Le projet de loi de programmation des finances publiques pourrait freiner la modernisation des équipements des armées.
La discussion parlementaire a duré trois minutes trente à peine, et
pourtant elle pourrait avoir des conséquences extrêmement lourdes sur la
prochaine loi de programmation militaire 2019-2025.
L’Assemblée nationale a adopté dans la
nuit du vendredi 15 au samedi 16 décembre, le projet de loi de
programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
L’article 14 fixe les engagements budgétaires pris par l’État, qui ne
sont pas encore payés et vont être imputés à des budgets futurs. Freiner
cette pratique des restes à payer apparaît une mesure vertueuse, et les
députés de la majorité l’ont votée comme une formalité. Tout comme ils
ont voté un amendement du gouvernement refusant de faire une exception pour les dépenses du ministère des armées, ainsi que le Sénat l’avait décidé en première lecture.
Le président de la commission de la
défense de l’Assemblée nationale, Jean-Jacques Bridey, a tenté de mettre
en garde contre la décision du gouvernement mais il est apparu bien
seul. Le rapporteur des crédits de la défense au sein de la commission
des finances, François Cornut-Gentille, a pris le relais sur son compte
Twitter pour dénoncer un « cinglant camouflet » adressé par Bercy au
ministère des armées.
« La majorité LREM a privé la future loi de programmation militaire de tout levier budgétaire ».
Au 31 décembre 2016, les engagements pris par l'Etat - les désormais fameux restes à payer - s'élevaient à 106,8 milliards d'euros, dont 47% provenant de la mission Défense (50 milliards d'euros, dont 35 milliards pour les équipements militaires). La Cour des comptes estimait dans une note d’analyse :
« Les restes à payer sont nécessaires pour conduire des programmes de long terme, en particulier les programmes d’armement, de maintien en condition opérationnelle ou d’infrastructure. Cependant les niveaux préoccupants atteints en 2016 ôtent toute marge de manœuvre en gestion ».
Lundi le ministre des armées Florence Parly a jeté un froid
sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique. Sur la
base aérienne d’Évreux, elle a présenté un « plan de modernisation » à
la suite du rapport remis par l’ingénieur général de l’armement
Christian Chabbert. La disponibilité des aéronefs était de 44% en 2012,
elle est encore de 44% aujourd’hui. Elle était de 55 % lorsque la
SIMMAD a été créée en 2000. Pour le ministre, la SIMMAD est
responsable de cette dégradation. Pas les restrictions budgétaires... Si
le coût de l’entretien programmé des matériels a augmenté de 25% en
cinq ans, c’est aussi du fait des conditions sévères dans lesquels les
aéronefs sont engagés au Sahel ou en Jordanie, font valoir les
opérationnels. Le recul du remplacement des ravitailleurs C-135 ou des
Transalls, comme des Alouette III dans la Marine - autant d’appareils
qui relèvent désormais plus du musée de l’air que d’escadrons
opérationnels - grèvent également la disponiblité moyenne de la flotte
et augmente les coûts de celle-ci. Entretenir des matériels qui ont pour
certains plus de 40 ans de service, il est certain que cela coûte cher.
Mais c'est la rançon des glissements successifs de renouvellement du
parc.