par Aristide Leucate
Le problème est que leur bellicisme est souvent décousu, incohérent et velléitaire. Le problème, encore, est que l’Europe de Bruxelles, bien plus soucieuse, d’économie et de commerce, n’a jamais pris le temps de bâtir une Europe politique fondée sur les premières réalités historiques et géopolitiques que sont les nations. Le marché commun a ici précédé et largement écrasé la communauté (politique) des Européens (sans le marché).
La piteuse Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), anciennement Politique européenne de sécurité et de défense (PESD), elle-même héritière de la non moins erratique politique étrangère et de sécurité commune (PESC qui avait au moins le mérite, dans son intitulé, d’arrimer la défense à la « politique étrangère ») peine à dépasser le seul interventionnisme policier ou l’inerte gestion civile des crises.
Quant aux chancelleries nationales, leur autonomie est indexée aux stériles débats de la « clasa discutadora europeana », comme aurait dit Donoso Cortès. Pis, elle est fonction des humeurs météorologiques de la politique étrangère états-unienne.
Hormis quelques souverainistes marginalisés et « hitlerement » confinés en quarantaine dans les sous-sols lépreux de la nauséabonde « extrême droite », personne ne s’émeut de cette incongruité anachronique qu’est l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, lors même que sa principale raison d’être, l’endiguement de l’expansionnisme soviétique, a disparu corps et biens au lendemain de la chute du Mur de Berlin.
Les nations européennes, quasiment toutes membres de l’OTAN (qui ne compte pas moins de 27 États européens), sont littéralement inféodées, sinon vassalisées aux desiderata du Pentagone et de la Maison-Blanche. S’agissant de la France, une telle dépendance est simplement catastrophique. Par son histoire, elle est passée du rang de grande puissance westphalienne (même si elle dut en rabattre au Congrès de 1815 du fait des errements impérialistes napoléoniens) à celui de simple portefaix de l’ambition des autres. Par ailleurs, volens nolens, notre pays continue d’assumer le lourd fardeau de son lointain héritage (dé) colonial.
C’est dans cette singularité historique associée à sa situation géographique si particulière qui fait d’elle la péninsule de l’Europe, que se nichent les principes de sa politique étrangère, soit ceux de nos Rois de France qui, parcourant le pays et ses voisins à cheval, acquirent la pleine conscience de sa géopolitique naturelle.
Charles Maurras souligna, jadis, dans Kiel et Tanger, que « la paix française [était] seule digne du genre humain », laquelle devait se trouver exclusivement « fondée sur les caractères préexistants des nations ». C’était là reconnaître le principe d’égalité souveraine des États, loi d’airain du jus gentium europaeum.
En décidant, quasiment au doigt mouillé et sur la base de dépêches diplomatiques hasardeuses, de bombarder la Syrie, le président de la République, Emmanuel Macron a, d’évidence, violé cette loi coutumière du droit international. Comme le firent, avant lui, Chirac en Bosnie-Herzégovine, Sarkozy en Libye et, mutatis mutandis, Hollande au Mali – sans oublier Bush Jr en Irak. La sidération, la stupéfaction et même la colère saisissent les opposants à ce « va-t’en-guerrisme » impromptu, lesquels agitent leur fiole désespérément vide de la preuve manquante d’armes chimiques à Damas.
Mais l’administration de la preuve ne ressortit-elle pas plutôt au droit criminel ? Les bellicistes comme les pacifistes sombrent uniment dans le piège tendu par leurs défenseurs respectifs de la prétendue légalité internationale brandie des deux côtés comme un totem inviolable. La guerre ne se fait plus selon les règles de la guerre jus in bello mais selon que l’on se situe dans le camp du Bien ou dans celui du Mal.
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