Allocution de M. Jacques Sapir, Directeur d’Etudes à
l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, membre correspondant à
titre étranger de l’Académie des Sciences de Russie, lors de la remise à
M. Simon-Pierre Savard-Tremblay de la distinction de « Patriote de
l’Année » par la Société nationale des Québécois de la Capitale-Nationale.
Simon-Pierre Savard-Tremblay vient d’être élu « patriote de l’année » par la Société nationale des Québécois de la Capitale-Nationale. Cette distinction vient récompenser son engagement, tant civique qu’universitaire, un engagement qu’il conduit avec une belle énergie. Elle est plus que méritée.
Être patriote, de Québec à Paris
En voulant commémorer le souvenir des patriotes de 1839, l’association fait œuvre de salut public. Elle maintient en vie une part importante de la mémoire du peuple québécois. Elle permet aussi de se souvenir de ce mot « patriote », un mot dont on a usé et abusé, mais qui conserve, en France comme au Québec, toute sa force originelle. Ce mot n’est pas à utiliser à n’importe quelle sauce. C’est un mot qu’il convient d’utiliser à bon escient, et non sans une certaine parcimonie. Car, ce mot a une charge dramatique importante. Des femmes et des hommes sont morts pour lui, en son nom, et ont mérité que leurs contemporains leurs reconnaissent le mérite et l’honneur de cette appellation. En des temps où l’on est porter à oublier ce que patrie veut dire, que ce terme ne signifie pas seulement le terre de nos pères mais aussi, et peut-être surtout la terre sur laquelle on veut pouvoir vivre, cette appellation de patriote prend tout son sens.
Être patriote, ce n’est pas vivre dans un passé dont on ressasserait la grandeur comme la douleur en un regret permanent. Être patriote, c’est vouloir construire le futur, en s’appuyant sur le passé pour transformer le présent. Être patriote, c’est appartenir à un peuple, à une communauté politique, que l’on entend défendre et faire prospérer. Ce n’est nullement s’opposer par principe aux autres peuples, aux autres nations. Être patriote, c’est aussi avoir un amour exigeant pour sa patrie, un amour qui ne se confond pas avec l’acceptation passive de tout ce qui est fait justement au nom de sa patrie. « Qu’elle ait tort ou qu’elle ait raison, c’est ma Nation » ; voilà ce que pense et dit le nationaliste. Mais, l’amour exigeant du patriote ne s’accommode pas de ces arrangements. L’amour du patriote n’accepte pas de voir son pays défiguré quand des pouvoirs de faits, des pouvoirs d’occasions, le dénaturent en commettant en son nom des actes indignes.
L’idée qu’il se fait de sa patrie peut le conduire à l’exil. Shakespeare fait dire à Coriolan « Rome n’est plus dans Rome », et pour un Français, cela à un sens profond. La France ne fut plus à Vichy ou à Paris, de 1940 à 1944. La Patrie, elle était à Londres, à Brazzaville, dans les sables de Bir-Hakeim, avec ceux que Romain Gary appelait les « clochards célestes » de la France Libre, elle était dans les maquis, sur les carreaux des mines du Pas de Calais lors de la grande grève de 1941, elle était dans les prisons où elle fut atrocement torturée, elle était dans les camps, à Buchenwald et à Ravensbrück. La Patrie, elle était là où, autour du Général de Gaulle, battait le cœur de la France.
La Patrie accepte tous ceux qui l’aiment et qui la défendent. On pense ainsi au Prince Dombrowski, Prince polonais à l’origine, venant rejoindre la Commune de Paris et mourant au cri de vive la France. On pense aussi à ce Prince géorgien, Dimitri Amilakvari, qui se battit avec la Légion Etrangère à Bir-Hakeim, aux étrangers de la MOI et du groupe Manouchian, aux Espagnols de la « Nueve » entrant, premiers soldats français à le faire, dans Paris en train de se libérer. Être patriote, c’est se réclamer de tout cela, c’est assumer tout cela. Et c’est pourquoi s’affirmer patriote c’est aussi faire preuve d’intransigeance. C’est cela qu’assume aujourd’hui Simon-Pierre Savard-Tremblay, et c’est de cela qu’il peut être fier.
Le patriotisme n’est pas contradictoire à une forme d’internationalisme. Rappelons ici la formule de Jean Jaurès : « un peu d’internationalisme éloigne de la Patrie, beaucoup en rapproche ».
Simon-Pierre Savard-Tremblay, un citoyen engagé
Simon-Pierre mène donc de front une activité civique en parallèle avec ses activités universitaires. Que ce soit dans les tribunes du Journal de Montréal ou dans celles de l’Exploité Agricole, il défend une vision ouverte mais intransigeante de la souveraineté du Québec. Il m’arrive depuis Paris, de suivre ses chroniques québécoises. Elles m’ont permis de me faire une opinion de la situation actuelle au Québec. Mais, c’est surtout pour parler sur ses activités universitaires que je suis compétent.
Son projet de recherche sur ce qu’il appelle l’industrie de la concurrence cherche à montrer comment les institutions qui gèrent la mondialisation organise, autour du concept de compétitivité, une forme antisociale de guerre de tous contre tous. On sera peut-être surpris de voir citer Hobbes sur un sujet qui apparaît largement connoté en économie. Et pourtant, c’est bien à l’un des pères de la philosophie politique qu’il faut avoir recours si l’on veut comprendre la logique profonde qui se met en place avec la mondialisation.
Hobbes est l’un des fondateurs de la philosophie politique moderne. Il pense le politique, et surtout il pense ce qui, à travers le politique, permet d’unir une communauté humaine, de la constituer en peuple. Ce n’est pas encore la démocratie moderne, mais il y a le souci d’une autonomie du politique, un concept déjà construit. Il est d’ailleurs intéressant de constater que Hobbes construit cette autonomie du politique contre le Pape, qui est regardé comme le pire ennemi de l’unité et de la concorde politique car à la tête d’une entité qui ne reconnaît pas les patries. Le premier anticléricalisme fut constitué par un anti-romanisme chrétien. Quant à la démocratie, n’oublions pas que l’idée de representatio est un concept ecclésiologique. Hobbes est l’un des inventeurs de l’état de nature, et cet état de nature on le retrouve sous une forme très particulière dans le discours économique qu’analyse et critique Simon-Pierre Savard-Tremblay.
On le sait, l’état de nature a joué un rôle essentiel au 17ème et au 18ème siècle, à la fois comme métaphore, mais aussi comme fondement de diverses théories. Au 19ème siècle, il a migré chez les économistes qui ont construit, autour de la robinsonnade, sous l’influence de Böhm-Bawerk, une fiction, celle de l’individu mû par ses seules préférences individuelles, un individu hors société et décontextualisé. C’est ce modèle, que l’on peut rattacher à une interprétation de l’état de nature, qui sert de base aux théories économiques et sociales du néo-libéralisme. C’est donc ce modèle auquel nous sommes aujourd’hui confronté dans ce que Simon-Pierre Savard-Tremblay l’industrie de la concurrence. Ce modèle est faux, et nous en avons eu la démonstration avec les travaux d’Amos Tversky et de Daniel Kahneman. Mais il est aussi extrêmement dangereux. L’une des conséquence de ce modèle est de nier toute pertinence aux institutions, et par conséquence à l’espace politique où ces dernières se construisent : la Nation. Il faut ici relire Guizot qui écrit que nées des conflits entre classes sociales, les institutions construisent des espaces de souveraineté qui permettent à ces mêmes classes sociales de trouver de nouveaux compromis, d’inventer de nouvelles institutions. On retrouve alors aisément le chemin de la Patrie, à travers justement ce lien qui unit la souveraineté aux nécessaires institutions. On le constate : Simon-Pierre Savard-Tremblay ne s’écarte pas du combat politique qu’il mène au quotidien quand il approfondit sa recherche théorique sur l’industrie de la concurrence.
Une réflexion profonde sur la nature du néo-libéralisme
Revenons alors à Hobbes. Il est, on l’a dit, l’un des inventeurs de la notion d’état de nature. Mais, cet état de nature, il le conçoit avec un statut d’observation empirique. L’idée de la guerre de tous contre tous provient de ce que le philosophe a observée pendant la guerre de religion en Angleterre. Il fait donc l’analyse de cet état de nature de l’intérieur même d’une société déjà existante. Car l’état de nature n’est pas cet éden présenté par les uns, ni ce lieu d’une exotique robinsonnade. Il est une menace constante qui pèse sur les sociétés, celle de la violence anomique. On doit donc constater que, hors un espace construit par des institutions, il y a toujours une régression possible vers l’état de nature. Cette observation empirique que Hobbes fait, elle demeure très féconde pour nos sociétés occidentales contemporaines qui redécouvrent la violence. Il ne faut donc pas considérer l’état de nature sous un angle chronologique, mais comme une donnée toujours souterraine à une société déjà constituée. Autrement dit, toute société peut régresser vers la violence.
Et c’est bien de cela que nous parle Simon-Pierre Savard-Tremblay, quand il décortique les conséquences de la mise en place de cette industrie de la concurrence, de ce mythe de la compétitivité, qui dresse les uns contre les autres. Car, tel est l’enjeu de ses recherches. Quand il propose ce qu’il appelle une sociologie du classement, il entend montrer comment la construction d’un certain discours, celui non plus politique mais directement technique porté par les élites engagées dans le néo-libéralisme, reconstruit la réalité en un monde dans lequel seuls des individus sans passé ni futur ont leur place. Il entend montrer les conséquences extrêmement néfaste et dangereuse pour la paix sociale de cette idéologie.
Le travail de Simon-Pierre Savard-Tremblay est donc important ; il est aussi nécessaire. Avec mes collègues nous attendons avec impatiences qu’il nous livre toutes les conclusions de ses recherches. Je suis, à titre personnel, que ce travail jouera un rôle important dans l’armement intellectuel, politique et moral de nouvelles générations qui entrerons, si elles ne sont déjà entrées dans le combat pour la souveraineté et contre le néo-libéralisme. Simon-Pierre Savard-Tremblay ne fait pas qu’œuvre utile ; il fait aussi œuvre de salut public en approfondissant les bases théoriques de la constitution du bien commun.
Ce faisant, il agit à la fois en tant que scientifique mais aussi en tant que citoyen, un citoyen directement concerné par l’avenir menaçant que nous propose l’idéologie néo-libérale. Mais, ce citoyen concerné, ce citoyen engagé, ce citoyen conscient que les institutions nécessaires au bon fonctionnement des sociétés humaines ne naissent pas hors-sol, que ces institutions s’enracinent dans des espaces de souveraineté, et que ces espaces finissent toujours pas ce fondre dans la réalisation du principe de souveraineté que constitue la Nation, ce citoyen donc s’appelle aussi un patriote.
Il n’est donc que justice que Simon-Pierre Savard-Tremblay ait été remarqué et distingué par la Société nationale des Québécois de la Capitale-Nationale pour recevoir ce titre de patriote de l’année.
Source
Simon-Pierre Savard-Tremblay vient d’être élu « patriote de l’année » par la Société nationale des Québécois de la Capitale-Nationale. Cette distinction vient récompenser son engagement, tant civique qu’universitaire, un engagement qu’il conduit avec une belle énergie. Elle est plus que méritée.
Être patriote, de Québec à Paris
En voulant commémorer le souvenir des patriotes de 1839, l’association fait œuvre de salut public. Elle maintient en vie une part importante de la mémoire du peuple québécois. Elle permet aussi de se souvenir de ce mot « patriote », un mot dont on a usé et abusé, mais qui conserve, en France comme au Québec, toute sa force originelle. Ce mot n’est pas à utiliser à n’importe quelle sauce. C’est un mot qu’il convient d’utiliser à bon escient, et non sans une certaine parcimonie. Car, ce mot a une charge dramatique importante. Des femmes et des hommes sont morts pour lui, en son nom, et ont mérité que leurs contemporains leurs reconnaissent le mérite et l’honneur de cette appellation. En des temps où l’on est porter à oublier ce que patrie veut dire, que ce terme ne signifie pas seulement le terre de nos pères mais aussi, et peut-être surtout la terre sur laquelle on veut pouvoir vivre, cette appellation de patriote prend tout son sens.
Être patriote, ce n’est pas vivre dans un passé dont on ressasserait la grandeur comme la douleur en un regret permanent. Être patriote, c’est vouloir construire le futur, en s’appuyant sur le passé pour transformer le présent. Être patriote, c’est appartenir à un peuple, à une communauté politique, que l’on entend défendre et faire prospérer. Ce n’est nullement s’opposer par principe aux autres peuples, aux autres nations. Être patriote, c’est aussi avoir un amour exigeant pour sa patrie, un amour qui ne se confond pas avec l’acceptation passive de tout ce qui est fait justement au nom de sa patrie. « Qu’elle ait tort ou qu’elle ait raison, c’est ma Nation » ; voilà ce que pense et dit le nationaliste. Mais, l’amour exigeant du patriote ne s’accommode pas de ces arrangements. L’amour du patriote n’accepte pas de voir son pays défiguré quand des pouvoirs de faits, des pouvoirs d’occasions, le dénaturent en commettant en son nom des actes indignes.
L’idée qu’il se fait de sa patrie peut le conduire à l’exil. Shakespeare fait dire à Coriolan « Rome n’est plus dans Rome », et pour un Français, cela à un sens profond. La France ne fut plus à Vichy ou à Paris, de 1940 à 1944. La Patrie, elle était à Londres, à Brazzaville, dans les sables de Bir-Hakeim, avec ceux que Romain Gary appelait les « clochards célestes » de la France Libre, elle était dans les maquis, sur les carreaux des mines du Pas de Calais lors de la grande grève de 1941, elle était dans les prisons où elle fut atrocement torturée, elle était dans les camps, à Buchenwald et à Ravensbrück. La Patrie, elle était là où, autour du Général de Gaulle, battait le cœur de la France.
La Patrie accepte tous ceux qui l’aiment et qui la défendent. On pense ainsi au Prince Dombrowski, Prince polonais à l’origine, venant rejoindre la Commune de Paris et mourant au cri de vive la France. On pense aussi à ce Prince géorgien, Dimitri Amilakvari, qui se battit avec la Légion Etrangère à Bir-Hakeim, aux étrangers de la MOI et du groupe Manouchian, aux Espagnols de la « Nueve » entrant, premiers soldats français à le faire, dans Paris en train de se libérer. Être patriote, c’est se réclamer de tout cela, c’est assumer tout cela. Et c’est pourquoi s’affirmer patriote c’est aussi faire preuve d’intransigeance. C’est cela qu’assume aujourd’hui Simon-Pierre Savard-Tremblay, et c’est de cela qu’il peut être fier.
Le patriotisme n’est pas contradictoire à une forme d’internationalisme. Rappelons ici la formule de Jean Jaurès : « un peu d’internationalisme éloigne de la Patrie, beaucoup en rapproche ».
Simon-Pierre Savard-Tremblay, un citoyen engagé
Simon-Pierre mène donc de front une activité civique en parallèle avec ses activités universitaires. Que ce soit dans les tribunes du Journal de Montréal ou dans celles de l’Exploité Agricole, il défend une vision ouverte mais intransigeante de la souveraineté du Québec. Il m’arrive depuis Paris, de suivre ses chroniques québécoises. Elles m’ont permis de me faire une opinion de la situation actuelle au Québec. Mais, c’est surtout pour parler sur ses activités universitaires que je suis compétent.
Son projet de recherche sur ce qu’il appelle l’industrie de la concurrence cherche à montrer comment les institutions qui gèrent la mondialisation organise, autour du concept de compétitivité, une forme antisociale de guerre de tous contre tous. On sera peut-être surpris de voir citer Hobbes sur un sujet qui apparaît largement connoté en économie. Et pourtant, c’est bien à l’un des pères de la philosophie politique qu’il faut avoir recours si l’on veut comprendre la logique profonde qui se met en place avec la mondialisation.
Hobbes est l’un des fondateurs de la philosophie politique moderne. Il pense le politique, et surtout il pense ce qui, à travers le politique, permet d’unir une communauté humaine, de la constituer en peuple. Ce n’est pas encore la démocratie moderne, mais il y a le souci d’une autonomie du politique, un concept déjà construit. Il est d’ailleurs intéressant de constater que Hobbes construit cette autonomie du politique contre le Pape, qui est regardé comme le pire ennemi de l’unité et de la concorde politique car à la tête d’une entité qui ne reconnaît pas les patries. Le premier anticléricalisme fut constitué par un anti-romanisme chrétien. Quant à la démocratie, n’oublions pas que l’idée de representatio est un concept ecclésiologique. Hobbes est l’un des inventeurs de l’état de nature, et cet état de nature on le retrouve sous une forme très particulière dans le discours économique qu’analyse et critique Simon-Pierre Savard-Tremblay.
On le sait, l’état de nature a joué un rôle essentiel au 17ème et au 18ème siècle, à la fois comme métaphore, mais aussi comme fondement de diverses théories. Au 19ème siècle, il a migré chez les économistes qui ont construit, autour de la robinsonnade, sous l’influence de Böhm-Bawerk, une fiction, celle de l’individu mû par ses seules préférences individuelles, un individu hors société et décontextualisé. C’est ce modèle, que l’on peut rattacher à une interprétation de l’état de nature, qui sert de base aux théories économiques et sociales du néo-libéralisme. C’est donc ce modèle auquel nous sommes aujourd’hui confronté dans ce que Simon-Pierre Savard-Tremblay l’industrie de la concurrence. Ce modèle est faux, et nous en avons eu la démonstration avec les travaux d’Amos Tversky et de Daniel Kahneman. Mais il est aussi extrêmement dangereux. L’une des conséquence de ce modèle est de nier toute pertinence aux institutions, et par conséquence à l’espace politique où ces dernières se construisent : la Nation. Il faut ici relire Guizot qui écrit que nées des conflits entre classes sociales, les institutions construisent des espaces de souveraineté qui permettent à ces mêmes classes sociales de trouver de nouveaux compromis, d’inventer de nouvelles institutions. On retrouve alors aisément le chemin de la Patrie, à travers justement ce lien qui unit la souveraineté aux nécessaires institutions. On le constate : Simon-Pierre Savard-Tremblay ne s’écarte pas du combat politique qu’il mène au quotidien quand il approfondit sa recherche théorique sur l’industrie de la concurrence.
Une réflexion profonde sur la nature du néo-libéralisme
Revenons alors à Hobbes. Il est, on l’a dit, l’un des inventeurs de la notion d’état de nature. Mais, cet état de nature, il le conçoit avec un statut d’observation empirique. L’idée de la guerre de tous contre tous provient de ce que le philosophe a observée pendant la guerre de religion en Angleterre. Il fait donc l’analyse de cet état de nature de l’intérieur même d’une société déjà existante. Car l’état de nature n’est pas cet éden présenté par les uns, ni ce lieu d’une exotique robinsonnade. Il est une menace constante qui pèse sur les sociétés, celle de la violence anomique. On doit donc constater que, hors un espace construit par des institutions, il y a toujours une régression possible vers l’état de nature. Cette observation empirique que Hobbes fait, elle demeure très féconde pour nos sociétés occidentales contemporaines qui redécouvrent la violence. Il ne faut donc pas considérer l’état de nature sous un angle chronologique, mais comme une donnée toujours souterraine à une société déjà constituée. Autrement dit, toute société peut régresser vers la violence.
Et c’est bien de cela que nous parle Simon-Pierre Savard-Tremblay, quand il décortique les conséquences de la mise en place de cette industrie de la concurrence, de ce mythe de la compétitivité, qui dresse les uns contre les autres. Car, tel est l’enjeu de ses recherches. Quand il propose ce qu’il appelle une sociologie du classement, il entend montrer comment la construction d’un certain discours, celui non plus politique mais directement technique porté par les élites engagées dans le néo-libéralisme, reconstruit la réalité en un monde dans lequel seuls des individus sans passé ni futur ont leur place. Il entend montrer les conséquences extrêmement néfaste et dangereuse pour la paix sociale de cette idéologie.
Le travail de Simon-Pierre Savard-Tremblay est donc important ; il est aussi nécessaire. Avec mes collègues nous attendons avec impatiences qu’il nous livre toutes les conclusions de ses recherches. Je suis, à titre personnel, que ce travail jouera un rôle important dans l’armement intellectuel, politique et moral de nouvelles générations qui entrerons, si elles ne sont déjà entrées dans le combat pour la souveraineté et contre le néo-libéralisme. Simon-Pierre Savard-Tremblay ne fait pas qu’œuvre utile ; il fait aussi œuvre de salut public en approfondissant les bases théoriques de la constitution du bien commun.
Ce faisant, il agit à la fois en tant que scientifique mais aussi en tant que citoyen, un citoyen directement concerné par l’avenir menaçant que nous propose l’idéologie néo-libérale. Mais, ce citoyen concerné, ce citoyen engagé, ce citoyen conscient que les institutions nécessaires au bon fonctionnement des sociétés humaines ne naissent pas hors-sol, que ces institutions s’enracinent dans des espaces de souveraineté, et que ces espaces finissent toujours pas ce fondre dans la réalisation du principe de souveraineté que constitue la Nation, ce citoyen donc s’appelle aussi un patriote.
Il n’est donc que justice que Simon-Pierre Savard-Tremblay ait été remarqué et distingué par la Société nationale des Québécois de la Capitale-Nationale pour recevoir ce titre de patriote de l’année.
Source