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lundi 27 juillet 2015

Européens, tous cousins !


 
 
 Michel de Pracontal
 
Deux chercheurs américains ont étudié les gènes d’un échantillon de 40 populations du continent européen. Leur verdict : tous les Européens d’aujourd’hui descendent des mêmes ancêtres. Voilà pourquoi.

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Prenez deux Européens d’aujourd’hui, même vivant dans des pays éloignés, par exemple un Finnois et un Français : ils ont toutes chances d’avoir de nombreux ancêtres communs ayant vécu il y a environ un millénaire. C’est ce que démontre une analyse des gènes de 2 257 personnes issues de 40 populations de l’ensemble du continent : Albanais, Anglais, Belges, Danois, Espagnols, Italiens, Macédoniens, Russes, Turcs, etc.

L’étude, qui vient de paraître dans Plos Biology, a été réalisé par deux généticiens des populations, Peter Ralph et Graham Coop (université de Californie à Davis). Elle montre qu’à l’échelle des 3 000 dernières années, il existe un degré de parenté élevé entre les populations des différentes nations européennes, en dépit du fait que celles-ci soient des constructions récentes, amalgamant des groupes humains différents.

Les deux chercheurs ont utilisé le génome complet des 2 257 individus étudiés. Ils ont recherché des segments d’ADN partagés par des individus différents. Le principe général est que deux individus qui ont un ancêtre commun peuvent partager un segment d’ADN hérité de cet ancêtre. Plus ce segment est long, plus l’ancêtre commun est récent. En analysant la longueur des segments d’ADN partagés par une paire d’individus, les chercheurs peuvent évaluer la distribution dans le temps de leurs ancêtres communs.

Mélange de segments courts et longs

Pourquoi y a-t-il une relation entre le temps et la longueur des segments d’ADN partagés par une paire d’individus ? Pour le comprendre, il faut considérer la manière dont les gènes, et par conséquent l’ADN qui est leur support matériel, se recombinent à chaque génération. Le génome d’un individu donné se forme en mélangeant les gènes de ses parents, de sorte que son ADN est constitué de segments venant de sa mère et d’autres de son père. A la génération suivante, le mélange intègre de nouveaux segments d’ADN, et ainsi de suite.

Ce processus se poursuit au fil des générations. De sorte que le génome d’une personne contient des segments de l’ADN de ses ancêtres, entrecoupés par les segments nouveaux introduits à chaque génération. Comme l’emplacement où les séquences d’ADN se modifient est différent à chaque fois, le résultat est que les segments conservés sont de plus en plus courts. Ainsi, des cousins germains au premier degré, qui ont des grand-parents communs, partageront des segments d’ADN plus longs que des cousins au deuxième degré ; ces derniers partageront des segments plus longs que des cousins au troisième degré, etc.

Si un segment hérité d’un ancêtre s’est conservé au bout d’un grand nombre de générations chez deux individus, on peut évaluer l’ancienneté de cet ancêtre à partir de la longueur du segment. C’est ce qu’ont fait Peter Ralph et Graham Coop. Leurs calculs montrent que deux Européens de deux pays voisins ont entre deux et douze "ancêtres génétiques" communs ayant vécu au cours des 1 500 dernières années ; et ils en ont jusqu’à une centaine si on remonte un millier de plus en arrière.

Des ancêtres communs

Aussi étonnant que cela paraisse, tous les habitants de l’Europe qui ont vécu il y a mille ans et qui ont eu des descendants sont eux-mêmes des ancêtres de tous les Européens d’aujourd’hui ! Ou si l’on préfère, tous les Européens contemporains descendent d’un même ensemble d’ancêtres ayant vécu il y a mille ans.

Les chercheurs ont cependant constaté que la répartition des ancêtres communs n’est pas homogène géographiquement : par exemple, les Italiens ont moins d’ancêtres génétiques communs entre eux et avec les autres Européens, et ont plus de liens avec des ancêtres remontant à 2 000 ans plutôt qu’à 1 000. Cette différence peut refléter un plus grand degré d’isolement géographique.

Mais les chercheurs reconnaissent eux-mêmes que pour étudier finement une histoire aussi complexe que celle de l’Europe, il ne suffit pas d’analyser les gènes des contemporains. Il faudra aussi utiliser des ADN d’individus ayant vécu dans le passé, dont on peut dater l’ancienneté. Et sans doute faire appel à d’autres disciplines, comme l’archéologie ou la paléo-anthropologie. 
 

Pascal Boniface : « L’islamophobie et le radicalisme musulman se nourrissent mutuellement »



 
 Matthieu Giroux
 
Pascal Boniface est géopolitologue. Il est le fondateur et le directeur de l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques). En 2011, il avait fait paraître Les intellectuels faussaires (Jean-Claude Gawsewitch Éditeur), un ouvrage polémique visant à démasquer l’imposture intellectuelle de personnalités de premier plan. En 2015, il récidive avec Les pompiers pyromanes (Max Milo), livre qui dénonce, entre autres, l’instrumentalisation des luttes contre le racisme et l’antisémitisme.

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PHILITT : Dans quelle mesure la coupure entre les élites intellectuelles ou médiatiques et le peuple empêche-t-elle la conduite saine du débat public en France ?

Pascal Boniface : Cette coupure crée un climat de méfiance. On peut dire que cela vient alimenter le populisme et le complotisme que dénoncent les élites. Il y a un entre-soi au sein des élites : on ne se critique pas parce qu’on considère qu’on fait partie de la même famille, on peut avoir des intérêts croisés, parce qu’on espère un renvoi d’ascenseur… C’est le sentiment que l’on appartient au même monde et que l’on ne va pas se fâcher avec des personnes que l’on est appelé à revoir ou à fréquenter. En même temps, les moyens d’informer sont beaucoup plus développés qu’auparavant. Il est possible aujourd’hui d’obtenir une information qui n’est pas verticale. Cet entre-soi des élites est de plus en plus important au moment où il est de plus en perceptible. Cela a bien sûr des effets négatifs. Les élites sont censées représenter la base et non en être coupées. Elles sont censées être des éclaireurs et non des gens qui jouent l’écran de fumée par rapport au débat public. Il y a une forte rupture de confiance qui crée du complotisme, qui renforce la thèse du « tous pourris ». Une thèse qui est fausse : il faut distinguer la bonne et la fausse monnaie. La fausse monnaie existe, ce n’est pas pour autant que la bonne n’existe pas. C’est un cercle vicieux : le complotisme nourrit les faussaires et les faussaires nourrissent le complotisme.

PHILITT : Quelle est l’importance d’internet dans ce phénomène ?


Pascal Boniface : Internet et les réseaux sociaux permettent une diffusion horizontale de l’information. Il n’y a pas un émetteur en haut et un récepteur en bas. Chacun peut être émetteur et récepteur. C’est relativement démocratique. L’audience ne dépend pas des capitaux que vous avez au départ. Si vous faites un blog crédible, il grossit régulièrement et de plus en plus de gens vont vous suivre. Vous n’avez pas besoin d’un père qui vous achète un journal pour accéder au public. On dit qu’il y a tout et n’importe quoi sur internet. C’est vrai. Mais c’est également le cas dans les journaux mainstream, à la télévision et à la radio. Ce procès fait à internet est donc un faux procès, organisé par des gens qui veulent garder le contrôle de l’information et qui n’acceptent pas d’être critiqués dans leur compromission ou dans leurs mensonges.

PHILITT : Pouvez-vous nous expliquer en quoi le deux poids deux mesures, notamment en ce qui concerne le traitement médiatique des communautarismes juifs et musulmans ou encore l’analyse du conflit israélo-palestinien, empoisonne ce même débat public ?

Pascal Boniface : Il y a de multiples causes à l’antisémitisme. Ce sentiment de deux poids deux mesures est une cause importante. Cela se retourne contre ceux que c’est censé protéger. Bien sûr, on peut dire qu’historiquement la Shoah n’a pas d’équivalent. C’est recevable comme argument. Cela n’implique pas pour autant que l’on devrait enseigner la Shoah et pas l’esclavage et le colonialisme. De même, lorsqu’on voit les réactions médiatiques et politiques quand il y a une agression antisémite et l’indifférence quand il y a une agression contre un musulman, cela crée une gêne et le sentiment qu’il n’y a pas d’égalité entre les différents citoyens. Encore une fois, cela alimente la rhétorique des conspirationnistes qui s’empressent de mettre tous les Juifs dans le même sac, sans prendre en compte les différences d’opinion, que ce soit sur le conflit israélo-palestinien ou sur la question du traitement du racisme et de l’antisémitisme. C’est ce qui explique en quoi un « journaliste » comme Haziza et un « polémiste » comme Soral se nourrissent et renforcent mutuellement.

PHILITT : Le retour à un équilibre est-il la solution pour l’apaiser ?

Pascal Boniface : C’est quelque chose qui est nécessaire. De là à en faire la solution… Malheureusement, les maux dont souffre la société française ne seront pas guéris si on ne fait que résoudre ce problème. Le fait de rééquilibrer et de traiter médiatiquement de façon égale les différentes sortes de discrimination et de racisme contribuerait à améliorer la situation. Mais ce n’est pas avec cela qu’on éradiquera le racisme et l’antisémitisme. Il faut les combattre un maximum pour qu’ils soient le moins présents possible. Concernant le racisme antimusulman, cela ne vient pas seulement du conflit israélo-palestinien. Il y a des fonds sociétaux et historiques. Ce que beaucoup de gens n’ont pas compris, c’est que les musulmans veulent exister en tant que tels et s’exprimer de la même façon que d’autres peuvent s’exprimer. Ils n’entendent plus qu’on leur assigne des représentants dans lesquels ils ne se reconnaissent pas ou qu’on leur dise de modérer leur expression parce qu’ils ne seraient pas des citoyens à part entière. Il faut faire attention à ne pas dire qu’il y aurait un bon communautarisme qui serait l’expression d’une filière républicaine et un mauvais qui porterait atteinte à la République.

PHILITT : Le terrorisme intellectuel – accusation systématique de racisme, d’antisémitisme ou de connivence avec le fascisme – est-il une spécificité française ?

Pascal Boniface : C’est très présent en France parce que les débats de société sont vifs. Aux États-Unis, le recours au mensonge ne dure pas longtemps. Quelqu’un qui aurait recours au mensonge comme certaines personnes que je cite dans mon livre ne survivrait pas dans le paysage médiatique américain. Le système américain a beaucoup de défauts, il a aussi quelques qualités. Cependant, quand on voit les débats au temps de la Guerre froide entre les communistes et les libéraux ou encore la violence des attaques antisémites dans les années 30, notamment contre Léon Blum, on se dit que ce n’est pas plus mal que l’on ait baissé de quelques crans.

PHILITT : Mais il y a une véritable régression au niveau de la liberté d’expression…

Pascal Boniface : Le grand paradoxe que l’on a pu constater notamment après les attentats de janvier, ce sont ces gens qui disaient « Je suis Charlie » et qui empêchaient de s’exprimer ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux. Parfois, en passant de la mauvaise foi à l’ignoble, ils accusent les autres d’être coresponsables des attentats. Cela outrepasse les limites du débat public sain, voire de la polémique. En ce qui me concerne, je constate que beaucoup de gens déforment mes propos pour me mettre en accusation et en me reprochant d’être vif dans mes attaques. À la différence que, quand je m’en prends à quelqu’un, je m’appuie sur des citations ou sur des déclarations précises et je signe de mon nom. Je ne fais pas les choses anonymement en prêtant à quelqu’un des propos qu’il n’a pas tenu, ni en cherchant des intentions cachées que je ne peux vérifier. On ne sonde pas les cœurs et les reins.

PHILITT : Vous expliquez dans votre livre la bassesse des attaques que vous avez subies (contre l’IRIS, contre votre fils), notamment de la part de Frédéric Haziza et de Frédéric Encel. Comment se fait-il que de telles pratiques ne nuisent pas à leur instigateur ? Haziza et Encel ont-ils jusque-là été inquiétés d’une manière ou d’une autre ?

Pascal Boniface : Je ne demande pas à ce qu’ils soient inquiétés, je demande à ce qu’ils soient plus responsables de leurs actions. Dans le cas d’Haziza, qui tweete presque tous les jours sur moi et qui m’attaque dès qu’il en a l’occasion sur Radio J, il est clair que ce type de manœuvres n’a pas réduit son exposition médiatique. Je n’ai pas non plus l’impression qu’il y ait un prix à payer pour cela. Il y a une impunité à employer des moyens que la morale réprouve. Je pense que si j’avais employé des moyens similaires, j’aurais subi des foudres beaucoup plus importantes.

PHILITT : Comment expliquez-vous l’omniprésence médiatique de Bernard-Henri Lévy, omniprésence inversement proportionnelle à sa légitimité intellectuelle ?

Pascal Boniface : Dans un premier temps, il compensait le discrédit intellectuel (porté contre lui notamment par Aron ou Vidal-Naquet) par un succès public. Ce qui n’est même plus le cas aujourd’hui. C’est un double mystère. Quelque chose qui serait impensable aux États-Unis par exemple. Être Bernard-Henri Lévy est un boulot à temps plein. Il n’a pas à travailler. Donc il peut soigner ses relations publiques. Tout le monde ne peut pas prendre un avion privé pour aller en Égypte ou en Ukraine. Les moyens dont il dispose lui facilitent les choses. Il est connu pour être célèbre. Son exposition médiatique lui ouvre la porte des médias et des politiques. C’est un cercle que je qualifierais plus de vicieux que de vertueux. Les politiques se disent que comme il est très présent dans les médias, il vaut mieux être de son côté que contre lui, car il pourrait y avoir des retours négatifs d’ascenseur. Les journalistes se disent la même chose : si je le critique je serais sanctionné d’une façon ou d’une autre. Il a créé un système : il dit aux politiques qu’il connaît tous les médias et aux médias qu’il connaît tous les politiques. Il a donc table ouverte un peu partout sauf dans le public qui ne le suit plus. C’est à la fois comique et dramatique. Que Sarkozy, Hollande et Valls se soient sentis obligés d’aller voir sa pièce de théâtre que presque personne d’autre n’a vu en dit long.

En revanche, les multiples attaques de Bernard-Henri Lévy envers Alain Juppé, loin de le desservir, vont plutôt renforcer sa crédibilité. Juppé est un homme d’État, il n’a jamais voulu donner plus d’importance que ça à Bernard-Henri Lévy. Pour celui-ci, c’est une blessure narcissique impardonnable.

PHILITT : Vous expliquez dans votre livre que des personnalités comme Bernard-Henri Lévy ou Frédéric Haziza donnent du grain à moudre à Soral et Dieudonné et réciproquement. Les médias semblent nous mettre dans une situation inconfortable où il faudrait choisir son camp. Dans quelle mesure est-il possible, publiquement, d’être à la fois contre Dieudonné et contre Bernard-Henri Lévy, contre Soral et contre Haziza ? Cette prise de position est-elle tenable ?

Pascal Boniface : Oui. En tout cas je la tiens, même si ça peut m’attirer des désagréments. Certains disent : il faut être dans un camp. D’autres pensent qu’on ne peut pas se fâcher avec tout le monde. Personnellement je suis attaqué par Haziza mais également par les gens d’Égalité et Réconciliation. Il faut être cohérent sur la durée. On peut me reprocher beaucoup de choses mais on ne m’a jamais fait de procès pour racisme ou antisémitisme. Aucune phrase de mes livres ne peut être retenue contre moi en ce sens. Je pense que les gens ne sont pas dupes. La crédibilité se gagne sur le long terme. Il faut être ni Bachar ni Daesh, ni Haziza ni Soral.

PHILITT : La dissidence dont se réclame Soral fonctionne, comme les grands médias, par excommunication. Si vous n’êtes pas d’accord avec lui, vous ne pouvez pas être un « dissident ».

Pascal Boniface : Soral a sa niche. S’il devenait mesuré, il perdrait en audience. C’est aussi une conséquence du peu de liberté dans les médias mainstream. Si vous empêchez toute critique de Bernard-Henri Lévy dans les médias traditionnels, il ne faut pas s’étonner que cela se fasse à la hache autre part. De même, Dieudonné n’était pas antisémite au départ, il l’est devenu. Je ne pense pas qu’il ait rongé son frein pendant dix ans lorsqu’il faisait des sketchs avec Élie Semoun. C’est une chose de faire des blagues sur tout le monde. Une autre, de se focaliser sur les Juifs. Par ailleurs, quand Soral présente Emmanuel Todd comme le petit-fils du rabbin de Bordeaux, c’est une manière de le discréditer. Car il pourrait empiéter sur son territoire de critique du système. Il le renvoie à sa seule qualité de Juif alors qu’on pourrait définir Todd de multiples façons.

PHILITT : Certaines personnalités revendiquent le droit à l’islamophobie (Éric Zemmour, Élisabeth Lévy), d’autres parlent de chantage à l’islamophobie (Alain Finkielkraut), d’autres encore estiment que l’emploi du mot est abusif (Caroline Fourest). Qu’en est-il de la judéophobie ? Est-elle nécessairement synonyme d’antisémitisme ?

Pascal Boniface : On peut très bien assimiler politiquement antisémitisme et judéophobie, même si scientifiquement il y a une différence. Je suis un peu fatigué lorsque, dans les réunions, on me ressort l’argument qui consiste à dire que l’antisémitisme concerne aussi les Arabes puisque ce sont des sémites. C’est vrai d’un point de vue sémantique, mais d’un point de vue politique, l’antisémitisme, c’est la haine des Juifs historiquement.

Concernant l’islamophobie, il est évident qu’il faut accepter l’emploi du terme. Sinon, on nie aux musulmans le droit de définir par eux-mêmes les atteintes dont ils sont l’objet. Il ne s’agit pas d’interdire le blasphème. C’est une chose de se moquer de la religion musulmane, une autre de se moquer des musulmans pour ce qu’ils sont. Contester l’usage du terme islamophobie participe à la volonté de minimiser la réalité du racisme antimusulman. De plus, le terme n’a pas été inventé par les ayatollahs en 1979, c’est maintenant bien documenté.

La revendication du droit à l’islamophobie ne facilite évidemment pas le débat public. C’est forcément ressenti comme une insulte par de nombreux musulmans. L’islamophobie et le radicalisme musulman se nourrissent mutuellement. Plus vous revendiquez le droit à l’islamophobie plus vous allez produire des gens qui ne vont pas se sentir du même monde, qui vont vouloir s’organiser contre des adversaires. On ne peut dénoncer les effets en nourrissant la cause. Se revendiquer de l’islamophobie en regrettant que les musulmans se radicalisent me paraît être hypocrite.

PHILITT : Quelle était votre position par rapport aux caricatures de Charlie Hebdo ?

Pascal Boniface : J’ai critiqué leurs caricatures dans des papiers. J’ai été manifesté le 11 janvier. Bernard Maris était un ami. Je trouvais qu’ils exagéraient, qu’ils étaient plus d’un côté que de l’autre, contrairement à ce qu’ils disaient. Je n’étais pas d’accord avec eux mais ils avaient le droit de le faire. J’avais avec Charlie Hebdo un désaccord politique. Qu’on ne vienne pas ensuite me dire que j’étais complice des attentats parce que j’avais exprimé ce désaccord.
 

Les éditions de Chiré vous proposent - Bonald. La Réaction en action


 
  Flavien Bertran de Balanda

Lorsque l'on évoque la pensée contre-révolutionnaire, les noms de Louis de Bonald et de Joseph de Maistre sont immanquablement associés. Le second a cependant suscité une littérature abondante, tandis que le premier demeure injustement mal connu du grand public. Justice que lui rend enfin cet ouvrage.

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Bonald, par la richesse de son système, fut le premier et le plus prestigieux théoricien du traditionalisme et du monarchisme intégral ; mais également un homme politique dont la personnalité et l'action marquèrent les années de la Restauration : maire, député puis Pair de France, il fut à la fois le maître à penser et le chef de file du mouvement ultra.
Sa pensée est une pensée de combat : intégrale et totalisante, elle ne saurait se résumer à une simple défense de l'Ancien Régime ; vaste, complexe, conquérante, elle impose une vision du monde qui lie intimement le politique et le métaphysique. C'est un véritable monument de l'histoire de la philosophie que nous découvrons donc ici, à contre-courant de son temps, et plus encore du nôtre.

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Fruit de plusieurs années de recherches à l'Université de Paris IV-Sorbonne, l'essai de F. Bertran de Balanda suit des axes inédits d'interprétation et propose au lecteur une approche novatrice de la vie et de l'oeuvre du vicomte, enrichie notamment d'une source nouvelle : les articles que Bonald publia dans la presse de l'époque, qui permettent de croiser de façon passionnante son système philosophique, son action politique et l'actualité de la période.

L'ensemble est complété par des annexes nombreuses : textes de Bonald, iconographie d'époque, et surtout une bibliographie très exhaustive et commentée. Un ouvrage désormais de référence.
Date de parution: 2010-01-01

Editeur: PROLEGOMENES (EDITIONS)

ISBN:9782917584200

Nb de pages: 306


Knut Hamsun : entre modernité et tradition



 
 Antoine Pizaine
 
Knut Hamsun est un aventurier qui a parcouru les styles, les genres et les époques. Génie aujourd’hui infréquentable et oublié, le Norvégien a laissé au monde littéraire une œuvre dense comme une forêt du Nord, tour à tour obscure et enchanteresse. Conteur moderne, il s’est attaché à fuir les carcans de la littérature de son époque, et ceci en travaillant à la fois la psychologie de ses personnages et la langue à la manière d’un orfèvre.

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Si l’écrivain scandinave Martin Nag qualifie Knut Hamsun de « Dostoïevski norvégien », c’est sans doute parce qu’il a été très influencé par le réalisme de l’auteur des Possédés (précisons que le réalisme russe n’est pas celui de la tradition française) et ce, même si son parcours littéraire l’a entraîné bien plus loin. C’est au travers d’un article paru en 1890 dans la revue Samtiden, intitulé De la vie inconsciente de l’âme, que Knut Hamsun révèle son projet littéraire. Dans ce pendant théorique de La Faim (1890), roman majeur, l’auteur montre la liaison qu’il entend opérer, tout du moins de façon inconsciente, entre l’individualisme de Nietzsche (quoiqu’il ne l’ait ni lu, ni rencontré) et la modernité de Franz Kafka. Hamsun s’est imprégné de philosophie nietzschéenne grâce à l’influence de Georg Brandes, qui donne à partir de 1888 une série de conférences sur l’auteur du Gai Savoir en Scandinavie. Une mentalité qui se retrouve dans Ciel sombre, ultime chapitre du dernier ouvrage que consacre Hamsun à son voyage en Amérique. Moquant allègrement ses prédécesseurs, et notamment Guy de Maupassant, il s’attache à explorer les tréfonds de l’âme humaine, à commencer par la sienne. C’est ainsi que la Faim prend la forme d’un roman quasi autobiographique. Knut Hamsun fait du personnage principal, un anonyme, un urbain moderne, sans visage, sans racines, preuve de sa volonté de rompre avec les anciens codes du réalisme et du naturalisme du XIXe siècle déclinant. Naturalisme qui s’attachait davantage à décrire avec minutie les lieux, les personnages et les objets, dans l’objectif de retranscrire fidèlement la « nature ».

Knut Hamsun et la modernité de la langue

Bien plus qu’un roman social traitant de la misère et de l’errance d’un homme dans une capitale européenne qui lui est totalement inconnue, La Faim est un roman psychologique qui met son narrateur en face d’un alter-ego, compagne ambiguë, qu’il entretient pour cultiver l’inspiration nécessaire à son travail littéraire : « J’avais remarqué très nettement que si je jeûnais pendant une période assez longue, c’était comme si mon cerveau coulait tout doucement de ma tête et la laissait vide. » Ce personnage parcourt le roman en équilibre, entre moments de génie et d’éclat, entre tortures physiques et mentales. Il écrit ainsi : « Dieu avait fourré son doigt dans le réseau de mes nerfs et discrètement, en passant, il avait un peu embrouillé les fils… » Ce personnage ambivalent permet à Hamsun d’évoquer ses propres névroses et d’annoncer un autre objectif de sa vie : l’esthétique de la langue. Il n’aura de cesse de la travailler, parfois avec fièvre. Kristofer Janson, poète et prêtre qui a connu Hamsun, dit ne connaître « personne aussi maladivement obsédé par l’esthétique verbale que lui […]. Il pouvait sauter de joie et se gorger toute une journée de l’originalité d’un adjectif descriptif lu dans un livre ou qu’il avait trouvé lui-même ». Dans La Faim, le personnage entretient un rapport imprévisible et tumultueux à l’écriture : « On aurait dit qu’une veine avait éclaté en moi, les mots se suivent, s’organisent en ensembles, constituent des situations ; les scènes s’accumulent, actions et répliques s’amoncellent dans mon cerveau et je suis saisi d’un merveilleux bien-être. J’écris comme un possédé, je remplis page sur page sans un instant de répit. […] Cela continue à faire irruption en moi, je suis tout plein de mon sujet et chacun des mots que j’écris m’est comme dicté. » Son premier roman inaugure donc un travail sur l’esthétique de la langue. Auparavant, Hamsun parlait un norvégien encore « bâtard », paysan, et assez éloigné du norvégien bourgeois de la capitale. C’est probablement ce à quoi il pensait en écrivant dans un article de 1888 : « Le langage doit couvrir toutes les gammes de la musique. Le poète doit toujours, dans toutes les situations, trouver le mot qui vibre, qui me parle, qui peut blesser mon âme jusqu’au sanglot par sa précision. Le verbe peut se métamorphoser en couleur, en son, en odeur ; c’est à l’artiste de l’employer pour faire mouche […] Il faut se rouler dans les mots, s’en repaître ; il faut connaître la force directe, mais aussi secrète du Verbe […] Il existe des cordes à haute et basse résonance, et il existe des harmoniques… »

L’écriture de Hamsun est donc incontestablement psychologique et introspective. La faim qu’entretient le héros sert à exacerber les traits les plus profonds de sa personnalité. De même dans Pan, Hamsun livre le personnage du capitaine à l’exil pour mieux confronter ses pensées à la nature sauvage : « Je suis assis dans la montagne et la mer et l’air murmurent, cela bouillonne et gémit horriblement dans mes oreilles à cause du temps et du vent. […] La mer se soulève en l’air en écumant et chancelle, chancelle, elle est comme peuplée de grandes figures furieuses qui écartent leurs membres et braillent l’une contre l’autre ; non, c’est une fête parmi dix mille démons sifflants qui renfoncent leur tête dans les épaules et tournent en rond, fouettant la mer en mousse du bout de leurs ailes. Loin, loin là-bas… » On remarque aussi l’influence des Carnets du sous-sol de Dostoïevski sur le roman Mystères et plus particulièrement sur le personnage de Nagel, un homme qui a le goût de la contradiction, et qui nourrit un irrépressible besoin d’évasion. Nagel choque par ses habitudes, par son comportement, par son accoutrement. En effet, si les récits de Hamsun fourmillent de détails concernant les vêtements des protagonistes, on ignore à peu près tout de leur portrait physique. Ainsi, le personnage de la Faim accorde une importance particulière à son gilet, qu’il laisse « au clou » pour pouvoir se procurer quelques couronnes, mais son nom n’est jamais mentionné. Nagel est lui toujours habillé d’un costume et d’un chapeau. Les personnages chez Hamsun sont donc réduits à une silhouette, des aplats de couleurs néo-impressionistes qui ne dévoilent de leurs personnalités que leur psychologie la plus intime et parfois la plus brutale, comme Thomas Glahn de Pan, qui tue son chien sans motif apparent.

Knut Hamsun, l’homme de tradition

Si les personnages de Knut Hamsun sont modernes par leur traitement résolument introspectif, ils évoluent en revanche dans un cadre étonnamment traditionnel. En effet, Knut Hamsun, élevé dans la tradition protestante par son oncle, et tirant de sa mère un profond attachement à son pays, nourrit ses récits d’une énergie tellurique et presque charnelle.

Hamsun se révèle ainsi de façon moins évidente l’homme de la tradition, par bien des côtés, un « païen qui adore le Christ », pour reprendre une formule de Nicolás Gómez Dávila. On pense notamment au cadre de ses romans, comme Pan, dans lequel il montre là son attachement à la nature du Nord, ou Markens grode (ordinairement traduit par L’éveil de la glèbe ; une traduction plus appropriée étant Les fruits de la terre), une réécriture de la Genèse. Très critique vis à vis de la matérialité bourgeoise, Hamsun conserva toute sa vie un rapport étroit à la spiritualité qui occupe une place importante dans ses livres. Ainsi, dans Victoria (1898) il écrit un éloge des Évangiles : « L’amour fut la première parole de Dieu et la première pensée qui traversa son esprit. Lorsqu’il commanda « Que la lumière soit ! », l’amour fut. Toute sa création fut réussie et il ne voulut rien y changer. Et l’amour, qui avait été à l’origine du monde, en fut aussi le maître. Mais ses chemins sont parsemés de fleurs et de sang. De fleurs et de sang… ». Sa détestation du monde bourgeois transparaît également dans un texte de 1917 intitulé Ville voisine. Hamsun y évoque une ville « comme ressuscitée des morts », où l’on vit dans des conditions « petites et vieillottes », qui est « comme auparavant, il y a longtemps ». Cette ville voisine est, sur le plan symbolique, en dehors de l’espace et du temps. Cependant, point de nostalgie chez Hamsun qui a conscience des changements et des ruptures de l’époque. Ennemi du monde moderne et acteur majeur du renouveau littéraire norvégien, son destin est à rapprocher de celui d’Ezra Pound aux États-Unis ou de celui de Louis-Ferdinand Céline en France.
 

Pourquoi Jean-Marie Le Pen ne devrait pas livrer le combat de trop en PACA



 
 Arnaud Guyot-Jeannin
 
« Je vois des amis, je les consulte, nous échangeons des idées, nous imaginons des perspectives », confiait Jean-Marie Le Pen ce lundi 20 juillet à l’AFP, à propos de son éventuelle candidature dissidente face à sa petite-fille Marion Maréchal-Le Pen, aux élections régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) de décembre prochain. Cependant, il assure n’avoir pris « aucune résolution d’aucune sorte ». Mais il ajoute : « Il y a des gens qui ne sont pas satisfaits par la proposition de Marion Maréchal [Le Pen]. » N’est-il pas gêné de se présenter contre sa petite-fille ? Le fondateur du Front national répond par la négative : « Ce n’est pas un problème, je suis prêt à affronter n’importe qui. »

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Toujours dans la même veine, Jean-Marie Le Pen assène le mardi 21 juillet : « Des informations, sollicitations, suggestions me parviennent. Je les étudie et j’essaye de prévoir l’avenir » (Le Figaro, 22 juillet). Il réitère en français et en anglais avec une moue amusée dans Le Parisien du même jour : « Je wait, je see. »

Jean-Marie Le Pen n’a pas tort de souligner qu’il existe « des remous dans toutes les fédérations » de PACA où plusieurs élus ont été suspendus pour avoir critiqué la composition des listes locales et la « ligne » du vice-président Florian Philippot, qui a joué un rôle non négligeable dans la suspension du fondateur du FN. 
De plus, le Menhir reste très populaire dans la région où ses scores électoraux sont le plus souvent très hauts. D’autre part, on peut le comprendre d’avoir mal pris la sanction que lui a infligée sa fille Marine Le Pen.

Mais les enjeux politiques ne transcendent-ils pas ces divergences ? Et puis, n’est-ce pas Marion Maréchal-Le Pen qui se présente, non sa fille Marine ou Florian Philippot ? Certes, la première s’est solidarisée des deux derniers plutôt que de son grand-père, mais elle l’a fait avec tact et mesure. D’ailleurs, elle rappelle : « J’ai encore, moi, ses paroles, il y a quelques mois de cela, notamment dans son communiqué de presse quand il soutenait ma candidature qui était pourtant sans équivoque. J’ai les mots sous les yeux. Il disait : “Je demande dans l’intérêt supérieur de la France de soutenir la candidature de Marion Maréchal-Le Pen, députée du Vaucluse.” Puis Jean-Marie Le Pen d’ajouter : “Je ne ferai rien qui puisse compromettre la fragile espérance de survie de la France que représente le Front national avec ses forces et ses faiblesses.” » Marion Le Pen ose donc espérer sur France Info : « Dans ces conditions, je sais que Jean-Marie Le Pen est un homme de parole, je suis sûre qu’il ne reviendra pas sur ses paroles. […] À partir du moment où il a fait le choix de soutenir ma candidature, il faut, je crois, rester cohérent. Pour nos électeurs, entre autres, pour les habitants de PACA qui attendent un changement, pour nos élus et nos militants qui ne comprendraient pas cette espèce de guerre fratricide qui n’a pas de sens. »

Une liste dissidente menée par le fondateur du FN ? « J’ai entendu ça, je n’en ai pas la preuve formelle, mais je n’ose pas croire que Jean-Marie Le Pen puisse considérer que je sois un dommage collatéral dans le bras de fer qu’il est en train de réaliser avec le parti. Je pense que cela restera sans suite. C’est peut-être une façon de faire monter les enchères, je ne sais pas, mais je ne peux pas croire qu’il fasse cela. »


Jean-Marie Le Pen sait que deux listes lepénistes diviseraient les voix frontistes par deux et feraient perdre les deux candidats au profit de Christian Estrosi. C’est pourquoi il doit défendre sa liberté de penser, mais ne pas mener le combat de trop ! 
 

La Grèce, la gôche, la gauche (I)



 
 Jacques Sapir
 
Le diktat arraché à la Grèce par l’Eurogroupe et la Commission européenne est une tragédie pour la Grèce. Cet accord ne réglera rien et va même empirer la crise que la Grèce connaît. La dette de la Grèce n’était pas soutenable en 2010. Elle ne l’était pas en 2012. Elle ne l’est toujours pas après ce diktat. La solvabilité du pays n’est nullement assurée car la viabilité de l’économie n’est pas assurée. Ici se trouve une évidence, niée par les négociateurs de Bruxelles, qu’un pays ne peut rembourser que ce que son économie lui permet. En fait, c’est même l’inverse qui apparaît le plus évident, car les mesures imposées dans ce diktat, combinées avec les conséquences de la politique de la Banque Centrale Européenne, vont aggraver la crise économique en Grèce. Mais, les conditions qui ont entouré ce désastre ont des conséquences qui dépassent la Grèce. Nous assistons aujourd’hui au naufrage de la social-démocratie européenne et à un moment charnière pour ce que l’on appelle la « gauche radicale ».

Le naufrage de la Social-Démocratie européenne

La social-démocratie européenne, avec son grand rêve d’une Union européenne réformée, d’un Euro dit « de gauche », a sombré entre les derniers jours de juin et les premiers de juillet[1]. La social-démocratie européenne s’est révélée être une force d’imposition de l’austérité, une force qui a contribué à écraser une tentative pour construire un autre chemin économique en Europe. Ce naufrage n’a qu’un précédent : celui d’août 1914, ou mieux encore 1918. Comme à cette époque, la social-démocratie allemande est bien entendu la première à sombrer. Le fantôme de Ebert, et de sa collaboration avec Noske, est revenu hanter les couloirs de la chancellerie à Berlin[2]. La collusion entre le SPD et la droite allemande à propos de la Grèce a été évidente[3]. Que l’on se souvienne des déclarations d’un Martin Schulz, appelant au renversement d’un gouvernement, le gouvernement grec, démocratiquement élu, ou les déclarations tout aussi calamiteuses d’un Sigmar Gabriel, le dirigeant du SPD, allié d’Angela Merkel au sein du gouvernement allemand. Mais ce phénomène dépasse, et de loin, le cas de l’Allemagne. En Grande-Bretagne, les événements de ces derniers jours ont aggravé la crise latente au sein du Labour déjà mal remis de l’épisode Tony Blair[4]. Ces événements vont aussi aggraver la crise interne du PD en Italie, parti rassemblant depuis une partie des anciens « eurocommunistes » jusqu’au centre-gauche issue de la démocratie chrétienne. On pourrait multiplier les exemples.

En France, on voit dans la manière dont la majorité du Parti dit « socialiste » s’est rangé autour du diktat, dans la manière et dans les mots dont le Premier ministre, Manuel Valls, a usé pour faire voter le Parlement, que cette logique de collaboration avec l’ennemi est allée jusqu’aux tréfonds de sa logique. Il est d’ailleurs significatif que les « frondeurs » du Parti dit « socialiste » aient, dans leur majorité, voté avec le reste du Parti. Même le PCF, qui est le seul parti du Front de gauche représenté au Parlement, a hésité. Rappelons que le lundi matin Pierre Laurent appelait à voter le soutien à ce diktat avant que le Président du groupe, André Chassaigne, tenant compte des réactions de la base et de nombreuses fédérations locales[5], fasse voter contre. Ce pas de clerc de Pierre Laurent est en réalité très révélateur non seulement d’une politique réduite aux intérêts électoraux et financiers, mais aussi du poids de l’idéologie européiste au sein du PCF. Il faut comprendre comment cette idéologie s’est constituée, et pourquoi les événements de ces derniers jours la mettent aussi violemment en crise.

L’Europe comme seule horizon ?

L’Union européenne, rebaptisée « Europe » au prix d’une supercherie évidente, était devenue le cœur du projet de la social-démocratie depuis les années 1980. L’effondrement de l’Union soviétique avait même donné une certaine urgence au « rêve » européen de la social-démocratie. En fait, cette dernière voyait, dans un projet de type « fédéral » la possibilité d’imposer à ce qu’elle appelait les « forces de la réaction », et dans les années 1980 celles-ci étaient bien identifiées en Grande-Bretagne avec le Thatchérisme, des mesures sociales. La défaite de la social-démocratie traditionnelle en Grande-Bretagne face à Margaret Thatcher validait en un sens ce projet. Convaincue, surtout en France et en Italie, de l’impossibilité de faire « un autre politique économique » dans le cadre national, elle reportait ses espoirs sur une politique à l’échelle de l’Europe. L’absence d’analyse sérieuse des raisons de l’échec de la politique d’Union de la Gauche en 1981-1983, a certainement été un facteur important dans le tournant pris par la gauche française, de fait l’une des moins « sociale-démocrates » en Europe. D’autres facteurs jouèrent leur rôle, comme l’impact des « années de plomb » en Italie.

Mais, le ralliement à l’idée européenne était en fait ancien. Dès les années 1950 s’est imposée au sein de la social-démocratie l’idée que seule une organisation fortement intégrée de l’Europe occidentale pouvait empêcher le retour des guerres sur le continent européen. Il faut aussi signaler le très fort anticommunisme du SPD en Allemagne de l’Ouest, ce qui le conduisit à accepter le cadre du Traité de Rome (et de l’OTAN) comme seul cadre susceptible de garantir le système social ouest-européen qu’il s’agissait alors non pas de changer mais de faire évoluer. Notons aussi le fait que nombre de social-démocraties du sud de l’Europe (en Espagne et au Portugal en particulier) subirent l’influence du SPD.

Pourtant, le tournant des années 1980 va bien au-delà. Il y a une transformation qualitative qui fait passer « l’Europe » d’élément important dans l’idéologie des partis de l’Internationale Socialiste à un élément dominant et central. C’est une idéologie de substitution, qui allie le vieux fond internationaliste (ou plus précisément des formulations internationalistes car quant à la réalité de l’internationalisme de la social-démocratie, il y aurait beaucoup à dire) avec un « grand projet », s’étendant sur plusieurs générations. Les différentes social-démocraties européennes, puis ce qui survivait du mouvement communiste institutionnel, ont donc fait de la « construction européenne » l’alpha et l’oméga de leur projet politique[6]. Ceci a eu des effets importants dans le mouvement syndical, et la CFDT a commencé son involution qui l’a transformé en un syndicat de collaboration de classe, évolution qui s’est accélérée à partir de 1995. Mais, même au sein de la CGT, on peut ressentir cette évolution avec une montée en puissance du tropisme « européen ». Ce tropisme a déjà été mis à mal, du moins en France, par l’échec du référendum de 2005. Le résultat, qui n’avait pu être obtenu que parce qu’une frange des électeurs du Parti dit « socialiste » avait voté « non » a été vécu comme un véritable drame au sein de ce Parti. Au lieu d’en tirer les leçons, et de comprendre que ce tropisme « européen » ne pouvait qu’entraîner de nouvelles catastrophes, les dirigeants de ce Parti ont décidé de persévérer.

Encore fallait-il que, dans sa réalité, l’Union européenne permette d’accorder à ce dit projet quelques créances. C’est cela qui vient de sombrer avec la crise grecque.

Le principe de réalité

En effet, l’Union européenne s’est révélée sous un jour hideux. Ou, plus exactement, certaines de ses institutions ont montré qu’elles n’étaient nullement « neutres », mais qu’elles avaient ce que l’on peut appeler un « contenu de classe » ou, si l’on veut utiliser un langage moins marqué, qu’elles étaient consubstantiellement au service des nantis. Cela concerne, évidemment, au premier chef les institutions monétaires, c’est à dire la zone Euro. Les institutions de l’Union Economique et Monétaire, et surtout le fait que certaines d’entre elles soient des « institutions de fait » sans existence juridique (comme l’Eurogroupe) assurent la prédominance non seulement d’une certaine politique économique au sein de l’UEM, mais aussi la domination de la financiarisation sur les pays de l’UEM. Le fait que ces institutions soient aujourd’hui consolidées dans l’UE, même si de nombreux pays de l’UE ne font pas partie de la zone Euro, aggrave cette situation. On a clairement vu non seulement l’impossibilité de faire une autre politique que l’austérité dans le cadre de la zone Euro, mais surtout que ce cadre était politique et entendait imposer sa loi à tous les pays. Enfin, on a eu la confirmation que, loin de constituer un cadre apaisant les tensions entre pays, la zone Euro avait pour effet de les exacerber.

On voit bien qu’aucune politique alternative n’est possible dans le cadre de la zone Euro. On pourrait en dire sans doute de même avec l’UE telle qu’elle existe aujourd’hui. Les conditions de négociation du TTIP/TAFTA montrent que ce traité que l’on veut conclure dans le dos des peuples ne fonctionnera qu’au profit des grandes sociétés multinationales. L’UE ne protège nullement de ce marché mondial. Elle contribue au contraire à l’accoucher. La compréhension de ces faits pénètre désormais de plus en plus profondément au sein de l’électorat mais aussi au sein de certaines fractions de l’appareil social-démocrate. C’est le cas en France au sein du Parti dit « socialiste ».

La social-démocratie est donc confrontée à la réalité. Elle a rêvé un processus de construction européenne et se réveille aujourd’hui avec un monstre. Qui plus est, elle se retrouve dans la peau de l’un des deux parents de ce monstre. On comprend, alors, la gueule de bois historique qui a saisi la social-démocratie européenne. Mais, peut-elle renier ce qui résulte de près de trente années de ses compromissions multiples et répétées ?

L’Union européenne, et bien entendu la zone Euro, vont se révéler la Némésis de la social-démocratie européenne. Mais, dans le même temps ceci confronte les différents partis de la « gauche radicale » à un moment charnière. Car, de leur réaction rapide, dépend leur capacité à prendre pied dans l’électorat de cette social-démocraties ou au contraire de voir d’autres forces s’en emparer. En politique aussi, la nature a horreur du vide.
notes
[1] Evans-Pritchard A., « EMU brutality in Greece has destroyed the trust of Europe’s Left », The Telegraph, 15 juillet 2015, http://www.telegraph.co.uk/finance/comment/ambroseevans_pritchard/EMU-brutality-in-Greece-has-destroyed-the-trust-of-Europes-Left.html

[2] F. Ebert, dirigeant du SPD, écrasa dans le sang avec la complicité de la Reichswehr et des corps francs la révolte de la gauche socialiste autour de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht

[3] Mounk Y., « Germany’s Social Democrats Are Colluding in Greece’s Destruction—And I’m Leaving The Party », The Nation, 16 juillet 2015, http://www.thenation.com/article/germanys-social-democrats-are-colluding-in-greeces-destruction-and-im-leaving-the-party/

[4] Jones O., « The left must put Britain’s EU withdrawal on the agenda”, The Guardian, 14 juillet 2015, http://www.theguardian.com/commentisfree/2015/jul/14/left-reject-eu-greece-eurosceptic

[5] Je peux en témoigner compte tenu du nombre de commentaires provenant de responsables de sections locales et départementales du PCF arrivés sur le carnet RussEurope entre le lundi 13 et le mardi 14 juillet.

[6] Voir « Quand la mauvaise foi remplace l’économie: le PCF et le mythe de “l’autre euro” », 16 juin 2013, note sur RussEurope, http://russeurope.hypotheses.org/1381
 

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Epidémie ? Ce n’est qu’un début



 
 Pierre Vial vous communique
 
Il m’a été reproché, par des représentants de la sacro-sainte légalité républicaine, d’avoir écrit que nous étions en guerre. Il paraît que cela constitue même une « incitation à la haine raciale » (sic). Ce qui soulève un léger problème – et va compliquer la tâche de mes éventuels persécuteurs – c’est que l’illustre Manuel Valls n’a pas dit autre chose, ainsi que l’ont répercuté les media, ce que tout un chacun peut vérifier. A vrai dire, il ne s’alignait pas sur les élucubrations d’un méchant fasciste mais n’exprimait là, tout bonnement, qu’une évidence.

Erreur



En effet l’actualité apporte régulièrement un lot d’informations qui sont autant de confirmations de nos analyses. Prenons quelques exemples :

- Les trois individus arrêtés le 13 juillet (tiens ! La veille du 14… ça tombait bien pour le plan com du locataire de l’Elysée…) ont un « profil » qui « a de quoi interpeller » (Le Monde, 17 juillet). Agés de 17, 19 et 23 ans ils ont avoué préparer l’assassinat, filmé, des militaires présents sur le site de Port-Vendres (Pyrénées Orientales), en décapitant (c’est une manie chez les djihadistes) un officier du Centre national d’entraînement de l’armée de terre (CNEC). La tête pensante du groupe (un type de 17 ans, prénommé Ismaël) s’est dit « hypnotisé » par les vidéos djihadistes diffusées sur le Net. L’un de ses voisins a déclaré à la télévision qu’il « avait l’air d’un bon garçon » (ben voyons…). Quant à l’individu de 23 ans, un certain Djebril, c’est un ancien matelot de la marine française. Il illustre un phénomène capital dans le recrutement des djihadistes : ceux-ci peuvent facilement trouver des adeptes dans les rangs de l’armée compte tenu de la politique officielle de recrutement des militaires, qui privilégie les candidats « issus de la diversité » au nom de l’idéologie du « vivre ensemble ». C’est tout bénéfice pour les djihadistes que de trouver de nouveaux combattants bien formés sur le plan militaire, qui savent où il faut aller pour se procurer armes, munitions, tout en ayant repéré des cibles symboliques. Fait caractéristique : faute de pouvoir partir faire le djihad en Syrie ou ailleurs (car l’un d’eux était repéré par les services de renseignement) les trois terroristes ont voulu frapper sur le sol français, en application des consignes de l’Etat islamique adressées à ses partisans.

- Etats-Unis : quatre militaires américains ont été tués, le 16 juillet, dans une base située à Chatanooga (Tennessee). Le tireur s’appelle Mohammad Youssef Abdulazeez. C’est « un Américain d’origine koweitienne » de 24 ans. Les autorités américaines se sont dépêchées d’affirmer qu’il serait « prématuré » de spéculer sur les raisons de la fusillade… Aux Etats-Unis comme en France et en Europe règne la même lâche hypocrisie : il ne faut surtout pas « stigmatiser » une certaine population.

- 11 juillet : le premier ministre serbe, qui cherche à tout prix à être bien vu des Eurocrates, a voulu faire acte de repentance en se rendant à Srebenica. Il a été lapidé par les musulmans de Bosnie au cri de « Allah Akbar ! ». Le ministre de l’intérieur serbe a parlé d’une « tentative de meurtre ». Certes. On aimerait apprendre à ces repentants la chanson « Ah il fallait pas, il fallait pas qu’il y aille, ah il fallait pas, il fallait pas y aller ».

- Nuit du 5 au 6 juillet : vol de nombreux détonateurs et pains de plastic sur le site militaire de Miramas (Bouches du Rhône). A quelques kilomètres de là, à Berre-l’Etang, le 14 juillet, trois cuves d’hydrocarbures du site pétrochimique étaient visées par des dispositifs explosifs, dont deux ont provoqué un énorme incendie. Le ministre de l’intérieur Cazeneuve a affirmé devant l’Assemblée nationale qu’il s’agissait, certes, d’un « acte criminel » mais dont « la motivation n’est pas établie ». S’il le dit…

- 14 juillet : cette fête bien française et franchement républicaine a été agrémentée d’incendies et de destructions multiples et variées. Bien entendu, silence des media, qui préfèrent parler du tour de France.

Pierre VIAL
Notes

NDLR : 17 commissariats ou gendarmeries attaqués en moins de 15 jours

http://www.fdesouche.com/628583-france-plus-de-17-commissariats-ou-gendarmeries-attaques-en-moins-de-15-jours#


PS : Le psychodrame grec est lourd de signification. Tsipras a dû passer sous les fourches caudines : « Le leader de la gauche radicale, épuisé, humilié, a dû accepter une liste de réformes d’une dureté qui heurte même les fonctionnaires européens – ils évoquent une mise sous tutelle de la Grèce. « C’est le catalogue des horreurs » écrit le magazine Der Spiegel. Le tout imposé à un chef de gouvernement élu sur un programme anti-austérité, anti- « troïka » - Commission de Bruxelles, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international -, anti-« diktat de Bruxelles » (Le Monde, 14 juillet). Une photo vaut parfois mieux que tous les discours : sur celle publiée par le quotidien que je viens de citer (page 6), on voit Christine Lagarde, patronne du FMI, passer derrière Euclide Tsakalatos, le ministre grec des finances, lors d’une séance à Bruxelles, et lui jeter un regard de haine. Mais la Grèce n’a peut-être pas fini de gâcher les nuits des Eurocrates de Bruxelles… 
  

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islam/catholicisme : une réponse à un article de Stephan A. Brunel (Philippe Delbauvre)



islam/catholicisme : une réponse à un article de Stephan A. Brunel
 
 Philippe Delbauvre
 
J'ai effectué naguère, dans le cadre d'un article, ce que l'on peut appeler mon coming out, indiquant que j'adhère aux thèses de la Réaction que certains préfèrent appeler contre-révolution. Empiriste, et par là sensible aux multiples expériences que j'ai eu l'occasion de vivre, j'ai, voici vingt cinq ans, quitté le nationalisme révolutionnaire. Je ne suis pas soucieux de respectabilité et ce n'est pas à mon âge – je suis quinquagénaire – que je vais me ranger ou adhérer à la soft-ideology. C'est ainsi que je suis d'extrême droite. Nulle volonté de choquer : c'est simplement un fait.

On sait l'importance du fait catholique au sein de l'extrême droite même si le fait est moins prégnant que naguère. Et c'est là une des deux différences majeures entre gauche et droite des origines. On sait que la déchristianisation commence en France dès la fin du dix-septième siècle. Le fait est très bien étudié dans le cadre d'un ouvrage de Paul Hazard intitulé « La Crise de la conscience européenne : 1680-1715 ». Pour autant, je crains que les prémisses du grand malheur est bien antérieur au siècle des lumières. C'est ainsi qu'à bien des égards, le protestantisme peut être considéré comme un catholicisme désacralisé, propédeutique au matérialisme. Le mal était donc bien antérieur et les penseurs de l'époque furent bien conscients de la concomitance entre développement accéléré du capitalisme et apparition du protestantisme.

Un aspect me semble certain, c'est que je me reconnais totalement dans la dernière phrase de l'article (1) de Stephan A. Brunel dont il est ici question :

« Il faut une chrétienté de combat, de moine-soldat, de chrétien d’Orient. »

Il n'en reste pas moins que l'article de ce militant-combattant ne me semble pas moins entaché d'erreurs.

1/ « Chassez le christianisme et vous aurez l'islam ». Le christianisme a été chassé depuis longtemps au point que les sociologues des religions considèrent aujourd'hui que seul 1% des catholiques français sont authentiques. Auparavant, l'Eglise eut paradoxalement la chance d'être très attaquée au quotidien. Quoiqu'il arrivait, l'Eglise, attaquée ou défendue, se situait donc au centre des débats. Aujourd'hui, situation autrement plus grave, elle est tout bonnement ignorée. Si l'islam remplaçait le catholicisme comme l'affirme l'auteur, alors fatalement nos compatriotes blancs y adhéreraient. Or, tel n'est pas le cas. L'islam en France progresse, parce qu'il y a une immigration arabe, déjà musulmane, dès l'origine. Mais on ne peut nullement affirmer que les Français de souche disent oui à l'islam en se convertissant en masse. Bien au contraire, l'islamophobie croît en France.

2/ L'auteur de l'article semble critiquer Gabrielle Cluzel au motif qu'elle commettrait une erreur en voulant remplir les églises. Or, des églises pleines ou vides, d'un point de vue pratique, c'est justement la marque d'une bonne ou d'une mauvaise santé du catholicisme : le jour où les églises seront remplies, ce sera alors le signe d'un renouveau du catholicisme en France. Il me semble aussi utile de rappeler que l'accès à ces églises n'est nullement interdit par des musulmans. Autrement exprimé, si les églises sont vides, ça n'est nullement en raison de l'islam, mais bien en vertu de la volonté des Français.

3/ Les églises, et c'est un nouveau désaccord, ont bel et bien une valeur patrimoniale, ce que semble contester l'auteur. Dans une société présentisée, les églises incarnent au contraire la très longue durée. C'est aussi bien vrai du passé que du futur lointains.

4/ L'islam ne remplit nullement un manque : si d'aventure tel était le cas, il labourerait autrement plus loin que ses terres d'origine. Religion, l'islam devrait, s'il avait le vent en poupe, ratisser les populations blanches. En ce sens, l'islam n'est pas l'adversaire majeur du catholicisme. C'est en revanche le matérialisme, plébiscité par nos contemporains, qui se traduit par des églises vides. Encore faut-il noter que le matérialisme n'est que la conséquence de l'individualisme. Le siècle de l'humanisme, encore une fois, est antérieur à celui des lumières. Il a ses corollaires (subjectivisme, intérétisme, relativisme, ..)

5/ Comme exemple de païen qui n'est pas néo, je considérerai Pierre Vial, dirigeant de Terre et Peuple. Evidemment son choix culturel l'oppose au catholicisme et de façon plus générale à l'ensemble des monothéismes. Il n'en reste pas moins que les païens aujourd'hui, néo ou pas, n'ont de cesse de fustiger l'islam et de peu évoquer le catholicisme. En ce sens, l'auteur de l'article se trompe en leur jetant la pierre. Ce que l'on appelle la mouvance, est justement alimentée majoritairement par les islamophobes et arabophobes. Je suis à ce sujet très réservé. On ne va tout de même imposer aux païens le catholicisme au motif de freiner l'islam…

6/ Dernière erreur me semble t-il, qui a trait à la laïcité. Cette dernière est mise en exergue par les politiciens, alors même qu'à bien des égards elle est morte. Elle n'est plus la limitation de la religion à la seule sphère privée, mais l'opposition à la religion pour nombre de Français. Et, en raison des attentats, c'est justement l'islam qui est visé par ces Français. La tolérance de nos « élites » quant à l'islam est électoraliste : le segment musulman est très utile pour vaincre au second tour. D'où la construction de mosquées – construites avec de l'argent républicain et laïc – par des maires non islamophiles, mais très intéressés politiquement.

Un hasard fait que ces derniers temps, je lis beaucoup la prose du colonel Chateau-Jobert, contrerévolutionnaire et catholique convaincu. Je crains qu'il n'y est plus beaucoup d'espoir quant à la civilisation européenne. Rappelons aussi que les politiques menées par les uns et les autres, n'ont pu être mises en oeuvre, qu'avec l'assentiment des peuples. En ce sens, ce qui nous menace n'est pas le virus musulman, mais bien le cancer, pathologie intestine.

Seul le réarmement moral, avec le dévouement prosélyte peut nous sauver. Heidegger avait écrit à ce sujet...
 
Notes

(1) http://www.bvoltaire.fr/stephanbrunel/laicards-neo-paiens-in-nocents-cathos-zombies-chassez-christianisme-aurez-lislam,191957

Source 

samedi 25 juillet 2015

Cyrille Michon - "Libre arbitre et déterminisme"

Dans le cadre du cycle de conférences "Chercheurs à la BU", Cyrille Michon a donné une conférence intitulée "Libre arbitre et déterminisme". Cyrille Michon présente les principaux éléments du débat contemporain sur le libre arbitre, le déterminisme et la responsabilité morale, en se centrant sur un argument qui depuis plus de quarante ans alimente les discussions sur ce thème: le scénario imaginé par Harry Frankfurt en guise de contre-exemple "Principe des Possibilités Alternatives" (qui veut que la responsabilité morale pour une action requiert que l'agent ait pu agir autrement qu'il ne l'a fait). Frankfurt estime que le principe est faux, repose sur une confusion, explique la confusion, et prétend fournir ainsi une aide importante à ceux qui prétendent que la responsabilité morale (voire la liberté) et le déterminisme sont compatibles. Après l'avoir exposé, Cyrille Michon conteste l'argument de Frankfurt.

vendredi 24 juillet 2015

Le nouveau Le Vigan : La postmodernité sans masques



 Noël Rivière
 
En regroupant ses nouveaux carnets de notes littéraires et politiques, qui évoquent aussi bien Olivier Maulin que Bergson, Calvin ou Alain Soral, Pierre Le Vigan renouvelle une nouvelle fois les façons de penser habituelles en mêlant arts, littérature et politique.


Son sujet est en fait la mutation des climats culturels et les métamorphoses des visions du monde. Son long avant-propos, qui porte sur la naissance de la postmodernité et sa nature devrait faire réfléchir chacun et clarifier des questions trop souvent confuses. Sans nier les nouveautés telles la fin des grands récits, Le Vigan ne se contente pas de ce constat. Il voit aussi dans les temps actuels tout ce qui relève d’une intensification et d’une intériorisation de la modernité. La performance n’est plus une exigence de la simple sphère de la production, elle est devenue une exigence intérieure – ce que Alain Ehrenberg a bien vu, et ce que Maffesoli s’obstine à ne pas voir et à nier. C’est pourquoi notre auteur montre que la postmodernité constitue l’assaut d’une entreprise de formatage généralisé de l’homme face aux dernières libertés de l’homme.

La plongée philosophique de Pierre Le Vigan dans les questions de la postmodernité est aussi un plaidoyer passionné pour le droit de l’homme à l’aventure historique et intellectuelle. Contre tous les prêts à penser. C’est ce qui rend son livre si précieux.

Pierre le Vigan, Soudain la postmodernité. De la dévastation possible d’un monde au possible surgissement du neuf, 250 pages, 20 €. (+ 4€ de frais de port pour la France)(1)

commande : labarquedor@hotmail.fr ou labarquedor@gmail.com
 
Notes

(1) http://la-barque-d-or.centerblog.net/

Source

Jean Lacouture : L’engagement contre la lucidité - Il avait annoncé la liberté pour Phnom Penh libéré


 
 Jean Ansar
 
Nous ne nous joindrons pas aux hommages unanimes à l’encontre de Jean Lacouture. Ce biographe parfois talentueux a mis une belle plume journalistique au service de la désinformation par aveuglement idéologique. Pour cet humaniste, parfois s’excusant de l’être, le marxisme était un vecteur de libération des peuples. Il se voulait un historien de l’actualité, il a été trop souvent un idiot utile et un porteur de valise de la propagande rouge. Pour être l’immense observateur de l'histoire au présent qu'il aurait pu être, il lui a manqué l’essentiel, l’esprit critique. Il a été incapable de passer ses propres convictions à la lumière de la réalité.

Erreur


Alors certes, il a reconnu s’être très souvent trompé. Mais son apologie des futurs génocideurs de leur propre peuple est bien sûr inexcusable. Il est vrai que la condamnation du soviétisme asiatique et de ses horreurs n’a jamais été vraiment faite par complexe colonial. Et Lacouture, anticolonialiste viscéral, a été compagnon de route du totalitarisme le plus meurtrier que le monde ait connu.

Il est finalement à l’image des intellectuels français de gauche incapables de raisonner en dehors du système de pensée dominant, hier le communisme et aujourd’hui le politiquement correct de l’anti-racisme. Nous avons en France le record du monde de mauvais travailleurs intellectuels, à faire regretter parfois les camps de rééducation si chèrs au cher libérateur du peuple Khmer.

Du temps où une jeunesse pacifico gauchiste dénonçait l’impérialisme américain pour de mauvaises raisons, les anti-communistes, eux, demandaient aux orphelins du Cambodge de se faire reconnaître par Jean Lacouture et de venir vivre chez lui.

L’hommage des benêts d’aujourd’hui au grand ancien, qui lui au moins avait de la culture et du talent, s’inscrit dans la persistance du refus de reconnaître de s'être trompé sur presque tout depuis toujours. La seule vraie repentance qui serait utile, n’est toujours pas d’actualité.

L'écrivain, journaliste et biographe, Jean Lacouture, disparu vendredi 17 juillet, était « un homme passionné, indépendant et courageux qui a écrit l'histoire de France en même temps qu'elle se faisait », a salué le président François Hollande. «Infatigable militant de la décolonisation, il suivit tous les conflits de la France de l'après-guerre pour Combat, Le Monde, France-Soir et Le Nouvel Observateur. Par son sens du récit, il montra ce que le journalisme peut porter de meilleur au plan littéraire », a souligné le président de la République dans un communiqué.

Voila facilement occulté tout le reste et surtout l’essentiel, les erreurs d’analyses.

Biographe de grandes figures du XXe siècle (Blum, Nasser, Mauriac, Malraux, Hô Chi Minh, Mendès France, Champollion, de Gaulle, Mitterrand...), Jean Lacouture « savait aussi reconnaître ses erreurs, preuve de sa grande honnêteté intellectuelle », écrit François Hollande. Une allusion notamment à la condamnation – tardive – du régime khmer rouge par l'écrivain. « Mais il ne cédait rien sur ses idées, ne renonçait à aucune de ses convictions », juge le président de la République. Ainsi Hollande, quand il reconnaîtra ses erreurs sans rien céder sur ses idées, espère-t-il lui aussi être pardonné.

« Grand écrivain à la vie aussi riche que ses biographies, Jean Lacouture restera pour la gauche et la France une très grande conscience », a écrit le premier ministre Manuel Valls sur Twitter au sujet de celui qui, en 2012, avait appelé à voter pour François Hollande.

Grande conscience, non bonne conscience auto proclamée et erreurs jusqu'au bout du bout.

L’homme des khmers rouges appelant à voter François Hollande, on aurait dû encore plus se méfier, mais de cette dernière erreur il n'aura même pas eu le temps cette fois de s'excuser.


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Nos églises sont épuisées par notre paresse à les sauver



 Charles Demassieux
En guise d’additif à la pétition lancée en ligne par Denis Tillinac, exhortant les pouvoirs publics à ne pas céder à l’aberrante suggestion de transformer les églises de France en mosquées, j’invite ici même chacun des habitants de toutes nos communes à mesurer la chance de posséder une telle richesse architecturale dont la diversité, depuis la Côte d’Albâtre en Normandie jusqu’aux rives de la Méditerranée, fait le bonheur – ainsi que je l’ai souvent vérifié – des touristes du monde entier, venus admirer un patrimoine unique en son genre, décrit et peint par les plus grands artistes de notre pays.

Erreur


Admirer, c’est bien le mot, que l’on soit ou non croyant. Mais l’admiration a un prix. Songez un instant ce que coûte la réfection de tels bâtiments, inévitablement érodés par le temps et qui nécessitent un entretien permanent.

Lorsque vous visitez un musée, vous acceptez de payer un billet d’entrée, considérant qu’il aidera à la préservation d’œuvres d’art – dont beaucoup puisent d’ailleurs leur inspiration dans le christianisme. Par contre, ce geste financier ne vous semble plus si naturel au moment de pénétrer dans un sanctuaire frappé d’une croix. Pourtant, loin des tarifs parfois prohibitifs des expositions temporaires parisiennes, les églises ne demanderaient qu’un maigre euro par personne pour se sentir mieux dans leurs pierres et, évidemment, leur intégrité cultuelle.

Je m’en reviens de la vallée de la Vézère, en Dordogne, classée au patrimoine mondial de l’humanité pour ses inestimables trésors préhistoriques. Alentour s’y trouvent des églises chauffées au soleil et gelées au froid du Sud-Ouest, à la fois sobres et merveilleusement délicates. Eh bien, ces églises ont le droit – c’est notre devoir ! – de perdurer, de nous survivre, afin que d’autres générations puissent les admirer à leur tour. Seulement voilà : elles souffrent des outrages du temps – je pense à celles de Plazac et Saint-Amand-de-Coly.

Cependant, ce n’est pas en pleurnichant, les bras ballants, qu’elles retrouveront leur superbe d’antan, épuisées par les siècles et notre paresse à les sauver.

Certes, il faut les remplir, ces édifices de recueillement et de supplication, mais il faut les soigner, ne pas les abandonner à l’oubli, cette antichambre de la mort.

Alors versez votre obole, si modeste soit-elle. Mieux, si le cœur vous en dit, allumez une bougie – vos enfants adoreront ! – pour éclairer votre âme et ces murs qui méritent plus que votre respect : votre amour. Et les êtres chers, on ne les aime pas malades !

« Cependant, il sentait monter du fond de lui-même quelque chose d’intarissable, un afflux de tendresse qui l’énervait, comme le mouvement des ondes sous ses yeux. À l’horloge d’une église, une heure sonna, lentement, pareille à une voix qui l’eût appelé » (Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale).



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Guy Debord, l’antimoderne



 
 Michel Pagès
 
J’ai longtemps ignoré Guy Debord. Je le prenais vaguement pour un cousin de Cohn-Bendit, en plus intellectuel tout de même. Je le croyais peut-être même un précurseur lointain du parisien libertaire contemporain, qui allie si harmonieusement le soutien à la cause LGBT, le soutien aux « frappes » américaines tous azimuts et l’optimisation fiscale à la Martinique. Debord ne passe-t-il pas d’abord pour un prophète de « 68 » ? Je m’étais trompé.

Erreur


Ce fut par hasard que je découvris Debord, en tombant sur les premières minutes de la version filmée de La Société du spectacle. Je me souviens des premiers mots : « Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation. »» Ce qui frappe immédiatement dans le film, avant même le sens des mots, c’est l’énonciation, presque liturgique, de Debord qui commente les images – une diction lente, retenue, intentionnellement neutre et privée d’affects. Cette voix nous vient assurément du Parnasse.

Frappe ensuite la beauté de la langue. En quelques phrases ciselées, concentrées, « distillées » jusqu’à la perfection, Debord capture l’effondrement de notre monde : « Sous-produit de la circulation des marchandises, la circulation humaine considérée comme une consommation, le tourisme, se ramène fondamentalement au loisir d’aller voir ce qui est devenu banal. [… ]La même modernisation qui a retiré du voyage le temps, lui a aussi retiré la réalité de l’espace. »

L’homme moderne, selon Debord, est avant tout l’homme spectateur, séparé de vie réelle ; la consommation touristique, la fabrique des opinions par le pouvoir journalistique, ou encore la disparition des frontières et des États souverains, ne sont que les faces d’un même cristal spectaculaire. Les accents antimodernes du Debord tardif sont plus nets encore : « Qui voit les rives de la Seine voit nos peines : on n’y trouve plus que les colonnes précipitées d’une fourmilière d’esclaves motorisés ». Il ne fait guère de doute que la mutation suivante, celle du trottinetteur delanoëen, ne l’eût tout autant consterné.

Il importe peu que Muray ait jugé les analyses de Debord inactuelles ; il s’agit là d’une querelle de famille. Parti de Marx, Debord fait tourner la roue de l’Histoire à l’envers, et achève son œuvre en écrivant en vieux français, se rêvant, dans Panégyrique, compagnon du poète médiéval Francois Villon. Antimodernes, affreux réactionnaires, patriotes de gauche et de droite, eurosceptiques et américano-incrédules, Guy Debord est des nôtres !

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lundi 20 juillet 2015

« Dans la logique capitaliste, les chômeurs sont devenus des hommes superflus… »



 Entretien avec Alain de Benoist
 
 
En dépit des promesses répétées des hommes politiques de droite et de gauche, rien ne semble arrêter la progression du chômage. C’est une fatalité ?

Erreur


Officiellement, on compte aujourd’hui 3,5 millions de chômeurs en France, soit un taux de chômage de 10,3 %. Mais ce taux varie selon la façon dont on le calcule. En ne comptabilisant que les personnes sans activité qui recherchent un emploi, on exclut les catégories B, C, D et E (ceux qui recherchent un emploi mais ont eu une activité réduite dans le mois, ceux qui sont en formation, en stage, en situation de contrats aidés, etc.). Si l’on combine toutes ces catégories, on arrive à 28,4 millions de personnes, soit à un taux de chômage de 21,1 %. Si, à l’inverse, on se réfère au taux d’emploi, on constate que le taux d’inactivité parmi les personnes en âge de travailler grimpe à 35,8 %. Et si l’on tient compte des emplois précaires, des « travailleurs pauvres », etc., les chiffres sont encore plus élevés.

L’évolution du chômage dépend, bien sûr, des politiques officielles, mais dans une certaine mesure seulement. Le chômage, aujourd’hui, n’est plus seulement conjoncturel, mais avant tout structurel, ce que beaucoup de gens n’ont pas encore compris. Cela signifie que le travail est devenu une denrée rare. Les emplois supprimés sont de moins en moins remplacés par d’autres. L’expansion des services est réelle, mais les services ne sont pas producteurs de capital. On sait, en outre, que d’ici vingt ans, près de la moitié des emplois du tertiaire seront remplacés par des machines en réseau. S’imaginer que l’on reviendra au plein-emploi est une chimère.

Il existe des gens qui vivent pour travailler, et d’autres qui travaillent pour vivre. Ceux qui refusent de perdre leur vie à la gagner ne s’inscriraient-ils pas dans une sorte d’ancestrale sagesse ? Le travail, est-ce vraiment une valeur en soi ?

Ce qu’il faut réaliser, c’est que ce que nous appelons aujourd’hui « travail » n’a pratiquement aucun rapport avec ce qu’était l’activité productive dans les siècles passés, à savoir une simple métabolisation de la nature. Travail n’est pas synonyme d’activité, ni même d’emploi. La quasi-généralisation du travail salarié a déjà représenté une révolution, à laquelle les masses sont longtemps restées hostiles, car elles étaient habituées à consommer elles-mêmes le produit de leur travail et non à considérer le travail comme un moyen d’acquérir les produits des autres, c’est-à-dire à travailler pour acheter le résultat du travail d’autrui.

Tout travail a une dimension duale : il est à la fois travail concret (il métabolise son objet) et travail abstrait (il représente une dépense d’énergie et de temps). Dans le système capitaliste, seul compte le travail abstrait, parce qu’étant indifférent à son contenu, étant égal pour toutes les marchandises, dont il permet ainsi la comparaison, il est aussi le seul qui se transforme en argent, médiatisant du même coup une nouvelle forme d’interdépendance sociale. Cela veut dire que, dans une société où la marchandise est la catégorie structurante fondamentale, le travail cesse d’être socialement distribué par les rapports de pouvoir traditionnels, mais remplit lui-même la fonction de ces anciens rapports. En régime capitaliste, le travail constitue à lui seul la forme dominante des rapports sociaux. Ses produits (marchandise, capital) sont à la fois des produits du travail concret et des formes objectivées de médiation sociale. Le travail cesse alors d’être un moyen pour devenir une fin.

La valeur, en régime capitaliste, est constituée par la dépense de temps de travail et constitue la forme dominante de la richesse : accumuler du capital, c’est accumuler le produit d’une dépense de temps de travail humain. C’est pour cela que les énormes gains de productivité engendrés par le système capitaliste n’ont pas engendré une baisse drastique du temps de travail, comme on aurait pu s’y attendre. Fondé sur la tendance à l’expansion illimitée, le système impose, au contraire, de toujours travailler plus. Et c’est là que l’on touche à sa contradiction fondamentale. D’un côté, le capitalisme cherche à faire travailler toujours plus parce que c’est en faisant travailler qu’il accumule du capital, de l’autre les gains de productivité permettent de produire toujours plus de marchandises avec toujours moins d’hommes, ce qui rend la production de richesse matérielle toujours plus indépendante de la dépense de temps de travail. Les chômeurs, dans cette optique, deviennent des hommes superflus.

Vous êtes connu pour être un bourreau de travail. Ça ne vous manque pas, parfois, de juste écouter pousser barbe et pelouse tout en caressant quelques chats de la maisonnée ?

Je travaille 80 à 90 heures par semaine pour la simple raison que j’aime faire ce que je fais. Cela ne fait pas de moi un adepte de l’idéologie du travail, bien au contraire. La Genèse (3, 17-19) fait du travail une conséquence du péché originel. Saint Paul proclame : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Thessal. 3, 10). Cette conception moraliste et punitive du travail m’est tout aussi étrangère que l’éthique protestante du travail-rédemption ou l’exaltation de la valeur du travail par les régimes totalitaires. Je n’oublie pas que le mot « travail » vient du latin tripalium, qui désignait à l’origine un instrument de torture. Je sais donc sacrifier aussi aux exigences d’un « temps libre » qui n’est précisément « libre » que parce qu’il est libéré du travail.