Le projet de gouvernement italien Mouvement Cinq
Etoiles-Ligue a été retoqué. Non pas au nom des valeurs humanistes quant
à son programme à l’encontre des migrants, mais au nom de
l’ordo-libéralisme. Vu de France, l’un des aspects les plus curieux du
programme gouvernemental présenté la semaine passée était l’exclusion
des francs-maçons du gouvernement. Cette question ne pouvait se
comprendre que dans le contexte très spécifique des relations entre Etat
et maçons en Italie. Cela a retenu l’attention des contributeurs de
#FTP : en même temps, Nicolas Lebourg traitait de la question dans Médiapart, Stéphane François et Guillaume Origoni l’étudiaient pour The Conversation. Vous pouvez retrouver ce second article ci-dessous :
La coalition du Mouvement 5 étoiles, populiste, et de la Ligue, anciennement Ligue du Nord et d’extrême droite, gouvernant aujourd’hui l’Italie, a décidé dans son programme publié le vendredi 18 mai 2018, d’interdire aux francs-maçons de faire partie du gouvernement. Cette interdiction renvoie, pour les francs-maçons italiens, au souvenir des lois antimaçonniques du régime fasciste, promulguées le 13 février 1923, qui visait à l’époque à les exclure du gouvernement et de la vie civile de toute activité politique. Extrait du « programme » en italien.
Unification italienne
Les relations ambiguës entre les droites, voire les extrêmes droites,
et les francs-maçons remontent aux années précédant à la création de
l’Italie en tant qu’État-nation en 1871. À cette époque, pour une très large part, les francs-maçons italiens
étaient « garibaldiens » du nom du général Giuseppe Garibaldi, considéré
comme le père de l’unification italienne et lui-même franc-maçon.
En effet, ils soutinrent à la fois la création de l’Italie en tant
qu’État-nation et l’annexion des États de l’Église, qui occupaient une
large part de l’Italie centrale (ils comprennent les actuelles Emilie-Romagne, Marche, Ombrie et Latium. Carte postale représentant Giuseppe Garibaldi, (1808-1882), à Naples, 1861.Library of CongressLes francs-maçons italiens étaient aussi pour beaucoup, comme en France, des anticléricaux.
Mais, ils n’étaient pas forcément positionnés à gauche sur l’échiquier
politique. L’origine de cet élitisme est lié à sa sociologie initiale et
une histoire qui remonte au moins au XVIIIe siècle.
Des loges proches du pouvoir
À cette époque, dans le royaume de Naples, les loges étaient
principalement des loges militaires, composés de mercenaires à la solde
de la monarchie. Par la suite, comme dans le reste de l’Europe
d’ailleurs, la sociologie des loges était plutôt élitiste, composée d’aristocrates et de hauts prélats.
La volonté d’unifier la péninsule italienne au XIXe siècle, le Risorgimento, se diffusa dans les loges qui devinrent assez rapidement nationalistes (dans le sens d’un nationalisme d’existence). La franc-maçonnerie devint alors un acteur de la vie politique italienne. Son âge d’or se situe ainsi au tournant des XIXe et XXe siècles : en 1900, tous les membres du conseil communal de Rome sont francs-maçons.
Ils dominent aussi largement les chambres parlementaires. À la même
époque, il y avait dans toute la péninsule, environ 500 loges et
20 000 maçons.
Ces loges italiennes, peu organisées, étaient aussi assez marquées
par les pratiques irrégulières, illégitimes, c’est-à-dire ne respectant
pas les pratiques de la franc-maçonnerie anglaise et de ce fait n’ayant
pas obtenu une patente de la Grande Loge Unie d’Angleterre, à l’origine
de la franc-maçonnerie.
Elles étaient aussi marquées par l’ésotérisme, ayant par exemple
recours aux rites dits de Memphis-Misraïm, nés de spéculations
ésotériques et maçonniques aux XVIIIe et XIXe siècles. Garibaldi en était l’un des initiés.