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lundi 27 janvier 2014

Questions à Jacques Borde



BforBorde | Armer la Contra syrienne : pour qui ? Avec qui ? Pourquoi ?


BfB – Depuis le « franchissement de la ligne rouge » tel que défini par Washington puis le report sine die des frappes, où en est-on du rôle de l’Occident en tant que pourvoyeur d’armes aux rebelles ?
Jacques Borde – En fait, rien n’a vraiment bougé ! Certes, la Maison-Blanche avait bien annoncé, dès le G8, son soutien direct à la Contra syrienne. Mais, à peine lancé, ce mâle avertissement a été tempéré par le fait qu’il ne s’agira, selon toute vraisemblance, que d’armes non-létales, pour celles concernées par l’annonce.
Quant aux armements plus classiques, antichars notamment, leur fourniture fait partie des options mises en place par la CIA depuis des mois, sans que leur présence dans l’impedimentum des Contras syriens ait empêché la reprise de Qussayr et, depuis, la progression significative des troupes régulières. Le fait d’armer à outrance la Contra a, d’ailleurs, été confirmé par les media US : les forces spéciales américaines, françaises (et allemandes semble-t-il), entraînent les Contras de l’ASL en Jordanie « depuis… 2012 »[1]1. C’est-à-dire bien avant que le président Obama n’en fasse l’annonce officielle…
Pour le reste, alors que les combats opposant Damas et ses alliés aux Contras du Takfir se poursuivent, le US Secretary of State (chef de la diplomatie), le Sénateur John F. Kerry, festina lente, en est encore aux tours de table pour passer à la vitesse supérieure avec ses alliés arabes. Séoudiens et Koweïtiens, notamment, qui continuent de faire ce qu’ils ont toujours fait : arroser leurs hommes liges et amis de pétrodollars !
BfB – Pourquoi autant d’indécision chez Kerry ?
Jacques Borde – Mais parce qu’il est comme ça ! Kerry, après un entretien avec son homologue koweïtien, Cheikh Sabah Khaled al-Sabah, avait déjà tenu à rappeler que la Syrie, « Ce n’est pas la Libye. La situation est différente à beaucoup d’égards ». Et qu’« Il n’y a pas de solution militaire possible (…) nous devons tenter de parvenir à une solution diplomatique ». Or, rappelons ici que Kerry n’a jamais passé pour un homme de décision. Lors de sa campagne présidentielle (ratée) en 2004, l’un des qualificatifs qui lui était le plus accolé était celui de « profonde indécision »[2]2.
BfB – Kerry ne serait pas l’homme de la situation ?
Jacques Borde – Vue la gaffe géopolitique qu’il a commis en tendant la perche à Moscou sur la destruction des armes chimiques syriennes, on pourrait le croire. À moins qu’il ne s’agisse d’un acte manqué ou délibéré, planifié avec la partie russe ! Mais avec Kerry, on pense aussitôt à la phrase : « À l’impossible nul n’est tenu ! ». À la décharge de Kerry, il faut reconnaître que sa précédente[3]3 tentative de tâter le terrain quant à la possibilité d’intervenir militairement en Syrie lui avait valu de se faire envoyer sur les roses par le Chairman of the US Joint Chiefs of Staff (CJCS[4]4), le général Martin E. Dempsey.
BfB – Et, après ?
Jacques Borde – Après, pour parler de choses sérieuses, c’est le Conseil de sécurité des Nations-unies qui s’y colle ! Or, comme l’a rappelé Nicolas Gros-Verheyde sur son site, « À partir du moment où les États respectent l’autorité du Conseil de sécurité, et qu’un pays disposant du droit de veto l’utilise, l’emploi de la force directe (type No Fly Zone) est impossible »[5]5. Et, là, force de dire que les choses sont bloquées. En effet, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, ayant répété au notre, Laurent Fabius, la position russe quant à la non-applicabilité du Chapitre 7 de la Charte des Nations-unies sur le volet des armes chimiques syriennes.
Quant à la No Fly Zone (NFZ), qui fait fantasmer quelques-uns de nos confrères et/ou polémistes de talent – à peine annoncée la révélation (sic) du recours au gaz de combat par Damas[6]6, et son intention d’armer les rebelles – l’administration Obama avait immédiatement fait savoir que l’idée de NFZ resterait, elle, toujours hors sujet ! Depuis, dans toute l’agitation qu’on a connu autour des frappes que devait conduire l’Axe atlantique, je n’ai pas beaucoup vu réapparaître l’idée de NFZ. Alors, même de cette manière là, Obama tient-il tant que cela à aller au feu ?
BfB – Vous restez très hostile à l’armement des rebelles en Syrie ?
Jacques Borde – Plus que jamais. En effet, nul ne sait où finiront les armes que nous tenons tant à livrer à la Contra syrienne. Comme l’a souligné Christian Lambert, Paris fait tout pour équiper militairement, des « islamistes, dont 80% sont affiliés à Al-Qaïda » et « les doter d’armes lourdes, qui pourraient bien, un jour, être expédiées au Mali »[7]7 où nos troupes, enlisement ou pas, sont destinées à rester des années, si ce n’est une décennie.
BfB – Si longtemps que ça ?
Jacques Borde – Eh, oui ! Oublions les flonflons, ça ne marche pas très fort. En tout cas pour ce qui est du remplacement de nos troupes parce des Casques bleus du machin. Problème, cette force (sic) bleuâtre n’est absolument pas prête à prendre le relais de l’armée française. Comme disent nos confrères du Figaro, elle souffre « de lacunes logistiques » ! Comprendre qu’il n’y aura à dispo que 5.000 Casques bleus, sur les 12.000 nécessaires pour couvrir l’ensemble du territoire malien. Et, de toute manière, les législatives à venir[8]8 « nécessiteront un renforcement de la sécurité sur place ». Du coup, « le retrait des troupes françaises pourrait être retardé de quelques mois », verbatim Europe-1.
En tout cas, on ne pourra plus (autant) reprocher à la France d’aller au Mali seulement pour le business ! En effet, notre confrère Jeune Afrique a appris, « de bonne source », que « c’est la société américaine Supreme Group, dont le siège est à Dubaï, qui serait sur le point d’être retenue par la division « Procurement » des Nations-unies pour ravitailler les quelque 12.000 Casques bleus en cours de déploiement au Mali »[9]9. Pourtant, « plusieurs entreprises françaises »[10]10 étaient bien en lice. À Paris, quelques-uns s’étranglent déjà de rage. À l’évidence, aller faire le beau au Stade de Bamako n’est pas d’une grande utilité à nos entreprises…
Pour revenir à la Syrie, il faudra bien parler, un jour ou l’autre, de notre responsabilité morale en tant que sponsors d’une épuration ethnique programmée des minorités religieuses en Syrie même…
BfB – Plus précisément…
Jacques Borde – Voyez ce qui vient de se passer à Maaloula, agglomération chrétienne et araméenne de toujours, victime d’une tentative d’épuration ethnique par les Contras pro-américains, mais reprise de justesse par l’armée syrienne. Relisez aussi ce qu’a écrit Christian Lambert sur Les 4 Vérités, qui nous faisait part de ce que déclarent les chrétiens de Syrie, à propos des chi’ites et des alaouites qui « protègent les chrétiens, la France, elle, aujourd’hui, protège les terroristes. Si, un jour, avec l’aide de la France, les salafistes parviennent à contrôler la Syrie, aucun chrétien ne survivra »[11]11. Demain : les chrétiens ! Et après demain ? Les coptes d’Égypte ? La Jordanie et ses minorités non-arabes ? Les communautés Amazigh du Maghreb ? Quid des minorités mosaïques en diaspora ? Qui est le plus près ? Qui sera choisi ? Jounieh, Bir el-Abeid, le Marais ou Saint-Denis ?
BfB – Quelle est la position de l’Onu sur ce sujet ô combien sensible : je parle des armes ?
Jacques Borde – Hésitation et pusillanimité étant deux des mamelles les mieux garnies du machin[12]12 : marécageuse et peu claire, dirais-je. Et ce y compris les armes conventionnelles. À noter que le médiateur conjoint de l’Onu et de la Ligue arabe[13]13 sur la Syrie, Lakhdar Brahimi, l’un des mieux à même de s’exprimer sur ce sujet, avait eu ces propos : « La communauté internationale doit se rendre bien compte que la situation en Syrie menace la sécurité et la stabilité dans le monde entier. Approvisionner en armes toutes les parties en conflit syrien est dangereux »[14]14.
BfB – Pourquoi Obama s’est-il, quelque part, aligné sur les positions de Londres et Paris, si, au fond, à Washington, on est, surtout, sûr de rien ?
Jacques Borde – Pour plusieurs raisons, en fait. Parce que :
1° Nous étions dans les préparatifs du Sommet du G8, pardi ! On appelle cela de la tension dialectique. Entre l’Occident d’un côté, et de l’autre – non pas Moscou, seul, comme le répètent la plupart des media – mais l’Organisation de coopération de Shanghai[15]15 (OCS) qui, rappelons-le à quelques oublieux, regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Une OCS, certes, pas aussi unie et monolithique qu’on pourrait le croire. Mais, désolé de le dire, probablement moins divisée que les vingt-sept de l’Union européenne (UE), où seule l’Allemagne a vacillé. Sans parler de ce qu’en pensent les États observateurs de l’OCS : Inde et Iran et l’État partenaire qu’est le Bélarus !
2° Exit le fumeux G8. Exit, peu après, l’aparté de Doha qui a vu fondre comme neige au soleil les Amis de la Syrie (sic) ! Dégagé, aussi, le G20 ! Nous sommes dans les palabres, toujours aussi inévitables, en amont de Genève-2 ! Là, la tension dialectique vire à la partie de poker. Entre Russes et Américains, je veux dire. Ah, ah, dit le premier, j’ai dans mon jeu les terrrribles S-300 ! Oh, oh, répond le second, j’abats (en guise de preuves) mes doses de sarin !
Concernant le feuilleton régional des S-300, aux dernières nouvelles, après avoir parlé « de possibles livraisons de systèmes Antey-2500 à Téhéran »[16]16, on reviendrait, verbatim Poutine, à des S-300 classiques livrés en urgence à la… Syrie. Quant au Antey, en fait, une « version modifiée du système S-300B[17]17 développé à l’époque pour les forces terrestres » russes[18]18, les Syriens en auraient déjà en dotation. Le système S-300VM Antey-2500[19]19 est basé sur le missile 9M82M. L’intérêt pour les Russes est que sa portée n’étant que de 200 km, la pilule semblerait moins amère au camp occidental. Sauf, évidemment, pour la Turquie et Israël, toujours dans son enveloppe de tir !
BfB – Au fait, comment la Russie s’est-elle débrouillée pour ne jamais livrer les S-300 dûment commandés par Téhéran ?
Jacques Borde – Tout le problème de Moscou, sur ce dossier, a toujours été de gérer géopolitiquement une affaire commerciale ! Officiellement, c’est en 2010, que Moscou a rompu le contrat, appliquant la Résolution 1929 du Conseil de sécurité des Nations-unies, qui interdisait certaines livraison d’armes à Téhéran. Or, en réalité, Moscou a, délibérément, traîné les pieds pour ne pas livrer ces systèmes d’armes avant le vote de ladite résolution…
Le S-300, qui se répand à partir de 1999, avait déjà eu pourtant de gros clients à l’export. Algérie, Arménie, Bélarus, notamment. Concernant, la RI d’Iran, c’est à cette période que les Iraniens commencent à s’y intéresser. Sans grand succès, bien que les négociations aient toujours été en cours en 2009. En fait, un contrat a été bien été signé, mais la livraison des S-300 sera opportunément reportée pour d’obscurs « problèmes techniques » (sic) qui coïncideront avec la visite de Binyamin Nétanyahu, à Moscou, le 16 février 2010 ! Des esprits malveillants ont aussi suggéré que des armes sous embargo onusien se vendent beaucoup plus cher sous le manteau ! Pour y arriver, il suffit de trouver un État tiers qui accepte de jouer les intermédiaires. Évidemment, tout ça fait grimper la note…
Ce qui explique que Téhéran, par le biais de son ministère de la Défense, ait fini par porter plainte auprès de la Cour internationale d’arbitrage de Genève contre Rosoboronexport, qui, en l’espèce, s’est retrouvé dans le rôle du « vendeur indélicat », si je puis m’exprimer ainsi. Avec une demande de dédommagement (sic) de 4 Md$US à la clé ! Téhéran, bien sûr, se réservant le droit de retirer sa plainte si Moscou honorait le contrat. Actuellement, nos deux compères (Moscou et Téhéran) auraient repris leurs discussions.
En fait, comme je vous l’ai dit, en gardant les S-300 sous le coude, les Russes disposent d’une carte maîtresse pour discuter avec l’administration Obama. Une manière de dire que, passé le cap du G8 et de Doha, et du G20, les discussions sérieuses vont (peut-être) démarrer entre eux. Et dans cette affaire, les Européens jouent les utilités. Ou plutôt, pour se référer à la vulgate marxiste, les « idiots utiles »…
Entre S-300 et sarinades en tous genres, Russes et Américains, qui sont les vrais acteurs de ce wargame, jouent au chat et à la souris.
BfB – Puisque tout cela reste, selon vous, une tension dialectique, le message d’armer ceux que vous nommez les Contras, est bien passé côté russe ?
Jacques Borde – Jamais ! Poutine n’est pas Eltsine… Du point de vue occidentalo-centré, le G8 a été un fiasco total pour l’Occident interventionniste. Tout comme le G20 derrière lui. Au G8, le président russe[20]20 avait campé sur ses positions et réaffirmé son soutien à Damas et aux chrétiens d’Orient. Faut-il s’en surprendre ? En amont du G8, Alexeï Pouchkov – qui est loin d’être le premier venu puisqu’il dirige la Commission des Affaires étrangères de la Douma[21]21 – avait donné le ton affirmant, sur son compte Twitter, que « Les données faisant état de l’usage d’armes chimiques par Assad sont fabriquées au même endroit que les mensonges concernant la possession d’armes de destruction massive par Saddam Hussein (…) Obama emprunte la même voie que George Bush ». Une manière de poser que Moscou et ses alliés ne prenaient pas pour argent comptant les accusations véhiculées par la presse vespérale parisienne et des membres éminents de notre intelligentsia.
BfB – Comment expliquez-vous ce durcissement, déjà amorcé avant le G20, côté russe ?
Jacques Borde – En fait, le volet syrien n’est qu’un pan des relations, ô combien ardues, des deux grands. La partie russe a très mal pris la nomination par Obama, le 5 juin 2013, de Susan E. Rice[22]22 comme conseillère à la Sécurité nationale et celle de Samantha Power[23]23, comme représentante à l’Onu. Deux postes sensibles confiés à deux femmes identifiées à Moscou comme résolument hostiles à la Russie. Interrogé à ce sujet, le directeur adjoint du USA & Canada Institute[24]24, Victor Kremenyouk, avait averti que cette nomination allait « compliquer le dialogue entre la Russie et les États-Unis ». Car « L’attitude de Susan Rice envers la Russie est plus dure que celle de tout autre membre de l’Administration. Elle n’aime pas Moscou et pense qu’on doit parler « fort » avec la Russie ».
Maintenant, les Russes sont, aussi, capables de faire preuve d’une certaine forme de souplesse : l’administration Poutine ayant même annoncé le retrait de ses personnels de Tartous et le quasi-abandon de la seule escale navale à disposition de ses navires de guerre. Une décision à rapprocher, naturellement, de la décision chypriote de permettre à la Russie d’utiliser la base aérienne Andreas Papandreou de la Diikissi Aeroporias (DA)[25]25 à Paphos[26]26. Ensuite, Lavrov et Kerry ont repris langue directement. Une manière, aussi, d’éviter la soupe à la grimace permanente entre leurs patrons respectifs : Poutine et Obama !
BfB – Donc, à vous suivre, au bout du compte, peu sont ceux qui vont armer les rebelles ?
Jacques Borde – Plus qu’ils ne le sont déjà ? Si, probablement. Mais depuis l’irruption en force de Téhéran dans la partie qui se joue en Syrie, les Occidentaux ont un métro de retard. Les armes arrivent depuis un moment aux Contras. Mais actuellement face au rouleau compresseur russo-iranien, ce sont les combattants qui font de plus en plus défaut. Les pertes sont astronomiques. Or, à plus 40% de combattants hors de combat, une unité, même pratiquant le combat asymétrique – ou de partisans, si vous préférez – n’est plus opérationnelle et doit être reconstituée, donc remplacée.
En filigrane, lorsqu’on décrypte ce disent beaucoup de Contras syriens lorsqu’ils parlent aux Occidentaux, ce dont il est surtout question c’est de préparatifs et d’entraînement. Beaucoup moins de combats décisifs et de victoires. Or, il est notoire que les Américains ont d’ores et déjà dispensé leur savoir et leurs cadeaux à leurs cohortes de Contras. Ceux-là – formés et armés depuis des mois – devraient déjà être en première ligne et non plus dans des camps d’entraînement. Mais, évidemment, si le gros des Contras syriens n’est plus très chaud pour aller se faire trouer la peau en première ligne – ce qui, humainement, peut se comprendre – ce ne sont pas leurs instructeurs occidentaux qui vont y aller à leur place…
BfB – Donc, pour vous, tout ça – je veux dire le G8, Doha, le G20 – n’aura servi à rien ?
Jacques Borde – Si, je viens de vous le dire : à préparer Genève-2. Sinon, comme nous en avait prévenu Mme. Randa Kassis[27]27 :
1° Après le numéro de « retenez-moi ou je fais un malheur » d’Obama et la disparition (probablement temporaire) des frappes de la tension dialectique russo-américaine, l’arrivée d’armes occidentales supplémentaires entraînera, en réaction, un afflux accru d’armes russes. Car « en armant les rebelles, la Russie va surarmer le régime » et « les Iraniens vont être impliqués encore plus »[28]28. Et tout cela va aboutir, nous dit-elle à « un équilibre de la terreur » à « une escalade »[29]29.
2° Comme elle le dit elle-même, une « intervention causerait plus de mal que de bien » et ne ferait « qu’aggraver la situation en Syrie »[30]30.
BfB – Pourquoi tant de réserves et de précautions à Washington, selon vous ?
Jacques Borde – Parce que je crois que l’interventionnisme US sera limité, autant dans le temps que dans la forme. À lire le Wall Street Journal, citant des sources de la communauté du Renseignement US, ce support médiatique peu porté à la fantaisie nous disait déjà, avant le G8, qu’« un nombre croissant de fonctionnaires dans l’Intelligence et au DoD »[31]31 estimait « que le président syrien Bachar el-Assad gagne actuellement, grâce au soutien du Hezbollah, et qu’il est peu probable qu’il soit renversé dans un proche avenir ».
Et de souligner que ces « changements de points de vues au sein des agences de Renseignement et du Pentagone ont provoqué de houleux débats (…), et ce à la veille d’une réunion entre le président Obama et ses principaux conseillers à la Sécurité nationale pour discuter de la question de livraison d’ armes ». Et, pour conclure sur ce point, le Wall Street Journal, de noter que « cette discussion n’a aucune valeur réelle maintenant, car il y a beaucoup d’armes à l’intérieur de la Syrie, cette proposition [de livraison d'armes, Ndlr] ne modifiera pas l’équilibre militaire dans le pays ».
BfB – En fait, vous êtes en train de nous dire que tout le monde condamne, mais personne ne veut s’en mêler ?
Jacques Borde – Au point d’aller au charbon vous voulez dire ? C’est tout à fait ça ! C’est même pour ça, à mon humble avis, qu’on nous a successivement sorti la théorie des livraisons d’armes puis la rhétorique des frappes occidentales comme paliers supplémentaires dans l’interventionnisme occidental, alors que :
1° Ces livraisons font déjà partie de la routine et n’ont que freiné la chute de Qussayr.
2° Les frappes ont été reportées sine die grâce à la bourde magique de Kerry tentant, si opportunément, la perche du désarmement chimique aux Russes !
Mais il faut bien avoir l’air de faire quelque-chose ! Comme l’a rappelé Hubert Védrines[32]32, aux USA, si, par exemple, vous prenez les Néo-Conservateurs ou les Liberal Hawks, qui sont parmi les plus interventionnistes sur l’échiquier politique US, « il n’y a aucun scenario qui ressemble à la Guerre d’Irak »[33]33. On fuit l’idée même d’un intervention directe, du type de celle qui a eu lieu en Irak ! Alors…
BfB – Des rodomontades ?
Jacques Borde – Non de la géopolitique ! Et, bien sûr, l’inévitable accroissement de livraisons d’armes, mais qui, probablement, ne quitteront pas toutes le sol de la Turquie et de la Jordanie[34]34. Histoire de se donner bonne conscience. Et, militairement, plus destinées à ralentir le rouleau compresseur qu’à changer le résultat final ! Concernant le jeu occidental, Natalie Nougayrède[35]35 a évoqué une « chorégraphie »[36]36 ! Et Védrines parle, lui, d’une « stratégie pré-Genève-2 »[37]37 ! Pour changer vraiment la donne, il faudrait que les Occidentaux, et au premier rang les États-Unis, changent de braquet !
Vous savez, on a déjà connu ça ! Souvenez-vous des chi’ites irakiens abandonnés par leurs sponsors US au beau milieu de leur soulèvement armé contre Bagdad…
BfB – Sinon, vous pensez que Paris puisse opter pour la politique de la chaise vide à Genève-2 ?
Jacques Borde – Après notre piètre prestation sur le chapitre des frappes que Paris, en bon autiste géopolitique, a pris au premier degré ? Oui, tout est possible. Remarquez : il y avait déjà eu le raté de l’administration Hollande en Irlande, qui avait donné un premier échantillon des œillères de l’adiplomatie française. J’en veux pour preuve les propos de Laurent Fabius, quant à la livraison d’armes à la Contra syrienne : Cf. « Il faut qu’il y ait un rééquilibrage parce qu’au cours des derniers jours, des dernières semaines, les troupes de Bachar et surtout le Hezbollah et les Iraniens, avec les armes russes, ont repris un terrain considérable, et il faut qu’on puisse arrêter cette progression avant Alep… Si on n’a pas de rééquilibrage sur le terrain, il n’y aura pas de conférence de la paix à Genève, l’opposition n’acceptera pas d’y venir »[38]38.
Simple question : qu’en sera-il du Front d’Alep[39]39 (ou d’ailleurs) au jour même de Genève-2 ? Donc, rien de mieux pour préparer la terrain à la défausse possible de Paris, à qui il suffira de se retrancher derrière le paravent de la solidarité avec nos Contras adorés qui refusent toute option autre que le départ d’Assad pour boycotter la rencontre. Cousu de câble fluorescent, mais, malgré tout défendable !
À moins que Fabius ne mette, à nouveau, quelques louches d’eau dans son vin. Déjà, ses propos pour le moins ambigus quant aux efforts réels de la France pour armer davantage les Contras lui ont valu le qualificatif de « rétropédalage »[40]40 de la part de notre confrère Kharroubi Habib. Où se trouve la vérité professé par la France dans ce jeu de rôle ? Très certainement entre les deux.
À noter que Paris s’est retrouvé isolé bien avant Genève-2. Notons, en passant que si Kerry et Lavrov ont repris langue en Suisse c’est sans Fabius ou quiconque du Quai d’Orsay ! Du côté de l’Onu, la messe diplomatique est dite : son émissaire spécial[41]41 pour la Syrie Lakhdar Brahimi avait, dès son annonce, salué la décision du gouvernement syrien de participer à Genève-2. « La participation du gouvernement syrien à Genève II est une bonne chose (…). Nous discuterons aujourd’hui des perspectives de tenue de Genève II, ainsi que de la composition des participants à cette conférence »[42]42 a déclaré Brahimi devant les journalistes.
BfB – Et le jeu de Washington, toujours aussi trouble ?
Jacques Borde – Plus que jamais. Mais moins assuré qu’il n’y paraît. En fait, on revient aux fondamentaux : Genève-2 et ses préparatifs. Back to basics ! Il y a deux mois, le US Secretary of State John F. Kerry affichait déjà son accord avec son homologue russe, Sergueï Lavrov. Par ailleurs, l’annonce étasunienne d’armement la Contra syrienne s’est heurté à un écueil, dont on est en droit de de demander s’il ne fait pas partie d’un scenario proche de l’enfumage. Debka File, en effet, de nous révéler que le Premier ministre turc, Reccep Tayyip Erdoğan, aurait appelé Obama à Berlin[43]43, pour lui faire part de sa soudaine décision (sic) de fermer le robinet turc du transfert des armes US aux Contras syriens. Une décision qui, concrètement, devrait laisser les Contras d’Alep livrés à eux-mêmes. Très exactement comme les insurgés chi’ites irakiens précédemment !
BfB – Pourquoi ?
Jacques Borde – La chute de Qussayr a coupé les lignes d’approvisionnement en provenance du Liban. Les livraisons à travers la Jordanie (pour peu qu’elles aient lieu avec l’ampleur médiatiquement annoncée) ne dépassent pas le sud de la Syrie et il est désormais pratiquement impossible de passer par le nord, où les Contras du Takfir, face au Hezbollah et à l’ l’armée syrienne, sont enfermés, pour ne pas dire assiégés, à Alep. En fait, ce qui s’est passé à Al-Goutha ne servait en rien Damas et ses alliés…
Debka File, qui cite des sources militaires israéliennes, note un fort scepticisme quant à la capacité – même après de nouvelles livraisons – des Contras takfiri à résister à l’assaut conjugué des forces syriennes, du Hezbollah et d’éléments chi’ites irakiens expédiés par Bagdad. Toujours selon Debka File, l’évaluation qui prévaut est que les Contras seront écrasés à Alep comme ils l’ont été à Qussayr.
BfB – Sinon, qui va fournir quoi à qui ?
Jacques Borde – C’est bien là le problème ! L’armement des Contras du Takfir c’est un peu l’arlésienne. En dehors de la CIA et du Qatar, qui n’ont pas entendu Doha, Lough Erne[44]44 ou Saint-Pétersbourg pour s’engager, on en parle beaucoup. Mais après ?…
Après avoir plastronné en terre-irlandaise puis russe, beaucoup hésitent à mouiller leur chemise. Je ne suis pas le seul à me montrer très sceptique quant à l’armement des groupes armés takfiri en Syrie. Ainsi, la chaîne israélienne Channel-10, de s’alarmer du « fait que les opposants soient armés d’armes modernes et sophistiquées. car ces armes pourront poser problème à Israël ». De toute manière, le commentateur de Channel-10 de souligner qu’« il est peu probable que les armes légères et lourdes que les États-Unis s’apprêtent à envoyer aux miliciens puissent en quoi que ce soit présenter une menace pour la survie du régime Assad ».
Quant à la France, les choix imposés à son industrie d’armement font qu’on ne fabrique plus nous- mêmes d’armements légers et munitions ad hoc. Donc, en dessous du mortier, en fait, il faudra tout payer rubis sur l’ongle. S’il existe bien des antichars Milan (F1 et F2) made in France dans l’impedimentum de la Contra syrienne, il semble bien que (pour l’instant) Paris n’y ait rien à voir. Cet armement antichar ayant trois sources possibles :
1° Les F1 proviendraient essentiellement d’une caserne d’Alep, pillée en avril 2013.
2° Quant aux F2[45]45, ce sont probablement des lots livrés livrés initialement au Qatar, qui, en l’espèce, aurait alors violé l’embargo sur les armes visant la Syrie.
3° La Libye avait, elle, commandé des antichars Milan en juillet 2007, peu après la libération des soignants bulgares[46]46. D’après le très sérieux International Institute for Strategic Studies (IISS[47]47), la livraison de 100 missiles Milan aurait bien eu lieu en 2009. Certains ont pu passer de Libye au nouveau front du djihâd qu’est la Syrie.
BfB – Pourquoi aussi peu d’empressement à honorer les engagements du G8, de Doha et du G20 ?
Jacques Borde – Parce que l’idée n’enchante guère les opinions publiques, écœurées par les images d’égorgements rituels, de décapitations, de cannibalisme et d’exécutions de masse relayées en boucle sur la Toile. L’image du gentil (sic) rebelle syrien a du plomb dans l’aile !
N’en déplaise aux défenseurs des Contras pro-américains, de plus en plus de voix doutent de la respectabilité d’une telle opposition armée. Ainsi, Carla del Ponte, membre de la Mission d’enquête de l’Onu sur les violations des droits de l’Homme en Syrie, a jugé crédible l’estimation britannique selon laquelle la moitié des Contras seraient des islamistes purs et durs. Interrogée par Radio-TV-Suisse Romande (RTS) sur l’étude d’IHS Jane’s, confirmant que djihâdistes et membres de groupes extrémistes forment « près de la moitié des forces rebelles ». « C’est absolument crédible. Moi, je dirai même un petit peu plus », a estimé Carla del Ponte lors de son entretien à RTS. Une pente logique selon elle, car, « Plus le côté des opposants démocratiques et pour la paix diminue, plus augmentent les extrémistes et naturellement plus augmentent les crimes commis par les opposants ».
Du coup, les rangs de la coalition s’étiolent. Prenez le Canada, l’idée même de fournir des armes aux groupes armés takfiri n’y suscite pas l’engouement des foules. Et, pire, Ottawa a refusé de se joindre à la via factis réclamée à cors et à cris par Paris. En fait, à en croire la firme torontoise Forum Research moins d’un Canadien sur cinq était favorable à l’initiative d’armer qui que ce soit.
Seuls 18% des Canadiens pensant qu’Ottawa devrait envoyer des armes en Syrie alors que 60% rejetaient carrément l’idée et 22% affirmant ne pas avoir de point de vue à ce sujet. À l’échelle du pays, le pourcentage de personnes opposées à un engagement aux côtés de la Contra syrienne varie de 57% à 71%. « Il n’y a aucun intérêt ici pour que le Canada accorde un tel soutien aux rebelles syriens, quelle que soit la région ou l’allégeance politique que l’on considère », soulignait le pdg de Forum Research, Lorne Bozinoff.
Si l’on se penche sur les idées politiques des sondés, seuls quelques 16% des partisans conservateurs étaient d’accord avec la livraison d’armes. Le pourcentage montant à 20% chez les Néo-démocrates et à 24% chez les Verts.
BfB – Quel regard portez-vous sur la réunion de Doha, en vue, justement, d’armer vos Contras ?
Jacques Borde – Celle des Amis de la Syrie (sic), le samedi 22 juin 2013, qui devait boucler l’affaire ? L’éternel dilemme,du verre à moitié vide (ou plein) selon le point de vue où l’on se place.
Suite au G8, où la France, le Royaume-Uni et les États-Unis avaient annoncé leur volonté marmoréenne d’armer jusqu’aux dents l’Armée syrienne libre (ASL)[48]48. Or, la montagne de Doha a surtout accouché d’une souris. En effet :
1° Les Amis de la Syrie ne sont plus que 11 membres sur 121, à l’origine. Difficile de remplir efficacement la sébile, et de recruter des volontaires pour aller au feu, avec aussi peu d’assistants à l’office !
2° La conférence n’est pas parvenue à prendre proprio motu la responsabilité des livraisons d’armes tant vantées. Pourquoi ? Parce que, verbatim Laurent Fabius, deux États participants se seraient formellement opposés aux livraisons officielles d’armes. Londres, notamment, aurait passablement tempéré sa position initiale exprimée lors du G8.
3° L’offre russe de régler le dossier des armes chimiques sur le terrain a rendu tout ça caduc.
Mais, de toute façon, Doha n’était qu’un théâtre de marionnettes…
BfB – Comment ?
Jacques Borde – Personne ne veut mettre les pieds en Syrie. En revanche, tout le monde à envie de voir les pétromonarques sponsors du Takfir faire des chèques. L’argent ça finit toujours par tomber dans une poche. Mais, au-delà, on ne tarde pas à ouvrir le parapluie. Même très tôt, parfois : « Londres n’a pas pris la décision d’armer la rébellion syrienne », lançait avant même l’ouverture de la réunion William J. Hague, rappelant que cette question devait être discutée aux Communes, où, excusez du peu, plus de 80 députés ont, alors, mis en garde contre les dangers qu’une « telle démarche implique pour toute la région ». Puis, peu après, les mêmes votaient majoritairement contre tout participation britannique à quoi que ce soit sur le terrain. De son côté, le populaire maire de Londres, Boris Johnson, avait dénoncé ceux qu’ils appelle les « combattants obsédés de l’opposition syrienne », ajoutant que « ces équipements pourraient finir dans les mains des éléments d’Al-Qaïda ». Même son de cloche chez le vice-Premier ministre britannique, Nicholas Nick William Peter Clegg[49]49, qui avait rappelé que fournir des armes aux rebelles syriens « n’est pas la bonne décision pour le moment ». Depuis, les LibDem ont massivement voté contre l’engagement aux côté de ces excités de Frenchies !
Seul résultat de Doha : dans leur communiqué final, les 11 réunis à Doha ont affirmé être tombés d’accord pour « intensifier leur soutien » à la Contra syrienne. Le ministre qatari des Affaires étrangères, Cheikh Hamad Bin-Jassam Bin-Jabr al-Thani a précisé que ce soutien renvoyait… à des « décisions secrètes » (sic).
Lesquelles ? Mystère et boules de gomme !
BfB – Comment expliquez-vous ce manque de perspectives ?
Jacques Borde – Au-delà du fait que la posture très théorique du « armons-nous et partez » est vieille comme Hérode, les chancelleries ont un penchant naturel pour la prudence. Et puis, sait-on de quoi demain sera fait ? Rappelons que la livraison d’armes aux Contras du Takfir – non validée, et pas prête de l’être, par le Conseil de sécurité des Nations-unies – viole quand même plusieurs résolutions de l’Onu.
Plus gênant, en ces temps où de plus en plus de voix (y compris à Washington) évoquent une victoire possible du clan Assad – autrement dit du champion de Moscou, membre permanent du Conseil de sécurité, dans la lice syrienne – ces livraisons sans mandat onusien ouvriraient grand la porte :
1° Aux familles de victimes, directes ou collatérales, pour poursuivre devant le Tribunal pénal international (TPI) les dirigeants qui en auraient pris la décision ou s’en seront fait complices.
2° À la Syrie pour poursuivre ceux des États pris la main dans le sac devant la Cour internationale de Justice (CIJ).
3° À tous ceux dont des citoyens résidant en Syrie seraient tués sur place. Or, rappelons-le, l’un des pays qui a le plus de ressortissants en Syrie est la… Russie !
BfB – Un peu tiré par les cheveux comme analysé ?
Jacques Borde – Divagations de ma part, vous voulez dire ? Dans ce cas-là:
1° Comment se fait-il que le président de la Commission d’enquête du Haut-commissariat aux Droits de l’Homme sur la Syrie,Paulo Pinheiro, ait tenu à rappeler, justement à la veille de la réunion des Amis de la Syrie (sic) de Doha[50]50, qu’en cas de livraison d’armes aux Contras syriens, la responsabilité des États pourvoyeurs serait engagée en cas de « crimes de guerre » ou de « crimes contre l’humanité ».
2° De son côté, Bagdad, qui appartient au camp des amis de Damas (et donc de Moscou), a publiquement fait état de son intention de réclamer à l’Onu des sanctions contre…. l’Arabie Séoudite pour – écoutez bien – son « soutien du terrorisme en Syrie et dans le monde » (sic)[51]51. C’est, en tout cas, ce qu’a déclaré un représentant de la coalition majoritaire au parlement irakien, Kazim al-Chamri.
« L’Arabie Séoudite représente, par sa politique extérieure, une menace pour la sécurité internationale en soutenant des groupes terroristes qui n’agissent pas seulement au Proche-Orient. L’Onu doit réagir face à cette situation et imposer contre le royaume des sanctions analogues, par exemple, à celles qui ont frappé l’Irak pendant les années de pouvoir de Saddam Hussein »[52]52, a estimé al-Chamri. « L’Arabie Séoudite et le Qatar aident tous les groupes terroristes à envoyer leurs hommes en Syrie, leur fournissant de l’argent et des armes. La situation en Syrie se répercute directement sur toute la région, sans parler de l’Irak où ces mêmes terroristes perpètrent les attentats »[53]53, a ajouté le député irakien.
Il y a, certes, peu de chances de voir un jour des sanctions votées au Conseil de sécurité des Nations-unies contre Riyad, mais la démarche est d’une importance à ne pas négliger. En retournant ainsi le modus operandi de l’Occident (Cf. la menace permanente de sanctions internationales) contre lui et ses États liges, cela signifie qu’aucun pays, fût-il un protégé de l’Oncle Sam, n’est plus à l’abri de menaces qui, jusqu’ici, n’étaient brandies que contre les ennemi de l’Occident.
Notons qu’il y a de fortes chances que ce nouveau volet de la tension dialectique entre les deux blocs : Axe Atlantique vs Organisation de Coopération de Shanghaï, car c’est bien de cela qu’il s’agit, ait été fortement inspiré par l’administration Poutine. À bon entendeur, salut, n quelque sorte…
BfB – Quid de l’applicabilité du Chapitre 7 de la Charte des Nations-unies ?
Jacques Borde – Clairement, et n’en déplaise à plusieurs chancelleries occidentales dont la nôtre, l’entente conclue à Genève entre MM. Kerry et Lavrov n’implique pas la soumission du processus de désarmement chimique conclu avec Bagdad au Chapitre 7. En l’état, nous sommes en présence d’une résolution ordinaire du Conseil de sécurité (encore à écrire, d’ailleurs) qui porte sur l’adhésion de la Syrie à l’Organisation pour l’Interdiction des Armes chimiques (OIAC) et l’invite à abandonner les options militaires et à se discuter d’une solution politique (Genève-2). L’éventuel recours au Chapitre 7 repose uniquement sur l’engagement, purement verbal, fait par la Russie en cas de manquement de l’une quelconque des parties syriennes au conflit au bout d’un an de coopération avec l’OIAC. Ce qui concerne tout autant la Contra syrienne que ne veut pas entendre parler de quoi que ce soit…
Sur ce point précis, Moscou ne baisse toujours pas sa garde, affirmant même compter sur Washington pour « s’en tenir à l’accord de Genève ». « Je suis certain que malgré toutes les déclarations émanant de certaines capitales européennes, la partie américaine s’en tiendra strictement à ce qui a été convenu »[54]54, a notamment déclaré à la presse Sergueï Lavrov, ajoutant qu’agiter des menaces pouvait « faire échouer »[55]55 le processus en cours.
Position ayant toujours le soutien de la Chine. « Nous saluons et apportons notre soutien à la proposition russe »[56]56, a ainsi affirmé le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hong Lei, lors de son point de presse régulier. « Tant que cette proposition est porteuse d’un allègement de la tension en Syrie et qu’elle va dans le sens d’une résolution politique de la crise syrienne, en maintenant la paix et la stabilité en Syrie et dans la région, la communauté internationale doit y accorder du crédit »[57]57.
Concrètement, seul, en dehors du camp occidental, à demander « instamment au Conseil de Sécurité une résolution claire (…) placée sous le Chapitre 7 de la Charte des Nations-unies[58]58 », le Secrétaire général des Nations unies, le Sud-Coréen Ban Ki-moon, n’a pu débloquer la situation et la réunion des 5 membres permanents du Conseil s’est achevé sans résultat notable, ce 19 septembre 2013…
Notes
[1] US has secretly provided arms training to Syria rebels since 2012, David S. Cloud & Raja Abdulrahim, in Los Angeles Times (21 juin 2013).
[2] Flip-flopping, en anglais.
[3] Voire unique…
[4] Chef d’état major interarmes.
[5] Bruxelles-2 (14 juin 2013).
[6] Et encore, dans certaines limites.
[7] Les4verites.com (27 juin 2013).
[8] Novembre 2013.
[9-10] Jeune Afrique (19 juin 2013).
[11] Les4verites.com (27 juin 2013).
[12] L’Onu, selon le qualificatif qu’affectionnait le général de Gaulle pour en parler. Rappelons-ici que Jacques Borde est gaulliste.
[13] En fait, Ligue des États arabes.
[14] RIA Novosti (25 juin 2013).
[15] Ou Shànghǎi hézuò zǔzhī, Шанхайская Организация Сотрудничества (ШОС).
[16] Kommersant (21 juin 2013).
[17] Équipera à terme (2015) 4 régiments de défense antiaérienne russe.
[18] Kommersant (21 juin 2013).
[19] Code Otan SA-23 Gladiator\Giant.
[20] Seul à la manœuvre, déjà, une répétition en vue du G20 finalement.
[21] Chambre basse du parlement russe.
[22] A été membre du Nationale Security Council (NSC, 1993-1997) et secrétaire d’État adjointe aux Affaires africaines (2ème mandat de William J. Clinton). Elle est la fille du Pr. Emmet J. Rice (Cornell University) et ancien gouverneur du Federal Reserve System (fort mal) traduit par Réserve fédérale. C’est Madeleine K. Albright, qui fut son mentor, qui pressa Bill Clinton de la nommer comme secrétaire d’État adjointe aux Affaires africaines, alors que Susan Rice n’était pas le premier choix des leaders du Congressional Black Caucus.
[23] Activiste des droits de l’Homme à Harvard. Prix Pulitzer en 2002 pour son livre A Problem From Hell. De 1993 à 1996, journaliste à US News & World Report, The Boston Globe, The Economist et The New Republic.
[24] Un des instituts de recherche de l’Académie des Sciences de Moscou.
[25] DA, branche aérienne de l’Ethnikí Frourá (Garde nationale chypriote).
[26] Annoncée par le quotidien Phileleftheros, à l’issue de la visite du président chypriote à Saint-Pétersbourg.
[27] Ancienne membre du Conseil national syrien (CNS), fondatrice et présidente du Mouvement de la société pluraliste. Est « contre cet armement ».
[28-30] Syrie : faut-il intervenir ? Mots croisés, Antenne-2 (10 juin 2013).
[31] US Department of Defense.
[32] Ancien ministre PS des Affaires étrangères.
[33] Syrie : faut-il intervenir ? Mots croisés, Antenne-2 (10 juin 2013).
[34] Où elles serviront plus sûrement à déstabiliser la monarchie hachémite que sa consœur séoudienne déteste beaucoup plus que l’administration Assad…
[35] La directrice du Monde.
[36-37] Syrie : faut-il intervenir ? Mots croisés, Antenne-2 (10 juin 2013).
[38] France-2 (12 juin 2013).
[39] S’il n’est pas tari d’ici là.
[40] In Le Quotidien d’Oran (23 juin 2013).
[41] Ainsi que de la Ligue des États arabes.
[42] RIA Novosti (25 juin 2013).
[43] Le 19 juin 2013.
[44] Le Sommet du G8, sis cette année en Irlande du Nord.
[45] Que, contrairement à une idée reçue, on ne peut confondre avec l’antichar filoguidé chinois HJ-8 Red Arrow 8.
[46] Contrat d’un montant global de 168 M€.
[47] Institut international pour les études stratégiques.
[48] Celle-ci avait fait connaître, dès le 14 juin 2013, la liste des armes et munitions dont elle avait besoin.
[49] Leader des Liberal Democrats (LibDems).
[50] Le 21 juin 2013.
[51-53] RIA Novosti (18 septembre 2013).
[54-55] RIA Novosti (16 septembre 2013).
[56-57] Xinhua (17 septembre 2013).
[58] Sans, d’ailleurs, parler précisément de frappes.