Le poète suisse Maurice Chappaz, disparu en 2009, aurait eu cent ans en 2016.
Ce journal qui constitue en quelque sorte son testament fut terminé
peu avant son décès. Il se lit comme un vent printanier sur une époque
bien automnale. À 90 ans passés, Chappaz conservait l’enthousiasme qui
l’avait jeté bien des décennies avant dans la poésie, dans la
participation à la construction d’un barrage alpin ou dans l’invention
loufoque d’un match de football entre Sion de Judée et Sion du Valais.
Le premier objet de son enthousiasme n’est autre que Bernadette
Soubirous, « la plus extraordinaire et la plus simple des voyantes ».
S’ensuit la réponse que le poète donne à la question « Qui sommes-nous
? » : des « oiseaux pour qui la terre est un prétexte, le ciel une
patrie ». Le ton est donné. Le poète séjourne alors dans un chalet de
montagne, pipe au bec. Son enfance et des pans entiers de sa vie
remontent au fil de la plume, intimement mariés à la nature, aux heures
du jour et de la nuit, à un résumé du journal d’un commandant de navire
pris dans les glaces arctiques en 1881, à bien d’autres sujets pour une
écriture légère et toujours prête à offrir une nouvelle pépite, une
nouvelle image baroque ou frappante de réalisme, une nouvelle trouvaille
verbale. Enfin, si le poète regrette la raréfaction des prêtres, ces
sentinelles de l’Absolu, il est dans l’attente paisible et plutôt amusée
de la grande Rencontre car pour lui, « on meurt » signifie « on va être rapatrié en Dieu ».
Maurice Chappaz, La pipe qui prie & fume, Éd. de la revue Conférence, 196 p., 25 €.