.

.

samedi 23 décembre 2017

Tentative de coup d’État de la Commission européenne : l’enjeu va bien au-delà de la Pologne !


La Commission européenne a donc décidé de jouer le tout pour le tout contre la Pologne. Elle a annoncé mercredi, par la voix du premier vice-président de la Commission Frans Timmermans, chargé de l’État de droit, sa décision de demander au Conseil européen d’engager la procédure de sanction au titre de l’article 7 du traité sur l’Union européenne. Cet article prévoit la possibilité de suspendre un pays dans ses droits d’État membre s’il ne respecte pas la démocratie et l’État de droit.

Pour revenir sur sa décision, le socialiste hollandais Timmermans exige que le Parlement polonais change les juges de la Cour constitutionnelle polonaise et qu’il revienne sur sa loi de réforme des tribunaux ordinaires adoptée en juillet. Il exige encore du président polonais qu’il mette son veto aux deux lois réformant la Cour suprême et le Conseil national de la magistrature, auxquelles il reproche d’être contraires à la Constitution polonaise.
Il semblerait donc que la Commission européenne cherche, avec l’appui des grands pays de l’Union européenne comme l’Allemagne et la France, à se substituer à la Cour constitutionnelle polonaise. L’enjeu, c’est de pouvoir se prononcer sur le droit en vigueur dans les États membres, y compris dans les domaines normalement réservés aux nations. Timmermans avait déjà exposé son raisonnement dans le passé : puisque les tribunaux nationaux sont nécessaires à l’application du droit européen, les institutions européennes ont un droit de regard sur leur organisation et leur mode de fonctionnement. Et tant pis si ce n’est absolument pas prévu dans les traités européens !

L’enjeu dépasse donc largement la Pologne, et l’on ne peut que se réjouir de la réaction ferme du président polonais Andrzej Duda. Quelques heures seulement après l’annonce par la Commission du recours à l’article 7, le président Duda a annoncé qu’il allait signer ces deux lois destinées à remédier aux graves pathologies dont souffre l’institution judiciaire polonaise depuis la chute du communisme, et il a promis : « Je veux restaurer le sentiment de justice et M. Timmermans ne m’en empêchera pas. »
La réforme de la justice adoptée par le PiS, qui faisait partie de ses promesses électorales, vise à rétablir un contrôle démocratique sur le troisième pouvoir. Parmi les principaux changements : les quinze juges membres du Conseil national de la magistrature ne seront plus cooptés par leurs confrères mais nommés par la Diète ; une chambre disciplinaire se chargera de statuer sur les infractions et délits commis par les juges avec l’assistance de jurés nommés par le Sénat ; il y aura un recours ultime possible devant la Cour suprême contre les sentences des tribunaux, en passant par certaines institutions ; dans les tribunaux, les dossiers sont confiés aux juges de manière aléatoire et non plus à la discrétion des présidents des tribunaux ; en cas de faute ou manquement grave, les présidents des tribunaux peuvent être révoqués par le ministre de la Justice (qui est aussi le procureur général), sauf avis contraire des deux tiers du Conseil national de la magistrature.
La procédure de sanction contre la Pologne n’a quasiment aucune chance d’aboutir car il faudra, à un moment donné, le vote de toutes les capitales contre Varsovie. La Hongrie a répété qu’elle s’y opposerait, et plusieurs autres pays d’Europe de l’Est soutiennent également la Pologne dans ce conflit, d’autant qu’ils soupçonnent la Commission d’être en réalité motivée par l’opposition de la Pologne à son projet de relocalisation des immigrants arrivés illégalement en Grèce et en Italie.

La question est de savoir si la demande de la Commission européenne sera soutenue par au moins 22 gouvernements nationaux lors du Conseil européen de février. Ce n’est même pas sûr, car les petits pays se rendent bien compte que cela créerait un précédent dangereux pour leur propre souveraineté nationale.

Olivier Bault

Source