La responsabilité de la situation dramatique des hôpitaux incombe à un Etat qui a multiplié les injonctions contradictoires. Le point de rupture est proche.
Ce n'est plus de la microchirurgie mais de la
chirurgie lourde qu'il va falloir pratiquer pour sauver l'hôpital
public. Dévoilée lundi par la Fédération hospitalière de France, la
perspective d'un déficit des hôpitaux de 1,5 milliard d'euros fin 2017
est tout sauf anodine. Elle doit obliger le gouvernement à revoir en
profondeur un modèle sanitaire à bout de souffle. Car cette ardoise sans
précédent est le symptôme d'un mal structurel. Elle n'a rien de
conjoncturel. D'une certaine manière, il eût été rassurant d'apprendre
que ce déficit considérable était la conséquence d'une mauvaise gestion
des établissements hospitaliers. Mais il n'en est rien. Les directeurs
d'hôpital ont rigoureusement tenu leurs effectifs. Et ils ont continué
de profiter des effets pervers de la tarification à l'activité pour
pratiquer des actes lucratifs à défaut d'être toujours pertinents pour
les malades. En règle générale, ceux qui gèrent nos hôpitaux ont fait
tout ce qui était en leur pouvoir pour tenir leur budget. Ils ont
mutualisé les achats, de matériel et de médicaments. Ils ont externalisé
les services, de restauration et de blanchisserie. Ils ont beaucoup
demandé à des agents dévoués mais exténués. Si l'hôpital plonge dans le
rouge à ce point, ce n'est pas la faute de l'hôpital. C'est celle de
l'Etat. Qui, particulièrement depuis 2012, a voulu lui imposer
l'impossible : geler les effectifs mais recruter en masse des contrats
aidés pour améliorer les chiffres du chômage ; tenir sa dépense de
personnel mais encaisser le coût exorbitant de la revalorisation des
carrières et des salaires de la fonction publique ; mutualiser les
achats pour payer moins cher mais acheter français ; être à la pointe de
la médecine et accueillir tout le monde en toute circonstance 24 heures
sur 24 ; investir dans les technologies d'avenir mais voir chaque année
ses tarifs baisser. Remplir toujours plus de missions avec toujours
moins de moyens, l'équation n'est pas propre aux hôpitaux. Mais, pour la
résoudre, ceux-ci ont été privés de toute souplesse, empêchés de
renégocier les 35 heures. Quant à leur réorganisation, elle est restée
un voeu pieux. Lancés en 2016, les « groupements hospitaliers de
territoire » ne remplacent pas un vrai plan de suppression des petits
établissements inutiles, maintenus au seul titre de l'aménagement du
territoire. L'Etat a si bien mis la pression sur l'hôpital qu'il est en
burn-out. Jusqu'ici, les hôpitaux parvenaient à s'en sortir car le
volume de leur activité augmentait. Ce n'est plus le cas. Le drap sur le
blessé se retire et laisse apparaître une plaie béante, celle d'une
désorganisation du système de santé dont l'hôpital public est devenu
l'ultime garde-fou. C'est une immense réforme, imprévue, qui s'invite à
l'agenda d'Emmanuel Macron. Il y a urgence car un hôpital en déficit est
un hôpital qui n'investit plus.
Jean-Francis Pécresse
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