Avocat et
écrivain, Maître Jacques Trémolet de Villers était familier des minutes
du procès de Jeanne d’Arc lorsqu’il les a redécouvertes en professionnel
du barreau. Il fait partager cette relecture du procès de Rouen dans un
ouvrage passionnant qui réunit « le plus émouvant et le plus pur
chef-d’œuvre de la langue française ». Son livre, Jeanne d’Arc, le procès de Rouen vient de sortir en poche chez Tempus (Perrin). Un livre à lire ou à relire en cette période électorale.
Est-ce l’avocat, le chrétien ou le patriote qui est à l’origine de ce livre ?
C’est l’avocat ! Parce
j’avais toujours à proximité les minutes du procès de Jeanne d’Arc et
que je me suis décidé un jour à les relire avec un œil professionnel. Je
l’ai fait, plume à la main, procès-verbal après procès-verbal. Je me
suis constamment interrogé : qu’est-ce que Jeanne dit, pourquoi le
dit-elle ainsi, pour quelles raisons ses juges posent-ils leurs
questions, qu’est-ce qu’ils cherchent ?
J’ai essayé également
de déceler à travers les lignes le système de défense qu’elle avait mis
au point et, même, au préalable, si elle en avait un. Au final, j’ai été
obligé de conclure que non seulement Jeanne était géniale, mais aussi
que je découvrais des éléments que je n’avais jamais perçus. Vous vous
rendez compte ! Pendant cinquante ans, j’ai lu ce livre. Ma première
conférence politique, prononcée à 19 ans, l’a été sur Jeanne, à partir
du procès, justement. Et, pourtant, la richesse de ce texte est telle
que j’en découvre encore des aspects aujourd’hui. C’est pour cela que
j’ai pu dire que j’ai connu Jeanne quand elle avait 19 ans et moi aussi.
C’est une vieille histoire. Sauf qu’elle a toujours 19 ans !
Je vais vous faire une
confidence : mon éditrice m’a demandé de relire mon texte en me
demandant si je n’étais pas un petit peu amoureux de mon héroïne. Je lui
ai confié : pas un peu, beaucoup ! Pour répondre totalement à votre
question, il faut avouer qu’il est quand même difficile de dissocier
l’avocat du chrétien et du Français, même si le sens de ma démarche
s’inscrit bien dans le cadre de l’avocat.
Comment Jeanne était-elle comme accusée ?
Elle m’apparaît
extrêmement forte, habile, courageuse. Comme elle l’a été dans sa vie
militaire, c’est-à-dire toujours dans l’offensive, ne perdant pas la
main et ayant une vision simple des choses. Sa stratégie, que j’ai
comprise à la deuxième ou troisième lecture, c’est de dire : mes juges
ne sont pas des juges, ce sont des ennemis. Ils veulent mon secret, ils
ne l’auront pas. Je leur en dirai le moins possible – sauf quand ses
voix lui disent : « Parle hardiment ! ». À ce moment-là, elle
leur lâche des choses. Sinon, elle estime visiblement qu’il lui faut
gagner du temps. C’est son idée maîtresse. Parce qu’elle n’a pas achevé
sa mission et qu’elle veut la terminer. Elle pense qu’il y aura un coup
de main de ses amis et qu’elle sera libérée. Et ses voix lui confirment
d’ailleurs qu’elle le sera « par grande victoire » et elle l’interprète comme étant une grande victoire temporelle.
Du point de vue de la
défense, elle recourt à une stratégie de très grand avocat. C’est la
stratégie de Tixier-Vignancour lors du procès du général Salan. Tixier
aussi a joué la durée. Si le procès ne devait se dérouler que pendant
une semaine, il était sûr que Salan serait fusillé. S’il durait deux
mois, Salan était sauvé. Donc il fallait que le procès se prolonge
pendant deux mois. Avec Jeanne, nous sommes un peu dans la même idée.