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mercredi 29 janvier 2014

Pacte de responsabilité : une politique de l’offre qui ne dit pas son nom


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Faute d’une forte reprise de l’activité, la baisse des charges promise par François Hollande aux entreprises ne devrait pas entraîner de baisse du chômage.


François Hollande, dans ses vœux de nouvel an, a proposé au patronat un pacte de responsabilité, accueilli favorablement par Pierre Gattaz. La proposition du Président a été formulée sur le mode du donnant-donnant : il propose de réduire une nouvelle fois les charges qui pèsent sur les entreprises, au-delà des 20 milliards du crédit d’impôt compétitivité-emploi (Cice), et leur demande, en échange, de souscrire des engagements sur le plan de l’emploi.


Un tel contrat peut-il se révéler efficace ? Tout dépend si l’on s’en tient à l’objectif affiché ou à l’objectif implicite de François Hollande. Une chose est sûre : baisser les charges n’aura pas d’effet à court terme sur le niveau du chômage. En fait, la population active occupée dans le secteur marchand devrait continuer de diminuer en 2014, faute d’une forte reprise de l’activité, et cette diminution va s’ajouter à celle de l’emploi public, compte tenu des coupes dans les dépenses publiques. En revanche, si l’objectif réel que poursuit François Hollande est d’améliorer la compétitivité-prix des entreprises françaises, dans un Europe où la concurrence l’emporte sur la coopération, la mesure fait sens.  

Le Président a renoncé, trop rapidement, à obtenir que des mesures fortes de relance de l’économie soient mises en œuvre au niveau européen après son élection. Depuis lors, son véritable objectif est moins de relancer l’emploi à court terme, que d’accroître la compétitivité de l’entreprise France, sachant que les emplois aidés sont là pour tenter de limiter les dégâts sur le plan social et d’obtenir la désormais fameuse « inversion de la courbe du chômage ».

Au fond, cette baisse des charges, associée à la hausse de la TVA appliquée au 1er janvier 2014, sert de substitut à une dévaluation, rendue impossible par l’euro. François Hollande met en œuvre la TVA sociale que Nicolas Sarkozy proposait en 2007, mais qu’il n’a pas voulu ou osé mettre en œuvre durant son quinquennat…

Dans ces conditions, le marchandage baisse des charges contre créations d’emplois apparaît d’abord comme une mise en scène propre à rendre acceptable par la gauche la politique de l’offre suivie par le gouvernement. Les contreparties ne sont là que pour l’affichage. Il suffit pour s’en convaincre de regarder la façon dont le crédit d’impôt compétitivité emploi est mis en œuvre. Contrairement aux promesses faites, les directions d’entreprise se sont dispensées de rendre compte de l’usage fait des milliards perçus aux représentants du personnel. Et les créations d’emplois attendues sont loin d’être au rendez-vous pour l’instant.

Les politiques de compétitivité, dont on peut par ailleurs discuter la nécessité, n’ont pas d’effet à court terme sur l’emploi. Surtout, leur efficacité suppose que l’offre soit au rendez-vous – que les entreprises soient prêtes à gagner des parts de marché en interne et à l’export… – mais aussi la demande. Ces politiques se révèlent efficaces dans des économies très ouvertes et pour autant que l’environnement international soit favorable : c’est ce dont ont bénéficié la Suède ou le Canada dans les années 1990. Mais, pour un pays comme la France, où le niveau de l’activité dépend d’abord de la demande intérieure et dans un contexte où les voisins pratiquent la même politique de rigueur, cela ne peut marcher.

Les exemples espagnol et britannique sont là pour en témoigner. Côté espagnol, on observe effectivement un redressement spectaculaire des comptes courants du pays, mais cela n’a pas permis de réduire significativement le chômage qui dépasse toujours 25 % de la population active, et touche plus de 50 % des jeunes. Seule une reprise de l’activité, associée à une diminution du poids de la dette, peut faire réellement repartir l’emploi. Le Royaume-Uni, à l’inverse, va mieux. Il a renoué avec la croissance, mais ce mieux n’est pas tiré par les exportations. La politique de coupes dans les dépenses pratiquée par George Osborne, le chancelier de l’échiquier, masque une politique économique demeurée très expansionniste, comme en témoigne le haut niveau persistant des déficits publics, la vive progression de la dette et une politique monétaire très accommodante. Au final, la reprise de l’économie britannique est d’abord tirée par la demande intérieure, comme en témoigne le retour de la bulle immobilière, et non par les exports. Une double leçon à méditer.

Philippe Frémeaux