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lundi 30 avril 2018

Antipresse 126





Drone 016 (Antipresse 126e semaine)

Exergue

Depuis le 6 décembre 2015, l’Antipresse a publié 126 lettres hebdomadaires, 480 articles originaux, 73 tribunes («désinvités»), 872 brèves («mains courantes»), 125 citations d’auteurs («pains de méninges»).

Chers lecteurs,

Le sujet du Bruit du temps de cette semaine pourrait vous surprendre. L’affaire d’intérêt apparemment local que je traite (sur un mode humoristique) est intéressante à plus d’un titre. Les habitants de mon canton du Valais, en Suisse, ont tous reçu par la poste une missive sous forme de livre adressée par un homme d’affaires haut en couleurs, l’illustre Christian Constantin. Son but déclaré est de les faire voter oui à l’organisation des Jeux olympiques d’hiver 2026 à Sion et dans la région — une cause qui est loin de faire l’unanimité.
La démarche, mais également le contenu de la missive, illustrent une mentalité et une vie politique qui n’est possible qu’en Suisse, et plus précisément en Valais. Nous sommes très heureux que de telles exceptions, même navrantes à l’occasion, existent.
Slobodan Despot


Au menu du DRONE cette semaine

LE BRUIT DU TEMPS par Slobodan Despot

Christian Constantin voulait me dire…

Le plus gros tirage de l’édition suisse (170’000 ex.) vient de paraître. C’est un livre écrit, financé et diffusé par l’entrepreneur Christian Constantin en faveur de la candidature de Sion pour les Jeux olympiques d’hiver 2026. C’est aussi, et surtout, le portrait d’un milieu et d’une culture uniques en Suisse. Et même dans tout le monde développé.
  • Cet article est en libre accès ici!

CANNIBALE LECTEUR de Pascal Vandenberghe

«Le nom d’Érasme ne périra jamais»

Il est impossible de parler de Thomas More sans évoquer son comparse et compère Érasme de Rotterdam. Si son seul Éloge de la Folie lui valut la postérité, son œuvre est immense et seule une édition choisie, documentée et commentée permet d’en saisir l’importance et la portée.

ENFUMAGES par Eric Werner

La question sociale, une résurgence

La mondialisation néolibérale nous promet l’ingénierie sociale plus le tout-numérique. On se réjouit d’avance du résultat.

LA POIRE D’ANGOISSE par Slobodan Despot

Le journalisme occidental en tenue de combat

Les médias de grand chemin sont-ils contrôlés par un politburo invisible? Les campagnes de diabolisation de la Russie se succèdent à une telle cadence qu’on peine à les analyser une par une. DU coup, les ficelles et les partis pris s’affichent de manière de plus en plus grossière.

Turbulences

UK | Alfie Evans, prophète de notre futur?

Atteint d’une maladie neurodégénérative et devenu dépendant de l’appareillage médical pour survivre, le garçonnet de 23 mois a été débranché lundi sur décision des juges et des médecins, mais contre l’avis de sa famille. Il est mort le samedi 28 avril. Ses parents, chrétiens, ont fait valoir notamment que l’enfant avait pu commencer à respirer seul après l’arrêt de son assistance. La technocratie juridico-médicale, elle, à joué les ventriloques avec l’«intérêt de l’enfant».
La froideur inflexible avec laquelle la justice britannique a décidé la mise à mort de ce nourrisson a soulevé l’indignation dans le monde, en particulier en Italie, où l’on espérait pouvoir l’envoyer pour un traitement. Le pape François lui-même s’était opposé à son euthanasie. Pour une raison difficile à comprendre, la Haute Cour de Manchester et trois juges de la cour d’appel se sont opposés au transfert de l’enfant sur le continent, même s’il restait peu de chances de le sauver hors d’Angleterre.
La tragédie d’Alfie évoque les tribunaux aliénés de The Wall, le cauchemar rétrofuturiste de Pink Floyd. Elle annonce un avenir où la survie des individus sera suspendue à son coût pour la société, et où, comme dans Le Lotus bleu de Tintin, on vous coupera la tête pour vous sauver.
PS — On rappellera que le même pays qui a euthanasié l’enfant Alfie pousse des cris d’orfraie sur la mort des enfants en Syrie. La perfide Albion n’est pas à une hypocrisie près…


Mais encore:

BIG BROTHER | Et si on cassait Google?

VIE PRIVEE | Le guide de la CNIL

SANTÉ | Le cancer aime-t-il la lumière bleue?

USA | «T’as pas la bonne couleur de peau, Madonna!»

HONGRIE | Sorosphæra non grata

log.antipresse.net. Le monde à livre ouvert.

Pain de méninges

Dieu aime les fous

«Il y a donc tout lieu de croire que Dieu a d’excellentes raisons pour aimer les fous; ce sont les mêmes sans doute qui rendent suspects aux princes de la terre les gens trop sensés. César, qui méprisait cet ivrogne, d’Antoine, redoutait au contraire Brutus et Cassius. Sénèque déplaisait à Néron et Platon à Denys de Syracuse. Les esprits simples et un tantinet idiots sont honorés de la faveur des grands. C’est ainsi que le Christ montre son aversion pour ces philosophes qui ont foi en leur sagesse et qu’il les condamne. J’en prends encore ici Paul à témoin, lorsqu’il écrit: «Dieu a choisi ce qu’il y a de plus fou aux yeux du monde…» et plus loin: «… Dieu a voulu que le monde fût sauvé par la Folie.» Assurément c’est qu’il ne pouvait le faire par la sagesse. Ce qu’il met dans la bouche de son prophète ne laisse aucun doute à cet égard: Je perdrai la sagesse des sages et je réprouverai la prudence des prudents.» Le Sauveur ne se félicite-t-il pas en définitive d’avoir caché le mystère du salut aux sages pour ne le révéler qu’aux simples, c’est-à-dire aux fous, car enfin un même mot exprime les deux choses. C’est de la même idée qu’il faut faire procéder l’indignation qu’il déploie à chaque instant contre les pharisiens, les scribes et les docteurs de la loi, et la douceur qu’il montre au contraire au peuple ignorant: «Malheur à vous, scribes et pharisiens!» — n’est-ce pas comme s’il avait dit: Malheur aux sages! Les petits enfants, les femmes, les pêcheurs, voilà ceux qu’il accueillait avec amour!
Les animaux qui lui plaisent le mieux sont ceux qui s’éloignent le plus du naturel astucieux du renard. Il prit un âne pour monture, lui qui pouvait sans danger se confier aux lions féroces. Le Saint-Esprit ne descendit point sous la forme d’un aigle ou d’un épervier, mais bien sous celle d’une colombe. À chaque page des livres saints, il est question de la biche, du faon ou de l’agneau. N’oubliez pas que Jésus appelle ses élus ses brebis, et que de tous les animaux c’est sans contredit l’espèce la plus sotte. Caractère de brebis, dit Aristote, à cause de la stupidité inhérente à ces animaux, est devenu une injure grave. Tel est pourtant le troupeau dont Jésus se déclare le pasteur. À lui-même le nom d’agneau lui plaît plus que tout autre. «Voici l’agneau de Dieu, disait Jean en l’annonçant au peuple, et le mot se répète souvent dans l’Apocalypse. — Tout cela signifie que les hommes sont fous, sans en excepter les plus saints, et que Jésus lui-même a droit à ce nom, puisque la sagesse de Dieu était en lui, et qu’en se faisant homme il endossa la folie inhérente à notre nature, comme il s’est chargé du péché pour y porter remède. Ce remède, ou le trouve-t-il? Dans la folie de la croix; dans les apôtres, gens épais et simples, à qui il recommande avec soin de fuir la sagesse et de rechercher la folie, lorsqu’il leur donne en exemple les enfants, les lis, le sénevé, les petits oiseaux, toutes espèces d’êtres qui végètent sans âme, au gré de la nature, privées de prévoyance, d’intelligence, de soucis…»
— Erasme, Eloge de la folie

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