Jean Bonnevey
Ex: http://metamag.fr
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L’homme
qui vénère Staline et le général Denikine, qui se veut l’héritier
d’une certaine grandeur soviétique se pose aussi en rempart de la
tradition européenne. La Russie, dans un monde instable, doit être un
rempart à l’hégémonie américaine et garantir les valeurs traditionnelles
face à la déchéance du monde occidental. Toute la politique de Poutine
tient en une phrase qui le désigne pour le mondialisme comme l’homme à
abattre.
La troisième Rome est de retour
«
Le monde devient de plus en plus contradictoire et agité. Dans ces
conditions, c’est la responsabilité historique de la Russie qui se
renforce », a déclaré M. Poutine lors de son adresse à la nation
dans une salle d’apparat du Kremlin. Il s’agit de la responsabilité d’un
« garant clé de la stabilité globale et régionale, et d’un État qui défend avec constance ses valeurs », a-t-il ajouté. «
Nous ne prétendons pas à l’appellation de superpuissance, si on entend
par là une ambition d’hégémonie mondiale ou régionale, nous ne nous
attaquons aux intérêts de personne, n’imposons à personne notre
parrainage, et ne faisons la leçon à personne », a déclaré M. Poutine, dans une allusion claire aux États-Unis. « Mais nous nous efforcerons d’être des leaders »,
a-t-il ajouté. Poutine, au pouvoir depuis plus de 13 ans et dont
l’emprise sur le pays n’a cessé de s’affirmer, a aussi souligné sa
détermination à faire aboutir le projet d’union économique eurasiatique
de pays issus de l’ex-URSS, dans laquelle la Russie invite avec
insistance l’Ukraine. Cette zone renforcée de libre-échange, qui se veut
l'alternative à l'Est de l'accord d'association proposé par Bruxelles,
regroupe aujourd'hui la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan et demain,
l'Arménie, voire le Kirghizstan.
M.
Poutine a enfin présenté son pays comme la dernière place forte du «
conservatisme », notamment dans la conception de la famille par rapport à
une déchéance morale supposée du monde occidental. Il a prôné « la
défense des valeurs traditionnelles qui constituent depuis des
millénaires la base morale et spirituelle de la civilisation de chaque
peuple ». Poutine incarne donc une sorte de révolution
conservatrice face à la subversion politique et morale que veut imposer
l’occident atlantique. «On procède aujourd’hui dans de nombreux pays à une réévaluation des normes morales», a déclaré M. Poutine. Mais la Russie refuse «la soi-disant tolérance, stérile, qui ne fait pas de différence entre les sexes»,
a-t-il ajouté. La Russie a été vivement critiquée en Occident après la
promulgation en juin dernier par le président Poutine d’une loi
punissant la «propagande» homosexuelle devant mineurs, un texte dénoncé
par des défenseurs des droits de l’homme qui le jugent potentiellement
discriminatoire.
La Russie avait auparavant réagi avec vigueur à la légalisation du mariage homosexuel dans plusieurs pays dont la France. « On exige de la société, aussi étrange que cela puisse paraître, qu’elle mette sur le même plan le bien et le mal», a encore déclaré M. Poutine. La Russie a, en la matière, «un
point de vue conservateur, mais le conservatisme a pour but d’empêcher
un mouvement en arrière et vers le bas, dans le chaos des ténèbres»,
a-t-il conclu, citant le philosophe orthodoxe Nicolas Berdiaev, qui
avait été expulsé de Russie après la révolution de 1917. Voila un
langage clair et qui explique tout.
S'agissant de l'Ukraine, Moscou «n'impose rien à personne», a déclaré le président russe. «Si nos amis [ukrainiens] le souhaitent, nous sommes prêts à poursuivre le travail»,
a-t-il simplement ajouté. Contre toute évidence, Moscou prétend que,
même sans l'adhésion de Kiev, un pays de 46 millions d'habitants
considéré comme le berceau spirituel de la Russie, son union douanière
resterait suffisamment «puissante». Et dément avoir exercé toute
«pression» sur les industriels ukrainiens. C’est moins convaincant.
En revanche il faut le croire quand il conclut : «Personne
ne doit avoir d’illusions sur la possibilité d’obtenir la supériorité
militaire sur la Russie. Nous ne l’accepterons jamais», a déclaré M. Poutine, rappelant avoir lancé un programme de réarmement du pays «sans précédent».