Depuis le 6 décembre
2015, l’Antipresse a publié 126 lettres hebdomadaires, 480 articles
originaux, 73 tribunes («désinvités»), 872 brèves («mains courantes»),
125 citations d’auteurs («pains de méninges»).
Chers lecteurs,
Le sujet du Bruit du temps
de cette semaine pourrait vous surprendre. L’affaire d’intérêt
apparemment local que je traite (sur un mode humoristique) est
intéressante à plus d’un titre. Les habitants de mon canton du Valais,
en Suisse, ont tous reçu par la poste une missive sous forme de livre
adressée par un homme d’affaires haut en couleurs, l’illustre Christian
Constantin. Son but déclaré est de les faire voter oui à l’organisation
des Jeux olympiques d’hiver 2026 à Sion et dans la région — une cause
qui est loin de faire l’unanimité.
La démarche, mais également le
contenu de la missive, illustrent une mentalité et une vie politique qui
n’est possible qu’en Suisse, et plus précisément en Valais. Nous sommes
très heureux que de telles exceptions, même navrantes à l’occasion,
existent.
Slobodan Despot
Au menu du DRONE cette semaine
LE BRUIT DU TEMPS par Slobodan Despot
Christian Constantin voulait me dire…
Le plus gros tirage de
l’édition suisse (170’000 ex.) vient de paraître. C’est un livre écrit,
financé et diffusé par l’entrepreneur Christian Constantin en faveur de
la candidature de Sion pour les Jeux olympiques d’hiver 2026. C’est
aussi, et surtout, le portrait d’un milieu et d’une culture uniques en
Suisse. Et même dans tout le monde développé.
Il est impossible de parler de Thomas More sans évoquer son comparse et compère Érasme de Rotterdam. Si son seul Éloge de la Folie
lui valut la postérité, son œuvre est immense et seule une édition
choisie, documentée et commentée permet d’en saisir l’importance et la
portée.
Les médias de grand chemin
sont-ils contrôlés par un politburo invisible? Les campagnes de
diabolisation de la Russie se succèdent à une telle cadence qu’on peine à
les analyser une par une. DU coup, les ficelles et les partis pris
s’affichent de manière de plus en plus grossière.
Atteint d’une maladie
neurodégénérative et devenu dépendant de l’appareillage médical pour
survivre, le garçonnet de 23 mois a été débranché lundi sur décision des
juges et des médecins, mais contre l’avis de sa famille. Il est mort le
samedi 28 avril. Ses parents, chrétiens, ont fait valoir notamment que
l’enfant avait pu commencer à respirer seul après l’arrêt de son
assistance. La technocratie juridico-médicale, elle, à joué les
ventriloques avec l’«intérêt de l’enfant».
La froideur inflexible avec laquelle la justice britannique a décidé la mise à mort de ce nourrisson a soulevé l’indignation dans le monde, en particulier en Italie,
où l’on espérait pouvoir l’envoyer pour un traitement. Le pape François
lui-même s’était opposé à son euthanasie. Pour une raison difficile à
comprendre, la Haute Cour de Manchester et trois juges de la cour
d’appel se sont opposés au transfert de l’enfant sur le continent, même
s’il restait peu de chances de le sauver hors d’Angleterre.
La tragédie d’Alfie évoque les tribunaux aliénés de The Wall,
le cauchemar rétrofuturiste de Pink Floyd. Elle annonce un avenir où la
survie des individus sera suspendue à son coût pour la société, et où, comme dans Le Lotus bleu de Tintin, on vous coupera la tête pour vous sauver.
PS — On rappellera que le même
pays qui a euthanasié l’enfant Alfie pousse des cris d’orfraie sur la
mort des enfants en Syrie. La perfide Albion n’est pas à une hypocrisie
près…
«Il y a donc tout lieu de croire que
Dieu a d’excellentes raisons pour aimer les fous; ce sont les mêmes
sans doute qui rendent suspects aux princes de la terre les gens trop
sensés. César, qui méprisait cet ivrogne, d’Antoine, redoutait au
contraire Brutus et Cassius. Sénèque déplaisait à Néron et Platon à
Denys de Syracuse. Les esprits simples et un tantinet idiots sont
honorés de la faveur des grands. C’est ainsi que le Christ montre son
aversion pour ces philosophes qui ont foi en leur sagesse et qu’il les
condamne. J’en prends encore ici Paul à témoin, lorsqu’il écrit: «Dieu a
choisi ce qu’il y a de plus fou aux yeux du monde…» et plus loin: «…
Dieu a voulu que le monde fût sauvé par la Folie.» Assurément c’est
qu’il ne pouvait le faire par la sagesse. Ce qu’il met dans la bouche de
son prophète ne laisse aucun doute à cet égard: Je perdrai la sagesse
des sages et je réprouverai la prudence des prudents.» Le Sauveur ne se
félicite-t-il pas en définitive d’avoir caché le mystère du salut aux
sages pour ne le révéler qu’aux simples, c’est-à-dire aux fous, car
enfin un même mot exprime les deux choses. C’est de la même idée qu’il
faut faire procéder l’indignation qu’il déploie à chaque instant contre
les pharisiens, les scribes et les docteurs de la loi, et la douceur
qu’il montre au contraire au peuple ignorant: «Malheur à vous, scribes
et pharisiens!» — n’est-ce pas comme s’il avait dit: Malheur aux sages!
Les petits enfants, les femmes, les pêcheurs, voilà ceux qu’il
accueillait avec amour!
Les animaux qui lui plaisent le
mieux sont ceux qui s’éloignent le plus du naturel astucieux du renard.
Il prit un âne pour monture, lui qui pouvait sans danger se confier aux
lions féroces. Le Saint-Esprit ne descendit point sous la forme d’un
aigle ou d’un épervier, mais bien sous celle d’une colombe. À chaque
page des livres saints, il est question de la biche, du faon ou de
l’agneau. N’oubliez pas que Jésus appelle ses élus ses brebis, et que de
tous les animaux c’est sans contredit l’espèce la plus sotte. Caractère
de brebis, dit Aristote, à cause de la stupidité inhérente à ces
animaux, est devenu une injure grave. Tel est pourtant le troupeau dont
Jésus se déclare le pasteur. À lui-même le nom d’agneau lui plaît plus
que tout autre. «Voici l’agneau de Dieu, disait Jean en l’annonçant au
peuple, et le mot se répète souvent dans l’Apocalypse. — Tout cela
signifie que les hommes sont fous, sans en excepter les plus saints, et
que Jésus lui-même a droit à ce nom, puisque la sagesse de Dieu était en
lui, et qu’en se faisant homme il endossa la folie inhérente à notre
nature, comme il s’est chargé du péché pour y porter remède. Ce remède,
ou le trouve-t-il? Dans la folie de la croix; dans les apôtres, gens
épais et simples, à qui il recommande avec soin de fuir la sagesse et de
rechercher la folie, lorsqu’il leur donne en exemple les enfants, les
lis, le sénevé, les petits oiseaux, toutes espèces d’êtres qui végètent
sans âme, au gré de la nature, privées de prévoyance, d’intelligence, de
soucis…»