Jean-Gilles Malliarakis L'Insolent cliquez ici
Un
certain discours moraliste a joué un rôle décisif dans cette campagne
présidentielle 2016-2017. Observons aussi que le ralliement en février
du petit Modem résiduel et son apport de 5 % de voix centristes s'est
révélé indispensable à la présence du candidat Macron au second tour, et
donc à sa victoire. L'affaire était supposée conditionnée par un projet
de loi de moralisation prétendue de la vie politique. Enfin révélé ce
1er juin, l'expression bien connue, qui nous vient du bon La Fontaine,
de la montagne accouchant d'une souris (1) reste faible pour décrire la
dérision dans laquelle ce nouveau texte, tant attendu, nous plonge.
Pour
parler de moralisation on devrait d'abord s'entendre sur ce que nous
appelons la morale. Jusqu'à une date récente et depuis 3 000 ans
environ, l'occident judéo-chrétien a fondé en gros sa morale sur la loi
de Moïse. Outre l'observation de règles proprement religieuses comme la
prohibition de certaines impuretés, la sanctification du jour du
Seigneur, ou le respect de son Nom, s'imposent encore à nous les
commandements pratiques: ne pas mentir, ne pas désirer le bien d'autrui,
a fortiori ne pas voler, ne pas commettre l'adultère, ne pas tuer, etc.
En France, certains particularistes aiment à souligner qu'à de tels
interdits, simples à énoncer, pas toujours à observer, nos ancêtres les
Gaulois ajoutaient des impératifs positifs, comme la bravoure.
Rien
de tout cela ne se profile bien évidemment à l'horizon du projet
dévoilé par le garde des Sceaux. Aux dernières nouvelles, le
catholicisme de l'intéressé apparaît d'ailleurs bien affadi. Promoteur
de cette loi le ministre de la justice semblait pourtant jusqu'ici le
dernier des démocrates chrétiens, héritier du MRP de la IVe république.
Cette "Machine à Ramasser les Pétainistes" pouvait déjà se définir en son temps comme un parti de droite siégeant au centre avec des idées de gauche.
L'humour froid de Nicolas Beytout l'amène à parler, dans son éditorial de l'Opinion, d'une "magnifique ambition"
qu’aurait exprimée François Bayrou en mettant sa batterie de lois sous
le sceau de la confiance. Au-delà de la moralisation de la vie
démocratique, lutter contre le doute croissant des Français à l’égard de
la chose publique est effectivement plus impératif encore.
"L’avenir dira, souligne en effet l'éditorialiste libéral, si
le catalogue de procédures coercitives, mécanismes de certification,
parcours de probation, obligations déclaratives, prévention des conflits
d’intérêts et autres réformes du financement des partis politiques,
aura l’effet escompté. Constatons cependant, observe-t-il, que
ces lois, venant après une quinzaine de textes législatifs, n’auraient
pas empêché Richard Ferrand de faire des affaires immobilières avec sa
compagne, ni un (ou une) député(e) européen (ne) de prêter son assistant
parlementaire à son parti politique, ni aucun parlementaire doté d’une
structure de conseil ad hoc d’en tirer des revenus substantiels, au
risque parfois du conflit d’intérêts. Preuve que les meilleures
intentions du monde ne suffiront pas à rétablir la confiance.
À l'autre bout de l'échiquier idéologique, Médiapart remarque que la présentation par le ministre de la justice, François Bayrou, de son projet phare "pour redonner confiance dans la vie démocratique du pays" a été "quelque peu parasitée par l'affaire Ferrand. Des mesures importantes sont avancées, d'autres manquent."
Commenter
l'actualité ne devrait jamais se résumer à un simple exercice de
démarquage critique des médias. L'une des fonctions, peut-être même le
rôle essentiel des gros moyens de la désinformation consiste à nous
faire croire à l'importance des choses et des événements qu'un minimum
de réflexion ou de culture devrait nous conduire à minimiser, à
relativiser, parfois même à ridiculiser.
De
la sorte, c'est bien la notion même d'actualité qu'il s'agit aussi de
remettre en cause. La moralisation de la vie publique en France, en
l'absence aujourd'hui d'une référence morale authentique relève donc de
la plus trompeuse des fumisteries.