Georges Feltin-Tracol
Le
dimanche 18 mars prochain se déroulera le premier (et probable unique)
tour de l’élection présidentielle de la Fédération de Russie. Tous les
observateurs s’accordent pour annoncer la réélection du président
Vladimir Poutine à un nouveau mandat de six ans tant la Russie est une
démocratie « illibérale », plébiscitaire et charismatique.
Outre
le président sortant participent sept autres candidats. Les
commentateurs s’attardent sur Ksenia Sobtchak, la fille de l’ancien
maire libéral de Saint-Pétersbourg et mentor du jeune Poutine dans les
années 1990. Ils oublient en revanche Pavel Groudinine, le candidat du Parti communiste, par ailleurs chef d’une entreprise agricole, qui n’a même pas la carte de l’ancien parti dirigeant soviétique.
Chef du Parti libéral-démocrate de Russie
créé à l’origine par le KGB afin de contrôler les mouvances
nationalistes, Vladimir Jirinovski se présente pour la sixième fois à la
fonction suprême. Il n’est pas le seul à occuper le créneau du «
national-populisme » puisqu’il faut compter avec le député fédéral
Sergueï Babourine, âgé de 59 ans.
Jeune
député au Soviet Suprême dès 1990, Sergueï Babourine fut parmi les sept
élus qui votèrent contre la dissolution de l’Union Soviétique. Qualifié
tantôt de « nationaliste modéré », tantôt d’« ultra-nationaliste »,
Sergueï Babourine serait surtout le représentant des fameux « Rouge-Brun
». En effet, l’ancien recteur de la faculté de droit d’Omsk et ancien
vice-président de la Douma d’État a ouvertement soutenu le président
yougoslave Slobodan Milosevic, s’est indigné de la scandaleuse
condamnation du président serbe de Bosnie, Radovan Karadzic, a invité en
2003 à Moscou Jean-Marie Le Pen et apporté l’année suivante un vibrant
appui à Bruno Gollnisch, victime des lois liberticides scélérates. Ces
quelques prises de position politiquement incorrectes n’empêchèrent pas
le futur candidat à être invité en mai 2006 à une réunion de l’Internationale Socialiste à Moscou consacrée à l’avenir du Caucase.
Un temps proche du Bloc Rodina (« Patrie »), ce nationaliste de gauche dirige désormais l’Union des peuples russes dans laquelle il a fondu son mouvement, La Volonté du Peuple.
Très hostile à l’OTAN et à la propagande venue de l’Occident
globalitaire, plus que nationaliste, Sergueï Babourine est avant tout un
partisan de l’État entendu comme grande puissance. Il fait sienne la
formule émise dès 1989 : « L’État comme idée, l’État comme puissance,
l’État comme structure militaire. » L’Express du 16 septembre
1993 rapportait ses critiques sévères à l’encontre d’Alexandre
Soljenitsyne : « Dans sa lutte contre le marxisme-léninisme,
Soljenitsyne a fini par détruire l’État lui-même. Il a fait le jeu de
l’Occident. »
Ami
personnel du dissident Alexandre Zinoviev (1922 – 2006), Sergueï
Babourine a recueilli afin de pouvoir se présenter 120 000 parrainages
de citoyens russes. Il est évident qu’il ne s’agit que d’une sympathique
candidature de témoignage, car, comme il l’affirmait déjà à L’Express du 2 novembre 1995 : « En Russie comme en URSS hier, la vie politique s’ordonne autour d’un chef. Qu’il soit prince, tsar,
empereur, secrétaire général ou président, c’est à lui de fédérer les
talents. » Il sait que pour l’heure, le fédérateur politique ne peut
s’appeler que Vladimir Poutine.
Bonjour chez vous !
• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n°69, diffusée sur Radio-Libertés, le 9 mars 2018.