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dimanche 23 novembre 2008


La retraite à 70 ans

Philippe Delbauvre



La retraite à 70 ans On ne peut que comprendre les Français qui sont séduits à l'idée de voir reculée la date de leur départ en retraite. Ce n'est pas le travail en lui même qui dans la majorité des cas est la cause de leur intérêt pour cette proposition, mais la volonté d'accroître le montant de leurs ressources une fois leur vie de labeur terminée.

La retraite à soixante ans n'est, faut-il le rappeler, plus qu'un mythe à tous les sens du terme. Les politiques se gardent bien de prononcer son acte de décès, conscients qu'ils sont de l'agitation qu'une telle annonce pourrait déclencher. Comme à l'accoutumé, ils ont donc biaisé. Ce qui fut fait par l'intermédiaire de l'augmentation de la durée de cotisation et donc de travail nécessaire, entraînant de facto le recul de la date à partir de laquelle on peut prétendre au repos. Il faut aussi prendre en considération que l'on étudie aujourd'hui jusqu'à un âge beaucoup plus avancé que de par le passé retardant d'autant l'entrée dans la vie active et qu'il est de plus en plus difficile de ne pas connaître des périodes de chômage.

Les départs situés au delà de la date fatidique, quoique minoritaires, ne constituent pas une exception. On songe de suite aux indépendants qu'ils soient commerçants ou membres de professions libérales. On peut aussi mentionner les élites qui voient leur contrat prolongé. C'est le cas par exemple des Professeurs d'université qui peuvent, s'ils le souhaitent, rester en fonction au delà de la durée légale. Ces catégories, si elles existent, n'en sont pas moins très minoritaires.

Tel n'est pas le cas des gros bataillons constitués de Français normaux qui sont ou seront soumis au même traitement. A titre d'exemple, entrer dans la fonction publique aujourd'hui ne permet plus de disposer des mêmes avantages que de par le passé. Autre exemple, le niveau d'étude qui permet de se mettre relativement à l'abri du chômage ne cesse d'augmenter. Le grand nivellement a donc commencé et se trouve bien avancé. Même les cadres disposant d'une formation objective, tels les scientifiques, sont soumis à la concurrence d'une immigration favorisée qui a pour conséquence aujourd'hui de tirer les salaires à la baisse mais aussi de relativiser ce qui était auparavant une sécurité d'emploi pour ce type de salariés.

Puisque le montant de la retraite dépend des salaires engrangés durant la vie de travail, il va de soi que la raréfaction des augmentations, la disparition de la promotion sociale, ainsi que la stabilité des salaires, ne pourront qu'avoir à l'heure du calcul final que de funestes conséquences. Cet aspect comptable doit aussi être pris en considération.

Le ridicule de cette mesure, c'est qu'elle ne concerne que les cadres d'un niveau avancé. Et encore. En effet, à la base, on est considéré par les entreprises comme déficient à partir de 45 ans. Comment dans de telles conditions peut-on espérer voir prolongée une durée de travail que les employeurs choisissent dans les faits de réduire ? Même dans le cadre d'entreprises qui ont besoin de main d'œuvre comme le bâtiment, peut-on imaginer des salariés tels les couvreurs encore en activité à 65 ans ?

Les politiques sont conscients de ces contradictions qui n'en sont que si on prend au sérieux l'objectif déclaré. Ils ne s'agit simplement que d'habituer les Français à des retraites modiques, limitées au strict minimum. C'est là la première étape.

Ensuite, lorsque nos compatriotes verront dans leur voisinage des retraités, contraints de travailler encore, afin de, non pas s'offrir un supplément, mais s'assurer le minimum décent, ils leur faudra alors réagir.

Ce sera alors l'individualisation par la capitalisation. Avec tous les risques que cela comporte comme en témoigne l'actuelle crise financière.