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mercredi 22 novembre 2017

Pourquoi le déficit public va se creuser à partir de 2018

Si la France restera bien sous le seuil des 3 % en 2017, la situation devrait se dégrader l'année prochaine. En cause : l'accumulation de déficits primaires et la faiblesse de son commerce extérieur, notamment.

Le président Macron et sa majorité parlementaire se sont attachés à rechercher une meilleure maîtrise de la trajectoire des finances publiques. Loin des acrobaties – stigmatisées par la Cour des comptes – de l'équipe sortante, ils ont présenté un projet de loi de Finances pour 2018 qui devrait permettre de tenir le seuil des 3 % de déficit budgétaire rapporté au PIB. Et ainsi extirper la France de sa position d'infraction pour cause de déficit excessif selon les termes de la Commission européenne. 

Seulement, comme le note l'avis du Haut conseil des finances publiques (HCFP) 2017-6 du 10 novembre dernier, l'hypothèse de voir la France être en mesure de présenter un déficit budgétaire à hauteur de 2,9 % provient essentiellement de la croissance des recettes fiscales. Autrement dit, le milliard d'euros additionnel de TVA et les quelques centaines de millions de rendements accrus de l'impôt sur les sociétés seront notre planche de salut. 

Pour le reste, le HCFP est formel : «L'ajustement structurel, c'est-à-dire la variation du solde structurel, s'établirait en 2017 à 0,3 point de PIB contre 0,2 point en PLF 2018. Il n'est pas conforme aux règles du Pacte budgétaire européen, qui prévoient un ajustement supérieur à 0,5 point de PIB.» Et d'ajouter un peu plus loin dans son avis : «Le chemin à parcourir pour ramener le solde structurel à l'objectif de moyen terme reste important». La France va mieux grâce à l'embellie économique qui parcourt la zone euro. Rien de plus. Rien de mieux.

La dette, toujours la dette

La meilleure preuve que notre situation est digne d'un acrobate, c'est le futur de la dette que tous les analystes inscrivent en hausse. Pour le HCFP, «Le ratio de la dette publique a progressé de 32 points de PIB au cours des neuf dernières années, passant de 64,3 % du PIB en 2007 à 96,3 % en 2016.»

Le Haut conseil considère que «cette augmentation s'explique pour une grande partie par l'accumulation de déficits primaires et par l'effet boule de neige provenant de la différence entre le taux d'intérêt apparent sur la dette publique et le taux de croissance nominale»

 
Le chiffre de 97 % de dette est hélas devant nous. Il est probablement regrettable que le HCFP n'ait pas investigué davantage et ainsi souligné le rôle clef de l'agence France Trésor qui a pour mission de lever, dans les meilleures conditions, près de 190 milliards d'euros. Or de ce côté-là, il y a eu des avancées techniques significatives.

Le commerce extérieur, mal appréhendé?

En période de reprise, la France a une propension à importer qui est encore ravivée. Avec un déficit du commerce extérieur qui est passé de 48 milliards en 2016 à plus de 62 milliards estimés pour 2017?????????. Notre pays est dans une situation très tendue puisque nos exportations en volume progressent moins que nos importations stimulées par la demande intérieure.
Cet effet de ciseaux entre les bénéfices de la croissance (emploi, marges, finances publiques) et son aspect négatif sur le solde extérieur prouve que notre appareil de production a du mal à répondre à la demande à la fois en termes quantitatifs et aussi en termes qualitatifs. Le pays achète ce dont les Français ont besoin et trop peu de «made in France». 

 
A ce stade, il est véritablement regrettable que le HCFP n'ait pas estimé opportun de dédier plus d'analyses au commerce extérieur et se soit contenté d'un constat trop statique : «Au vu des trois premiers trimestres, la contribution des échanges extérieurs paraît plus défavorable que dans la prévision du gouvernement et l'activité davantage portée par la demande intérieure».
Pour ma part, je ne partage pas la vision du commerce extérieur que retient, en annexe 1 («Scénario macroéconomique associé au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2017») le HCFP et l'Etat. Depuis les douanes à la Coface, bien des acteurs terrains savent que le chiffre de freinage des importations (de 4,2% à 3,6%  et «en même temps» d'essor des exportations ( de 1,8% à 2,5% en 2017 ) est une chimère.

La vision de Bruxelles

Pendant que le HCFP a une vision sélective, on doit ici citer une étude de la Commission européenne qui conclut que la France sortira de l'année 2017 avec une balance commerciale dégradée et un déficit de 2,9 % préalable à un déficit budgétaire de 3,1% en 2018. 

Certains y verront la conséquence de l'effacement de certaines recettes fiscales (PFU, IFI, etc) d'autres relativiseront ce chiffre supérieur à 3 % de déficit car cette prévision de la Commission n'a pas intégré la dynamique de la croissance. 

Ainsi, il est retenu le chiffre de 1,7 % pour 2018 qui sera – espérons-le – favorablement démenti par les faits. Certains économistes d'agences de notation demeurent toutefois sceptiques face aux certitudes du ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin.

Jean-Yves Archer est économiste

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