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dimanche 4 juin 2017

Six heures d’étude de textes bibliques en six mois : l’enseignant est muté d’office

Tout commence le 29 janvier dernier. Ce jour-là, Pierre-François Gachet, l’inspecteur d’académie de Châteauroux, dans l’Indre, reçoit une lettre anonyme. Le genre de courrier que, par principe, on jette immédiatement dans la corbeille à papier. Celui-ci, pourtant, retient son attention : émanant d’un nébuleux « collectif de parents d’élèves », il accuse un instituteur de Malicornay d’étudier trop de textes bibliques dans la classe de CM1-CM2 dont il a la charge. Or, certifie M. Gachet, l’Éducation nationale « [prend] très au sérieux la question du devoir de neutralité et de respect de la laïcité ».

Son sang ne fait donc qu’un tour. Une enquête est aussitôt diligentée et l’enseignant suspect illico mis hors d’état de nuire : inspecté dans sa classe dès le lendemain, il est rapidement convoqué et suspendu « à titre conservatoire ». Une affaire rondement menée. Mais pas terminée : ce vendredi matin, l’inspecteur d’académie a prononcé à son encontre un « déplacement d’office ».
La faute grave commise par cet enseignant, pourtant soutenu par un très grand nombre de parents d’élèves ? Une « entorse à la laïcité », assure Clémence Bauduin, journaliste à RTL. Mais, selon la charte de 2013, le principe de laïcité n’empêche nullement de parler de religion à l’école.
En avril 2015, Mme Vallaud-Belkacem avait même affirmé sa volonté que « l’enseignement laïc du fait religieux soit bien assuré ».
Mais pas trop quand même. Pierre-François Gachet explique qu’il « n’est pas reproché [à l’enseignant] d’avoir utilisé des textes religieux mais d’avoir dépassé la mesure de ce qui était nécessaire dans le cadre de l’étude du fait religieux ». Or, Me Mongis, son avocat, précise que « selon les calculs de l’administration elle-même, l’enseignant n’a consacré que six heures à l’étude de textes bibliques entre la rentrée de septembre et sa suspension fin février, ce qui ne paraît pas disproportionné ». Assurément, la mesure nécessaire mais à ne pas dépasser ne risque pas de faire attraper aux élèves une indigestion de fait religieux.
Il semble difficile, à raison d’une heure par mois en moyenne, de faire du prosélytisme. Et le profil, comme on dit, de l’enseignant ne semble pas coller non plus avec celui d’un pernicieux propagateur de la religion honnie : « Mon client est un agnostique, marié civilement et dont les enfants ne sont pas baptisés », souligne Me Mongis. D’ailleurs, s’il présentait véritablement un danger pour les élèves, il aurait dû être définitivement écarté. Or, il est autorisé à assurer des remplacements, qui lui permettraient de répandre encore davantage cette funeste doctrine si telle était son intention. La décision de l’inspecteur d’académie paraît donc tout à fait dépourvue de logique. 

Et on est bien tenté de se ranger à l’avis de l’avocat, qui voit là des « considérations idéologiques bien extérieures à l’intérêt général ». Car, en matière de neutralité religieuse et politique, il semble que certains enseignants, athées et de gauche notamment, ne soient pas vraiment irréprochables.

Christine Célérier

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