.

.

samedi 3 juin 2017

Les deux fautes d’Emmanuel Macron




Emmanuel Macron a commis deux erreurs. Elles constituent de véritables fautes politiques. Leur proximité indique les limites de sa présidence. Elles peuvent encore être corrigées, mais le Président en a-t-il le désir et la volonté ? Ce que ces fautes nous révèlent, c’est peut-être la vérité de ce que sera la Présidence Macron.

Une odeur d’affairisme

La première est indiscutablement le mode de gestion de ce que l’on peut appeler « l’affaire » Richard Ferrand. Vient alors s’y joindre l’affaire autour de Murielle de Sarnez, mais aussi l’affaire François Bayrou. Ces trois personnes sont actuellement des ministres du gouvernement Edouard Philippe. Ils ont été des piliers de la candidature d’Emmanuel Macron : Richard Ferrand étant le secrétaire générale de La République en Marche, le parti du Président, et François Bayrou ayant été l’un des principaux alliés d’Emmanuel Macron.
On dira qu’il n’y a rien eu d’illégal. Cela reste à prouver, mais ne constitue pas le cœur de l’affaire. Cette dernière est morale avant d’être légale. L’odeur d’affairisme qui se répand désormais autour du gouvernement, un gouvernement que le Président voulait exemplaire, est dévastatrice pour sa légitimité. Quand ce gouvernement va, par ordonnances, gravement attaquer les droits des salariés, quand ce gouvernement va accroître les impôts (par la CSG) et baisser les cotisations chômages, cette odeur d’affairisme deviendra parfaitement insupportable.
On dira que le Président n’a pas à demander à des ministres qui ne sont pas encore mis en cause par la justice de démissionner. On devrait même dire qu’une mise en examen, en bonne logique, ne devrait pas entraîner de démission, car tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que la justice le déclare coupable. Mais, c’est encore une fois se retrancher derrière le légal quand c’est le moral qui est en cause. Et c’est là tout le problème. Emmanuel Macron a fait de la question du comportement de ses (futurs) ministres une question morale, une question de légitimité. Il ne peut aujourd’hui revenir en arrière et prétendre se cacher derrière des arguments de légalité. Ou, alors, cela signifie que ses principes sont à géométrie variable, intangibles pour ses ennemis, ajustables pour ses amis.
Car, la vérité d’un homme se révèle dans la manière dont il traite ses amis, et non ses ennemis. La démonstration qu’Emmanuel Macron est en train de faire est qu’il est un politicien comme les autres, un adepte du double discours. Cette démonstration sera un acide qui rongera sa Présidence jusqu’à la racine. Il peut encore faire la démonstration inverse, et se décider à se séparer des ministres sur lesquels plane le doute ; la femme de César n’a pas à être suspectée, et les ministres de la République doivent être inattaquables. Mais, s’il ne prend pas cette décision très vite, alors le mal sera fait.

Une odeur d’autoritarisme

La seconde erreur réside dans sa réaction vis-à-vis de la presse. Emmanuel Macron a ainsi déclaré que les journalistes n’ont pas à s’ériger en juges. C’est exact ; mais on aurait aimé qu’il le dise non pas quand ses ministres sont attaqués, mais quand la presse a commencé à se déchaîner contre tel ou tel de ses adversaires.
Cette déclaration, juste sur le fond, révèle alors le mépris dans lequel Emmanuel Macron tient ceux qui s’opposent à lui. Il montre que, là encore, le Président applique un double langage. Venant après une campagne présidentielle qui fut extraordinairement violente, venant après des comportements de journalistes qui ont été scandaleux, et qui le sont encore comme on peut le voir dans le traitement des principaux adversaires de LREM, cette déclaration relève en réalité du plaidoyer pro domo. Elle n’a donc aucune légitimité, et de ce fait, aucune crédibilité.
Mais, cette déclaration est aussi grave car elle révèle la volonté d’instrumentaliser la presse au profit de sa Présidence. Le nombre de sociétés de journalistes, pas une, pas deux, mais en réalité quinze, qui ont protesté devant les tentatives d’instrumentalisation est révélateur[1]. Emmanuel Macron voudrait que les journalistes lui appliquent certaines règles, toutes de déférences, et se déchainent sur ses adversaires. C’est revenir aux pratiques du Second Empire, ou de Charles X. Cela ne peut que rendre ridicule et odieux l’attaque publique qu’il a faite lundi 29 mai contre deux médias russes. Que le contenu de ces médias ne lui plaise pas, c’est son droit. S’il se considère avoir été calomnié, qu’il les attaque devant la justice. S’il y a eu diffamation, c’est à un tribunal de trancher. Cela s’appelle l’état de droit. Mais, ce qui se dévoile dans les pratiques de la nouvelle Présidence et dans sa récente déclaration montre que c’est à une véritable mise au pas de la Presse qu’Emmanuel Macron entend aboutir. Et pourtant, cette même presse, des chaines de télévisions aux hebdomadaires dits politiques qui ont multiplié à loisir les unes consacrées à Emmanuel Macron durant ces derniers mois, avait donné de nombreux gages de sa docilité. Mais, le Président veut plus ; il veut tout.
La faute est grave ; elle est lourde. Emmanuel Macron n’a que quelques jours pour chercher à réparer les dommages causés. On peut douter qu’il en est conscience. Au-delà, on peut douter qu’il le veuille.

Cela commence donc à faire beaucoup. Entre l’odeur – il n’est plus temps de parler de parfum – d’affairisme qui vient de ses alliés, et l’autoritarisme que révèle son rapport à la presse, mais aussi à la politique, et l’on en revient ici au projet de légiférer par ordonnances, la Présidence Macron pourrait faire reculer dramatiquement la démocratie en France. Mais la France intéresse-t-elle encore Emmanuel Macron ? Perdu dans ses rêves européens, se croit-il tout puissant ?

Nous sommes désormais à moins de deux semaines du premier tour des élections législatives. Les Français peuvent encore freiner ce gouvernement sur la pente dangereuse dans laquelle il s’est engagé en refusant de lui donner une majorité, et en votant contre ceux des candidats qui d’ores et déjà annoncent leur volonté de composer avec le Président.

[1] Voir LIEN