Mois de juin, mois du Sacré Coeur. InfoCatho vous propose, tout
au long de ce mois de découvrir un peu plus la dévotion au sacré Coeur
et de vous unir notre chaîne de prière pour la France.
Voici pour ouvrir ce mois sacré l’encyclique du pape Léon XIII pour la consécration du genre humain au Sacré Cœur.
Voici pour ouvrir ce mois sacré l’encyclique du pape Léon XIII pour la consécration du genre humain au Sacré Cœur.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 25 mai de l’année 1899, de notre pontificat la vingt-deuxième.
A nos vénérables
frères les archevêques, les évêques et les autres ordinaires de la
confédération canadienne en paix et en communion avec le siège
apostolique.
LÉON XIII, PAPE
Vénérables Frères, Salut et bénédiction apostolique.
Nous avons naguère,
comme vous le savez, ordonné par lettres apostoliques qu’un jubilé
serait célébré prochainement dans cette ville sainte, suivant la coutume
et la règle établies par les anciens. Aujourd hui, dans l’espoir et
dans l’intention d’accroître la piété dont sera empreinte cette
solennité religieuse, Nous avons projeté et nous conseillons une
manifestation éclatante. Pourvu que tous les fidèles Nous obéissent de
cœur et avec une bonne volonté unanime et généreuse, Nous attendons de
cet acte, et non sans raison, des résultats précieux et durables,
d’abord pour la religion chrétienne et ensuite pour le genre humain tout
entier.
Maintes fois, Nous
Nous sommes efforcé d’entretenir et de mettre de plus en plus en lumière
cette forme excellente de piété, qui consiste à honorer le Très Sacré
Cœur de Jésus. Nous suivions en cela l’exemple de nos prédécesseurs
Innocent XII, Benoît XIII, Clément XIII, Pie VI, Pie VII et Pie IX. Tel
était notamment le but de notre décret publié le 28 juin de l’année
1889, et par lequel Nous avons élevé au rite de première classe la fête
du Sacré Cœur.
Mais maintenant Nous
songeons à une forme de vénération plus imposante encore, qui puisse
être en quelque sorte la plénitude et la perfection de tous les hommages
que l’on a coutume de rendre au Cœur très sacré. Nous avons confiance
que cette manifestation de piété sera très agréable à Jésus-Christ,
rédempteur.
D’ailleurs, ce n’est
pas pour la première fois que le projet dont nous parlons est mis en
question. En effet, il y a environ vingt-cinq ans, à l’approche des
solennités du deuxième centenaire du jour où la bienheureuse
Marguerite-Marie Alacoque avait reçu de Dieu l’ordre de propager le
culte du divin Cœur, des lettres pressantes émanant non seulement de
particuliers, mais encore d’évêques, furent envoyées en grand nombre et
de tous côtés à Pie IX. Elles tendaient à obtenir que le Souverain
Pontife voulût bien consacrer au très saint Cœur de Jésus l’ensemble du
genre humain. On jugea bon de différer, afin que la décision fût mûrie
davantage. En attendant, les villes reçurent l’autorisation de se
consacrer séparément si cela leur agréait, et une formule de
consécration fut prescrite. Maintenant, de nouveaux motifs étant
survenus, Nous pensons que l’heure est arrivée de mener à bien ce
projet.
Ce témoignage général
et solennel de respect et de piété est bien dû à Jésus-Christ, car Il
est le Prince et le Maître suprême. En effet son empire ne s’étend pas
seulement aux nations qui professent la foi catholique, ou aux hommes
qui ayant reçu régulièrement le saint baptême se rattachent en droit à
l’Eglise, quoiqu’ils en soient séparés par des opinions erronées ou par
un dissentiment qui les arrache à sa tendresse.
Le règne du Christ
embrasse aussi tous les hommes privés de la foi chrétienne de sorte que
l’universalité du genre humain est réellement soumise au pouvoir de
Jésus. Celui qui est le Fils unique de Dieu le Père, qui a la même
substance que Lui et qui « est la splendeur de sa gloire et l’empreinte
de sa substance » (Heb., I, 3). celui-là nécessairement possède tout en
commun avec le Père ; il a donc aussi le souverain pouvoir sur toutes
choses. C’est pourquoi le Fils de Dieu dit de lui-même par la bouche du
prophète : « Pour moi, j’ai été établi roi sur Sion, sa sainte
montagne ; le Seigneur m’a dit : « Tu es mon Fils, je t’ai engendré
aujourd’hui. Demande-moi, je te donnerai les nations pour ton héritage
et les limites de la terre pour ton patrimoine » (Ps. II, 6 8).
Par ces paroles,
Jésus-Christ déclare qu’il a reçu de Dieu la puissance, soit sur toute
l’Eglise qui est figurée par la montagne de Sion, soit sur le reste du
monde jusqu’à ses bornes les plus lointaines. Sur quelle base s’appuie
ce souverain pouvoir, c’est ce que nous apprennent clairement ces
paroles : « Tu es mon fils ». Par cela même, en effet, que Jésus-Christ
est le fils du Roi du monde, il hérite de toute sa puissance ; de là ces
paroles : « Je te donnerai les nations pour ton héritage ». A ces
paroles sont semblables celles de l’apôtre saint Paul : « Son fils qu’il
a établi héritier en toutes choses » (Heb. 1, 2).
Mais il faut surtout
considérer ce que Jésus-Christ a affirmé concernant son empire, non plus
par les Apôtres ou par les prophètes, mais de sa propre bouche. Au
gouverneur romain qui lui demandait « Tu es donc roi » ? il répondit
sans aucune hésitation : »Tu le dis, je suis roi » (Joan, XVIII, 37).
La grandeur de ce pouvoir et l’immensité infinie de ce royaume sont
confirmées clairement par les paroles de Notre-Seigneur aux apôtres :
« Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre » (Matth.,
XVIII, 18). Si toute puissance a été donnée au Christ, il s’ensuit
nécessairement que son empire doit être souverain, absolu, indépendant
de la volonté de tout être, de sorte qu’aucun pouvoir ne soit égal ni
semblable au sien. Et puisque cet empire lui a été donné dans le ciel et
sur la terre, il faut qu’il voie le ciel et la terre lui obéir.
Effectivement, il a
exercé ce droit extraordinaire et qui lui est propre, lorsqu’il a
ordonné aux apôtres de répandre sa doctrine, de réunir les hommes en une
seule Eglise par le Baptême du salut, enfin de leur imposer des lois
que personne ne pût méconnaître, sans mettre en péril son salut éternel.
Mais ce n’est pas
tout. Jésus-Christ commande non seulement en vertu d’un droit naturel et
comme Fils de Dieu, mais encore en vertu d’un droit acquis. Car « il
nous a arrachés de la puissance des ténèbres » (Coloss., I, 13) ; et en
outre il « s’est livré lui-même pour la rédemption de tous » (I Tim.,
II, 6). Non seulement les catholiques et ceux qui ont reçu régulièrement
le baptême chrétien, mais tous les hommes et chacun d’eux sont devenus
pour Lui « un peuple conquis » (I Pet., II, 9). Aussi, saint Augustin
a-t-il eu raison de dire à ce sujet : « Vous cherchez ce que
Jésus-Christ a acheté ? voyez ce qu’Il a donné et vous saurez ce qu’Il a
acheté. Le sang du Christ est le prix de l’achat. Quel objet peut avoir
une telle valeur ? Lequel, si ce n’est le monde entier ? Lequel si ce
n’est toutes les nations ? C’est pour l’univ ers entier que le Christ a
payé un tel prix » (Tract. 20 in Joan.).
Pourquoi les infidèles
eux-mêmes sont-ils soumis au pouvoir de Jésus-Christ ? Saint Thomas
nous en expose longuement la raison. En effet, après avoir demandé si le
pouvoir judiciaire de Jésus-Christ s’étend à tous les hommes, et avoir
affirmé que « l’autorité judiciaire découle de l’autorité royale », il
conclut nettement : « Tout est soumis au Christ quant à la puissance,
quoique tout ne lui soit pas soumis encore quant à l’exercice même de
cette puissance » (3a P., Q. 59, art. 4). Ce pouvoir du Christ et cet
empire sur les hommes s’exercent par la vérité, par la justice et
surtout par la charité.
Mais à cette double
base de sa puissance et de sa domination, Jésus-Christ nous permet dans
sa bienveillance d’ajouter, si nous y consentons de notre côté, la
consécration volontaire. Dieu et rédempteur à la fois, il possède
pleinement, et d’une façon parfaite, tout ce qui existe. Nous, au
contraire, nous sommes si pauvres et dénués, que nous n’avons rien qui
nous appartienne et dont nous puissions lui faire présent. Cependant,
dans sa bonté et sa charité souveraine, il ne refuse nullement que nous
lui donnions et que nous lui consacrions ce qui lui appartient, comme si
nous en étions les possesseurs. Non seulement il ne refuse pas cette
offrande, mais il la désire et il la demande : « Mon fils, donne moi ton
cœur ». Nous pouvons donc lui être pleinement agréables par notre bonne
volonté et l’affection de notre âme. En nous consacrant à lui, non
seulement nous reconnaissons et nous acceptons son empire ouvertement et
avec joie, mais encore nous témoignons réellement que si ce que nous
donnons nous appartenait, nous l’offririons de tout notre cœur ; nous
demandons ainsi à Dieu de vouloir bien recevoir de nous ces objets mêmes
qui lui appartiennent absolument. Telle est l’efficacité de l’acte
dont il s’agit, tel est le sens de nos paroles.
Puisque dans le Sacré
Cœur réside le symbole et l’image sensible de la charité infinie de
Jésus-Christ, charité qui nous pousse à l’aimer en retour, il est
convenable de nous consacrer à son Cœur très auguste. Agir ainsi, c’est
se donner et se lier à Jésus Christ ; car les hommages, les marques de
soumission et de piété que l’on offre au divin Cœur se rapportent
réellement et en propre au Christ lui même.
C’est pourquoi Nous
engageons et Nous exhortons à accomplir avec ardeur cet acte de piété,
tous les fidèles qui connaissent et aiment le divin Cœur. Nous
désirerions vivement qu’ils se livrassent à cette manifestation le même
jour, afin que les sentiments et les vœux communs de tant de milliers de
fidèles fussent portés en même temps au temple céleste.
Mais oublierons-nous
une quantité innombrable d’hommes, pour lesquels n’a pas encore brillé
la vérité chrétienne ? Nous tenons la place de Celui qui est venu sauver
ce qui était perdu et qui a donné son sang pour le salut du genre
humain tout entier. Aussi, nous songeons avec assiduité à ramener vers
la véritable vie ceux mêmes qui gisent dans les ténèbres de la mort.
Nous avons envoyé de tous côtés pour les instruire des messagers du
Christ ; et maintenant, déplorant leur sort, Nous les recommandons de
toute notre âme et Nous les consacrons, autant qu’il est en Nous, au
Cœur très sacré de Jésus.
De cette manière,
l`acte de piété que Nous conseillons à tous sera profitable à tous.
Après l’avoir accompli, ceux qui connaissent et aiment Jésus-Christ
sentiront croître leur foi et leur amour. Ceux qui, connaissant le
Christ, négligent cependant sa loi et ses préceptes, pourront puiser
dans son Sacré-Cœur la flamme de la charité. Enfin, nous implorerons
tous d’un élan unanime le secours céleste pour les infortunés qui
souffrent dans les ténèbres de la superstition. Nous demanderons que
Jésus-Christ, auquel ils sont soumis « quant à la puissance » les
soumette un jour « quant à l’exercice de cette puissance ». Et cela, non
seulement « dans un siècle à venir, quand il accomplira sa volonté sur
tous les êtres en récompensant les uns et en châtiant les autres » (S.
Thomas, loc. cit.), mais encore dès cette vie mortelle, en leur donnant
la foi et la sainteté. Puissent-ils honorer Dieu par la pratique de la
vertu, comme il convient, et chercher à obtenir la félicité céleste et
éternelle.
Une telle consécration
apporte aussi aux Etats l’espoir d’une situation meilleure, car cet
acte de piété peut établir ou raffermir les liens qui unissent
naturellement les affaires publiques à Dieu. Dans ces derniers temps
surtout, on a fait en sorte qu’un mur s’élevât, pour ainsi dire, entre
l’Eglise et la société civile. Dans la constitution et l’administration
des Etats, on compte pour rien l’autorité de la juridiction sacrée et
divine, et l’on cherche à obtenir que la religion n’ait aucun rôle dans
la vie publique. Cette attitude aboutit presque à enlever au peuple la
foi chrétienne ; si c’était possible, on chasserait de la terre Dieu lui
même. Les esprits étant en proie à un si insolent orgueil, est-il
étonnant que la plus grande partie du genre humain soit livrée à des
troubles profonds, et battue par des flots qui ne laissent personne à
l’abri de la crainte et du péril ? Il arrive fatalement, que les
fondements les plus solides du salut public s’écroulent lorsqu’on laisse
de côté la religion. Dieu, pour faire subir à ses ennemis le châtiment
qu’ils avaient mérité, les a livrés à leurs penchants, de sorte qu’ils
s’abandonnent à leurs passions et s’épuisent dans une licence excessive.
De là, cette abondance
de maux qui depuis longtemps sévissent sur le monde, et qui Nous
obligent à demander le secours de Celui qui seul peut les écarter. Or,
qui est celui-là, sinon Jésus-Christ, fils unique de Dieu ? « car nul
autre nom n’a été donné sous le ciel aux hommes, par lequel nous devions
être sauvés » (Act. IV, 12). Il faut donc recourir à Celui qui est « la
voie, la vérité et la vie. » L’homme a erré, qu’il revienne dans la
route droite ; les ténèbres ont envahi les âmes, que cette obscurité
soit dissipée par la lumière de la vérité ; la mort s’est emparée de
nous, conquérons la vie. Il nous sera enfin permis de guérir tant de
blessures, on verra renaître avec toute justice l’espoir en l’antique
autorité, les splendeurs de la foi reparaîtront, les glaives tomberont
et les armes s’échapperont des mains lorsque tous les hommes accepteront
l’empire du Christ et s’y soumettront avec joie, et quand « toute
langue confessera que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de
Dieu le Père » (Phil. II, 2).
A l’époque où
l’Eglise, toute proche encore de ses origines, était accablée sous le
joug des Césars, un jeune empereur aperçut dans le ciel une croix qui
annonçait et qui préparait une magnifique et prochaine victoire.
Aujourd’hui, voici qu’un autre emblème béni et divin s’offre à nos yeux.
C’est le cœur très sacré de Jésus, sur lequel se dresse la Croix et qui
brille d’un magnifique éclat au milieu des flammes. En lui nous devons
placer toutes nos espérances ; nous devons lui demander et attendre de
lui le salut des hommes.
Enfin, Nous ne voulons
point passer sous silence un motif particulier, il est vrai, mais
légitime et sérieux, qui Nous pousse à entreprendre cette manifestation.
C’est que Dieu, auteur de tous les biens, Nous a naguère sauvé d’une
maladie dangereuse. Nous voulons évoquer le souvenir d’un tel bienfait
et en témoigner publiquement Notre reconnaissance par l’accroissement
des hommages rendus au très saint Cœur.
Nous décidons en
conséquence que, le 9, le 10 et le 11 du mois de juin prochain, dans
l’église de chaque localité et dans l’église principale de chaque ville,
des prières déterminées seront dites. Chacun de ces jours-là, les
litanies du Sacré-Cœur, approuvées par Notre autorité, seront jointes
aux autres invocations. Le dernier jour, on récitera la formule de
consécration que Nous vous envoyons, Vénérables Frères, en même temps
que ces lettres.
Comme gage des faveurs
divines et en témoignage de Notre bienveillance, Nous accordons très
affectueusement dans le Seigneur la bénédiction apostolique à vous, à
votre clergé et au peuple que vous dirigez.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 25 mai de l’année 1899, de notre pontificat la vingt-deuxième.
Léon XIII,Pape