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samedi 3 juin 2017

Trump et la débâcle du bloc occidental




Il parait évident maintenant que Donald Trump  a accompli sa mission sans le vouloir : en voulant rendre l’Amérique à nouveau grande, il l’a rendue ridicule et inopérante. Le larbin teuton s’est révolté, le président Macron, plus pragmatique que marionnette, a reçu Vladimir Poutine dans les meilleures conditions possibles ; Trump s’est mis à dos tout le monde ou presque, et il a perverti un peu plus le Moyen-Orient en rendant visite et hommage aux Etats les plus pernicieux et périlleux du lieu. Nous voulions qu’il soit élu pour répandre le chaos, c’est chose faite maintenant. Aux Américains de se débrouiller avec lui, son invisible armada (qui n’effraie même pas la Corée !), son impeachment plus ou moins comique et impossible, sa camarilla fatiguée et sa dette effroyable. Charles Hugh Smith, repris par Eric Zuesse dans son washingtonblog.com, explique que pour vivre convenablement en Amérique (pas comme un riche ; convenablement), il faut 200 000 dollars. Le revenu moyen par ménage est de 57 000 dollars. Le prix exorbitant des écoles, des soins médicaux et même du burrito mexicain (oubliez le vieux steak américain) ont triplé en quinze ans, au nez et à la barbe des organismes chargés par tous les Obama de la planète de mesurer l’inflation.  C’est le seul domaine, avec la dette publique et l’obésité, où les Américains ont pris de l’avance. La fissure de la grande muraille décrite jadis par René Guénon dans le plus beau chapitre de son Règne de la Quantité fonctionne à plein. Il fallait un grand enfant un peu naïf pour révéler la nudité du roi, et ce fut The Donald. La Chine contrôle maintenant le monde, et elle le fait savoir. Elle comme la Russie auront été renforcées par la prestation du guignol américain au cours du siècle passé.
Finalement il faut le connaître : les néocons avaient raison, mais sans le savoir. Il ne fallait toucher à rien avec les idiots européens, ne parler que des classiques (russophobie, réchauffement climatique, pendaison de Assad, etc.) et ne pas remuer le château de sable occidental. Comme dit Elvis Presley dans une de ses meilleures chansons : a house of sand is not a work of art. On traduit pour BHL ?
Je laisse parler Wayne Madsen, traduit par le sakerfrancophone.fr :
Le message clair envoyé au monde par la réunion de Beijing était que la vision unipolaire du monde de l’Amérique était morte et enterrée. Même parmi les amis de longue date et les alliés de Washington, on n’a pas entendu désigner Donald Trump comme le « leader du monde libre ». Cette expression a disparu dans la poubelle de l’Histoire, en même temps que l’insistance de l’Amérique à se présenter comme la seule superpuissance du monde. Les États-Unis sont une puissance de second ordre, qui se trouve posséder un arsenal nucléaire de premier ordre.
Oui, l’Amérique, on s’en fout. Je viens enfin de relire Nicholas Spykman, qui m’a beaucoup déçu, et on ne peut pas bâtir une puissance sur de l’eau (ou du sable) ! L’Angleterre y est arrivée et n’a maintenu sa puissance, comme je l’ai montré suite à Guido Preparata, qu’en préparant la guerre civile européenne. Les agents anglo-saxons fabriquèrent le nazisme et favorisèrent le bolchévisme pour encourager la guerre européenne qui leur permettrait de dominer ce continent.
Celle-là est derrière nous et c’est la route de la soie continentale qui va s’organiser sous l’égide de la Russie et de la Chine. Brzezinski est mort juste à temps pour ne pas tourner vert. A moins que sa perception de la défaite n’ait précipité son envoi aux enfers. Un grand cinéaste me disait que la critique pouvait crever, mais qu’elle gardait son pouvoir de nuisance. Il en est de même des puissances anglo-saxonnes qui ont pu déclencher les printemps arabes et autres terrorisme islamique pour se maintenir. Et elles ont craqué psychologiquement plus vite que la Russie dirigée par une équipe aux nerfs d’acier : le Brexit et le choix de Trump. La rageuse Merkel, qui prend toujours ses ordres de Obama, est aujourd’hui insultée par le Financial Times en personne.
Madsen continue :
Une nouvelle infrastructure mondiale était discutée à Beijing, pendant que les coups politiques fumants faisaient l’essentiel des conversations à Washington. Les États-Unis ont sombré dans un statut mondial de second ordre et sont gravement menacés en tant qu’État-nation cohérent, mais ne le réalisent même pas.
Mais ne crions pas trop de suite victoire : le nationaliste Trump n’a pas été une affaire pour les Américains ; mais la chute de la maison Europe n’est pas non plus une bonne affaire pour nous Français au niveau où nous en sommes avec des européistes aux manettes et le FN dans l’opposition.
En d’autres termes, l’Union Européenne, qui est en train de perdre le Royaume-Uni en tant que membre et ne verra jamais l’adhésion de la Turquie, est un organisme international à l’agonie. D’autres initiatives internationales, comme l’EEU, les BRICS, l’AIIB et les Routes de la Soie, laissent l’UE et les États-Unis à la traîne.
Les murailles protègent aussi, dit Guénon. A leur suite, c’est Gog et Magog. On espère que les néocons achèveront de boire le bouillon, mais il en faut pas se contenter de la schadenfreude, de joie malsaine à voir un ennemi imploser. La disparition du bloc occidental qui va être remplacé par un bloc eurasien, venu de l’ile-monde définie par McKinder, bloc qui  vient de gagner sous nos yeux la guerre géostratégique planétaire (sauf si on a droit à l’impeachment et une attaque suicide du bloc vaincu, conseillé par les Kristol-BHL-Rasmussen), ne mettra pas fin à nos problèmes, mais en nourrira de nouveaux. Nous allons devenir vraiment ce petit cap de l’Asie dont parlait Valéry il y a un siècle.

Sources
  • Wayne Madsen – le sakerfrancophone.fr
  • Nicolas Bonnal – Hitler et Versailles (Amazon_Kindle) ; chroniques de la Fin de l’Histoire
  • Nicholas Spykman – America’s strategy in world politics (archive.org)
  • René Guénon – Le règne de la quantité (chapitre XXV)
  • Paul Valéry – Regards sur le monde actuel