C’est la victimocratie, du grec « kratos », qui veut dire « pouvoir ». Autrement dit, la victimocratie est ce nouveau régime dans lequel le pouvoir est détenu par les victimes, réelles ou présumées. Cela leur confère un capital lacrymal, très lucratif, et les place au centre du jeu social. Or, qui dit victime dit coupable. Celui-ci est tout trouvé, c’est le fléau de la « suprématie blanche » : tout individu porteur de ce que les Américains appellent le « white privilege », le privilège blanc censé conférer un ensemble d’avantages invisibles par rapport à ce que vivent au quotidien les non-Blancs (sic). L’objectif, c’est d’abolir ledit privilège dans une nuit du 4 août mondiale depuis les États-Unis, où sévit un néo-maccarthysme hystérique qui n’est pas sans rappeler les délires ubuesques de la révolution culturelle chinoise. Il est l’œuvre de minorités « racisées » et « genrées » ; et s’appelle lutte contre le racisme, le sexisme, l’homophobie et tout ce qui est susceptible d’une suffixation phobique, des handicapés aux islamistes, selon la logique d’emballement victimaire qui commande notre monde.
Ainsi, tout un chacun, à la condition qu’il soit pourvu d’un stigmate social, est-il invité à s’installer dans une posture victimaire parce que c’est symboliquement la position dominante la plus confortable et la plus rentable. En somme, c’est : Maman, quand je serai grand, je serai une victime ! Ce néo-maccarthysme diffuse partout une culture gémissante de la vindicte publique et de la délation. Au lieu de parler de culture du viol, il serait du reste bien plus juste de parler de culture de la délation. Sur les réseaux sociaux, on est sommé de « signaler un contenu inapproprié » (comprenez : un discours de haine). Le CSA croule sous les signalements (90.000 en 2017). Facebook encourage la dénonciation, Google déréférence à tout-va et Twitter suspend au même rythme. Avec les réseaux sociaux, le moindre minuscule « dérapage » se transforme tout de suite en affaire d’État. Ces réseaux fonctionnent comme l’effet papillon. Un battement d’ailes à Hollywood provoque une tornade dans tous les médias occidentaux. Et un éternuement de Caroline De Haas, un tremblement de terre à Paris, Londres et Berlin. Seuls les Russes sont épargnés. Pourvu qu’ils tiennent !
C’est ce qui vous fait dire qu’« on peut plus rien dire », comme le chantait Didier Bourdon des Inconnus ?
Notre vie ressemble désormais à une addition d’interdits, peut-être même à une addiction à l’interdit. Une nouvelle génération d’inquisiteurs est en train de s’imposer. Ce ne sont plus les austères commissaires politiques à l’ancienne, comme dans feu l’Union soviétique, mais des Robespierrettes féministes, des Torquemada transgenres, des procureurs revêtus de robe arc-en-ciel, des Tontons macoutes antiracistes, des Toussaint Louverture geeks. Un mélange d’Ubu roi, de Harry Potter et de Bisounours… qui finissent par ressembler à des gremlins, ces peluches qui se transforment en petits monstres. Des noms ? Osez le féminisme !, les collectifs LGBT, la LDH, SOS Racisme, la LICRA, le MRAP, le CRAN, le Parti des indigènes de la République (PIR), le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). On dénombre même une Brigade anti-négrophobie. Ces associations font régner un climat de terreur, ou plutôt de tiédeur, dans les salles de rédaction, mises à l’amende dès qu’elles franchissent la ligne jaune. Ce n’est plus tant le législateur – même s’il est déchaîné depuis un demi-siècle (les lois liberticides Pleven, Gayssot, Taubira, Lellouche, Perben II, etc., sont là pour en témoigner) – qui tient aujourd’hui les ciseaux d’Anastasie (du nom de la censure au XIXe siècle) que ces associations. Au fond, la puissance publique sous-traite la censure à des prestataires extérieurs : les associations antiracistes et les ligues de vertu féministes."
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