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vendredi 31 octobre 2014

Analyse apoliticienne : Front National et Système



Analyse apoliticienne : Front National et Système
 Philippe Delbauvre
La politique et moi, c'est 35 ans de rapports intenses et passionnés. Peut être est-ce ou sera-ce– l'avenir n'est pas encore écrit – l'engagement de toute une vie. Pourtant, de façon paradoxale, je n'aime pas la fréquentation des militants, que ce soit ceux de la mouvance ou d'ailleurs. Je leur reproche – ce qui justement les caractérise – leur engagement partisan. S'il est en effet un domaine ou mauvaise foi et malhonnêteté intellectuelle sont omniprésentes, c'est bien en politique.

C'est ainsi que les militants de la majorité défendent le gouvernement au même titre que ceux de l'opposition le fustigent systématiquement. Or, aucune idéologie, aucun gouvernement ne peuvent être considérés comme totalement mauvais ou nocifs.

On comprendra que la majorité des militants lisent principalement des ouvrages écrits par des essayistes issus du même terroir qu'eux, ce afin de voir conforté leur point de vue. Pourtant, les ouvrages de valeur, tout simplement objectifs voire d'un autre bord, ne manquent pas.

André Breton ne se trompait peut être donc pas en affirmant « qu'adhérer c'est l'idéal du mollusque ».

Sur ce qu'est le Front National, mouvement politique connu de tous depuis une trentaine d'années, chacun y va de son petit refrain. Le plus souvent de façon subjective et passionné. On peut néanmoins, sans préjugés, l'étudier de façon rationnelle, quand bien même est-on, comme moi – engagé en sa faveur. Pour ce faire, il suffit de ne pas censurer les informations susceptibles de nous déranger ou contrarier. C'est justement ce que se refuse à faire l'homme d'une seule idée qui picore dans la base de données empiriques, les seuls renseignements justifiant son point de vue.

Voilà la raison pour laquelle, l'esprit objectif ne peut que dessiner qu'un tableau nuancé de la réalité. Voilà aussi pourquoi, il apparaîtra aux yeux de beaucoup comme peu clair.

Le Système fustige le Front national de manière caricaturale. Ainsi le fait de le qualifier de fasciste. Lionel Jospin en fut, avant de reconnaître, très tardivement, qu'il ne s'agissait là que mensonge (1)

Aux élections présidentielles de 1981, les quatre principaux candidats proposèrent aux Français,quatre modèles de société différents. Aujourd'hui, la grande homogénéisation, prélude au totalitarisme à venir, rend la plupart des partis interchangeables : bien peu de différences entre Sarkozy, Bayrou et Hollande. Aujourd'hui, la plupart des partis appartiennent au monde demo-libéral. Ce qui rend le Front National extrémiste aux yeux de beaucoup, c'est qu'il est probablement le dernier parti viscéralement républicain : comme si la République, dont il a existé plusieurs moutures, était extrémiste …

A lire la presse systémique, on a presque l'impression que le Front National constitue le plus grand des dangers qui menace la France. Attitude d'autant plus surprenante que ce mouvement n'a jamais exercé de responsabilités ministérielles et que donc, par voie de conséquence, il n'est nullement responsable de la situation actuelle. Si le Front National joue bien, force est de constater qu'une bonne partie de son succès, n'est que la conséquence de l'échec des autres. Si le Système veut réellement détruire le Front National, il lui suffit tout simplement de résoudre les problèmes auxquels les Français sont confrontés.

A titre d'exemple, on nous assène que la politique économique menée, tant par les gouvernements de « droite » que de « gauche » est incontournable. Il n'en reste pas moins que dans la presse économique, on s'inquiète de l'actuelle situation. Même l'Allemagne, meilleur élève économique de l'Europe d'un point de vue systémique, voit sa situation critiquée par ces mêmes partisans du Système. Il est aussi bien beau de reprocher au Front National de vouloir revenir au Franc. N'en reste pas moins, toujours à lire la presse économique systémique, que la disparition de l'euro y est très sérieusement envisagée. Et que les grandes entreprises ont déjà élaboré des plans afin de s'adapter au retour au Franc.

Il est aussi bien facile au Système de reprocher au Front National de mettre en exergue le fait délinquance. Si le mouvement de Marine le Pen insistait sur la future invasion des petits hommes verts, il ne ratisserait pas autant de suffrages. Fatalement donc, c'est que ce fait délinquance, existe réellement. Et là encore, objectivité oblige, les statistiques nous indiquent que cette délinquance croît, mais aussi qu'elle est de plus en plus violente.

Phénomène lié, l'immigration et ses excès, ne sont nullement une invention du Front National : non seulement les faits objectifs l'affirment, mais aussi les Français – qui ont des yeux – le perçoivent objectivement.

Le chômage voici un demi-siècle, c'était moins de 500 000 personnes. Aujourd'hui, toutes catégories confondues et assimilés, c'est environ vingt fois plus, soit pas très éloigné de 10 millions de Français. On ne peut donc pas dire que ce chômage est le fait du Front National ou que les solutions proposées par ce mouvement politique soient nécessairement mauvaises. Au contraire, on ne peut que constater l'échec des différentes politiques menées en ce domaine et ainsi, prôner une politique alternative. Celle par exemple, proposée par le Front National...

Ce dont le Système, qu'il ne faut absolument pas limiter à l'actuel gouvernement, ne semble pas avoir conscience, c'est de son impopularité qui va crescendo. En fustigeant le Front National, il ne fait donc, par réaction, que le renforcer. Puisque les Français rejettent les différents gouvernements successifs, ils se tournent tout naturellement vers le mouvement le plus décrié par ces gouvernements : le Front National.
Notes:

mardi 21 octobre 2014

Retour de Sarkozy et d'Aubry, mauvaise nouvelle !



Retour de Sarkozy et d'Aubry, mauvaise nouvelle !
 Philippe Delbauvre
Très longtemps, la droite, de façon presque consensuelle, considéra qu'une élection se gagnait, dans le cadre du second tour, au centre. Il y avait de façon sous-jacente, cette idée que les électorats de droite comme de gauche étaient fidèles, alors qu'en revanche l'électorat centriste oscillait d'une élection à l'autre, tantôt vers la droite ou vers la gauche, d'où l'intérêt pour les uns comme pour les autres, de séduire ce mince mais décisif segment.

Autre aspect de la problématique, la gauche exerça un magistère intellectuel qui se traduisit par ce que l'on avait coutume d'appeler à l'époque, le terrorisme intellectuel. En clair, responsable ou pas, la droite était nécessairement coupable. D'où le fait qu'on se gardait bien à l'époque chez les hommes de droite, d'évoquer des termes comme « droite » et « capitalisme » et à fortiori s'en réclamer.

On comprend dès lors pourquoi la droite du milieu des années 80 fit profil bas face aux attaques lancées sous la forme de culpabilisation, de la part de structures attenantes à la gauche, comme par exemple sos racisme. Et les ténors de la droite de l'époque de ramper dans leur démarche canossienne, jurant qu'en aucun cas, ils ne prendraient pas le moindre contact avec le Front National. Cela au point d'affirmer, sincèrement d'ailleurs, qu'ils préféraient la victoire de la gauche plutôt qu'une alliance jugée obscène. Et d'aller au second tour jusqu'à voter pour les candidats de gauche.

Aussi bien Juppé que Chirac appartinrent à cette smala. Mais aussi les militants du Rpr comme de l'Udf, bien peu courageux à l'époque. Si on exclut des personnalités comme Jacques Médecin ou Claude Labbé, c'est presque la totalité des hommes de droite qui ainsi rampèrent et par voie de conséquence, se soumirent.

Le renouveau de la droite passa par la montée en puissance de Nicolas Sarkozy. C'est ainsi que celui-ci osa le premier parmi les ténors se réclamer de la droite, sans aucun complexe, attaquant frontalement la gauche et ses bilans. Que l'on se souvienne, à titre d'exemple, ses attaques à l'encontre de la pensée 68.

A cela doit être ajouté l'involution psychologique des militants Udf et Rpr, désormais réunis sous le label Ump, qui aujourd'hui plaident au trois quart pour l'alliance avec le Front National : la proportion s'est donc depuis les trois décennies écoulées, totalement inversée.

Alain Juppé, quant à lui, mais aussi François Fillon sont restés de la vieille école, lorgnant vers le centre. N'allons pas croire qu'il s'agisse là de convictions sincères. Chacun des deux hommes cherchent à gagner, indépendamment des compromissions à accepter. Simplement, l'un et l'autre croient fermement que la victoire en 2017 passera par l'alliance de la droite et du centre. Voilà qui au demeurant les disqualifie en partie quant à une nouvelle donne politique : le parti socialiste n'ayant jamais été aussi à droite, on ne voit pas comment une alliance entre Ump et le centre (François Bayrou vient récemment d'apporter sn soutien à Juppé) puisse apparaître comme une rupture d'avec une gauche très recentrée.

Concernant le Front National, les candidatures de Juppé ou Fillon, sont pain béni : en se positionnant non loin du centre, les deux hommes laissent ouvert un grand boulevard sur leur droite dont bénéficiera le Front mais aussi n'apparaîtront pas radicalement différents du candidat de la gauche, lui même très recentré. Une chose m'apparaît presque certaine, c'est que les Français, on ne peut plus critiques concernant le magistère actuel, choisiront un positionnement très à gauche (Aubry ?), très à droite (Sarkozy), ou autre (Front National), mais très éloigné de la politique menée actuellement.

La dernière prestation de Nadine Morano (1) dont il n'est pas inutile de rappeler qu'elle est un hussard de Sarkozy n'est pas le fait du hasard. L'Ump façon Sarkozy va tenter de rejouer la même pièce qu'en 2007, dont le but est de ratisser une partie des voix naturellement acquise, tout au moins de prime abord, au Front National.

L'une des erreurs à ne pas faire serait de croire que Nicolas Sarkozy, au motif des affaires ou d'une mauvais bilan présidentiel, serait de facto disqualifié. Les Français ont pour beaucoup, et bien malheureusement, la mémoire courte. L'élection facile de François Mitterrand en 1988 après une impopularité record en 1986 nous le montre. Nicolas Sarkozy, quant à lui, ne bénéficia que de 40 % d'intentions de vote au début de la campagne électorale de 2012, mais sut finir à 49 %.

En ce sens, et conformément à une analyse mise en ligne ici dans le cadre d'un précédent article (2), et Sarkozy et Aubry, même si pour cette dernière c'est à un degré moindre, constituent les adversaires majeurs du Front National pour la grande alternative que souhaitent, conséquence de la politique franchement impopulaire menée actuellement, les Français.

C'est donc vers ces deux personnalités que doivent se focaliser nos attaques.

Notes:

(1) Nadine Morano dénonce une femme voilée : http://www.lessentiel.lu/fr/news/story/25924959

(2) Dans le cadre des élections c'est – presque – toujours l'opposition qui gagne : http://www.voxnr.com/cc/politique/EFZpAylAZubPdNkvLU.shtml

jeudi 16 octobre 2014

Au sujet de la question palestinienne (PartieII) L'incontournable analyse de Serge Ayoub


 
 Philippe Delbauvre
 
Il n'est pas impossible que la plus grande polémique de cet été au sein de la mouvance n'est été autre que la prise de position d'Aymeric Chauprade concernant ce que devrait être l'engagement géopolitique de la France. Nous pûmes alors constater qu'il ne manqua pas de réactions au sein de la mouvance, certaines excessives, d'autres plus rationnelles. Ayant pris bien soin d'étudier les réactions des uns et des autres et sans arrières-pensées, je suis parvenu à l'intime conviction que la meilleure réaction, tant sur la forme que sur le fond, ne fut autre que celle de Serge Ayoub. Je me propose donc de reprendre son texte – en couleur rouge – paragraphe par paragraphe, avec à chaque fois un commentaire de couleur bleue.
Erreur



J’ai lu l’article d’Aymeric Chauprade sur l’importance de la lutte anti-islamique comme axe géopolitique.
Faut-il que notre milieu soit si mal formé pour qu’en lui servant une « doctrine » à ce point dépourvue de bon sens on obtienne immédiatement les félicitations d’une intelligentsia d’extrême droite avide de raccourcis vers une « victoire » dont elle entrevoit à peine les tenants et les aboutissants.
Je vais pour ma part répondre à la « doctrine Chauprade » en plusieurs points. Ce sera l’occasion de rappeler au Front National, que je considère toujours comme le meilleur espoir d’une France libérée, par une critique positive, ce que sont les fondamentaux du patriotisme en matière de politique internationale.


Il me semble important de rappeler que jusqu'en 1989, la mouvance fut essentiellement politique dans ses choix. Le problème était alors de savoir quelle devait être notre position par rapport au communisme sachant que le pacte de Varsovie à l'époque était autrement plus puissant qu'aucune des armées d'aujourd'hui. La levée du rideau de fer se traduisit par une involution au sein de la mouvance, l'islamophobie devenant le grand pole rassembleur. Rappelons que le Coran, au même titre que le nouveau testament, est ouvrage difficile, nécessitant à des fins de compréhension, lecture des ouvrages d'exégèse. Pas bien difficile dans ces conditions de comprendre que la plupart des islamophobes d'aujourd'hui méconnaissent l'islam. Cela n'a au fond que peu d'importance dans la mesure où les islamophobes ne le sont pas réellement, l'opposition à cette religion n'étant que le cache-sexe d'une détestation de type ethnique ou racial, bien sur prohibée par la loi : on fustige les musulmans alors qu'on en veut avant tout aux arabes. C'est en cela qu'Aymeric Chauprade, dans sa prise de position, a eu du succès : il a eu d'office des milieux sionistes bien sur, mais aussi de tous les arabophobes, racistes bas de gamme au même titre que les djamel ou mouloud délinquants des cités, n'ayant jamais discuté avec un arabe digne de ce nom.

Je partage le point de vue de Serge Ayoub au sujet de ce qu'est le Front National aujourd'hui : avant tout l'espoir majeur pour notre avenir national, mouvement politique incontournable de notre temps, avec lequel il faudra faire, qu'on l'aime un peu, beaucoup ou pas du tout. Bien sur, il est des internautes sans nuances, davantage férus d'idéologie que de politique, n'acceptant que la perfection et, du coup, fustigeant toute forme d'engagement politique sensé. L'extrémisme déconnecté des réalités de ceux ci les pousse à considérer que le Front National est un plus grand danger que l'Ump ou le Ps : cela relève de la pathologie. L'adulte sait, contrairement à l'enfant, que la perfection n'est pas de ce monde et qu'il faut coller au réel, ce qui n'exclut pas la défense des nobles idéaux. Très facile de rester dans la théorie – attitude d'enfants gâtés formatés par le Système de consommation – alors que de l'idée à sa réalisation, il y a fossé ...


1/ Non seulement le nationalisme progressiste arabe n’est pas mort, mais il a gagné en Syrie. Gagné contre ce double ennemi que désigne Chauprade : les USA (et leurs valets) et les djihadistes. Ce n’est pas peu de choses. Si Chauprade & cie arrivait au pouvoir, c’est donc par exemple sur le régime syrien qu’une diplomatie française souveraine devrait s’appuyer prioritairement pour lutter contre l’influence islamiste au Moyen-orient et favoriser l’émergence de mouvements politiques laïcs dans les pays voisins. Chauprade enterre un peu vite le nationalisme libanais et le général Aoun (un chrétien ), que notre diplomatie devrait soutenir officiellement, pour qu’il accède au pouvoir à la place de la mafia Hariri. Un peu vite oublié aussi le Fatah héritier de l’OLP. Pressé d’arriver à l’exposition des antagonismes binaires de sa version à peine déformée du choc des civilisations, Chauprade néglige cette Troisième voie.


Je considère moi aussi qu'il vaut mieux éviter d'enterrer un peu trop vite telle ou telle doctrine, comme le fait Aymeric Chauprade au sujet des patriotisme ou nationalisme arabes. Rien ne nous empêche de considérer que patriotisme ou nationalisme reviendront en force dans le cadre des années ou des décennies à venir. Pour autant, sachant le développement capitaliste, je crois que les sociétés arabes, en retard économiquement sur les Occidentaux, risquent fort d'aspirer à n'être que des consommateurs jouisseurs, comme c'est le cas sous nos cieux. C'est d'ailleurs la réponse majoritaire que l'on obtint grâce aux micros trottoirs lors de ce que l'on a appelé bien faussement le printemps arabe. Si j'ai donc des doutes quant au patriotisme pour les arabes, je sais aussi qu'il n'est rien de plus opposé entre l'islamisme rigoriste et castrateur et la pulsion d'achat doublée de jouissance du consommateur capitaliste. Si même Aymeric Chauprade ne se trompait peut être pas en enterrant, même si c'est un peu vite fait, le nationalisme arabe, alors a fortiori, le développement capitalistique condamne ipso facto chez les arabes, l'islamisme sue le long terme.


2/ »Butter les terroristes dans leur chiottes ». Avant toute réponse je me poserai cette question : citer Poutine pour faire passer une absurdité stratégique relève-t-il du sacrilège chez les pro-russes ?
Reprenons une des bases de la guerre asymétrique pour le géo-politologue Chauprade : une guérilla se nourrit de la répression qu’on exerce contre elle. Ce fut le cas du FLN, des talibans, voire, si on pousse un peu, des chrétiens persécutés par Rome. Détruire l’EIL est-ce possible? Militairement, c’est accessible. Lutter contre l’islamisme djihadistes et le terrorisme à l’échelle planétaire est bien plus compliqué. Combien de nouvelles recrues dans le monde musulman à chaque mort en martyr d’un djihâdiste ? La satisfaction que Chauprade aura d’avoir éliminé une poignée de terroristes se paiera au prix fort. Une véritable doctrine stratégique doit être d’aider, en employant éventuellement des moyens conséquents, les États arabes à faire la loi chez eux, et ne jamais prétendre la faire à leur place. Si de surcroît, comme certains le pensent, il s’avère que l’EIL est une création des services spéciaux américains, alors sa destruction ne sera que du théâtre et son remplacement rapide par un groupe du même genre dans la région une presque certitude.


Le fait est que justement l'occident, avec lequel on voudrait nous faire nouer alliance, a fait ces dernières années, le choix de l'intégrisme musulman contre le laïcisme arabe. Ce pour Khadafi comme pour Assad. L'instrumentalisation du fait islamiste par les Américains, est fait suffisamment connu pour ne pas avoir besoin d'y revenir. Instrumentalisation du fait islamiste aussi en Afghanistan afin d'établir une position géographiquement proche de la Chine comme de la Russie. Soutien voilé à la Tchéchénie au nom du droit à la différence, alors qu'il s'agissait d'affaiblir la Russie.


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3/ « Les USA sont notre ennemi mais il faut les aider à bombarder les islamistes ». Est-il besoin de souligner l’incohérence de la proposition ? Les USA soutiennent le Qatar et les Saoudiens, arment des islamistes contre les régimes laïcs qui protégeaient les minorités que ces mêmes USA prétendent aujourd’hui protéger contre ceux qu’ils ont, indirectement voir directement armés. Si la diplomatie française veut avoir une chance au Moyen-orient, elle doit fuir le pompier pyromane. La Russie, oui. Les Chiites, oui. Les nationalistes arabes, évidemment. Les USA ? Le moins possible et uniquement parce que leur puissance de feu les rend incontournables.


Ici, dans le cadre de ce paragraphe, Serge Ayoub extrapole ce qu'il a écrit dans le paragraphe précédent. Le problème, quant à la notion d'ennemi, est justement de savoir quel est le principal. On ne peut en permanence fustiger le Système en matière de politique intérieure, puis le soutenir dès lors où il s'agit de géopolitique. A mes yeux, l'ennemi majeur n'est autre que l'occident – celui d'aujourd'hui et non celui d'hier – qui cherche à nous faire peur à des fins de mobilisation, pour mieux asseoir sa domination tant intérieure qu'extérieure. Les Etats-Unis nous ont déjà fait le coup, ce à plusieurs reprises (1). Ensuite il est bon de noter que les combattants de l'Eiil seraient au nombre de 40 000, selon les Américains eux mêmes. Avouons que c'est bien peu à l'échelle planétaire et qu'il existe un énorme décalage entre la grande croisade mondiale déclenchée par les Usa, et la faiblesse numérique de l'ennemi incriminé.


4/ « S’allier avec Israël ». Alors là Chauprade s’égare. Il faudrait qu’il puisse expliquer comment on fait simultanément une alliance avec les Chiites et Israël ? Comment tout simplement on mène une politique diplomatique efficace dans les pays arabes en étant ouvertement allié avec Israël ? Les USA peuvent se le permettre grâce à leur écrasante domination militaire et leur poids économique. Mais la France ? Vous imaginez vraiment, Aymeric Chauprade, que le Hezbollah, force chiite désormais incontournable au Liban, parlerait ou écouterait notre diplomatie si nous nous posions en croisé aux côtés d’Israël ? Quand bien même il voudrait le faire, il ne le pourrait sans s’aliéner sa base politique. Israël n’est pas que l’ennemi du fondamentalisme islamiste type Hamas. Il est l’ennemi des Palestiniens en tant que peuple et partant du monde arabe qui considère, plutôt à raison qu’à tort si on regarde l’histoire, l’État juif comme une colonie occidentale hostile.


D'un point de vue structurel, Israël est de type demo-liberal, tout comme l'est la France d'aujourd'hui ou les Etats-Unis. Autrement exprimé, Israël incarne au Proche Orient très exactement le Système. Dans mes propos, comme d'ailleurs chez ceux de Serge Ayoub, aucune attaque quant à la religion juive ou au peuple juif. Simplement une analyse de type politique qui nous fait désigner Israël comme le bras armé du Système dans cette région. Autant de suite préciser que l'alliance s'avère tout simplement impossible, ne serait-ce que pour des raisons de cohérence.


4bis/ « Nous sommes victimes de la stratégie israélienne d’excitation du fondamentalisme islamique pour s’allier l’Occident, donc nous sommes leur alliés. » La tactique du pigeon qui s’assume, serait-ce la stratégie que vous avez appris à Sciences Po, Aymeric Chauprade ? Ce n’est pas la mienne. Mais quand vous demandez au Gazaouites d’assumer leur bévue d’avoir accepté le pouvoir du Hamas, vous ne pensez pas demander à Israël d’assumer leur machiavélisme d’avoir joué le Hamas contre le Fatah ? Apparemment pas. Israël joue la politique du pire pour justifier les colonies et continuer à traiter les Palestiniens en méchants ennemis plutôt qu’en victimes de leur expansionnisme. Vous qui parliez de l’honneur de la France, comment pourrait-il être sauf si nous marchions dans une telle combine ? Comment les Arabes laïcs et modérés pourraient-ils s’appuyer sur notre diplomatie si nous validions une telle forfaiture et pratiquions un tel double-langage ? Comment nous opposerions-nous de manière cohérente à la stratégie de domination unipolaire des Américains, dont les liens avec Israël, soutenus par les énormes communautés juives et évangéliques américaines, sont quasi-indestructibles ?
Une stratégie française au Moyen-orient doit commencer par la rupture avec les intérêts israéliens, au moins jusqu’à leur reconnaissance d’un État palestinien aux frontières acceptables et souveraines. C’est d’ailleurs la condition de l’acceptation d’Israël par ses voisins et de sa viabilité à long terme. Cette rupture est aussi pour nous un moyen de s’émanciper de la tutelle américaine en nouant avec l’Iran et la Syrie une relation directe. C’est ainsi que nous redeviendrons un pivot de la diplomatie mondiale dans la région. C’est une stratégie gaullienne. Ce doit être la stratégie de la France.


Serge Ayoub, via la question israeleo-palestinienne, pose un problème de haute importance, savoir ce que devrait être la politique étrangère française. De façon plus générale, force est de constater que la diplomatie européenne n'est aujourd'hui pas inaudible mais aphone. Tous les intervenants mondiaux savent pertinemment qu'il suffit que les Etats-Unis prennent une prise de position pour que les diplomates européens mettent leurs pieds dans les leurs. L'Europe puissance, dans laquelle la France jouerait un rôle majeur, se doit d'avoir une position qui soit la sienne et non celle rêvée outre-atlantique. Ajoutons aussi que les Usa jouent aux apprentis sorciers en instrumentalisant le fait islamiste : il va de soi que suite à cela, si les pays arabo-musulmans venaient à s'enflammer, les américains seraient bien protégés par la distance que leur procure l'océan atlantique, alors que les Européens seraient alors en première ligne.
Dans l'état actuel, la troisième voie entre islamisme et américanisme n'est autre que le soutien massif apporté à des pays comme la Palestine, la Syrie et l'Iran et, bien évidemment, la Russie.


5/ « Le principe de solidarité civilisationnel » est quant à lui une aberration néoconservatrice. Tout d’abord parce que notre civilisation découle du catholicisme romain européen, pas de la chrétienté au sens large et œcuménique du terme. Il y a pas de solidarité civilisationnelle non plus entre la France et le Brésil, ou entre la France et les chrétiens de Chine. Les barbaries que subissent les chrétiens d’Irak doivent être empêchées, en armant les Kurdes et en soutenant Bachar et l’État irakien, certes, de même que doivent être empêchés le plus possible les barbaries que subissent toutes les communautés, pas seulement chrétiennes. Mais l’intervention militaire est dangereuse, car elle nous ferait trop facilement basculer dans le statut de puissance impérialiste qu’une diplomatie pragmatique doit à tout prix éviter.


Se rend t-on compte que la solidarité dont il est question n'est autre que celle d'avec le Système ? Obama comme Sarkozy ou Hollande en sont des représentants majeurs et j'imagine mal le grand écart qui serait de les fustiger en théorie tout en leur accordant un soutien majeur en matière de géopolitique. Se rend t-on compte que le suivisme ne pourra nous attirer, justement de la part des djihadistes, les mêmes punitions que connaissent les anglo-saxons, dont les Français seraient les principales victimes. Si le Système sait, qu'au final, tels les grognards de Napoléon, après avoir râlé, nous finissons toujours par suivre, il nous dédaignera. Notre engagement ne pèsera plus.


6/ »Liquider les islamistes citoyens français ». Encore plus qu’une provocation, c’est une erreur. Tout d’abord Chauprade oublie que la France est un État de droit et que l’incitation au meurtre y est un délit, même quand elle vise une bande de perdus partis risquer leur vie gratuitement pour combattre, au milieu de mercenaires, au nom d’Allah, les intérêts de ceux qu’ils détestent le plus et croient naïvement combattre, les atlanto-sionistes. Aymeric Chauprade oublie aussi que la citoyenneté française protège non seulement les djihadistes, mais aussi les militants de son propre camp. Si j’étais cadre du FN et aux affaires, sachant que le pouvoir se perd plus facilement qu’il ne se gagne, j’éviterais de créer trop de précédents expéditifs en matière d’élimination d’opposants politiques. En revanche, rien n’empêche de déchoir ces Français coupables d’actions terroristes de leur nationalité, et de se prémunir ainsi de leur retour sur notre territoire. Après tout, ils ont choisi leur destin.


C'est surtout à partir du vingtième siècle que l'idéologie prend le pas sur le patriotisme. Que l'on songe à la légion Condor ou aux brigades internationales, ils furent nombreux les Français ou les Européens à s'impliquer dans des conflits qui n'étaient pas spécifiquement français. Quant à la mouvance, elle a fourni combattants et martyrs, aussi bien dans le cadre des guerres du Liban ou de l'ex-Yougoslavie, pour ne citer que deux exemples. Aujourd'hui aussi dans le cadre des troubles ukrainiens. S'il n'est donc pas surprenant de voir des Français, avec ou sans guillemets, choisir le camp islamiste, il ne l'est pas non plus de constater que d'autres Français puissent choisir la voie islamophobe. Ce à quoi le gouvernement doit réfléchir puis agir, c'est à éradiquer toute structure islamiste sur notre territoire. Rappelons que mettre sa peau au bout de ses idées, est une des constantes de la mouvance.


6/ »Protéger les juifs contre les arabes ». Les citoyens français quelle que soit leur confession doivent être protégés au même titre que tous les autres. Faire des lois ou prendre des mesures d’exception pour tenir compte des animosités de telle ou telle communauté ne fait que renforcer ces antagonismes communautaires. Serait-ce là votre but monsieur Chauprade ?


Je doute, moi aussi, que ce soit ainsi que l'on mette fin en France à ce que l'on appelle l'importation du conflit israelo-palestinien. Au même titre que pour la politique étrangère où un alignement sur les Usa nous attirera, sans que nous en ayons bénéfice, les plus néfastes ennuis, un choix partisan de type communautaire en politique intérieure, dressant communautés les uns contre les autres, ne pourra qu'attiser des tensions dont nous n'avons nullement besoin. Le Système d'ailleurs, est le premier ravi et prend un malin plaisir à dresser les uns contre les autres, ce de façon à ne pas être par trop attaqué. Il dresse ainsi hommes contre femmes, jeunes contre vieux, chômeurs contre travailleurs, ce de façon à neutraliser l'ensemble.


7/ »La remigration opérée selon les critères de nos choix internationaux… » et donc du choc de civilisation, n’aboutira qu’à un surcroît d’affaiblissement de la France.
Nous sommes ici au cœur de l’argumentaire hasardeux de monsieur Chauprade : mener la politique extérieur de notre conflit de civilisation intérieur. Si je ne crois pas au choc des civilisations autrement que comme le théâtre dissimulant l’expression de rapports de puissance internationaux, j’accepte volontiers l’idée que l’immigration massive de musulmans en France pose un problème de civilisation. Sauf que la solution de Chauprade à ce problème est le meilleur moyen de faire de la France une nouvelle Syrie, un nouveau Liban, une nouvelle Yougoslavie. Anticipons la stratégie d’Aymeric Chauprade.
On déclare la guerre militairement à l’extrémisme fondamentaliste sunnite, sous bannière pro-israélienne. Chauprade espère ainsi tacitement qu’une partie non-négligeable des musulmans présents en France le ressentiront comme une agression contre l’Oumma et déclareront une guerre terroriste au pays dans lequel ils vivent. D’où la riposte des patriotes qui en profiteront pour faire remigrer ces musulmans plus ou moins djihadistes. De deux choses l’une : ou les musulmans se laissent faire et la France s’isole pour plusieurs décennies pour avoir mené une politique d’épuration ethnique (c’est le terme qui sera employé par l’ONU, l’Union européenne et le reste du monde) ; ou c’est la guerre et dans ce cas la doctrine Chauprade n’aboutira qu’à un micmac militaire peut-être pire que le bourbier syrien dont Assad se sort tout juste. Un micmac qui nous apprendra vite que notre véritable ennemi est l’Occident anglo-saxon ligué contre les « démons résurgents du fascisme », comme ils se plaira à dire. Une guerre civile dans laquelle nous nous apercevrons vite aussi qu’Israël n’est pas un allié très fiable du parti fondé par Jean-Marie Le Pen (étonnant, non ?), surtout si les Américains leur demandent de « ne pas jeter d’huile sur le feu » en maintenant leur alliance avec une France gouvernée par le FN. Bref, pour ainsi dire, au XXIe siècle, la guerre civile ethnique ne se mène pas tout seul dans son précarré territorial. Ça n’existe plus. Ceux qui essayent se prennent des missiles, des révolutions oranges, des embargos, et pour finir, au mieux, des procès au TPI, au pire des fisn de vie à la Khadafi. Il faut compter avec les grandes puissances, la France existe dans le monde et ne peut en faire abstraction. D’ailleurs Chauprade, en cas de guerre civile, si les USA débarquent pour « remettre de l’ordre » et « protéger les minorités religieuses » au nom « des droits de l’homme », demanderez-vous à Marine de sortir la dissuasion nucléaire et de s’en servir pour sanctuariser notre territoire ? Ceux qui s’imaginent que les frontistes sont capables d’en arriver là sont des imbéciles.
Si remigration il y a, ça ne peut être qu’au nom du Droit, parce qu’un État, de nos jours, ne se gouverne que par le droit. D’abord par le simple non renouvellement des cartes de séjour, mais surtout par l’instauration et l’application de la règle de la réciprocité en matière de double nationalité, nous obligerons tous les citoyens français qui se sentent des solidarités culturelles avec un pays d’origine étranger n’appliquant pas la double nationalité à choisir. Pour ceux, et ils sont nombreux, qui ont investi « au bled » dans une maison ou un commerce, le choix sera très probablement celui du retour. Pour ceux qui auront mis toute leur énergie à se construire un avenir en France, le renoncement à leur nationalité algérienne, marocaine ou autre sera sentimentalement difficile, mais raisonnable. Cette suppression de la double nationalité est responsable. Elle peut se défendre devant nos partenaires internationaux, d’autant plus si elle vise des ressortissants de pays qui appliquent le droit du sang. Cette première vague de remigration en appellera alors d’autres, selon le cercle vertueux du développement économique. Le Maghreb et l’Afrique bénéficieront de afflux d’une population formée, parlant une langue étrangère, et ambitieuse car habituée à un niveau de vie élevé. Evidemment la France doit accompagner cette remigration par des projets de développement économiques tout aussi ambitieux et équitables pour ces pays. Déchirer la dette de ces pays, construire des accords bilatéraux gagnant-gagnants de coopération et d’exploitation des matières premières, voilà qui peut compléter les bases d’une politique de remigration efficace. Ces bases sont d’ailleurs bien plus conformes à la doctrine traditionnelle du FN que cet élan néoconservateur de monsieur Chauprade. L’oppression religieuse de type néocroisé, le conflit et la guerre civile en revanche, peuvent faire partir beaucoup de monde, mais pas forcément ceux qu’on avait prévu. Expulser les fondamentalistes hystériques qui vomissent leur haine de la France quotidiennement, d’accord. Pousser les musulmans au djihâd pour mieux les expulser militairement, c’est jouer avec le feu.


Je n'ai jamais cru à la théorie du choc des civilisations. Le sujet a d'ailleurs été abordé sur Voxnr (2) naguère. Cette théorie a pour fondement religieux la religion, partitionnant les régions du monde en fonction de l'orientation religieuse des uns et des autres. Or, force est de constater que dans nos contrées, la religion ne fait plus recette. D'où les églises vides. Déclarer que l'Europe est catholique, c'est déjà en partie ridicule puisqu'une partie des pays la constituant sont protestants, d'autre part parce que les Européens aujourd'hui ont perdu la foi, formatés par le matérialisme ambiant : ils ont donc aujourd'hui de toutes autres motivations. La mouvance fait régulièrement les comptes, sans consensus d'ailleurs quant au chiffre obtenu, sur le nombre d'arabo-musulmans présents sur notre territoire. Force est de constater – les faits et non les phantasmes ! - que s'ils étaient vraiment attachés à leur religion, c'est à un tout autre bordel que nous serions confrontés en France. On a évoqué l'importation du conflit palestinien en France : on oublie que les défilés pro-palestiniens furent squelettiques. A mon sens, celui qui fut à ce sujet le plus proche de la vérité fut le dirigeant du Hezbollah, déclarant qu'arabes et musulmans étaient bien plus intéressés par la coupe du monde de football (3) que par le fait palestinien. En ce sens, et c'est là désespérant, le Système touche les uns et les autres, indépendamment de la race, de la religion ou de la nationalité. Il vampirise tous ceux qu'il touche, leur subtilisant leurs âmes. On croyait en 1989 en avoir fini avec le communisme mais on s'aperçoit en le vérifiant que le capitalisme est tout autant matérialiste, si ce n'est plus. Peut être même en effet est-il encore plus dissolvant dans la mesure où il éradique la cohérence de toutes les nations qu'il frappe, ce que n'avait pas fait le communisme. Après tout, suite à la levée du rideau de fer, on a pu constater l'homogénéité ethnique à l'Est et le melting pot à l'Ouest. Quitte à choquer les incohérents, un raciste authentique, devrait donc préférer le communisme au capitalisme … Mais les enfants gâtés de la postmodernité veulent , le libéralisme sans l'immigration : incohérence ...

Vieux rêve chez moi, scinder la mouvance en deux parties : en désignant l'ennemi majeur avec une démarche schmittienne. D'un côté les arabophobes et islamophobes, de l'autre les anti-système. Cela redonnerait de la cohérence à chacune des deux parties. A l'évidence Aymeric Chauprade appartient au premier camp. Et Serge Ayoub au second. On continuera à Voxnr donc, d'apporter notre soutien au second.

Notes:

Comment la "gauche" peut gagner en 2017



Comment la
 Philippe Delbauvre
 
Bien sur, au vu des sondages d'opinions effectués par les uns et par les autres, il serait facile mais aussi erratique de prétendre aujourd'hui, que le candidat estampillé socialiste, perdra la prochaine présidentielle et sera même absent du second tour. Le fait ravit beaucoup. Pourtant, la connaissance de l'histoire et surtout son vécu, nous apprend qu'il ne manque pas de retournements extraordinaires.

Qui pouvait prévoir par exemple l'élection d'une assemblée aussi gaulliste après les événements de 1968 ? Qui pouvait aussi imaginer la facile réélection de François Mitterrand en 1988, lui qui avait aussi atteint des sommets d'impopularité en son époque ? Qui avait prévu lors des élections présidentielles de 2002 que c'est l'électorat de gauche, à tout le moins une partie, qui allait empêcher Lionel Jospin d'accéder au second tour, alors même que son magistère fut sage, ce au point de stabiliser puis de faire baisser la dette ?

Je l'ai déjà exprimé à plusieurs reprises, la rationalité ne préoccupe qu'une infime minorité de la population. Exemple révélateur, parmi les pages mémorisées par les Français et d'ailleurs plus généralement les Occidentaux, bien peu concernent la pensée conceptuelle : l'homme est un animal – presque – comme les autres. Les intellectuels peuvent en être marris que ça n'en est pas moins vrai...

Dans le cadre d'un article précédemment (1), j'avais indiqué que lors des présidentielles à tout le moins, c'était presque toujours l'opposition qui gagnait. L'erreur, serait de considérer au motif que les sortants sont estampillés à gauche, que c'est nécessairement la droite qui va gagner. Exemple : il est erroné de croire que Nicolas Sarkozy, au motif de son appartenance à l'Ump, était du même camp que son prédécesseur Jacques Chirac. Bien au contraire, Nicolas Sarkozy se présenta devant les Français en 2007, comme candidat de rupture d'avec l'ancienne majorité, fustigeant durant toute la campagne l'immobilisme de Jacques Chirac.

On comprend dès lors qu'une des possibilités pour la « gauche » de gagner en 2017 sera de présenter un candidat se déclarant en rupture d'avec la magistrature actuelle. Je n'apprends d'ailleurs rien aux esprits lucides comme aux principaux concernés : n'est ce pas la voie qu'ont choisi d'emprunter, et Martine Aubry, et Arnaud Montebourg. Se réclamer donc de la « gauche », mais célébrer une vraie « gauche », distincte de celle qui aura exercer le pouvoir durant cinq ans. Associée, en raison de l'irrationalité du corps électoral de « gauche » à quelques bonnes petites phrases ( « vous n'avez pas le monopole du coeur » (2), « vous êtes l'homme du passif » (3) pour prendre deux exemples) mais aussi à un phénomène de mode (se souvenir de la passion irrationnelle pour Ségolène Royal en 2007), la « gauche » pourrait alors très bien gagner.

Il lui reste aussi une autre option : assumer totalement la politique libérale menée depuis 2012. Déclarer aux Français que la politique menée de 2012 à 2017était impopulaire, ce que savait la « gauche » au pouvoir depuis 2012, mais dans le même temps affirmer que le sale boulot était nécessaire, que personne ne l'avait fait avant, et que c'était l'intérêt des Français. Ajouter une bonne dose d'irrationalité (physique et tempérament du candidat, slogan majeur, musique de campagne) et ceux qui passent pour n'avoir aucune chance pour 2017, risquent tout autant d'être vainqueurs.

Devant les grands retournements historiques, évitons l'autosatisfaction : rien n'est gagné quant à la défaite de la gauche en 2017 …
 
Notes


(2) Valery Giscard d'Estaing

(3) François Mitterrand

Ukraine : incohérence de la mouvance identitaire

 
 Philippe Delbauvre  
Ukraine : incohérence de la mouvance identitaire
 
Si on entend par identitarisme, la défense du localisme par opposition à l'Etat central, force est de constater que le fait n'est pas récent. Il n'est d'ailleurs pas spécifiquement français puisque bien des Américains fustigent et c'est une obsession, les empiétements du pouvoir central, dénommé là bas, fédéral.

Dès le haut moyen-âge, les nobles locaux s'opposèrent pour beaucoup à la mainmise des rois successifs. Il est peut être profitable à tous de rappeler qu Philippe II, dit Auguste, sacré à Reims le 1er novembre 1179, fut le premier des Rois à utiliser l'expression « Roi de France ». Peut être aussi est t-il toujours profitable de rappeler aussi qu'en 1914, c'est 75% des poilus qui ne parlaient pas le français. Il n'est donc pas ridicule de penser que la première guerre mondiale servit à homogénéiser l'ensemble.

Aujourd'hui, dans la mouvance, le fait identitaire est incontournable. Il ne faudrait pas pour autant imaginer que les politiques en aient la complète responsabilité. Chti d'origine puisque j'ai vécu 45 ans dans le Nord avant de déménager dans le Rhône où d'ailleurs la mentalité me convient mieux (encore une limite du fait « terroir », j'ai pu constater, bien avant la naissance du bloc identitaire, le fait.

Déjà au milieu des années 80, Yannick Noah interrogé dans l'émission d'Anne Sinclair, évoquait ses racines. Je me souviens aussi, dès la première
partie des années 90, que des copains d'origine polonaise, évoquaient leur polonité. Les copains en question, une fois n'est pas coutume, extérieurs à la mouvance, ne faisaient que traduire ce qui fut et reste une mode, qui très probablement passera.

Ce qui est surprenant dans le cadre de l'affaire ukrainienne, c'est l'incohérence interne de la pensée identitaire. D'un point de vue politique en France, on ne peut pas dire qu'il y ait des contrées dans lesquelles les suffrages exprimés soient originaux. Par là, je veux spécifier qu'il n'y a nulle région dans laquelle « droite » ou « gauche » dépasse la barre des 70% de voix. Pas de spécificité locale donc. Si naguère existaient des régions stable politiquement, ce n'est plus le cas aujourd'hui. A titre d'exemple, très longtemps, et pour des raisons historiques connues de tous, la Bretagne fut de droite. Aujourd'hui, tel n'est plus cas. Par voie de conséquence, existe aujourd'hui un net décalage entre des Français se ressemblant de plus en plus et le fait identitaire. On peut même aller plus loin : les différences, naguère très importantes, entre les habitants des différents pays européens, tendent à s'estomper. A peine devenus vraiment Français (rappelons nous des poilus de 1914), les habitants de l'hexagone, au même titre que les Italiens ou les Allemands, sont devenus des Occidentaux. Cette massification écrase de tout son poids le fait identitaire. Et ceux qui se définissent comme identitaires sont le plus souvent davantage Occidentaux qu'Identitaires. Que l'on songe au vécu quotidien …
Sur l'affaire ukrainienne

Ce qui est paradoxal, plus grave incohérent, dans le monde identitaire, c'est leur positionnement au sujet de l'Ukraine. Bizarrement, ils évoquent l'Ukraine massique plutôt que de vanter un choix localiste. On voit ici la limite du fait localiste : qu'un pays soit menacé (crise économique majeure, guerre, épidémie redoutable) et l'on en reviendra fatalement à la cohésion nationale. La Belgique, quand bien même neutre, n'en a pas moins, et plusieurs fois, été envahie.

Le choix de l'apologie d'une structure groupusculaire comme Pravy sektor est d'autant plus ridicule que les dernières élections ont montré que les Ukrainiens n'en veulent pas. En conséquence, si on peut faire intellectuellement ce choix, la moindre des corrections est de ne pas se revendiquer des Ukrainiens.

Peut être encore plus grave en terme d'incohérence identitaire, c'est justement dans le cadre d'un pays comme l'Ukraine que le fait localiste est cette fois ci bien réel : c'est ainsi qu'à l'Est de l'Ukraine on est russophile alors qu'à l'Ouest on lorgne vers l'Europe...