de
circonstances exceptionnelles, cela paraît très peu probable. Suivant
l’ordre d’un magistrat, un officier de police judiciaire pourrait être
en droit de confisquer votre appareil ; ici encore ce cas semble peu
vraisemblable.
La police peut plus subtilement utiliser les textes de façon à
empêcher le travail d’information des journalistes ou des militants
souhaitant surveiller d’éventuels débordements policiers. La loi prévoit
la possibilité de mettre à l’écart toutes les personnes s’il existe un «
risque » pour les personnes présentes (que ce soit les policiers, les
manifestants, les spectateurs ou les journalistes). Des notions
suffisamment vagues pour permettre le jour venu d’écarter les témoins si
nécessaires.
Comme les autres actions visant à empêcher la liberté de filmer,
cette méthode a été utilisée par les agents du système contre les
personnes jugées indésirables et repoussées. Si, comme les autres, elle a
été dénoncée6, elle continuera sans doute elle aussi à être utilisée.
B. Le droit à l’image et la diffusion de l’information
Si le droit de filmer dans le cadre d’une manifestation ne souffre
aucune interdiction, la diffusion des images est plus délicate.
L’expression « droit à l’image » indique que toute personne possède sur
sa propre image un droit. C’est une notion complexe qui se heurte à
d’autres droits, comme la liberté d’information pour le cas d’une
manifestation.
1. Les restrictions formelles
Il faut noter que certains fonctionnaires bénéficient d’une
protection totale concernant leur image ; diffuser des vidéos de ces
personnes ou toute autre action qui permettrait de les identifier est
illégal. En dehors de cas très particuliers, un nationaliste à peu de
chance d’être confronté à ces personnes dans le cadre de la couverture
d’une manifestation.
Il s’agit essentiellement des unités d’intervention telles que le
RAID, le GIGN et le GIPN, des agents spécialisés dans la lutte
antiterroriste, la grande criminalité, le service de protection des
personnalités et, nous concernant plus particulièrement, ceux
travaillant au fichage politique : la DCRI.
La liste des unités concernées est fixée par arrêté7.
Ni les CRS, ni les gendarmes mobiles, ni les policiers nationaux, ni
les policiers municipaux auxquels les militants se trouvent
habituellement confrontés sur le terrain ne font l’objet d’une
protection. Notons cependant que le cas peut se produire : lors d’une
opération à la gare de Lyon Part-dieu, des militants des Jeunesses
nationalistes (JN) ont été arrêtés par des membres du GIPN.
Notons que la protection de l’anonymat n’a pas pour objet premier le
cadre des manifestations, puisque les fonctionnaires concernés, par
essence, n’y paraissent pas ; s’ils sont amenés à intervenir, leurs
visages sont dissimulés sous des casques et des cagoules par exemple.
C’est le fait de rendre public l’identité d’un fonctionnaire qui
pourrait être poursuivi, pas la prise de photo au cours d’une
manifestation ou d’un événement d’actualité.
2. La diffusion des images
Chaque personne, y compris les militants et les policiers, bénéficie
d’une protection concernant son image. La règle générale veut qu’on ne
peut pas publier l’image d’une personne sans son autorisation, en
considération du respect de sa vie privée. Cela ne concerne pas
uniquement la sphère privée : la justice a donné raison à des
plaignants, filmés dans l’espace public, parce que le cadrage faisait
d’eux les sujets ; dans un autre cas, il a été obtenu qu’une
photographie dans une manifestation de rue soit floutée.
Ces droits sont principalement fondés sur l’article 9 du code civil et l’article 226-1 du code pénal. Le premier stipule que « chacun a droit au respect de sa vie privée »8. Le second précise qu’est puni « d’un
an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un
procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la
vie privée d’autrui : 1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans
le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou
confidentiel ; 2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le
consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un
lieu privé »9.
D’autres lois, notamment la loi dite sur la liberté de la presse du
29 juillet 1881 précise encore le droit à l’image, tout comme la
jurisprudence. Concernant les événements publics, la justice a précisé
régulièrement que la liberté d’information justifiait la publication
d’images de personnes impliquées dans un fait d’actualité.
Il est normalement considéré comme licite de publier des photos de
manifestations, à condition qu’une personne ne soit pas immédiatement
reconnaissable et spécifiquement ciblée par une photo.
Sans l’accord écrit des individus filmés, un doute peut toujours
subsister susceptible de conduire à une plainte et un procès. En tout
état de cause, cela ne concerne donc pas les policiers dans l’exercice
de leur mission.
Les limitations se situent surtout dans la manière d’exploiter les
images. La représentation des personnes ne doit ni porter atteinte à
leur vie privée (réaliser un diaporama en identifiant les policiers avec
nom et adresse), ni porter atteinte à leur dignité ou leur honneur
(utiliser les photos en ajoutant des commentaires insultants).
De manière générale, hors du fait d’actualité, il faut être très
prudent sur la diffusion d’images de personnes dont le consentement
n’est pas clairement évident.
______________________________________
1 Il n’y a pas en tant que tel de « droit à l’image » ; il existe de fait à travers divers textes de loi et la jurisprudence.
2
Notons que cela est confirmé par l’Association Nationale des Cadres de
la Police Municipale, Chefs de Services et Directeurs qui, à la question
« Les forces de l’ordre peuvent-elles s’opposer à la captation de leur
image en service ? » répond : « Dans la quasi-totalité des cas, non. »
3 Le Défenseur des droits, Rapport annuel 2011, juin 2012.
4 Ibid.
5 « Sur la confiscation du matériel vidéo » « Il
y a lieu de rappeler l’état du droit en matière d’enregistrement et de
diffusion d’image de fonctionnaires de police par des tiers dans
l’exercice de leurs fonctions. La circulaire du 23 décembre 2008 du
ministre de l’Intérieur2 prévoit que les policiers ne peuvent s’opposer à
l’enregistrement de leur image lorsqu’ils effectuent une mission, en
dehors des cas prévus par l’article 226-1 du code pénal (droit au
respect de la vie privée). De plus, il est exclu d’interpeller pour
cette raison la personne effectuant l’enregistrement, de lui retirer son
matériel ou de détruire l’enregistrement ou son support. Le même texte
prévoit cependant qu’entre autres exceptions, pour des raisons de
sécurité, dans le cas du maintien d’individus à distance d’une action
présentant des risques pour les personnes se trouvant à proximité, la
possibilité de filmer puisse être limitée, ce qui n’est pas démontré en
l’espèce ».
6 Par le défenseur des droits notamment, entraînant des « rappels à la loi » pour les fonctionnaires fautifs.
7 En application de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, « le
fait de révéler, par quelque moyen d’expression que ce soit, l’identité
des fonctionnaires de la police nationale, de militaires ou de
personnels civils du ministère de la défense ou d’agents des douanes
appartenant à des services ou unités désignés par arrêté du ministre
intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le
respect de l’anonymat, est puni d’une amende de 15 000 euros ».
L’arrêté du 16 avril 2011 précise les fonctionnaires visés. Il s’agit
:Pour la Police nationale : de l’unité de coordination de la lutte
antiterroriste ; de la sous-direction antiterroriste, du service
interministériel d’assistance technique, de la brigade de recherche et
d’intervention criminelle nationale, de la brigade de recherches et
d’investigations financières nationale et des brigades de recherche et
d’intervention de la direction centrale de la police judiciaire ; de la
direction centrale du renseignement intérieur ; des groupes
d’intervention de la police nationale et de la section du traitement de
l’information de la sous-direction de l’information générale ; de la
direction centrale de la sécurité publique ; de la direction centrale de
la police aux frontières, l’office central pour la répression de
l’immigration irrégulière et de l’emploi des étrangers sans titre ; de
l’unité de recherche, d’assistance, d’intervention et de dissuasion
(RAID) ; des services de la direction du renseignement chargés de la
prévention de la violence, du terrorisme et des dérives sectaires, de la
section antiterroriste de la brigade criminelle de la direction
régionale de la police judiciaire et de la brigade anti-commando de la
préfecture de police ; du groupe de sécurité de la présidence de la
République du service de protection des hautes personnalités.
Pour la gendarmerie nationale :le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale ; les groupes de pelotons d’intervention ; les pelotons d’intervention interrégionaux de la gendarmerie ; les groupes d’observation et de surveillance ; le bureau de la lutte antiterroriste de la sous direction de la police judiciaire de la direction générale de la gendarmerie nationale ; le groupe appui opérationnel de l’office central de lutte contre la délinquance itinérante.
Pour la gendarmerie nationale :le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale ; les groupes de pelotons d’intervention ; les pelotons d’intervention interrégionaux de la gendarmerie ; les groupes d’observation et de surveillance ; le bureau de la lutte antiterroriste de la sous direction de la police judiciaire de la direction générale de la gendarmerie nationale ; le groupe appui opérationnel de l’office central de lutte contre la délinquance itinérante.
8 « Les
juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi,
prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres,
propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie
privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en
référé. »
9 Mais « lorsque
les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au
su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient
en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé. »