« Faites attention
et soyez sincèrement sur vos gardes pour ne pas oublier les choses que
vous avez vues de vos propres yeux, et ne pas les laisser échapper de
votre mémoire tant que vous vivrez, mais enseignez les à vos enfants et
aux enfants de vos enfants. » (Deutéronome IV 5-9)
Il existe deux erreurs
égales et opposées que les gens font souvent à propos de l’enseignement
catholique dans le secondaire – toutes deux dans de bonnes intentions,
toutes deux fatales pour l’avenir de l’Eglise.
La première erreur est
de traiter l’enseignement secondaire catholique comme s’il s’agissait
d’une école publique avec une messe et ensuite de se mettre à penser à
un lycée catholique comme le font beaucoup de gens à propos d’autres
lycées : simplement comme un moyen d’entrer dans « une bonne
université ». On doit avoir de « bonnes notes », mais ces notes n’ont
souvent aucun lien avec de vrais talents tels que lire des livres
complexes, écrire une prose littéraire, ou faire un solide débat.
« Avoir de bonnes notes » pour les gens qui voient les choses ainsi
concerne souvent davantage les parents et les directeurs qui intimident
les professeurs jusqu’à leur faire monter les notes et abaisser les
attentes, que la maîtrise d’un sujet par les élèves.
Certaines personnes
semblent croire qu’une certaine transformation magique arrivera à
l’université. Des élèves qui s’ennuient, victimes d’années
d’enseignement médiocre, vont s’épanouir miraculeusement en quatre
courtes années. J’enseigne à l’université. Je ne veux pas dire que cela
n’arrive jamais, mais c’est comme de croire qu’on peut envoyer son fils à
l’université pour apprendre à être un champion de basket Ball. La
plupart des joueurs, même les très bons, ne poussent pas le ballon
au-delà de l’université. Et s’ils ne sont pas très bons à l’arrivée, il y
a très peu de chances qu’ils s’améliorent dans ce royaume de la
débrouille. Les étudiants qui ont du mal à avoir 10 de moyenne au lycée
atteignent rarement 18 de moyenne à l’université.
Tandis que les
partisans de cette manière de voir pensent parfois que c’est une bonne
chose pour les élèves d’aller à la messe et de se confesser, il est rare
qu’ils croient que cela vaille la peine de dépenser beaucoup de temps
et d’efforts pour des cours de théologie. La substance de la théologie
qui a valu des siècles d’efforts de haut niveau intellectuel et de
réflexion profonde, semble compter pour peu de choses. La seule chose
importante est que le professeur de théologie assiste aux séances de
sports et aux productions théâtrales, soit d’un grand soutien, et montre
que la théologie (Dieu et l’Eglise) est dans le coup.
Mais que Dieu aide le
professeur qui met en danger par ses mauvaises notes en théologie, les
perspectives qu’a le fils ou la fille d’entrer dans une « super
école » ! La colère de l’enfer n’est rien en comparaison de celle d’un
parent dont les espoirs d’une bourse d’études sont détruits par une
mauvaise note en …..Théologie. C’est comme de se voir refuser l’entrée à
Harvard parce qu’on a eu une mauvaise note en vannerie. C’est indigne !
C’est absurde !
Une erreur moins
courante (en un sens, tout le contraire, mais qui finit par les mêmes
effets que la première, en plus fort), est celle que font les gens qui
se fichent pas mal de la formation intellectuelle des élèves, du moment
que l’école « les conduit au ciel ». Du moment qu’ils vont à la messe,
et se confessent, et que le prêtre et les religieuses semblent
orthodoxes, tout va bien. Est-ce que les élèves à l’école apprennent
vraiment quelque chose ; Est-ce que certains traversent les lourdes
couches du cynisme adolescent et l’interférence de la culture ; est-ce
qu’ils apprennent à vivre en chrétiens catholiques par désir et choix et
pas seulement par défaut, voilà des questions qu’on se pose trop
rarement. Du moment que l’école se dit « orthodoxe », alors c’est
supposé être bien.
Dans aucun des deux
cas, il ne semble important d’avoir un enseignement particulièrement
catholique : cette recherche profonde et systématique d’une
compréhension de la foi qui a inspiré pendant des siècles de grands
esprits depuis Justin le martyr, jusqu’à Augustin, Jean Chrysostome,
Thomas d’Aquin, Bonaventure, Dante, Thérèse d’Avila, Newman, Pieper,
Chesterton, et le pape Saint Jean Paul le grand. C’est la foi en l’unité
finale de la vérité qui a fait apparaître au Moyen Age cette vénérable
institution qu’est l’université. Des siècles de réflexions les plus
profondes sur la condition humaine, et la plus grande partie en a été
reléguée sur des étagères poussiéreuses dans les coulisses, au profit de
câlins, d’équipes de sport, de STEM [1] et encore d’une autre réunion sur l’éthique sexuelle.
Il n’y a rien de mal
dans aucune de ces activités, mais quand vous intégrez à l’université
des jeunes qui lisent et écrivent avec un niveau de 6° ou 5° (pas plus
de cinq pages à lire comme travail à la maison ; pas plus de deux ou
trois phrases en rapport les unes avec les autres dans une rédaction ) ;
ils ne savent pas grand-chose de plus sur leur foi que le fait que
l’Eglise catholique est contre l’avortement et les relations sexuelles
avant le mariage ; ils ne peuvent pas vous dire ce qu’est la Pentecôte,
ni qui sont Abraham, Isaac et Jacob (cela n’a rien d’exceptionnel) ; et
non seulement ils n’ont jamais lu Dante, Chesterton ou Newman, mais ils
n’ont pas la moindre idée de qui ils sont, alors vous soupçonnez que
quelque part, quelqu’un n’avait pas les bonnes priorités.
Fulton Sheen était
l’une des grandes lumières de la génération qui nous a précédés. Il a
essayé de transmettre aux fidèles laïcs la richesse de la tradition
intellectuelle catholique, par de nombreuses discussions sur Descartes,
Pascal, Saint Augustin, Thomas d’Aquin et beaucoup d’autres, dans le but
d’instruire les simples ouvriers catholiques et les ménagères qui
regardaient ses émissions à la Télévision. Il croyait de toute évidence
que c’était un moyen d’aider les catholiques à faire de leur foi une
réalité vivante parmi les complexités du monde moderne.
Ceux qui bénéficient
d’un enseignement séculaire de haut niveau, et qui font face aux défis
d’une culture sociale et politique complexe ont besoin de comprendre
leur foi à un niveau élevé ; autrement, la foi leur paraîtra vite
enfantine et deviendra lettre morte, un coquille vide : un catholicisme
sans convictions.
Quand les écoles
catholiques retrouveront-elles la foi que Fulton Sheen a transmise à
l’intelligence propre aux fidèles, à un degré suffisant pour envoyer
promener le fatras ennuyeux et vide qu’ils engrangent actuellement –
pour donner aux jeunes quelque chose de vrai ? Une centaine de pages de
n’importe quel traité de théologie moderne ne vaudra jamais une seule
page des Confessions de Saint Augustin, de la Nuit obscure de l’âme de
Saint Jean de la Croix, ou de l’Evangile de Saint Jean.
Un tel enseignement est un droit pour nos enfants. Il n’y a qu’un fou pour l’échanger contre un plat de lentilles.
Randall Smith,