[La
querelle entre l'orthodoxie catholique et le néo-paganisme e n'est pas
une querelle universitaire : elle implique deux visions de la Cité
radicalement antinomiques. Pour le néo-paganisme, le divin est immergé
dans la Cité, à l'image de cette figure d'Athéna]
Un dialogue philosophique et religieux entre le païen Alain de Benoist
et le catholique Thomas Molnar : tel est l'objet d'un livre paru
récemment aux Éditions La Table Ronde. Et quand un exemplaire de cet
ouvrage, intitulé L'éclipse du sacré, m'est parvenu, j'ai un
peu eu l'impression de revenir 8 années en arrière. Un dialogue
similaire, en effet, avait eu lieu dans la revue munichoise Criticón (n°47) de mai-juin 1978 entre Molnar et Armin Mohler. Molnar, fidèle aux thèses qu'il avait exprimées avec brio dans Dieu et la connaissance du réel
(PUF, 1976), se faisait l'avocat du "réalisme" politique tandis que
Mohler plaidait pour un "nominalisme". Dans le numéro d'automne (1978)
de feu la revue bruxelloise Pour une renaissance européenne (n°
22/23) animée alors par Georges Hupin, j'ai résumé ce dialogue.
Quelques mois plus tard, A. de Benoist consacrait un numéro de sa revue Nouvelle École (n°33, été 1979) au "nominalisme" [« Fondements d'une attitude nominaliste devant la vie
»] et publiait en version française le texte de Mohler [« Le tournant
nominaliste : un essai de clarification »]. La tradition nominaliste,
l'option nominaliste de la "Nouvelle Droite" prenait forme, tandis que
le Tout-Paris accueillait le second livre théorique de Bernard-Henri
Lévy, Le Testament de Dieu (Grasset, 1979), qui sommait les Français de choisir pour Jérusalem et la Loi, contre Athènes et la polis. En 1981, de Benoist répondra à son tour au défi de Lévy, en publiant, chez Albin Michel, Comment peut-on être païen ?
Une
querelle venait de s'ouvrir : celle du christianisme (ou
judéo-christianisme) contre le néo-paganisme, celle de l'universalisme
contre l'existentialisme nominaliste. L'éclipse du sacré marque une
seconde étape dans cette vaste polémique philosophique, tandis que
Jacques Marlaud en tire un bilan païen, tout en resituant la querelle
dans l'histoire des lettres françaises (Cf. J. Marlaud, Le Renouveau païen dans la pensée française, Le Labyrinthe, 1986).
Dans leur disputatio
philosophique de 1978, Molnar et Mohler avaient jeté les bases de la
querelle et l'on n'exagérerait pas en affirmant que ce dialogue
polémique a quelque peu été "axial", en ce sens qu'il clarifiait les
positions et permettait au public de choisir, en vue de construire une
société conforme aux valeurs défendues par les protagonistes. Molnar
appelait "réalisme" l'acceptation d'un "substrat" précédant et
sous-tendant tout ce qui existe dans le cosmos. Ce substrat,
affirme-t-il, est le soubassement d'un ordre intelligent, d'une
structure de l'être et de la nature humaine. Pour Molnar, l'homme
politique doit reconnaître ce "substrat" et s'y soumettre humblement,
sans chercher à modifier la nature humaine, entreprise qui serait de
toute façon vouée à l'échec.
Refuser
de reconnaître le substrat divin du monde est le propre des pensées
utopiques/gnostiques, écrit Molnar. Pour lui, Dieu (le substrat) n'est
ni inaccessible (ce qui impliquerait qu'il laisse le monde au hasard,
aux aléas) ni immanent (ce qui implique qu'il n'y aurait pas de
distance, génératrice du sacré, entre les hommes et Dieu). Molnar le
Catholique croit en un Dieu transcendant et personnel, c'est-à-dire
simultanément distancié du monde et des hommes et présent au sein du
monde par le truchement de l’incarnation. L'homme, être de raison, est
ainsi un "pont" entre Dieu et le monde. La conception thomiste de Molnar
veut que l'homme soit matière et forme à la fois ; en langage
théologique : hylémorphique.
À
ce réalisme, hostile aux "utopies" produites par les pensées
ésotéristes, mystiques, immanentistes, Mohler opposait une sorte de
pragmatisme qui réfutait l'idée d'un substrat universellement valable.
Si les universalistes (parmi lesquels il rangeait Molnar) veulent bâtir
un monde axé sur la notion de substrat unique, les nominalistes sont
créateurs de formes ; ils répondent aux défis par des réponses hic et nunc,
différentes selon les circonstances. La diversité des défis implique la
diversité des réponses donc des formes et exclut toute espèce de
monolithisme du substrat. Comme Faust, ces nominalistes voient le
commencement de toute chose dans l'action. Mohler renoue là avec la
pensée allemande de ce siècle, imprégnée de nietzschéisme.
Pour
Molnar, formé à l'école thomiste et professeur à New York, l'équation
"conservatisme (ou droite) = christianisme (catholique de préférence)"
est une évidence. Mohler a, lui, toujours contesté cette équation. À la
suite de Nietzsche,
il conteste l'eschatologie chrétienne et sa vision linéaire de
l'histoire. Pour Mohler, l'histoire n'est pas téléologique, elle ne tend
pas vers Dieu, vers le Jugement Dernier mais reçoit, de temps à autre,
l'impulsion de grands peuples ou de grandes personnalités. La position
du nominaliste est celle du réalisme héroïque (bien différent du
réalisme substantiel de Molnar) : « tout ce qui arrive est adorable »
(L. Bloy). Ou comme dirait Nietzsche : Amor fati. Le monde est
espace de création, d'action formatrice. L'homme crée à ses risques et
périls et les aléas peuvent réduire à néant ses créations. Le risque
demeure omniprésent.
Dans
la querelle de 1978, indubitablement, Molnar, fort de ses écrits
antérieurs et de ses recherches historico-théologiques, avait l'avantage
de la clarté et aussi celui de s'inscrire dans une tradition
philosophique bien discernable, celle du catholicisme romain. Mohler,
lui, était moins clair mais plus prometteur. Il faisait appel à la fibre
créatrice, au goût du défi et de la transgression.
Huit
années après ce débat, Molnar a quitté ses démonstrations limpides et
écrit un texte fourmillant d'expériences personnelles. Et A. de Benoist a
approfondi son option "nominaliste", calquée au départ sur celle de
Mohler et de son maître Walter Hof (1), et l'a étayée par une lecture
assidue de Heidegger.
Si, à mes yeux de modeste lecteur, Molnar me semblait avoir le dessus
en 1978 (même si mes propres options me portaient à accepter pleinement
le nietzschéisme de Mohler, sans que je n'ai encore eu la joie de lire
W. Hof), de Benoist semble aujourd'hui avoir définitivement conquis la
rigueur au profit des nominalistes et des néo-païens. Cette appréciation
est sans doute bien personnelle, mais je persisterai désormais, jusqu'à
nouvel ordre, à voir la quintessence des deux démarches — la
catholique/conservatrice de Molnar et la néo-païenne de de Benoist —
dans Dieu et la connaissance du réel et dans la partie de L'éclipse du sacré rédigée par le philosophe païen.
Dans L'éclipse du sacré,
en effet, Molnar campe fermement sur ses positions, tout en se faisant
moins théoricien, moins historien des théologies européennes (une lacune
à mes yeux, mais certainement un avantage pour ceux qui n'ont pas la
manie, comme moi, de collectionner les références, pour en faire des
bornes-repères dans cette forêt qu'est l'histoire des idées et des
concepts) et plus "parabolique", plus narrateur d'expériences vécues. Au
risque d'une certaine confusion doctrinale, qui, auparavant n'avait
nullement été son propre. Molnar, en effet, est toujours à l'affût des
manifestations tangibles de son substrat divin.
Cette
quête inlassable s'avère chaque jour plus difficile dans un monde qui
veut se soustraire à toute espèce de transcendance. La position de
Molnar vis-à-vis du sacré est effectivement difficile à tenir ; pour
lui, en effet, le "sacré" est médiateur, il est "connecté" au divin et à
l'univers physique, matériel. En conséquence, Molnar refuse d'adorer un
Dieu absent du monde, indifférent au monde ; il rejette les théologies
qui expriment la radicale altérité du divin par rapport au monde, à
l'univers physique. Deuxième conséquence, Molnar refuse la démarche
mystique — celle d'un Maître Eckhart, par ex. — qui immerge le divin
dans le inonde, abolissant du même coup la césure.
Catholique,
Molnar aperçoit le sacré dans le mystère de l'incarnation, dans la
communication qui en résulte entre les sphères du divin et de
l'immanence. Indubitablement, le génie du catholicisme, par rapport aux
théologies du Dieu inaccessible, a été de revaloriser la création, le
monde physique et sensible par le recours à l'incarnation. Néanmoins, la
césure subsiste, hiatus que le catholicisme n'a jamais éliminé, et le
monde ne reçoit d'autre validité que celle d'être objet de la
sollicitude divine, d'être lieu éventuel de l'incarnation. Molnar refuse
donc, par fidélité aux dogmes catholiques, la démarche mystique, celle
de l'immersion du divin dans l'univers. C'est essentiellement contre ce
refus, contre le maintien de la césure chrétienne, héritée des
théologies judéo-grecques où le Dieu unique est coupé du monde, que
s'insurge le néo-païen A. de Benoist.
Sa
démarche s'articule autour de 3 définitions : celle du sacré proprement
dit, celle de la désacralisation et, enfin, celle de la sécularisation.
Molnar constatait la disparition du sacré par l'avènement des
gnosticismes laïcisés, qui cherchaient à transposer le parfait du divin
dans le monde, générant dans la foulée les mirages utopiques. De
Benoist, lui, constate une lente involution vers le désenchantement.
Philologique, sa démarche a le mérite de commencer par une définition du
sacré au départ des racines linguistiques indo-européennes des vocables
exprimant la sacralité, le divin, la sainteté, etc.
Cette
exploration, inspirée notamment de Benvéniste et de Dumézil, donne à sa
démonstration une rigueur que semble avoir perdue Molnar par rapport à
ses travaux antérieurs ; se situant dans la tradition romantique et
nietzschéienne à la fois, de Benoist travaille ici par généalogie : il
reconstitue l'histoire (hélas involutive) de la notion de sacré. Par
l'analyse du vocabulaire grec, latin, celtique, germanique et slave, de
Benoist, comme précédemment Mircea Eliade, peut déduire l'immanence du
sacré comme trait récurrent de la religiosité indo-européenne qui, qu'on
l'admette ou non, forme finalement la religiosité éternelle, la trame
religieuse incontournable, des peuples d'Europe, issus de la patrie
originelle commune à tous les locuteurs de langues indo-européennes.
De
pseudo-morphoses en pseudo-morphoses (pour reprendre l'expression
spenglérienne), cette religiosité a survécu au travers des
travestissements chrétiens. Sigrid Hunke (in : La vraie religion de l'Europe,
Le Labyrinthe, 1985), inspiratrice de de Benoist, a retracé de manière
magistrale la longue histoire de cette religiosité toujours étouffée
mais jamais annihilée. De la Gottheit (déité) de Maître
Eckhardt à Heidegger, philosophe dont l'œuvre sous-tend tout le
néo-paganisme de de Benoist, l'immanence, le monde créé, la nature, la
Vie reprennent leurs droits, ravis jadis par le christianisme et ses
théologies de la césure. Avec Heidegger, l'Être n'est plus hors du
monde, mais fondamentalement "présence au monde". L'Être se dévoile au
monde, par irruptions régulières mais est "toujours déjà-là". Le
substrat que les théologies bibliques et chrétiennes percevaient en
dehors de l'immanence se voit ré-ancré dans la "concrétude ravissante"
de l'univers. L'incarnation n'est plus un événement exceptionnel, elle
est une constante sans commencement ni fin.
Si
l'immanence englobe le sacré et si celui-ci est manifestation du
mystère de l'univers, la désacralisation, constatable dans notre
actuelle civilisation, est un produit des théologies de la césure.
Issues de la Bible, ces théologies posent une distinction radicale entre
le monde et Dieu. Avec le théologien allemand Friedrich Gogarten, de
Benoist démontre que la désacralisation commence précisément avec
l'affirmation que le cosmos est distinct de Dieu. « Par là, écrit-il, le
cosmos se trouve en effet vidé de toutes les forces vivifiantes que le
paganisme antique y voyait se manifester et advenir à la présence »
(p.130). Le monde historique va devenir, par suite, le théâtre d'un
affrontement entre les forces politiques partisanes des théologies de la
césure et les forces politiques partisanes des religiosités naturelles
et cosmiques, désignées "idolâtres" pour les besoins des croisades.
Les
théologies de la césure posent comme lieu de la perfection un au-delà,
radicalement distinct de l'immanence. Elles biffent ainsi toute cité
concrète de leur horizon. Ce qui a pour corollaire immédiat, la volonté
de détruire les sacralités localisées, particulières, originales, en vue
de construire le modèle unique de la Cité de Dieu. « La lutte contre
"l'idolâtrie" est aussi, et peut-être surtout, lutte contre
l'attachement au lieu sacralisé par les dieux qui le patronnent. Le
lieu, en quelque façon, est toujours origine. Or, désormais, l'avenir
porteur d'espérance prime l'origine. lahvé n'est pas le dieu d'un lieu.
Se tenant hors du monde, il est de partout, c'est-à-dire de nulle part »
(p.157).
Molnar
tenait à préserver le lien de l'homme à la sacralité et évoquait
l'exemple de la messe catholique, comme célébration de la présence du
Christ, c'est-à-dire du divin, au milieu des hommes. De Bneoist démontre
que l'éradication progressive des lieux sacrés du paganisme (qui ont
subsisté dans le culte des saints, transformations des divinités
celtiques ou germaniques) et l'abandon progressif, sous les coups du
monde moderne, de cette religiosité populaire vaguement christianisée a
brisé tous les liens qui unissaient les hommes entre eux et les a
détachés du sacré communautaire. Paradoxalement, de Benoist exprime de
manière plus cohérente la disparition du sacré, que Molnar déplore avec
autant d'intensité que lui.
Avec
cette disparition du sacré ou plutôt à cause de son refoulement et à
cause de la non reconnaissance de sa présence dans l'immanence, on
assiste, nous explique de Benoist, à une sécularisation planétaire, à un
désenchantement (Entzauberung pour reprendre le mot de Max
Weber). Désormais, « la modernité se caractérise par l'anonymat, le
désassujetissement, l'impossibilité grandissante de communiquer,
l'angoisse qui naît du sentiment de déréliction... » (p. 188). Nouveau
paradoxe, mis en exergue par le néo-païen de Benoist : le christianisme,
qui a voulu être la seule "vraie" religion avec ou sans incarnation,
aboutit à l'abolition du sacré, à l'athéisme (quand il se laïcise dans
l'Europe du XVllle), à
l'incroyance. Un éventail de questions nous vient aussitôt : L'homme ne
peut-il croire réellement, ne peut-il avoir de re-ligion (de re-ligere)
que dans un cadre restreint ? Que dans le cadre de sa tribu ? La
volonté de mondialiser donc de délocaliser une religion ne
constitue-t-elle pas une chimère ? Une utopie ? L'homme ne
reconnaîtrait-il de substrat qu'à petite échelle ? La perspective
planétaire ne parviendrait-elle pas à s'inscrire dans les cœurs et à
mobiliser la foi ?
A.
de Benoist constate que l'Église, dans cette perspective de
mondialisation, est obligée de redevenir iconoclaste (cf. p.192), de
gommer le merveilleux des images de saints, merveilleux qui, pourtant,
en dissolvant la pureté doctrinale du message chrétien et en incorporant
des éléments de sacralité pagano-locaux, avait rendu le christianisme
habitable. Ce retour aux origines iconoclastes permet de conclure à
l'athéisme fondamental du christianisme, à l'impossibilité pratique du
dieu sans lieu. L'idée que le christianisme est en fait un athéisme en
gestation se retrouve aussi chez le philosophe Ernst Bloch (cf. Atheismus im Christentum : Zur Religion des Exodus und des Reichs,
Suhrkamp, Frankfurt a.M., 1968). Les premiers athées, écrit-il, ont été
les premiers chrétiens de la Rome de Néron qui niaient la divinité de
la Cité.
La
Cité : les deux auteurs en parlent, certes, mais pas assez. Sera-ce
l'objet d'un prochain ouvrage ? De Benoist l'a en tout cas anticipé par
un opuscule part particuliérement intéressant sur la démocratie. Car le
défi chrétien est un défi essentiellement politique. L'arasement
culturel qu'il a provoqué en Europe a largement été dépassé par
l'érudition, la philologie, etc. du XIXe siècle, même si le XXe siècle a rendu caduc les implications politiques de ces découvertes révolutionnaires. Le savoir du XIXe
a, en quelque sorte, comblé les lacunes causées par la
christianisation. Le recours à l'héritage païen chez de Benoist,
conforté par la philosophie de Heidegger et l'histoire religieuse
suggérée par Sigrid Hunke, devra ultérieurement se doubler d'un
dépassement des implications politiques de la christianisation,
c'est-à-dire des stratégies de construction de la Cité de Dieu, héritage
augustinien et carolingien. Avec ce dépassement, il faudra recourir au
droit coutumier et aux formes d'organisation gentilice et communautaire
dont l'Europe entière a gardé la nostalgie. Le christianisme a confisqué
à bon nombre de peuples européens le droit à l'auto-détermination. La
lutte contre les injustices nées de la collusion des intérêts
carolingiens et chrétiens relève d'une dimension historique. C'est dans
l'histoire, dans la lutte politique concrète que se restaurera le sacré,
en même temps que l'autodétermination des peuples.
A. de Benoist, dans deux livres, Comment peut-on être païen ? et L'éclipse du sacré,
nous indique les assises religieuses, métaphysiques et éthiques du
renouveau païen en Europe. L'étape suivante sera indubitablement de
tirer les conséquences politiques de cette démonstration, de ce
nécessaire travail d'exploration. Ayant dégagé les grandes lignes d'une
aliénation religieuse presque deux fois millénaire pour le bassin
méditerranéen et 11 fois centenaire pour l'Europe centrale et
septentrionale, A. de Benoist ne pourra plus ignorer les aliénations
concrètes, sociales, politiques et économiques que cette
christianisation a imposées. Une telle réflexion sur l'aliénation le
forcera sans doute à découvrir ou redécouvrir les racines de ce
phénomène chez Schiller, Fichte et Schelling. L'œuvre de Robert
Muchembled, qui oppose la culture populaire, demeurée largement païenne,
à la culture des élites, chrétienne, constitue en ce sens un apport non
négligeable, capable, de surcroît, de donner à la "Nouvelle Droite" de
de Benoist une dimension révolutionnaire que lui ôtent, qu'on le veuille
ou non, le vocable "droite" et les amalgames que fabriquent les
journalistes et les chercheurs à courte vue.
Dans
une telle optique, l'œuvre de de Benoist pourra devenir un outil de
lutte contre l'aliénation culturelle et religieuse majeure de notre
histoire et, donc, un instrument de libération continental. Ce corpus
doctrinal pourra-t-il encore être classé à droite, c'est-à-dire du côté
des avocats du statu quo ? Ou deviendra-t-il plus explosif que
les concepts que manie de plus en plus maladroitement l'intelligentsia
de gauche en France ? L'avenir nous le dira... En tout cas, la
perspective ouverte par la politisation du discours néo-païen de de
Benoist nous interdit le pessimisme, état d'esprit que l'on peut
déplorer dans certains passages de L'éclipse du sacré...
♦ Alain de Benoist, Thomas Molnar, L'éclipse du sacré : Discours - Réponses, La Table Ronde, 1986, 299 p.
► Robert Steuckers, Vouloir n°28/29, 1986.
◘ Note :
(
1 ) L'œuvre de Walter Hof a été grandement appréciée par Armin Mohler.
L'influence de ses travaux sur la genèse du "nominalisme" et du
"réalisme héroïque" de la "Nouvelle Droite" française n'a pas encore été découverte par les observateurs. Nous y reviendrons. L'ouvrage principal de Hof est : W.H., Der Weg zum heroischen Realismus, Verlag Lothar Rotsch, Bebenhausen, 1974. On lire également avec profil l'article suivant de Hof : W.H., Vom verpönten zum obligatorischen Pessimismus, in : G.K. Kaltenbrunner, Der innere Zensor : Neue und alte Tabus in unserer Gesellschaft, Herder (Bücherei Initiative Nr.22), Freiburg LB., 1978.