Maurice Pergnier Boulevard Voltaire cliquez ici
Tous
les jugements du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ne
trouvent pas le même écho dans nos médias : celui qui condamne à
perpétuité Ratko Mladić (ancien chef de l’armée des Serbes de Bosnie)
pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide a fait
l’objet d’une ample couverture ; en revanche, on chercherait en vain
dans notre presse les gros titres faisant état de ce que le même
tribunal (et dans le même jugement) innocente Slobodan Milošević (ancien
président de Serbie) des mêmes crimes, dont les médias et la justice
internationale l’ont pourtant accusé pendant vingt-cinq ans.
Le jugement Mladić, dans son quatrième volume, publié le 22 novembre 2017, stipule en toutes lettres que le TPIY n’a constaté « nulle preuve que Slobodan Milošević [sont cités aussi quelques autres accusés] ait de quelque façon contribué à la réalisation de l’entreprise criminelle
[visant à faire de la République serbe de Bosnie une entité
ethniquement pure]. » Il est à noter qu’il ne s’agit là que d’une
confirmation, le tribunal ayant déjà formulé la même appréciation dans
le jugement de Radovan Karadžić, condamné l’année précédente,
innocentant Milošević une première fois (sans que cela intéresse
davantage nos médias).
Est-ce
à dire que, si le procès de Milošević n’avait pas été interrompu
brutalement, il y a onze ans, par la mort de l’accusé, celui-ci aurait
bénéficié d’un acquittement ou d’un non-lieu ? Peu probable car, à
l’époque, Karadžić et Mladić étaient en fuite, et les commanditaires du
TPIY avaient besoin à tout prix de la condamnation d’un bouc émissaire
pour justifier leur appui aux sécessions de la Croatie, de la Slovénie,
de la Bosnie et, enfin, du Kosovo, ainsi que l’embargo et le
bombardement de l’OTAN sur la Serbie. Cependant, Milošević, qui assurait
lui-même sa défense, le faisait tellement bien, en démontant pièce à
pièce les absurdités de l’accusation, que le procès, de l’aveu général,
tournait à la débâcle pour cette dernière. Le moins qu’on puisse dire,
c’est que sa mort en cellule (d’une crise cardiaque qui aurait pu être
évitée si on avait accédé à ses demandes d’hospitalisation) tombait
opportunément. Le tribunal ne se trouvait plus devant le dilemme d’ou
bien prononcer une lourde condamnation qui eût fait de lui un martyr, ou
bien déclarer un non-lieu qui mettait à bas toute une stratégie
politique fondée uniquement sur la diabolisation à outrance des
dirigeants serbes.
On
aurait pu penser que, pour nos médias, ce blanchissement posthume de
leur « boucher des Balkans » serait un sujet d’étonnement digne de
commentaire. C’est juste un non-événement. Il est vrai que le TPIY n’a
pas donné beaucoup de publicité à sa mise hors de cause de Milošević. Le
paragraphe en question se trouve dans la note 15357 d’un volume de 471
pages : seuls les spécialistes se sont donc donné la peine de le lire.
Mais peut-on imaginer que, étant donné le caractère spectaculaire de la
chose, lesdits spécialistes ne se soient pas empressés d’en informer les
gens de presse ?
Émettre
des doutes sur la culpabilité de Milosevic (notamment celle d’avoir
ordonné le « génocide » de Srebrenica) a longtemps été qualifié de
révisionnisme – et l’est encore ! – par des médias influents. Est-il
permis, sans s’exposer au même anathème, de se demander si les
certitudes infaillibles qui applaudissent à la condamnation de Mladic
sont de la même eau que celles qui ont prévalu pendant 25 ans pour
Milosevic ?