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lundi 30 avril 2018

Pour Dieu, l’Église et la patrie

Rédigé par Philippe Maxence

Pour Dieu, l’Église et la patrie
Le temps passant, on a peut-être oublié la haute figure du cardinal Joseph Mindszenty, archevêque d’Esztergom et Primat de Hongrie. Faut-il la résumer en disant qu’il fut l’homme d’une triple croix : celle imposée par le fascisme, celle du communisme et celle, à la fin de sa vie, qui lui vint de l’Église, sa mère ?

Cette mère, c’est justement le thème de son livre que rééditent aujourd’hui les éditions Parthenon. À vrai dire, le cardinal Mindszenty, qui a écrit la première version de cet ouvrage alors qu’il était jeune prêtre, en l’enrichissant ensuite dans les éditions ultérieures, au point d’y consacrer deux tomes, n’aborde pas uniquement la maternité de l’Église. Profondément marqué par sa propre mère, il dresse un magnifique éloge aux mères de famille et consacre son premier chapitre à « La femme, cœur mystérieux du monde ». 

Point de romantisme dans cette approche ! La femme est aussi bien Ève que Marie et se révèle parfois sous le visage terrible d’Hérodiade, incapable de renoncer à son désir de vengeance. Point de féminisme non plus dans cette vision. Pour l’auteur, « plus l’humanité s’éloigne de Dieu, plus il lui devient difficile de comprendre et d’apprécier l’apport personnel de la femme. La Révélation est le seul véritable miroir où se reflète l’âme de la femme. »

Fort de cette conception, qui fut simplement celle de l’Église catholique, le cardinal Mindszenty évoque le mariage, son indissolubilité, le rôle du père et de la mère, la régénération du baptême, les principes d’éducation, sans oublier la Vierge Marie. Ce héros de la défense des libertés de son pays termine son livre en traitant de la « Mère Patrie », dans des termes magnifiques : 
« La patrie est une pensée de Dieu, un autel élevé à Dieu par tes ancêtres ; elle est la maison où tu as goûté tes premières joies ; la terre, dont les fruits te nourrissent ; la patrie, ce sont tes parents, ta femme, tes enfants, ta famille, tes concitoyens ». 
Nous ne sommes pas ici au pays de Descartes. Rien d’une idée abstraite, d’une désincarnation rêvée ou idéologisée mais le point de rencontre entre le spirituel et le charnel dans une dimension à portée d’hommes. 

Hongrois, fier de son passé, le cardinal Mindszenty n’oublie pas non plus que son pays fut un « Bastion de la liberté, rempart du christianisme contre l’islam ». Une évocation qui nous ramène à un présent difficile et parfois douloureux, mais qui permet aussi de comprendre la Hongrie d’aujourd’hui. 

Qui était le cardinal Mindszenty ? Fort judicieusement, l’éditeur rappelle sa vie dès les premières pages de cet ouvrage. 

Soulignons juste que Joseph Mindszenty naît en 1892 et devient prêtre en 1915. Dès 1919, il s’oppose aux communistes, pendant l’éphémère régime de Bela Kun. Nommé évêque en 1944, il est emprisonné sous le régime des Croix fléchées avant de lutter à nouveau contre les communistes qui prennent le pouvoir à la faveur de la victoire de l’Armée rouge sur le nazisme. 

L’opposition est frontale et sans demi-mesure. Arrêté et torturé en 1948, il est condamné à vie en 1949. C’est un cardinal qui subit alors le pire puisque Pie XII l’a élevé à cette dignité en 1946. Libéré en 1956, à la faveur de l’insurrection de Budapest, le cardinal Mindszenty est à nouveau menacé, après l’intervention des troupes soviétiques. Il se réfugie alors à l’ambassade américaine. Un compromis est finalement trouvé et il prend le chemin de l’exil en 1971 et s’installe à Vienne.

Le cardinal Mindszenty eut la confiance de Pie XII et celle de Paul VI. Mais celui-ci, en raison de l’ostpolitik n’ose parler clairement. Il voit en Mindszenty une « victime de l’Histoire » et non du communisme et lui demande finalement de renoncer à sa charge de Primat, en échange de la publication non tronquée de ses Mémoires. Le vieux lion refuse. 

Démis de toutes ses fonctions, il publie un communiqué de presse : 
« le cardinal Mindszenty n’a renoncé ni à sa charge archiépiscopale ni à sa dignité de Primat de Hongrie. La décision a été prise unilatéralement par le Saint-Siège ». 
Ce grand prélat a rendu son âme à Dieu le 6 mai 1975. D’abord inhumée en Autriche, sa dépouille a été rapatriée dans son pays en 1991. Il repose depuis dans sa cathédrale.
Alors qu’il venait d’être nommé archevêque d’Esztergom, le futur cardinal Mindszenty avait expliqué dans son sermon inaugural :
« Là où la loi naturelle et reconnue commence à chavirer, il n’y a qu’un moyen d’arrêter ce chaos moral : approfondir la vie de notre foi ». 
Un avertissement à méditer, aujourd’hui encore. Surtout, aujourd’hui !
 
La Mère, miroir de Dieu Joseph cardinal Mindszenty
Éditions Parthenon, 312 pages, 15 €