Etienne Lefebvre / Rédacteur en chef "International, Politique et Economie générale"
La suppression de la taxe pour les 20 % de ménages les plus aisés ne sera pas financée par la hausse d'autres impôts. Un geste à 9 milliards à forte portée politique, et qui accroît la pression sur Bercy pour réaliser des économies sur les dépenses publiques.
Il n'y a pas de cagnotte, mais le
gouvernement vient d'officialiser une baisse d'impôts susceptible de
modifier de façon substantielle la programmation budgétaire du
quinquennat. La suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % de
ménages les plus aisés, annoncée il y a plusieurs mois par Emmanuel
Macron, ne sera pas financée par des mesures fiscales par ailleurs . Or la mesure, chiffrée par Bercy entre 8 et 9 milliards d'euros, ne figure pas dans la trajectoire de finances publiques transmise à Bruxelles .
Jusqu'à
présent, le gouvernement avait prévu des baisses nettes d'impôts à
hauteur d'environ 20 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat (la
principale mesure étant l'exonération de taxe d'habitation pour 80 %
des Français). La décision de ne pas compenser la suppression complète
de la taxe d'habitation sur la résidence principale rehausse
sérieusement ce quantum. D'autant que d'autres nouvelles ristournes sont
à venir : baisse des impôts de production pour les entreprises , suppression de petites taxes, etc.
Par ces annonces qui n'étaient pas attendues
si tôt, le gouvernement cherche à couper court aux polémiques sur sa
politique fiscale. De fait, malgré la réduction globale des impôts votée
à l'automne, les hausses (CSG, tabac, essence) supplantent les baisses
(cotisations des salariés, imposition du capital, taxe d'habitation, IS)
dans le ressenti de l'opinion, en raison notamment du décalage dans le
temps de certaines mesures.
L'objectif d'économies grossit...
L'augmentation du taux de prélèvements obligatoires en 2017
, liée à l'accélération de la croissance et des rentrées fiscales, a
aussi contribué à brouiller le message. L'annonce d'une refonte de la
fiscalité locale a par ailleurs fait craindre la création de nouvelles
taxes.
Gérald Darmanin procède donc à une
clarification bienvenue. Mais elle en appelle une autre sur la stratégie
de finances publiques. Car outre la facture de la taxe d'habitation, Bercy va devoir intégrer la reprise de dette progressive de la SNCF à compter de 2020 , qui pèsera sur le déficit public.
... mais les annonces concrètes restent modestes
A
chaque fois, l'exécutif renvoie sur les réformes à venir pour diminuer
les dépenses. L'objectif d'économies grossit, mais les annonces
concrètes restent modestes, dans l'attente notamment des propositions du
comité Action publique 2022. Le rapport initialement prévu fin mars est
désormais escompté pour la mi-mai.
L'autre
pari d'Emmanuel Macron est plus politique. L'exonération de taxe
d'habitation pour 80 % des Français était présentée comme une mesure
ciblée sur les classes moyennes. Avec sa suppression totale, au
demeurant justifiée, l'argument tombe.
Etienne Lefebvre