"Mme de La Rochère et les siens
repartent en campagne à partir de cette semaine : Angers, Rennes,
Tours, Toulouse, Montpellier, Bordeaux, Strasbourg, Lyon, Montélimar,
Annecy... Cette série de réunions-débats porte un titre amer : "Election, la grande illusion".
Diagnostic exact. Mais un peu tardif... Nous sommes quelques-uns à
avoir tenté d'expliquer depuis deux ans : 1. que l'aventure de Sens
Commun ne menait nulle part ; 2. qu'interpeller les candidats sur les
questions "sociétales" - comme le firent Mme de La Rochère et ses amis
avant la présidentielle - ne menait nulle part non plus. Cela pour deux
raisons différentes, selon que l'on considère Sens Commun ou la MPT...
► Les leaders de SC se sont enlisés dans le politicien, avec une candeur pieuse et militaire qui les empêchait de voir ce qu'était un parti.
Le parti a contaminé SC, qui dérapa vite de la noble théorie à la
manœuvre de couloirs ; manœuvre qui fit un frustré (M. Poisson) et un
agacé (M. Fillon) ; lequel ne promit rien à SC, mais en obtint l'hommage-lige sans contrepartie.
On hésite à qualifier cet élan des candides vers un politicien... Mais
on sait comment l'affaire a tourné : plombé dans l'opinion par son
programme libéral extrémiste, piégé par des ténors de la droite (c'est
d'eux qu'est venue l'affaire des "emplois fictifs"), coincé par les
juges, M. Fillon en désarroi dut oublier son agacement pour accueillir
l'élan - redoublé - de SC, qui lui organisa le Trocadéro. Puis ce fut le
crash. On dit que les leaders de SC n'ont toujours pas compris
qu'ils avaient perdu leur temps ; j'hésite à croire à une telle
persistance dans la cécité.
► La MPT n'était pas dans le même cas. Son "illusion",
si illusion il y eut, fut de croire qu'on pouvait interpeller les
candidats à la présidentielle sur les questions anthropologiques,
sociologiques et bioéthiques... On ne le pouvait pas : la règle du jeu l'interdisait ! Les principaux candidats n'avaient pas la tête à un tel excursus. L'idée
ne leur serait pas venue de mettre en question le système économique
qui s'est emparé de tout, y compris de l'intime des vies privées (voire
des consciences), et qui produit des "avancées sociétales" allant toutes dans le même sens : la dissolution hyper-individualiste...
L'extrême droite jugeait ces questions sans intérêt. L'extrême gauche
ne voulait pas voir que les nouvelles mœurs sont un produit du
néocapitalisme libéral. Et ce dernier allait s'annexer plus que jamais la classe politique dominante, centre-droit + centre-gauche...
► Deux ans d'illusions, politiciennes ou périphériques, se sont donc achevés par l'avortement que l'on sait. Un avortement fruit de l'aveuglement...
Chérir les causes et déplorer les effets est un vice
"libéral-conservateur" ; comme, à l'inverse, chérir les effets et
déplorer les causes est un vice de la gauche bobo. Tant que ces "résistants"
n'auront pas cessé, soit d'adorer le libéralisme (cause de ce qu'ils
déplorent), soit d'adorer les effets sociétaux causés par le libéralisme
qu'ils abhorrent, leur "résistance" sera du verbiage. Rien
n'avancera tant qu'ils ne comprendront pas pourquoi la classe politique
- recomposée ou non - a cessé d'être "politique", c'est-à-dire capable
de débattre des fondements non-économiques de la société.
► Les persévérants
de la MPT devraient étudier la conférence d'ouverture du dernier
colloque d'Ichtus (octobre 2016). Matthieu Detchessahar - professeur
d'économie - y analyse le phénomène de "dissociété" qui corrode les fondamentaux de la condition humaine. Ce phénomène, souligne-t-il, est produit par "la société de marché, fausse conception récurrente depuis trois siècles et revenue au galop depuis une trentaine d'années". Le
monde humain est dévoré par l'expansion illimitée du marché dans tous
les domaines : d'où la destruction des liens et des biens sociaux. D'où
aussi, dit par exemple Detchessahar, "la promotion de comportements jadis répréhensibles" : effet direct de la pression économiciste ! Cette pression "recompose en profondeur les clivages politiques", explique-t-il (sept mois avant le succès de l'OPA Macron) : "elle mélange droite et gauche, libéralisme philosophico-moral et libéralisme économique, en un seul modèle indissociablement" ; sa logique est de "fonder le lien social sur les seuls liens économiques, au détriment de la conscience collective de la société", ce qui amène à "croire résoudre les problèmes en les diluant dans l'économique".
► Rompre tendanciellement avec la société de marché est un préalable à toute action collective digne de ce nom. La droite catholique en est loin. Il ne suffit pas de dénoncer en théorie la "marchandisation" avec les dernières MPT : encore faut-il ne pas se ruer ensuite - de façon schizoïde - chez M. Fillon, dont le programme ("le meilleur",
disait oncle Charles-Henry) impliquait, précisément, la marchandisation
de choses aussi fragiles et précieuses que la couverture santé ! (...)"