Il
faut donc se rendre à l’évidence : qu’ils agissent sous le masque de
telle ou telle idéologie – selon la mode du XXe siècle – ou reviennent –
comme en ce moment – à une sincérité presque cynique dans l’application
d’unerealpolitik bien assumée en tant que telle, comme au XIXe siècle,
les Anglo-saxons, les Russes et les Chinois, que ce soit dans les années
1950 en Corée, en 2013 en Syrie ou plus tard ailleurs, ne se font pas,
ne se sont jamais faits et ne se feront jamais la guerre pour des
raisons essentiellement idéologiques, mais en raison d’une structure
historique qu’analyse, dans ses très divers aspects (géographiques,
religieux, militaires, sociologiques etc.) une science dont les
chancelleries n’ont jamais vraiment perdu l’usage, mais que l’homo
ideologicus du XXe siècle avait cherché à écarter de l’ordre du jour des
grands débats d’idées européens : la géopolitique.
Dans un tel contexte, on ne s’étonnera pas de constater que l’un des
principaux penseurs politiques de notre époque, le russe Alexandre
Douguine, est à la fois un philosophe à l’occidentale, un penseur
traditionnaliste et… un géopoliticien. La « quatrième théorie
politique » qu’il promeut (choix lexical assez malheureux) n’est à vrai
dire ni « théorique », ni « politique » dans le sens que le XXe siècle,
et avant lui les promoteurs des trois théories précédentes (libéralisme,
communisme et fascisme) donnaient à ces termes ; elle constitue,
finalement, bien plus une synthèse géopolitique qu’un système
philosophique (là encore, à condition d’entendre « système » et
« philosophie » dans leur sens spécifiquement occidental).