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lundi 30 avril 2018

Comprendre et connaître le premier millénaire de l'Église

Rédigé par Philippe Maxence
Comprendre et connaître le premier millénaire de l'Église
Avec un livre s’intitulant L’Église dans la tourmente, on croit entrer dans l’un de ces nombreux essais qui paraissent aujourd’hui pour donner l’opinion de leurs auteurs sur la situation actuelle de l’institution ecclésiale. Le nom de l’auteur n’atténue pas cette impression. Intellectuel italien engagé, Roberto de Mattei dirige plusieurs associations et publications catholiques qui n’hésitent pas entrer dans la lutte pour défendre une vision traditionnelle de l’Église. Comme écrivain, il est aussi l’auteur de plusieurs essais qui s’inscrivent dans la même veine. 

Mais Roberto de Mattei est aussi un historien, qui a enseigné à l’Université européenne de Rome et à l’université de Cassino. Par ailleurs, celui qui avait colonnes ouvertes à l’Osservatore Romano du temps de Benoît XVI, a également occupé des responsabilités officielles dans la société civile, comme vice-président de l’équivalent de notre CNRS en Italie et comme conseiller du gouvernement italien pour les questions internationales entre 2002 et 2005. 

L’Église dans la tourmente, s’il n’est pas sans rapport avec la situation actuelle, propose d’abord et avant tout un condensé de l’histoire de l’Église pendant le premier millénaire. Des persécutions aux croisades, Roberto de Mattei retrace à grands traits la vie des premiers chrétiens, l’efflorescence des martyrs, la lutte contre les hérésies, la naissance du monachisme, l’effondrement de l’empire romain, la conversion des nations et la naissance de l’Europe chrétienne. 

Ce livre est en fait issu des causeries qu’il donna entre janvier 2011 et avril 2012 au micro de la radio catholique italienne, Radio Maria. Il ne s’agit donc pas d’une étude scientifique, mais d’une présentation des éléments essentiels à connaître sur cette Église du premier millénaire qui nous semble si loin et, qui pourtant, n’est pas sans rapport avec notre situation. De ce fait, le propos est volontairement synthétique, didactique et lisible par tous. À sa manière, et sans aucune connotation péjorative, L’Église dans la tourmente constitue une bonne apologétique, mais une apologétique ad intra, destiné d’abord aux baptisés qui veulent être confortés dans leur vie de chrétien. 

Il se trouve, en effet, que souvent les questions historiques viennent déstabiliser les croyants dans leurs certitudes. Souvent, celles-ci reposent sur des bases instables. Au début de son chapitre consacré au monachisme, Roberto de Mattei s’interroge par exemple sur la remise en cause de la vision constantinienne de l’Église, refrain sans cesse reprit depuis plus de cinquante ans, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Église. Par sa reconnaissance par Constantin et par son installation dans le paysage officiel de l’époque, L’Église aurait tout simplement perdu de sa sève intérieure et renié le Christ. Bien qu’une telle vision fasse fi un peu rapidement de l’inscription (on n’ose dire de l’incarnation) de l’Église dans le temps, Mattei souligne plus simplement que c’est à cette époque que le monachisme éclot et se répand. Loin de disparaître, la sève et l’exigence spirituelle ont, au contraire, trouver un autre moyen d’expression, une radicalité, permise par cette période de paix vis-à-vis de l’Église. 

Petit précis d’histoire de l’Église, L’Église dans la tourmente s’inscrit en raison des dates de rédaction des textes dans le cadre du pontificat de Benoît XVI. Ce dernier est largement cité tant il a lui-même exploré dans ses audiences les grandes figures du christianisme antique et des saints. On notera particulièrement cet extrait d’un discours aux cardinaux en mai 2012, à propos de l’appellation traditionnelle d’Église militante distincte de l’Église souffrante et de l’Église triomphante, lesquelles ne forment pourtant qu’une seule Église : 

« Aujourd’hui, déclarait Benoît XVI, l’expression ecclesia militans est un peu passée de mode, mais en réalité, nous pouvons toujours mieux comprendre qu'elle est vraie, qu’elle porte en elle une vérité. Nous voyons que le mal veut dominer le monde et qu’il faut combattre le mal. Nous voyons qu’il le fait de bien des manières, cruelles, à travers diverses formes de violence, mais aussi caché sous les traits du bien, détruisant ainsi les fondements moraux de la société. Saint Augustin a dit que toute l’histoire est un combat entre deux amours : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu ; l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, dans le martyre. »


À sa manière, ce petit essai entre dans cette perspective. Livre d’histoire, c’est aussi un livre d’espérance. D’une espérance surnaturelle, habitée aussi par la foi et la charité. Mattei écrit ainsi : « Nous ne pouvons pas sauver l’Église, mais nous pouvons l’aimer et la servir, en imitant l’exemple de tous ceux qui, dans le cours de l’histoire, lui ont donné leur vie. Ceux qui prétendent sauver l’Église veulent édifier une Église selon leur opinion personnelle, différente de celle de Jésus-Christ. » C’est l’Église des Apôtres, des martyrs, des docteurs et des saints. Même ceux qui ne partagent pas certaines options de l’auteur peuvent trouver dans cet ouvrage des motifs d’aimer et de servir l’Église. 

L’Église dans la tourmente, Roberto de Mattei
200 pages, 18 €