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lundi 30 septembre 2013

Théoriser un monde multipolaire

 
Georges Feltin-Tracol
Théoriser un monde multipolaire
 
Le penseur néo-eurasiste russe Alexandre Douguine est maintenant bien connu des milieux français de la dissidence. À côté des travaux universitaires qui le prennent en étude, plusieurs de ses ouvrages ont été traduits. Il en reste cependant beaucoup d’autres, car c’est un auteur prolifique aux centres d’intérêt variés. Après avoir publié La quatrième théorie politique, une magistrale synthèse – dépassement des doctrines politiques de l’ère moderne, la maison d’édition nantaise Ars Magna sort Pour une théorie du monde multipolaire. Il est cohérent que le réactivateur de la voie eurasiste expose sa conception des relations internationales dans un essai à l’approche universitaire, le côté rébarbatif en moins.

Si « de plus en plus de travaux relatifs aux affaires étrangères, à la politique mondiale, à la géopolitique et aux relations internationales sont dédiés au thème de la multipolarité (p. 3) », Alexandre Douguine observe qu’« il n’existe toujours pas de théorie complète définissant le concept de monde multipolaire d’une point de vue purement scientifique (p. 3) ». Il s’attache dans ce nouvel ouvrage à combler cette lacune. Pour cela, il n’hésite pas à décrire d’une manière épistémologique les principaux courants théoriques contemporains des relations internationales (au sens très large). Relevons au passage que ce champ disciplinaire est quasiment en jachère en France. Hormis Raymond Aron, Dario Batistella et l’historien « grammairien des civilisations » Fernand Braudel, la bibliographie proposée par Alexandre Douguine ne mentionne presque aucun auteur français ! C’est une nette indication de l’état comateux dépassé d’une université hexagonale disqualifiée, déconsidérée et reléguée aux marges du savoir véritable.

Les courants théoriques des relations internationales

Alexandre Douguine examine donc avec soin les diverses « écoles » qui structurent cette discipline. Les premières sont les réalistes divisés en « classiques », « modernes » et « néo-réalistes ». Ils s’appuient sur l’État-nation et un ordre du monde de type westphalien en souvenir des traités européens qui arrêtèrent en 1648 la Guerre de Trente ans. Leurs principaux adversaires théoriques sont les libéraux avec des variantes selon les personnalités, l’époque et le lieu. Pour eux, l’État-nation est un cadre dépassé. Pis, « les néo-libéraux soulignent que dans le monde moderne, aux côtés des États, commencent également à avoir une grande importance, les O.N.G., les réseaux et les structures sociales (par exemple, le mouvement des droits civiques, Médecins sans frontières, les observateurs internationaux aux élections, Greenpeace, etc.) qui ont une influence croissante sur les processus de la politique étrangère des États (p. 35) ». Entre les libéraux et les écoles réalistes se trouve une école « intermédiaire » qui emprunte aux premiers et aux seconds : l’école anglaise des relations internationales.
Si les libéraux sont présents dans cette matière, il n’est pas étonnant d’y retrouver aussi des interprétations marxistes ou néo-marxistes qui font grand cas de la notion de « système-monde ». D’après elles, « la révolution prolétarienne mondiale est possible seulement après la victoire de la mondialisation, mais en aucun cas avant, c’est ce que croient les néo-marxistes modernes. Et pour insister sur ce point, ils préfèrent se faire appeler “ altermondialistes ”, c’est-à-dire “ mondialistes alternatifs ”. Ils agissent non pas tant contre la mondialisation, que contre l’élite bourgeoise du monde, et en revanche, l’internationalisation – mondialisation en tant que telle, et son corollaire inévitable, l’apparition d’un prolétariat mondial, est considéré par eux comme un processus positif (p. 44) ». Ajoutons qu’il exista dans les années 1970 en géographie hexagonale un courant marxiste ou « géographique radical » dont l’une des figures de proue n’était autre que le géopoliticien et fondateur de la revue Hérodote, Yves Lacoste.

Sont venues se joindre à ces quatre « chapelles » des tendances nouvelles appelées post-positivistes elles-mêmes fragmentées en diverses coteries antagonistes : l’école de la « théorie critique » dans les relations internationales, le post-modernisme, le constructivisme et le féminisme en constituent le versant radical tandis que son versant non radical se forme de la « sociologie historique » et du normativisme dans les relations internationales.

Une telle effervescence ne peut que favoriser d’intenses débats, mais Alexandre Douguine constate qu’aucune de ces « écoles » ne théorise vraiment la multipolarité, d’où son apport original. Soulignant la réflexion considérable du « réaliste institutionnaliste » Carl Schmitt dans ce domaine méconnu, il prélève dans chacune des tendances une ou plusieurs notions afin de concevoir une théorie scientifique du monde multipolaire qui se réfère aussi à la haute pensée de René Guénon. Cet essai met en pratique les principes exposés dans La quatrième théorie politique.

Les structurations variées du monde

Mais qu’est-ce que la multipolarité dans les relations internationales ? Avant de répondre à ce point fondamental, Alexandre Douguine évoque longuement les autres formes de polarité dans l’histoire du monde. Il y eut le système westphalien, le monde bipolaire du condominium étatsunio-soviétique entre 1945 et 1991, le monde unipolaire et le monde a-polaire. Toutes s’opposent au monde multipolaire.

« La multipolarité ne coïncide pas avec le modèle national d’organisation tel qu’il découle du système westphalien. […] Celui-ci reconnaît la souveraineté absolue de l’État-nation, sur lequel a été construit l’ensemble de la légalité juridique internationale (p. 6). » Alexandre Douguine précise même que « le monde multipolaire diffère du système westphalien classique par le fait qu’il ne reconnaît pas aux États-nations distincts, légalement et officiellement souverains, le statut de pôles à part entière. Dans un système multipolaire, le nombre de pôles constitués devrait être nettement inférieur à celui des États-nations actuellement reconnus (et a fortiori, si l’on retient dans la liste les entités étatiques non reconnues sur la scène internationale) (p. huit) ». Le monde unipolaire est « dirigé par les États-Unis et basé sur l’idéologie libérale, démocratique et capitaliste. [… Il répand dans le monde] son système socio-politique basé sur la démocratie, le marché et l’idéologie des droits de l’homme (p. 9) ». Or « en pratique, l’unipolarité doit composer avec le système westphalien, qui perdure symboliquement, ainsi qu’avec les vestiges du monde bipolaire, que la force de l’inertie perpétue. De jure, la souveraineté de tous les États-nations est encore reconnue, et le Conseil de sécurité des Nations unies reflète encore partiellement l’équilibre des pouvoirs correspondant aux réalités de la “ guerre froide ”. Ainsi, l’hégémonie états-unienne unipolaire existe de facto, alors que dans le même temps, un certain nombre d’institutions internationales expriment l’équilibre datant d’autres époques et cycles de l’histoire des relations internationales (pp. 12 – 13) ». L’affaiblissement international des États-Unis semble permettre l’émergence d’un monde a-polaire ou « non-polaire […] basé sur la coopération des pays démocratiques. Mais peu à peu le processus de formation devrait également inclure les acteurs non étatiques – O.N.G., mouvements sociaux, groupes de citoyens, communautés en réseau, etc. En pratique, la construction du monde non-polaire aurait pour principale conséquence la dispersion de la prise de décision d’une instance (aujourd’hui Washington) vers de nombreuses instances de niveau inférieur, jusque, à la limite basse, la tenue de référendums planétaires en ligne, sur les principaux événements et actions concernant toute l’humanité. L’économie remplacerait la politique et la libre concurrence sur le marché mondial balaierait toutes les barrières douanières nationales. La sécurité ne sera plus la préoccupation de l’État mais serait laissée aux soins des citoyens. Ce serait l’ère de la démocratie mondiale (p. 15) ». Il signale l’existence d’une variante particulièrement soutenue par les milieux démocrates outre-Atlantique, le multilatéralisme qui exclut volontiers les acteurs non-étatiques comme les mouvements sociaux, les réseaux ou les O.N.G. En fait, « le monde multipolaire ne s’accorde pas avec l’ordre mondial multilatéral, car il s’oppose à l’idée de l’universalisme des valeurs occidentales et ne reconnaît pas la légitimité du “ Nord riche ” à agir au nom de toute l’humanité, que ce soit individuellement ou collectivement. Il ne reconnaît pas non plus sa prétention à intervenir comme seul centre de prise de décision sur les questions les plus importantes de politique mondiale (p. 19) ».

L’a-polarité peut séduire des dirigeants occidentaux décérébrés, car « le monde non-polaire suggère que le modèle de melting pot états-unien devrait être étendu à l’ensemble du monde. Cela aurait pour conséquence d’effacer toutes les différences entre les peuples et les cultures. L’humanité atomisée et individualisée serait transformée en une “ société civile ” cosmopolite et sans frontières (p. 17) ». En outre, et c’est un élément déterminant, « le projet de monde non-polaire est soutenu par nombre de très puissants groupes politiques et financiers comme Rothschild, George Soros et leurs fondations (p. 16) ». Le monde multipolaire va résolument à l’encontre de ce mondialisme occidental et de tous les autres mondialismes possibles et imaginables.

L’alternative multipolaire

Favorable à des aires continentales autarciques (et décroissantes ?), Alexandre Douguine estime que « l’anticapitalisme et surtout l’anti-libéralisme doivent devenir les axes directeurs de développement de la théorie du monde multipolaire (p. 190) ». Il faut au préalable préparer les peuples à cette rupture radicale – tuer l’individu moderne en eux. Par ailleurs, « pour le développement du monde multipolaire, il est nécessaire d’initier une guerre frontale contre les médias mondialistes (p. 192) ». La description qu’il fait de l’emprise médiatique occidentale est d’une rare pertinence. Il importe qu’« en sortant de l’espace du capitalisme mondial libéral et après organisé les “ grands espaces ” en fonction des caractéristiques civilisationnelles (mais aussi sur des marchés intérieurs efficients), les civilisations futures seront en mesure de construire un modèle économique en conformité avec la culture et les traditions historiques (p. 191) ».

Qu’entend finalement Alexandre Douguine par « multipolarité » ? Primo, la multipolarité « procède d’un constat : l’inégalité fondamentale entre les États-nations dans le monde moderne, que chacun peut observer empiriquement. En outre, structurellement, cette inégalité est telle que les puissances de deuxième ou de troisième rang ne sont pas en mesure de défendre leur souveraineté face à un défi de la puissance hégémonique, quelle que soit l’alliance de circonstance que l’on envisage. Ce qui signifie que cette souveraineté est aujourd’hui une fiction juridique (pp. 8 – 9) ». Secundo, « l’approche la plus commune de la multipolarité sous-tend seulement l’affirmation que, dans le processus actuel de mondialisation, le centre incontesté, le noyau du monde moderne (les États-Unis, l’Europe et plus largement le monde occidental) est confronté à de nouveaux concurrents, certains pouvant être prospères voire émerger comme puissances régionales et blocs de pouvoir. On pourrait définir ces derniers comme des “ puissances de second rang ”. En comparant les potentiels respectifs des États-Unis et de l’Europe, d’une part, et ceux des nouvelles puissances montantes (la Chine, l’Inde, la Russie, l’Amérique latine, etc.), d’autre part, de plus en plus nombreux sont ceux qui sont convaincus que la supériorité traditionnelle de l’Occident est toute relative, et qu’il y a lieu de s’interroger sur la logique des processus qui déterminent l’architecture globale des forces à l’échelle planétaire – politique, économie, énergie, démographie, culture, etc. (p. 5) ». Tertio, « la multipolarité […] implique l’existence de centres de prise de décision à un niveau relativement élevé (sans toutefois en arriver au cas extrême d’un centre unique, comme c’est aujourd’hui le cas dans les conditions du monde unipolaire). Le système multipolaire postule également la préservation et le renforcement des particularités culturelles de chaque civilisation, ces dernières ne devant pas se dissoudre dans une multiplicité cosmopolite unique (p. 17) ». On peut dès lors se demander si Alexandre Douguine puise chez Samuel Huntington et ses espaces de civilisation conflictuels. S’il critique la démarche de ce réaliste, chantre de la primauté occidentale et atlantiste, il salue en revanche l’« intuition de Huntington qui, en passant des États-nations aux civilisations, induit un changement qualitatif dans la définition de l’identité des acteurs du nouvel ordre mondial (p. 96) ».

Tout en soutenant dans une veine schmittienne « la pluralité du Prince (p. 168) », Alexandre Douguine affirme que « du point de vue de la théorie du monde multipolaire, il n’est pas très important de savoir si les civilisations comme acteurs et pôles du monde multipolaires, peuvent jouer un rôle de contrepoids ou non sur la voie de la mondialisation opérée sous l’égide de l’Occident. Les civilisations comme acteurs des relations internationales ne sauraient conduire à un retour à la pré-modernité, où figuraient les États traditionnels et des empires. Les civilisations en tant qu’acteurs des relations internationales sont un concept complètement nouveau, en quelque sorte une réalité postmoderne, destinée à remplacer l’ordre du monde fondé sur le système westphalien, dont le potentiel est épuisé. Ce modèle contribue à proposer une alternative postmoderne tant à l’empire unipolaire états-unien, qu’à la mondialisation non-polaire (p. 113) ». Il découle que « ni le pouvoir, ni l’économie, ni les ressources matérielles, ni la concurrence, ni la sécurité, ni les intérêts, ni le confort, ni la survie, ni l’orgueil, ni l’agression, ne peuvent constituer la motivation fondamentale de l’existence historique d’une civilisation dans un monde multipolaire, mais le dialogue spirituel, qui, partout et toujours, peut revêtir, selon les circonstances, un caractère positif et pacifique, ou bien agressif belliqueux (pp. 179 – 180) ». Ne décèle-t-on pas dans cette réflexion l’influence traditionaliste de René Guénon et de Frithjof Schuon ?

Surgit alors la lancinante problématique des frontières. Alexandre Douguine ne l’évacue pas de sa démonstration. Bien au contraire, il en profite pour développer un point de vue singulier : « Les frontières entre les civilisations devraient avoir un statut qualitativement différent que celles entre les États-nations. Aux frontières entre les civilisations, il peut exister des régions entières autonomes, uniques et distinctes, qui abritent des structures sociales et des ensembles culturels très spécifiques. Pour ces zones, il paraît nécessaire de développer des modèles juridiques particuliers qui prennent en compte les spécificités de ces civilisations, leurs chevauchements, leurs proportions relatives, ainsi que leur contenu qualitatif et le degré d’intensité de conscience de leur propre identité (p. 116) ». A-t-il pris connaissance des travaux théoriques de l’« austro-marxisme » sur les autonomies personnelle et communautaire au début du XXe siècle en Autriche-Hongrie ? La conception fermée, exclusive et étatique de la frontière est remplacée à cette échelle par une perception à la fois organique et antique, celle du Limes. On peut supposer dans ce cadre l’existence de territoires-gigognes ou d’une co-territorialité, voire à une symphonie des territoires.
Pour une théorie du monde multipolaire est un essai stimulant et érudit d’accès très facile qui invite à réfléchir autrement les relations internationales, hors du prisme déformant et simplificateur d’un Occident obèse et décati. Une belle alternative continentale à saluer !

Notes:

Alexandre Douguine, Pour une théorie du monde multipolaire, Ars Magna, 2013, 196 p., 20 € (Ars Magna Éditions, B.P. 60 426, 44004 Nantes CEDEX 1).

Le travail dominical : un détestable symbole



Le travail dominical : un détestable symbole
Philippe Delbauvre


Je ne sais quelle mouche a piqué la droite et une partie des ultras de droite pour oser affirmer que le gouvernement qui dirige actuellement la France est socialiste. Charles de Gaulle qui ne s’y trompait pas, considérait à juste titre qu’il n’aimait pas les socialistes, justement au motif qu’ils n’étaient pas socialistes. J’ai eu l’occasion d’évoquer le problème en ce début de mois avec une quinquagénaire, directrice des ressources humaines, aussi bien chez France Telecom puis à la Poste, qui m’a assuré que les grandes avancées en matière de capitalisme étaient bien plus le fait de la gauche que de la droite. Elle ne faisait là que confirmer ce que nous savions déjà, à savoir par exemple, que Jospin quand il fut premier ministre, libéralisa beaucoup plus que lorsque ce fut Balladur et Juppé réunis, qui occupèrent le même poste.

A chaque fois, le rituel est le même et se voit auréolé d’un nuage schizophrénique. Dans les paroles, les gouvernements de gauche claironnent à tous que l’essentiel sera sauvé au motif des droits de l’homme, de la question sociale et du cœur à gauche, avant dans les faits de faire le jeu du grand capital. Il faut aussi impérativement noter que les syndicats connaissent sur le bout des doigts le refrain, eux qui se veulent très timorés dans leurs revendication et opposition, dès lors où c’est la gauche qui exerce les pouvoirs. La encore, la schizophrénie est de mise, et ces syndicats ont aujourd’hui de plus en plus de mal à masquer à leurs supporters, le décalage entre leurs propos et leurs actes.

L’une des caractéristiques du totalitarisme est de claironner au quotidien un concept ou une expression jusqu’à la nausée. Bien sur, les plus jeunes ne peuvent ressentir ce qu’est devenue notre société depuis quelques décennies, faute de pouvoir comparer. En revanche, ceux qui disposent d’internet depuis une douzaine d’années, dont des jeunes, savent à quel point ce media a changé en raison de l’omniprésence de la publicité et des liens commerciaux. Ce qui est vrai sur la toile l’est tout autant dans la vie réelle où économie, comptabilité et publicité rythment notre quotidien. Nouveau totalitarisme, et bien plus dangereux que les précédents sachant qu’il n’est pas perçu comme tel, le totalitarisme actuel dont nous avons à subir les ravages, a pour toile de fond l’argent. Le slogan de naguère, « les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres », s’il fut proclamé bien longtemps à tort au motif des réels progrès effectués au début de la cinquième république, redevient d’actualité. Et la toute puissance du capital s’exerce désormais avec de moins en moins de limites. Alors qu’il eut fallu méditer la catastrophe qui fut celle du communisme et éviter à tout prix de sombrer dans l’excès inverse, les occidentaux sont tombés dans le panneau. C’est ainsi que le grand balancier de l’histoire après l’infini, est en train de nous imposer le zéro (1). Infini cette fois ci du Capital et zéro de l’humain au sein d’une société qui de plus en plus vit et existe à la lueur des seuls chiffres. Ce primat de la quantité (2) doit bien entendu être perçu comme la déchéance de la qualité. Et fallait-il être barbare pour accepter la concurrence avec des pays où le revenu médian était – chiffres d’aujourd’hui – de 300 euros mensuels. On ne me fera pas croire que les dirigeants de l’époque ne savaient pas, les conditions à l’origine étant ce qu’elles étaient, que tout de par chez nous allait s’effondrer ; c’est ainsi que nous perdîmes chantier naval, construction automobile, textile, électroménager, ameublement, sidérurgie… Oui, ils ne pouvaient ne pas savoir, qu’en acceptant une concurrence qui n’était qu’un nom, la France mais aussi l’Europe, les Français mais aussi les Européens allaient tout perdre. En ce sens le chômage mais aussi ses corollaires comme la drogue et la délinquance ont été acceptés par les gouvernements de droite et de gauche de l’époque qui jouèrent à la roulette russe, toutes les balles dans le barillet, la France étant visée.

Le travail dominical n’est autre que la mise en cause d’un des fondements essentiels d’un pays qui est helleno-chrétien. Ce n’est certes pas à moi qu’il faudra imputer une quelconque accointance avec l’islam mais je dois avouer que les cinq prières quotidiennes qu’impose cette religion m’apparaissent fort sympathiques. Il va d’ailleurs de soi que les Catholiques, plus exactement ceux qui le sont restés, en font tout autant. Il me semble très sain de rythmer une journée par l’intermédiaires de prières – invocations pour les païens ? – au simple motif de n’être ni prisonnier d’un temps quantitatif ou d’un quelconque matérialisme biologique. Je reste intimement convaincu de ce que je croyais voilà quelques décennies, à savoir que l’animal humain doit perdurer dans l’effort (3), ce afin d’atteindre la dignité d’homme qui n’est nullement naturelle mais se voit acquise par l’intermédiaire de l’investissement de toute une vie. Il est d’ailleurs une autre interprétation que celle couramment admise, du titre d’une des œuvres du Baron : dans le titre « les hommes au milieu des ruines », il n’est pas certain que ces dernières représentent des minéraux. Le Baron avait peut être en tête que quelques hommes seulement émergeaient de la sous humanité environnante, réduite à l’animalité, n’ayant su atteindre l’altitude humaine (4).

Au motif du toilettage des lois qui ne sont pas claires, de l’emploi et comme toujours de l’effroyable liberté – celle là même qui oppresse – le gouvernement, tout sauf socialiste ou de gauche, va permettre progressivement – ne pas désespérer les succursales de Billancourt – le travail dominical. L’objectif est évidemment d’accroitre les revenus, surtout des multinationales, celles là même qui délocalisent et volent aux Français leurs emplois. Il n’est pas impossible d’ailleurs que l’on finisse – et ce serait là dans la logique du Système – de considérer que tous les jours soient équivalents (plus de primes pour le travail samedi et dimanche) mais aussi qu’il en soit de même pour les heures, également payées de jour comme de nuit.

Encore une fois, ce n’est pas tant dans le domaine strictement économique que le procédé est détestable (5), mais dans les domaines liés à l’humanité et à la hauteur qu’elle présuppose. Dans un monde où les valeurs boursières s’envolent, l’Homme est désormais une valeur à la baisse.

Notes

(1) Arthur Koestler : le zéro et l’infini.

(2) René Guénon : le règne de la quantité et les signes des temps

(3) Petit clin d’œil à Spinoza et à son « conatus »

(4) Julius Evola : les hommes au milieu des ruines

(5) Karl Marx « La morale de l’économie politique consiste à faire l’économie de la morale » mais aussi « la tutelle du bourgeois est autrement plus lourde que celle du noble »

Valdaï et la question de l’identité de la Russie

  Alexandre Latsa
Valdaï et la question de l’identité de la Russie
 
La semaine dernière j’ai eu le plaisir de participer à un débat télévisé, c'était une table ronde sur la question de l’image de la Russie à l’étranger. La question était de savoir si les russes méritaient leur mauvaise image à l’étranger ou s’ils étaient victimes d’une image négative fabriquée et véhiculée par les médias notamment.

Le débat à très rapidement dévié sur le fait de savoir s’il fallait ou non se préoccuper de l’image de la Russie et des russes à l’étranger et surtout sur ce que sont les russes et la Russie. La question de l’identité nationale reste, dans la Russie de 2013, une question essentielle et les nombreuses discussions du club Valdaï à ce sujet viennent de le prouver.

La Russie est un pays dans lequel se côtoient énormément de peuples et de religions et des cultures totalement différentes. La Russie est européenne, slave et orthodoxe mais également asiatique, touranienne et musulmane. Elle est un pays tout à la fois nordique et méridional, et de l’Ouest comme de l’Est de l'Eurasie.

A cette immense variété culturelle et géographique, il faut ajouter qu'en Russie se côtoient tant le 19ième, que le 20ième ou le 21ième siècle. Il est donc bien difficile de définir ce qu’est aujourd’hui un russe moyen et le regard que l’étranger porte sur un russe ou un russien, ou peut être sur les russes et les russiens.

La Russie sort de trois épreuves historiques fort différentes n’ayant en commun que leur violence et la destruction de la morale et de l’identité qu’elles ont généré: la période monarchiste autoritaire (le tsarisme qui toléra l’esclavage jusqu’au début du siècle dernier), la période soviétique qui contribua a la création d'un homme nouveau (l’homo soviéticus) au prix de la destruction de l’identité religieuse et nationale et enfin la période postsoviétique et libérale, qui en une grosse décennie seulement, est arrivée à détruire la Russie sur le plan moral, sanitaire et démographique.

Le réveil russe auquel nous assistons depuis 2000 sur le plan économique et politique pose deux questions essentielles : qu’est ce qu’être russe aujourd’hui, et comment fonder une identité russe saine pour le siècle. La Russie Tsariste ne différenciait les citoyens que selon leurs rangs, pendant que l’Union Soviétique jouait la carte transnationale et citoyenne. Dans les années 90, la Russie faisait face à une situation complexe: assurer une pacifique transition du modèle politique (de l’URSS à la fédération de Russie) tout en évitant que l’éclatement territorial ne crée des conflits sur des bases territoriales, ethniques, religieuses ou simplement identitaires.
Les stratèges de l’époque ont alors conçu un terme lexical pour définir les habitants de la Russie: le terme Rossianin, que l’on pourrait traduire par Russien en français. Utilisé par Boris Eltsine lorsqu’il s’adressait au peuple, ce terme était censé regrouper et mettre sur un pied d’égalité tous sous ensembles de la fédération de Russie. Mais en réalité, il contribua à créer une différence fondamentale entre les Russes ethniques, les Russkie, et les autres. Une décennie plus tard, le retour en force de l’identité religieuse au sein de tous les peuples de la fédération se retrouve sans doute troublé par cette distinction de fait et qui dans l’inconscient collectif est la suivante: le russe est orthodoxe pendant que le rossianin serait autre et plutôt musulman ou bouddhiste.

Cette distinction s’accentue dans un climat ou la tendance profonde en Russie est une tendance au renforcement des identités, puisque le très sérieux Kommersant constatait il y a quelques jours que "La Russie connaît une montée de sentiments nationalistes, tandis que certaines républiques du pays peuvent déjà être qualifiées d'islamiques (...) Pour certains experts la Russie se trouve au seuil d'une grave crise nationale". Cette crise potentielle pourrait menacer la stabilité voire l’intégrité territoriale du pays et le président russe s’est montré très offensif à ce sujet lors du discours de clôture du forum Valdaï qui s'est tenu comme chaque année. Le chef de l’Etat russe a en effet appelé à ouvrir un débat sur la question de l’identité nationale et à la définition d’une identité culturelle et spirituelle. Pour lui, les frontières à ne pas franchir pendant ce débat sont tout ce qui pourrait porter atteinte à la souveraineté, l’indépendance et l'intégrité du pays.

Le président russe a rappelé que "l’idée nationale ne pouvait apparaître par des règles mondiales et communes et qu’était révolu le temps ou l’on pouvait copier et appliquer une identité dans un pays comme on installe un logiciel dans un ordinateur". Il a martelé que la Russie était un: "Etat-civilisation fondé sur la langue russe, la culture russe, l'Eglise orthodoxe russe et les autres religions traditionnelles de la Russie" ou encore que: "ce modèle avait toujours fait preuve d’une certaine flexibilité face aux spécificités locales, permettant l’unité dans la diversité".

En 2007 à Munich, lors d’un discours qui a fait date (en version française ici), Vladimir Poutine avait clairement prévenu que la Russie ne tolérerait plus le modèle mondial unipolaire qui était en fin de cycle et que la Russie allait affirmer sa condition d’état souverain et de puissance avec laquelle il allait falloir compter. Les cinq années qui suivirent lui donnèrent raison. L’épisode de la guerre en Géorgie en 2008 puis celui de la situation actuelle en Syrie prouvent que la Russie est inexorablement passée du statut de puissance régionale à celui de puissance mondiale.
A la différence du discours de Munich en 2007, ou le président russe avait fait clairement apparaître la volonté russe d’activement participer à l’élaboration d’un monde multipolaire, le discours de Valdaï 2013 est apparu comme une critique beaucoup plus précise et affirmée des modèles de développements "euro-occidentaux" au sens large. Le président russe a par exemple vanté le traditionalisme comme étant le cœur de l'identité de la Russie, tout en déplorant les menaces telles que la "mondialisation, le multiculturalisme et l'érosion des valeurs chrétiennes – via notamment une focalisation exagérée sur les droits des minorités sexuelles".

Ce faisant il a clairement opposé le modèle russe en gestation fondé sur la tradition au modèle euro-atlantique incapable d’influer sur la Russie et en perdition selon lui notamment car, par exemple, "il rejette les identités et met sur un pied d’égalité les familles traditionnelles avec beaucoup d’enfants et les familles de même sexe (homoparentales), soit la foi en dieu ou en Satan". Vladimir Poutine a énormément insisté sur le point démographique et la disparition en cours des peuples européens du continent.

La Russie semble avoir clairement décidé de ne pas sacrifier son modèle civilisationnel pour rejoindre la communauté-atlantique, affirmant au contraire désormais que c’est "l’Europe qui n’avait pas d’avenir sans la Russie" mais rappelant qu’elle était bien évidemment prête à collaborer avec tout pays européen ne souhaitant pas imposer ses valeurs a la Russie. Comme les lecteurs de RIA-Novosti le savent, le dialogue entre Russie et Occident bute en effet sur un malentendu profond qui est celui de la morale et des valeurs et il semble que sur ce point on s’approche d’un nouveau rideau de fer.
Le président russe a aussi réaffirmé que l’objectif prioritaire de la Russie était l’intégration avec ses voisins proches et le développement de l’Union Eurasiatique pour permettre à la Russie d’occuper une place stratégique centrale et ne pas se retrouver en périphérie de blocs européens ou asiatiques.

Cette nette réorientation stratégique et eurasiatique de la Russie ne concerne pas que la politique extérieure mais visiblement aussi et bien plus largement l’esprit des réformes en cours et du devenir de la Russie. Vladimir Poutine a dans cet esprit redéfini l’Union Eurasiatique non comme une simple coopération entre pays mais comme le seul “projet viable de préservation de l’identité et la diversité des peuples de l’espace eurasiatique dans le nouveau siècle et le nouveau monde“. Parlant de la nature de l’Etat civilisation russe, Vladimir Poutine l’a qualifié de “complexité florissante” (цветущая сложность), une expression particulière créée par l’un des pères de l’Eurasisme politique et philosophique, Constantin Leontiev.

Constantin Leontiev avait en effet déjà développé ces conceptions eurasiatiques qui définissaient l’Eurasisme comme la “multiplicité florissante du monde”, et comme l’essence du monde multiple et multipolaire face à l’unilatéralisme occidental et ce… Au milieu du 19ième siècle.
 
Source:

RIA Novosti :: lien

La France face aux défis géopolitiques mondiaux

Aymeric Chauprade 
La France face aux défis géopolitiques mondiaux
 
Intervention du géopolitologue Aymeric Chauprade lors de l’Université d’été du Front National, le 14 septembre 2013

Mesdames et Messieurs,

Jamais dans notre histoire, à l’exception des périodes de défaites et d’occupation, la France n’avait autant tourné le dos à son rang, à son influence, à sa liberté.

Jamais ses dirigeants ne l’avaient autant détourné de ses constantes géopolitiques, qui lui assuraient dans le monde une place exceptionnelle, qui faisaient que où que l’on regardait, l’influence de la France se faisait sentir. Nous ne sommes pas ici cependant pour sombrer dans la nostalgie et le pessimisme. Nous sommes ici pour comprendre les défis géopolitiques qui sont lancés à la France, pour y répondre, pour apporter des solutions crédibles, efficaces, capables de rendre aux Français la foi dans leur pays, la conviction que le déclassement n’est pas inéluctable, que le redressement est possible.

D’immenses transformations sont en train de se produire dans l’ordre mondial de la puissance, des mécanismes identitaires et idéologiques inquiétants s’y développent, et face à cette réalité, le système actuel reste prisonnier de ses vieux schémas idéologiques, incapable d’affronter la réalité du monde et d’adopter en conséquence son mode de pensée, enfermé dans un mélange d’aveuglement et d’arrogance.

Oui, Mesdames et Messieurs, ces défis sont considérables et ils sont bien la réalité du monde, mais hélas le camp du déni de réalité, le camp du refus du réel, s’emploie à maintenir le voile qui obscurcit le regard des Français, qui ralentit leur prise de conscience.

Ce sont des hommes faibles, sans vision, conformistes, qui ont entraîné la France dans les guerres mondiales du XXe siècle. Et ce sont les mêmes qui aujourd’hui n’ont ni la volonté, ni le courage, d’affronter ceux qui défient l’autorité de l’État sur le territoire, mais qui, dans le même temps, sont prêts à exposer la vie de nos militaires et à bombarder des innocents pour des intérêts qui ne sont pas les nôtres.

Depuis plus de trente ans, il y a un homme qui a dit aux Français ce qui allait leur arriver, qui a mis son talent immense, sa liberté de pensée et de ton, au service de la vérité, parce qu’il fallait alerter les Français, parce qu’il fallait les réveiller. Cet homme n’a cessé d’avoir raison, face à de fausses élites responsables du déclin mais qui ont préféré lui faire payer la vérité au prix fort des attaques ignobles, et les Français sont passés à côté de lui, ils ont laissé passer cette première chance qui leur était offerte d’engager le redressement de la France. Mais les combats se mènent dans la durée. Ce qui était annoncé, les Français commencent à l’entendre, à le comprendre, parce qu’ils le voient se réaliser sous leurs yeux.

Je tiens à dire devant vous, ici, que je ne serais pas ce que je suis, c’est-à-dire un résistant, si durant tant d’années, bataillant au cœur du Système, je n’avais regardé Jean-Marie Le Pen comme l’espoir du redressement français.

Et je tiens à vous dire, que lorsqu’un préposé au déclin français m’a privé de ma Chaire, à l’École de Guerre française, en 2009, pour un livre qu’il n’avait même pas lu, parmi les nombreux messages de soutien que j’ai reçus à l’époque, il en est un qui a compté plus que tout, celui de Jean-Marie Le Pen !

Mais il ne faut pas leur en vouloir à nos compatriotes, parce que d’abord, lorsque l’on est patriote, on aime sa famille, toute sa famille, même ceux qui ne pensent pas comme nous, et il faut avoir pour eux beaucoup de compassion, parce qu’un Système tout entier, d’éducation, de médias, de réseaux économiques et syndicaux, a dressé devant leurs yeux un Mur du Mensonge.

Mais aujourd’hui le mur s’effrite, trente ans de coups assénés l’ont ébranlé, lui ont arraché des pierres, des failles se sont ouvertes, dans lesquelles des pans de vérité s’engouffrent, et ce mur, j’en suis convaincu, par le rassemblement de tous les patriotes, d’où qu’ils viennent, derrière et avec Marine, nous le ferons tomber !

Et alors, lorsque ce mur sera tombé, apparaîtra nue devant les yeux des Français la nouvelle réalité du monde, pas l’illusion d’une France solide dans laquelle nos politiques tentent, par tous les moyens, de maintenir les Français, non, la réalité du monde, d’un monde qui est en train de vivre une totale réorganisation de la puissance, où pour la première fois depuis au moins six siècles, l’Occident est en passe d’abandonner la main à l’Asie, où l’énorme masse démographique orientale, du Moyen-Orient jusqu’à l’Extrême-Orient est en train de renverser les équilibres de puissance.

Si nous nous posons la question des défis géopolitiques lancés à la France, il me semble qu’il faut commencer par se poser les questions essentielles. Et les questions essentielles, elles se résument, comme toujours, au verbe être et au verbe avoir. Il en va des nations comme des personnes : elles ont une identité, elles ont un rang, elles ont un besoin de sens, de liberté, de prospérité.

Les défis que je vais aborder partent de ces questions : qu’en sera-t-il de notre identité, de notre rang dans la société des nations, de notre liberté de choix, de notre accès aux matières stratégiques ?

Il y a d’abord ce choc terrible entre d’un côté la volonté des États-Unis d’imposer leur projet unipolaire, leur mondialisation contrôlée par une oligarchie financière et militaro-industrielle, et de l’autre côté, d’autres grands pays, et les émergents, qui veulent un monde multipolaire, fondé sur l’équilibre, le respect des souverainetés, le dialogue des civilisations, le droit propre à chaque peuple de croître et de s’affirmer à travers son propre modèle de culture.

Pour maintenir leur rang de numéro 1 mondial, face à l’émergence de la Chine, face au retour de la Russie, face au défi des émergents régionaux, les États-Unis ont lancé, après l’effondrement de l’URSS, un chantier géopolitique global, un chantier colossal servi par leur formidable outil de défense – qui pèse à lui seul la moitié de l’effort de défense mondial –, servi par un formidable outil de propagande et de fabrication de l’opinion, de fabrication des élites grâce à des centaines de clubs et réseaux transatlantiques ou transpacifiques…, un outil global d’information et d’influence qui étend son emprise au plus profond des médias et partis politiques européens, japonais, sud-coréens, latino-américains, qui s’appuie sur le plus formidable outil d’espionnage jamais développé, celui de la NSA, qui écoute ses citoyens et ses alliés, jusqu’aux chefs d’État.

C’est ce formidable outil informationnel qui maintient l’illusion d’une Communauté internationale qui n’existe pourtant pas, qui n’est rien d’autre en réalité que le club des puissances rangées derrière les États-Unis, c’est cet outil qui raconte qui est le Bon et qui est le Méchant, qui remet en scène à chaque fois la fable des armes de destruction massive en convoquant les mêmes communicants et cautions intellectuelles sur les plateaux.

Au nom des droits de l’homme et souvent sous le prétexte terrifiant des armes de destruction massive, ils ont attaqué, avec ou sans mandat onusien, l’Irak, la Yougoslavie, la Libye, l’Afghanistan, ils ont tenté de retourner l’Ukraine, de déstabiliser la Géorgie. Souvent, ils avaient les islamistes radicaux de leur côté, toujours il en a résulté un affaiblissement des États-nations, une exacerbation des rivalités ethniques et communautaires, un recul de la civilisation.

Le bilan incontestable de ces guerres depuis 1990, au-delà des véritables chiffres des tués civils et militaires, ou de ces 2 500 blessés militaires français en Afghanistan, qui ont perdu un œil, un membre, qui sont passés sous silence par les médias pour une guerre qui n’aura servi strictement à rien, le bilan c’est toujours plus de chaos, toujours moins d’État-nation, toujours plus de communautarisme, de fanatisme religieux, de violence contre les femmes, de persécutions des minorités chrétiennes comme ces décapitations de chrétiens syriens à Maaloula ces derniers jours.

Alors on se demande pourquoi ? Pourquoi font-ils cela ? Ces guerres ils les veulent et les déclenchent, non pour les droits de l’homme, Mesdames et Messieurs, car il n’aura échappé à personne que la cruauté et la barbarie humaine s’exercent en bien d’autres points de la planète, et que les médias dominants ne s’en émeuvent jamais ; non, ces guerres ils les font dans un seul but, un but qui résume tous les buts géopolitiques : empêcher l’émergence d’un monde multipolaire fondé sur l’équilibre des puissances.

Et pourquoi cette oligarchie mondialisée ne veut-elle pas d’un monde multipolaire, c’est-à-dire d’un monde où les peuples souverains établissent des équilibres de puissance seuls garants de la paix ? Tout simplement parce que la mondialisation est pour eux le moyen d’effacer la souveraineté des peuples, et l’Union européenne est le projet, si j’ose dire le plus parfait, de cet effacement de la souveraineté des peuples, donc de leur liberté, au profit de l’oligarchie mondialisée. C’est bien pour cela qu’il ne peut pas résulter d’Europe puissance de cette Union européenne, puisque l’oligarchie mondialisée ne vise pas la puissance des Européens, elle vise l’optimisation de ses intérêts particuliers à l’échelle mondiale !

Quand certains européistes se lamentent, parfois sincèrement, de l’absence d’Europe puissance, qu’ils reviennent aux fondations du projet européiste et ils comprendront qu’ils raisonnent sur un énorme malentendu. Ce projet européiste ne donnera jamais la puissance aux Européens, bien au contraire, il évacue la puissance des nations européennes, pour faciliter leur digestion dans le projet mondialiste américain ! Donc ils ne veulent pas de la démocratie authentique des peuples, ce qu’ils veulent c’est une oligarchie mondiale.

Pour comprendre tout cela, il est impératif que les Français changent leur manière de voir le monde : ils ne doivent plus résumer le monde à une opposition simpliste entre des démocraties et des dictatures, mais bien plutôt le regarder comme une guerre invisible entre oligarchie mondialisée, et de l’autre côté l’expression souveraine du peuple qui prend tantôt le chemin démocratique, tantôt le chemin autocratique.

Et empêcher le monde multipolaire, c’est par exemple freiner tout rapprochement entre les grands ensembles eurasiatiques, Union européenne, Russie, Chine. Car à leurs yeux, l’Union européenne doit rester un ventre-mou de l’OTAN, une périphérie de l’Amérique, pour eux l’OTAN doit s’étendre jusqu’aux frontières de la Russie et de la Chine, pour eux la Russie et la Chine ne doivent pas s’entendre, pour eux la Russie ne doit pas établir de partenariat énergétique avec l’Union européenne.

On ne peut pas comprendre pourquoi la presse occidentale diabolise à ce point le président Poutine, qui a pourtant redressé la Russie de manière spectaculaire depuis 1999, et qui nous apporte la preuve qu’un grand pays peut se redresser vite, économiquement, géopolitiquement, s’il est bien gouverné, donc on ne peut pas comprendre cet acharnement de nos médias contre Poutine, si l’on ne comprend pas qu’il est l’obstacle majeur à une stratégie américaine qui veut couper le gaz russe à l’Union européenne et le remplacer par le gaz du Qatar (gaz du Qatar qui doit passer alors par le territoire syrien) et le gaz libyen (lui-même en partie sous contrôle du Qatar) et demain, s’ils en prennent le contrôle, du gaz iranien.

En tentant d’installer des régimes amis au Moyen-Orient, les États-Unis cherchent à contrôler une énergie (pétrole et gaz) dont, à la fois, l’Asie et l’Europe ont besoin, et dont l’Europe aura d’ailleurs d’autant plus besoin qu’elle s’éloignera de la Russie.

Alors que voulons-nous, nous Français, un monde unipolaire dominé par les États-Unis mais qui débouchera, après la Syrie, après l’Iran, sur une guerre mondiale avec la Russie et la Chine, une de ces conflagrations que la finance mondialisée a su organiser déjà deux fois dans le cercle dernier, au prix de millions de morts, et pour son plus grand profit, ou bien voulons-nous la paix, la paix de l’équilibre multipolaire, fondée sur le respect des souverainetés, l’équilibre des puissances qui seul dissuade d’attaquer son rival économique et géopolitique ?

Nos dirigeants ne voient-ils donc pas, que lorsqu’ils alignent systématiquement la France sur les intérêts américains, qui ne sont d’ailleurs pas les intérêts du peuple américain mais ceux de l’oligarchie mondialisée, que lorsqu’ils additionnent notre puissance à leur puissance, ne voient-ils pas qu’ils contribuent à fragiliser la paix mondiale ?

Ont-ils oublié ce qui a fait la grandeur et la place de la France, dans toute son histoire ? Être une puissance d’équilibre face aux empires, résister aux impérialismes. Empereur en son royaume, tel était le Roi de France et au-delà des rois, la France républicaine a aussi suivi cette voie singulière, cette voie d’équilibre ; voilà sa constante, voilà ce qui a fait sa grandeur, à cette France éternelle qui n’est morte avec aucun régime pas plus qu’elle n’est née d’un autre !

Au lieu de nous faire l’écho de cette rhétorique fausse des droits de l’homme, masque cynique d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, c’est la paix, c’est l’équilibre, c’est le respect du droit international et des souverainetés qu’il faudrait défendre ! Voilà ce que serait la valeur ajoutée de la France sur la scène internationale, voilà ce qui lui rendrait sa grandeur !

Mesdames et Messieurs, le deuxième grand défi géopolitique auquel est confronté la France, c’est celui du fondamentalisme islamique.

Là encore le prisme idéologique a faussé la raison de nos dirigeants. Ils n’ont pas su anticiper la fracture des pays arabes en deux projets de société radicalement distincts, aucun n’étant d’ailleurs démocratique. Soit le projet islamique, porté par les courants Frères musulmans et salafistes, en Égypte, en Libye, en Tunisie, chez les rebelles de Syrie, soit le projet arabiste et modernisateur mais autoritaire, que privilégient encore de larges franges des sociétés arabes.

C’est durant la Guerre froide à la faveur du duel américano-soviétique, que les Américains ont à la fois laissé arriver au pouvoir la Révolution islamique chiite en Iran et soutenu les islamistes sunnites en Afghanistan. Ils ont noué une alliance souterraine durable avec des djihadistes qui se sont transportés d’Afghanistan en Irak, en Bosnie, en Libye et aujourd’hui en Syrie. L’armée américaine fait peut-être le coup de feu contre l’islamiste depuis le 11 septembre 2001, mais les services de renseignement américain savent, quant à eux, jouer avec cet ennemi utile, qui justifie les guerres américaines, coalise autour de Washington les alliés, permet de tisser des coopérations anti-terroristes partout dans le monde…

Une grande partie de ce qui se passe au Moyen-Orient, aujourd’hui, tient aussi au fait que la France n’a pas tenu son rang. Elle aurait du, dès 1991, refuser de s’attaquer à l’Irak baasiste, et s’employer à nouer une alliance solide avec tous les régimes arabistes, en les convaincant aussi de se réformer peu à peu, au fil des progrès enregistrés en matière de développement. Car c’est le développement qui fonde la démocratie et non l’inverse. Laissons les pays se développer souverainement, avec leur modèle et à leur rythme et mener leurs propres réformes politiques, au lieu de vouloir décréter partout la démocratie, ce qui détruit les équilibres fragiles et fait régresser les sociétés ! Ces régimes avaient besoin de temps pour faire évoluer les sociétés musulmanes, d’autant plus de temps, que l’islam est par essence politique et que lui appliquer un schéma de laïcité revient mécaniquement à entrer en conflit avec lui. Mais ces régimes avaient déjà commencé une modernisation considérable de la société, en rapprochant les femmes arabes du statut que la civilisation chrétienne leur donne. Tout cela a été anéanti sous les bombes de l’OTAN, le même OTAN qui a affaibli le rempart chrétien serbe multiséculaire de l’Europe pour installer à nos portes un nouvel État musulman, le Kosovo, fondé pour l’essentiel sur une économie mafieuse.

La France n’a pas joué son rôle d’équilibre au Moyen-Orient face à l’alliance des États-Unis et du fondamentalisme sunnite. Elle en récolte les fruits amers aujourd’hui. Le piège islamique se referme doublement sur elle-même : à l’intérieur avec un phénomène marqué de réaffirmation identitaire islamique, et à l’extérieur avec des pays arabes qui, du Maroc jusqu’au Golfe, sont partagés entre deux projets radicalement opposés, l’occidentalisation ou, au contraire, la réislamisation radicale de la société. Aucun compromis démocratique n’est possible quand les projets de société sont à ce point opposés ! L’exportation de la démocratie à l’occidentale de l’autre côté de la Méditerranée s’avère donc être un tragique facteur de guerre civile. Les Libyens, les Tunisiens, les Égyptiens sont en train d’en payer le prix.

La perspective d’avoir un jour des régimes islamistes violemment hostiles à l’Occident, en Égypte ou en Algérie par exemple, qui disposeront d’appareils militaires conséquents, devient chaque jour plus crédible. Dans ce contexte, nos fractures identitaires intérieures, qui ne cessent de s’agrandir, ne peuvent plus être occultées. La simple application du cadre républicain laïque ne résistera pas à l’épreuve des dynamiques démographiques. Dans l’histoire du monde, aucune société multiconfessionnelle n’a résisté à l’épreuve des changements de rapport de force démographique.

Aussi je vous le dis, avec le regard de l’historien du temps long et du géopolitologue, si la France n’assimile pas rapidement à sa civilisation, à la civilisation française produit de plus de 1500 ans d’histoire, ses compatriotes musulmans, alors c’est l’islam qui digèrera la France, et qui l’assimilera à un monde musulman en pleine expansion démographique. Et cela Mesdames et Messieurs, c’est bien la mère de toutes les batailles, c’est le premier défi géopolitique de la France, le défi géopolitique intérieur, qui est un défi identitaire, parce que l’on met beaucoup plus de siècles à fabriquer une société qu’une économie, et que l’on ne répare pas l’identité comme on répare l’économie !

En Asie, en Amérique latine, en Russie, où la cohésion identitaire, qu’elle soit ethnique ou religieuse, est forte, on se pose des questions sur l’avenir de la France en tant que civilisation française. Plus le temps passe, moins l’on considère que la France sera un partenaire fiable, pas seulement à cause de son déclin industriel, pas seulement à cause de la crise de son État-providence, mais d’abord et avant tout à cause de sa crise identitaire. Il y a donc un lien intime entre le rang de la France dans le monde, et la continuation de la civilisation française. Songez à ces touristes chinois qui font des milliers de kilomètres pour admirer la civilisation française, Notre-Dame et Versailles, mais qui se font dépouiller et agresser par des Français de papier ! Pas besoin du sociologue de service pour qu’ils comprennent où est la civilisation et où est la barbarie !

Alors se contenter de la neutralité, de la laïcité républicaine, dans une société où est en train de jouer librement la concurrence identitaire et démographique, c’est proprement suicidaire, tout simplement parce qu’à un moment donné, les communautarismes seront devenus suffisamment forts, sur le plan démographique, pour se débarrasser de la laïcité républicaine, pour imposer leur loi, au mépris même de la démocratie, elle-même produit, on l’oublie trop souvent, d’un long cheminement de l’histoire grecque, romaine et chrétienne. Alors Mesdames et Messieurs, oui, je le dis haut et fort, il nous faudra bien, à un moment ou un autre, établir un lien évident entre la citoyenneté française et l’adhésion à la civilisation française ! Cela s’appelle l’assimilation et cela nécessitera des choix forts qui aboutiront d’un côté à la fabrication de vrais Français, pas des Français de papier, pas des consommateurs de l’État-providence, et de l’autre côté au départ de tous ceux qui ne veulent pas adhérer à notre civilisation produit de plus de 1500 ans d’histoire, dont nous sommes fiers et dont nous rendrons à nouveau fiers les petits Français !

Mesdames et Messieurs, je vous l’ai dit, dans les défis il y a d’abord le verbe être mais il y a aussi le verbe avoir. Et s’agissant du verbe avoir, le troisième défi géopolitique que je vois pour la France, après le mondialisme, après l’islamisation de l’Europe occidentale, c’est celui de la sécurité de nos futurs approvisionnements, notre sécurité énergétique mais aussi notre sécurité alimentaire.

Je l’ai dit, les États-Unis ont une stratégie de domination énergétique claire : ils veulent contrôler l’essentiel des zones de production du Moyen-Orient pour peser sur la dépendance énergétique européenne et asiatique. Et par ailleurs, ils augmentent leurs approvisionnements venant de l’autre façade atlantique, l’Afrique, qui empruntent des routes à l’écart des champs de bataille du Moyen-Orient. Et puis ils seront peut-être en 2020, devant l’Arabie Saoudite, le premier producteur pétrolier. Il y a aussi le gaz de schiste, car les Américains, eux, explorent et innovent sans s’embarrasser du principe de précaution, l’un des sacro-saints dogmes de l’Union européenne, et avec cette formidable foi dans la science qui leur fait penser qu’ils gèreront les problèmes après !

La France devra préparer son avenir énergétique en mer. Déjà 30 % de la production d’hydrocarbures mondiaux se fait offshore, comme on dit dans le jargon pétrolier, c’est à dire en mer. Et la tendance va s’amplifier. Le pétrole et le gaz de demain, c’est en mer que nous irons le chercher. Et nous avons un atout extraordinaire que nos politiques délaissent pourtant année après année. La France n’est pas seulement un territoire européen. Elle est un territoire mondial. Nous avons la deuxième zone économique exclusive du monde, après les États-Unis, avec 11 millions de km², dont 90 % dans les départements et collectivités d’Outre-mer, souvent des îlots du bout du monde où notre Marine nationale patrouille de moins en moins faute de crédits. En réalité, c’est grâce aux fonds des océans que nous pourrions devenir une grande puissance pétrolière et gazière, mais aussi une puissance qui saurait maîtriser les hydrates de gaz, et quantité de ressources minérales stratégiques, grâce aux sulfures hydrothermaux riches en cuivre, zinc, plomb, cobalt, argent et or, et les fameux nodules polymétalliques. Les énergies de demain, celle des courants marins, ou la troisième génération de biocarburants qui épargnera de précieuses terres agricoles, comme les nouvelles formes d’alimentation, viendront de cette magnifique qualité maritime dont jouit la France.

Quand on pense que cette année 2013 nos politiques ont failli laisser s’échapper de notre souveraineté, l’île de Tromelin, dans l’océan Indien, cet îlot qui avec son kilomètre carré de surface battue par les vents nous offre un domaine maritime de 285 000 km2, la moitié du territoire de la métropole, et bien sûr toutes les ressources halieutiques, les ressources en poisson qui vont avec ! Voilà de quelle manière nous sommes gouvernés aujourd’hui, dans l’indifférence politique devant les sujets de grande ampleur, dans l’ignorance de la longue durée, au profit de la comédie médiatique, de l’immédiateté, du court-terme, qui ronge notre classe politique et l’empêche de faire les choix décisifs. Heureusement qu’il reste un État, avec des hauts fonctionnaires qui, souvent encore, ont le sens de l’État, le goût de l’intérêt général, que j’appelle moi le Bien commun des Français. Ils regardent vers nous de plus en plus, ces vrais serviteurs de l’État, car ils ont compris qu’entre la liquidation de l’État et l’étatisme pachydermique il y a un juste chemin, il y a la restauration d’un État moderne et performant, d’un État stratège venant en appui de l’économie libre. Et s’il y a bien un domaine où justement c’est l’État qui devra donner l’impulsion, c’est celui de la mer !

Car demain, Mesdames et Messieurs, une grande partie des contentieux et conflits géopolitiques dans le monde vont porter sur la souveraineté maritime. En Asie, les tensions sont fortes entre Chine, Japon, les deux Corée, et bien d’autres pays, autour du contrôle d’îles considérées comme stratégiques. Chacun veut étendre son domaine maritime, et la Chine en particulier veut régner sur la mer de Chine pour s’offrir ensuite le grand large, le Pacifique, où elle rencontrera bientôt, comme le fit le Japon à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, la domination américaine sur le Pacifique. Allons-nous, là encore, abandonner notre Pacifique Sud au duel sino-américain ? Entendez-vous nos politiques nous parler de la mer ? Non, cela devrait pourtant être un sujet de premier plan pour nos belles provinces maritimes de l’Ouest et du Sud, et pour notre France lointaine, cette France lointaine qui, je l’espère, finira bientôt par s’affranchir des fausses idées et des préjugés, et par comprendre que nous sommes les seuls à l’aimer et tenir autant à elle.

Mesdames et Messieurs, si la souveraineté n’avait pas d’avenir comme le proclament les chantres de l’européisme depuis des décennies, alors pourquoi le monde entier investit-il autant dans la souveraineté maritime ? Pourquoi se bat-on autant pour avoir une zone économique exclusive et, au-delà même, une extension du plateau continental ? Regardez ce paradoxe extraordinaire, au moment où l’on continue à faire croire que la souveraineté est tournée vers le passé : jamais, je dis bien jamais dans l’histoire de l’humanité, les souverainetés ne s’étaient autant étendues sur les mers et les océans qu’en ce début de XXIe siècle ! Demandez aux Brésiliens de vous parler de l’Atlantique Sud ! Ils vous expliqueront qu’ils veulent dominer l’Atlantique Sud jusqu’au Golfe de Guinée et empêcher l’OTAN de s’y aventurer. Demandez aux Canadiens pourquoi ils sont en train de renforcer leur marine de guerre, dans la perspective de la grande mêlée pour le contrôle des routes de l’Arctique, où les glaces sont en train de fondre ! Regardez les Russes, jamais depuis Pierre le Grand, ils n’avaient lancé un tel effort naval ! Et je ne parle pas de la Chine qui aura ses porte-avions, de l’Inde, de la croissance formidable du nombre de navires de surface et de sous-marins dans toute l’Asie et en Amérique latine !

Mais l’accès aux ressources, ce ne sont pas seulement les réserves d’hydrocarbures offshore ou les mines d’uranium du Niger et du Mali, la sécurité alimentaire sera aussi un grand problème dans les années à venir. En 2050 ce seront entre 9 et 14 milliards de personnes qu’il faudra nourrir sur la planète, soit une augmentation au minimum de + 70 % de la demande alimentaire globale. L’évolution des régimes alimentaires dans les pays émergents qui s’approchent des régimes alimentaires des pays industrialisés, est un facteur qui va fortement augmenter la consommation de viande et de lait, donc, en amont, le besoin de céréales. Comme pour l’énergie, qui nous conduit à la souveraineté maritime, la géopolitique de l’agriculture nous ramène à la souveraineté terrestre, qui elle aussi est loin d’être dépassée, bien au contraire, à ces stratégies de nombreux pays pour acquérir des terres agricoles, pour augmenter leur souveraineté sur des terres fertiles, en Afrique, en Amérique latine ou ailleurs. Regardez le problème de la Chine qui, avec 9 % des terres agricoles, doit nourrir 20 % de la population mondiale et qui a déjà acheté 2 millions d’hectares de terres cultivables en Asie et en Afrique. Ma conviction c’est que sur ce sujet, comme sur tant d’autres, nos gouvernants se sont cruellement trompés : ils ont cru qu’une économie moderne n’était qu’une économie de services, et j’apprenais en effet à l’école que dans les pays développés les secteurs dits primaire (l’agriculture) et secondaire (l’industrie) cèderaient naturellement leur place, suivant une sorte de loi de l’histoire et de la globalisation, au secteur tertiaire, les services. Ils se sont trompés. Une large partie de la puissance des États-Unis aujourd’hui c’est bien sa puissance agricole. Et quand on dit que le protectionnisme c’est dépassé, et bien les États-Unis, entre 2008 et 2012 ont aidé leur agriculture à hauteur de 300 milliards de USD. Les États-Unis ont 17 % de leur population active dans le secteur agro-alimentaire. Avez-vous l’impression qu’ils sont en arrière de l’histoire ?

Il y a une grande constante de l’histoire de France, c’est que notre grandeur s’est faite avec nos paysans, nos marins, nos ouvriers, nos ingénieurs, alors si notre agriculture s’efface, que nos usines et nos chantiers navals ferment, que nos ingénieurs partent en Allemagne, aux États-Unis ou en Asie, de quoi la puissance française sera-t-elle faite demain ?

Mesdames et Messieurs, la France a su affronter depuis plus de 15 siècles des défis considérables et elle les a relevés. Rien n’est perdu. Bien au contraire, tout devient possible car le réveil est en marche, nous avons d’abord un chef, Marine, qui a démontré des qualités de caractère et de conviction, que personne ne possède dans l’offre politique concurrente, nous avons une dynamique forte qui fera sans doute du Front national bientôt le premier parti de France, nous avons des Français qui sont en train de se réveiller, agressés dans leur identité, agressés dans leurs valeurs familiales, agressés dans leur situation économique et sociale. C’est hélas bien humain, beaucoup ne prennent conscience du danger que lorsqu’ils l’expérimentent eux-mêmes. Et de ce point de vue il y a un effet statistique. Comme de plus en plus de Français expérimentent eux-mêmes l’agression de notre identité et la perte de notre rang, ils se réveillent et nous rejoignent. Ce n’est pas que nous prospérerions sur les peurs et la misère comme aiment à le dire beaucoup de médias, c’est tout simplement que la peur et la misère ne trouvent aucune réponse crédible ailleurs que chez nous ! Ce n’est pas la même chose ! Ils inversent les choses dans le seul but de protéger les positions de ceux qui gouvernent depuis des décennies et n’ont pour seul bilan, objectif, implacable, que le déclassement progressif de la France sur la scène internationale et l’expansion de la souffrance chez nous.

Nous ne pourrons relever ces défis géopolitiques mondiaux que si nous reprenons en main notre destin et donc qu’à la condition de changer d’Union européenne, de rompre avec un projet européiste qui avait promis aux Français l’Europe-puissance et qui leur a donné l’Euramérique et l’Eurabia, à la condition de retrouver notre souveraineté et de défendre la réorganisation d’une Europe-civilisation fondée sur les nations libres.

Alors nous romprons avec cela, avec l’européisme bruxellois comme avec l’atlantisme, en contribuant d’abord à forger un axe Paris-Berlin-Moscou solide sur le continent européen, nous prônerons l’équilibre entre les États-Unis et la Chine en soutenant l’équilibre multipolaire et la paix des armes, en nous posant comme une puissance de médiation sur la scène internationale, nous favoriserons notre influence culturelle et politique à travers la Francophonie, nous relancerons une politique africaine fondée sur le développement et la maîtrise des flux migratoires, en sortant du couple malsain corruption/repentance coloniale, nous travaillerons à faire barrage au fondamentalisme religieux au Moyen-Orient, nous soutiendrons une paix juste au Proche-Orient, nous renforcerons notre projection d’influence économique et politique dans le Pacifique Nord tout en maintenant et consolidons notre position précieuse dans le Pacifique Sud, nous referons de la France une grande puissance maritime et dotée d’un outil de défense terrestre, aérien et naval à la hauteur des menaces des décennies à venir, nous sécuriserons nos approvisionnements stratégiques sans dépendre des États-Unis, et grâce à l’État stratège il n’y aura pas un secteur de l’innovation qui échappera à nos ingénieurs, à nos scientifiques.

Mesdames et Messieurs, je choisis, ici à Marseille, ville tournée vers notre vocation maritime, mais aussi ville attaquée au plus profond de son identité par le crime et le mépris des Français, ville où éclate au visage des Français la terrible impuissance de notre État et de ses dirigeants, je choisis de vous dire que je soutiens désormais publiquement votre combat, que j’y adhère pleinement, et que je me range derrière Marine Le Pen, seul chef politique capable de fédérer la dynamique patriotique qui se développe dans notre pays ! À vous tous ici qui combattez avec courage, parfois depuis de longues années et au prix de vos positions sociales, je demande d’admettre en vos rangs un amoureux acharné de la France, descendant de générations de paysans et de marins qui ont versé leur sang pour notre liberté, et qui ne veut pas léguer à ses enfants, l’entrée dans une autre civilisation !

Je dis aussi à ceux qui, parce qu’ils croient en leurs qualités intrinsèques, ou bien qui restent dans l’immaturité adolescente du combat pur et sans compromis, à tous ceux là qui mènent des aventures personnelles et groupusculaires, je leur dis : « Vous n’avez aucune chance de décoller et vous ne ferez qu’ajouter à l’inertie et la désunion, qui ont tant fatigué notre pays à travers les siècles, et vous ne ferez que reculer le moment du redressement. » Faites donc taire vos logiques d’ego derrière la seule logique pragmatique et intelligente qui puisse être : faire gagner la dynamique nationale qui pèse le plus sur la scène politique française.

Je dis encore, à ceux qui voient toujours quelques barrières idéologiques à un plein ralliement à Marine Le Pen, à sa dynamique de rassemblement, je leur dis :

Oubliez ce qui différencie, regardez plutôt ce qui unit, l’amour de la France, la volonté de perpétuer notre civilisation française, et sortez des querelles gauloises, parce que les uns voudraient plus d’État, d’autres en voudraient moins, parce que les uns voudraient plus de laïcité, d’autre plus de christianisme, rassemblons-nous, gagnons et donnons enfin une chance à la France de rester la France !

Aymeric Chauprade, 14 septembre 2013

Arabie Saoudite : Le silence blanc et un cocktail de wahhabisme et de pétrole

  Nazanin Armanian
Arabie Saoudite : Le silence blanc et un cocktail de wahhabisme et de pétrole
 
Jack London disait : « Alors que le silence de l’obscurité est protecteur, le silence blanc - à la lumière du jour -, est terrifiant ». Ainsi se meuvent les cheiks d’Arabie Saoudite de par le monde, furtivement. Couverts par la complicité de la presse « démocratique » de l’Occident qui, se gardant bien de porter préjudice à l’image de ce régime de terreur comparé auquel les autres dictatures de la région ressemblent à de pures démocraties, occulte tout simplement ce qu’il s’y passe. Par exemple : en mai dernier, cinq Yéménites accusés de « sodomie » ont été décapités et crucifiés par le gouvernement. Les attaques perpétrées par plusieurs individus contre des homosexuels en Russie avaient pourtant fait la Une pendant des jours.

Contrats de ventes d’armes et odeur du pétrole à bas prix, entre autres, contribuent à désactiver la « moralité » des défenseurs des Droits de l’Homme. Forçant le président des USA, Barak Obama lui-même, à une révérence, presque un agenouillement face au monarque saoudien.

L’Arabie Saoudite élargit son pouvoir et sa zone d’influence. En plus d’utiliser l’argument du pétrole, elle exporte à grande échelle le wahhabisme, de surcroît takfiri : non seulement il considère comme des ennemis de l’Islam tous les non-musulmans - même les pratiquants des autres religions du Livre - mais il considère comme « infidèles » les autres musulmans et appelle au Jihad, dans son sens guerrier, afin de les guider vers le bon chemin. En utilisant les attraits du fameux « gagner le butin dans ce monde et le Ciel dans l’autre » utilisé par les premiers conquérants arabes, les wahhabites takfiris ignorent l’avertissement du Coran (14 :4) qui affirme : « Et Nous n'avons envoyé de Messager qu'avec la langue de son peuple, afin de les éclairer. » Ainsi Il « envoya » Moïse pour les juifs, Zarathushtra pour les perses et Mahomet pour les arabes. Alors pourquoi Riad envoie-t-il en Afghanistan, en Tchétchénie ou en Europe des wahhabites arabes propager des ordonnances élaborées par et pour des sociétés tribales de la péninsule arabique il y a quatorze siècles ?

Protégés par les pétrodollars et la force militaire des Etats-Unis, les leaders saoudiens, non seulement affirment être les représentants d’Allah sur Terre, mais de surcroît transfèrent leur agenda politique au monde entier, provoquant tensions et chaos en terres lointaines, renversant des gouvernements non-alignés et réprimant des soulèvements populaires : Afghanistan, Tchétchénie, Bahreïn, Irak, Lybie, Egypte et à présent, Syrie.

Ce pays, qui porte le nom de la famille qui le gouverne comme s’il s’agissait de son fief privé, exhibe sur son drapeau l’image d’une arme, une épée. Toute une déclaration d’intentions basée sur certains principes au nom desquels on tranche les têtes des dissidents politiques, assassins, sorciers et autres jeteurs de sorts.

La théocratie octogénaire saoudienne a une vision du monde profondément irrationnelle, un regard moyenâgeux très particulier sur le concept d’Etat, le pouvoir et la sécurité nationale. Elle abuse de l’emploi de la force et de l’arbitraire pour imposer sa volonté. Elle ignore le rôle de la société civile en politique, et elle est incapable d’élaborer un projet régional viable et en accord avec les droits humains.

Obsédés par l’Iran

Ryad considère l’Iran comme son principal ennemi. Son intervention en Syrie est motivée par la volonté de « rompre le croissant chiite ». Il serait erroné d’exprimer cette poussée de conflits en terme d’arabo-perse ou sunnite-chiite. Les dirigeants religieux iraniens ne sont pas nationalistes mais plutôt « Pan-islamistes » et étendent leur zone d’influence dans le but d’acquérir une sécurité stratégique.

Le scénario actuellement en cours au Proche-Orient infirme totalement la pseudo-théorie du « choc des civilisations » de Samuel Huntington : elle ne saurait expliquer comment une Arabie Saoudite musulmane s’allie à un Israël juif et à des Etats-Unis chrétiens pour détruire les musulmans syriens. Ni comment elle a participé à la destruction de l’Irak, de la Lybie et de la Syrie, trois Etats arabes.

L’Arabie Saoudite et Israël n’ont pas pardonné aux Etats-Unis d’avoir cédé le pouvoir aux chiites pro-iraniens en Irak. Les attentats qui ôtent quotidiennement la vie à une centaine d’Irakiens sont le reflet de la bataille menée par ces trois pays pour s’approprier les ressources de l’Irak.

Ryad est déjà parvenu il y a longtemps à ce que les médias éliminent le terme « persique » du golfe qui porte ce nom depuis 2.500 ans - le substituant par « (guerre du) Golfe » ou encore « golfe arabique » (si le Pakistan était un état riche, il aurait donné son nom à l’Océan indien !). A présent, le gouvernement saoudien tente de réduire le pouvoir de l’Iran en envoyant une partie de son pétrole par la Mer rouge, évitant ainsi le détroit d’Ormuz. Il ne lésine pas non plus sur les efforts pour se rapprocher de la minorité arabe iranienne - discriminée par Téhéran- qui peuple la pétrolifère province du Zhousistan, dans le golfe persique.

L’Arabie Saoudite, qui est en train de perdre en Syrie, bien qu’elle ait gagné au Yémen, en Lybie et en Egypte pourrait avoir à essuyer un coup dur : que la République Islamique parvienne à un accord avec les Etats-Unis : mettre fin à son programme nucléaire et ôter son soutien à Bashar al Assad en échange de garanties de ne pas être attaquée par Israël.

Les angoisses des Etats-Unis

En plus des trois piliers de l’influence saoudienne aux Etats-Unis : le secteur financier, le pétrole et l’industrie militaire, il faut compter des organisations comme la Ligue Musulmane Mondiale, le Conseil des relations Americano-Islamiques, la Société Islamique d’Amérique de Nord, l’Association des Etudiants Musulmans (notamment), qui convergent autour de l’objectif d’affaiblir l’Islam modéré. Mais la Maison Blanche n’en a que faire. Les investissements saoudiens atteignent les six milliards de dollars, sans compter le retour de l’argent de la vente du pétrole aux entreprises d’armement étasuniennes.

L’OTAN a invité l’Arabie Saoudite à intégrer sa structure. Dans le même temps, Obama a signé avec Al Saud une vente d’arme d’une valeur de 67 milliards de dollars, le plus important accord de vente d’arme entre deux états de l’histoire.

Bien que le vieux pacte « pétrole à bas prix contre protection militaire » soit toujours en vigueur entre les deux parties, il se pourrait que la convergence d’intérêts touche à sa fin. La Maison Blanche est inquiète de la situation interne de son seul allié stable dans la région pour plusieurs raisons :

1. Le poids croissant de la faction pan-arabiste au sein de la maison Saoud, une fraction qui considère les Etats-Unis, Israël et l’Iran comme ses principaux ennemis. Cette faction était déjà parvenue à faire expulser les troupes nord-américaines de la terre de Mahomet. De même, la révélation de l’existence d’une base secrète de drones dans ce pays, filtrée par la presse US, bien qu’ayant pour but d’intimider l’Iran, a mis Ryad dans une situation délicate.

2. L’appui d’un certain secteur de la maison Saud au terrorisme anti-USA.

3. Le fait que le régime ait refusé de dissocier l’Etat et la famille royale et de prendre ses distances avec le wahhabisme.

4. Que le régime ignore l’urgence de mettre en place des réformes politiques, comme d’introduire le suffrage universel, créer des partis politiques tout en restant une dictature. La pauvreté touche des millions de personnes, obtenir un crédit immobilier implique des années sur une liste d’attente et l’atmosphère de terreur asphyxie toute tentative de progrès.

5. L’incertitude du résultat de la lutte pour la succession du roi Abdallah de 89 ans, malade, dont l’héritier, le prince Salman, de 78, souffre également d’ennuis de santé propres à son âge. Les quarante fils mâles du monarque sont à l’affût.

6. Une opposition faible et fragmentée qui complique la situation, ainsi que le manque d’expérience du peuple pour se mobiliser. Les dix fondateurs du parti politique islamiste Umma, qui en ont réclamé la légalisation ont été arrêtés : ils exigeaient la fin de la monarchie absolue. Il en fût de même, il y a quelques années, pour les dirigeants du parti communiste.

La mort de la poule aux œufs d’or ?

Au ralentissement de la croissance économique de 5,1% généré par les prix élevés de l’or noir en 2012, il faut ajouter la diminution de la capacité du pays en production de pétrole brut. De plus, la population est passée de 6 millions de personnes en 1970 à 29 millions actuellement, augmentant donc considérablement la demande en énergie. Il est à craindre qu’à partir de 2028, l’Arabie Saoudite soit contrainte d’importer du pétrole. Ryad a maintenu jusqu’à présent des prix bas dans le but d’empêcher les investissements publics en énergies alternatives dans les pays consommateurs. Mais à présent elle n’a plus d’autre choix que de les augmenter.

Il s’agit d’une économie fragile, mono-productrice et d’un pays soumis à la corruption où l’on manque d’eau potable et d’électricité même dans la capitale. Un pays qui, malgré les gains pétroliers - quelques 300 milliards de dollars en 2011, sans compter les bénéfices du « tourisme religieux » de millions de musulmans à La Mecque -, doit faire soigner son propre chef d’Etat dans un hôpital du Maroc. Pendant qu’on planifie la construction d’une station de métro aux murs d’or et d’argent...

Il faut aussi relever qu’alors que Kadhafi convertissait le désert libyen en verger en construisant un fleuve artificiel de 4.000 kilomètres de long, le régime saoudien spoliait les terres fertiles et les eaux africaines : Egypte, Sénégal et delta du Mali, afin de s’approvisionner en aliments.

Les cheiks ont à présent affaire à une société jeune, qui commence à être contestataire, qui souhaite en finir avec les vêtements « blanc et noir ». Les femmes surtout veulent se libérer du vêtement de deuil obligatoire et cesser d’être considérées comme des mineures toute leur vie, constamment dépendantes d’un tuteur mâle.

Les Saoudiens, malgré le fait de financer le « dialogue des civilisations » : réunion de leaders religieux pour consolider leurs alliances dans le but de faire obstacle à la laïcisation et au progrès dans leurs sociétés, malgré le fait d’interdire sur leur territoire toute activité religieuse non wahhabite, ont obtenu du gouvernement espagnol l’ouverture d’une succursale du Centre Roi Abdallah Ban Abdulaziz pour le Dialogue Interreligieux et interculturel.

« Cela n’a rien de personnel, c’est du business » dirait le Parrain.


Notes

Nazanin Armanian est un écrivain d’origine iranienne qui habite en Espagne depuis 1983. Elle donne des cours en ligne sur le monde arabe à l'Université de Barcelone depuis 2008 et publie un article tous les dimanches sur blogs.publico.es/puntoyseguido/. Armanian a publié 15 livres en espagnol, dont « Iran : la revolucion constante » (2012), « El Islam sin velo » (2010) et « Al gusto persa : tradiciones y ritos iranies » (2007).

La « prémajorité », un excellent projet de diversion

Philippe Randa
La « prémajorité », un excellent projet de diversion
 
La réflexion entreprise par madame la ministre de la Famille pour accorder de nouveaux droits aux grands adolescents, en créant un statut de « prémajorité » est assurément une idée d’importance et d’actualité, tout le monde en convient.

On ne sait trop le pourquoi de la chose… Certains songent à de basses considérations électorales : quand le président Giscard d’Estaing abaissa de 21 à 18 ans l’âge de la majorité, c’est ce qu’il espérait. Mais patatras ! Les jeunes avaient alors massivement portés leurs bulletins de vote sur son rival socialiste. Mauvaise pioche.

Aujourd’hui, que pourrait-il en être ?… Les sondages indiquent régulièrement une forte attirance des jeunes pour… le Front national, déjà du temps du père, encore plus nettement avec la fille à la tête du mouvement. Pari risqué, donc !

Non, sans doute n’est-ce pas tant à des calculs électoraux que madame la ministre songe en agitant une telle idée dont on hésite à la considérer parfaitement grotesque, sans intérêt… ou encore dangereuse pour les intéressés, comme le souligne le pédopsychiatre Christian Flavigny : « On est dans l’illusion que le respect des enfants, c’est de leur laisser la décision. Toutes ces idées dans le vent qui poussent à laisser les jeunes choisir – jusqu’à leur sexe ! – c’est en fait une démission de notre rôle d’adultes. »

Il est plus certain que Dominique Bertinotti, la ministre en question, voit dans ces « quatre groupes de travail dirigés par des experts » plutôt un excellent moyen de faire parler d’elle… Qui la connaissait auparavant, à part les habitants du 4e arrondissement parisien qui en avait fait un temps leur premier édile ?

Devenu ministre, il lui fallait se faire connaître, laisser une trace de son passage, un souvenir même fugace ou futile, à défaut d’être impérissable. C’est le challenge des ministres de second rang, voire de troisième catégorie… Obtenir quelques articles et interviews quelques jours durant, ce n’est pas rien… Et puis, se prennent à rêver ces ministres-là, imaginons que, faute des résultats économiques ou sécuritaires promis, il faille détourner le courroux de l’Opinion publique mécontente ? Le gouvernement pourrait un jour décider de donner suite à un projet de diversion… et alors, ce serait le jour de gloire de Dame Bertinotti, la postérité assurée, un peu comme Christine Taubira avec sa loi sur le Mariage pour tous !

Dans le temps, on mariait bien à l’âge nubile de douze ans pour les filles et quatorze ans pour les garçons… alors, un projet de loi sur une pré-majorité à 16 ans, ça ou autre chose ! s’est-elle dit ou plutôt a-t-elle été conseillée.

Quant au projet en question… Pour Dame Bertinotti, il s’agit de « faire de l’adolescence une sorte d’apprentissage de la citoyenneté ». Excellent ça ! à un âge où les jeux vidéos obsèdent la plupart de nos chers boutonneux et boutonneuses, si ce n’est pour les plus déluré(e)s d’entre eux les jeux de la drague et plus si affinités…

« Aujourd’hui, les mineurs sont des objets de droits, ils doivent devenir des sujets de droits », surenchérit la Ministre. Belle formule. Qui ne veut rien dire, mais qui sonne bien… et qui ne lui attirera guère de remontées de bretelles.

Mais une proposition qui n’a aucun intérêt suscite, hélas, tout autant un manque d’intérêt ! C’est évidemment l’envers de la médaille ! Dominique Bertinotti n’est pas Manuel Valls. Les jeunes font moins polémiques que les Roms. À croire qu’ils donnent moins de soucis (!)… ou pas les mêmes !

D’ailleurs, s’ils auront le droit de déposer un bulletin de vote pour le candidat de leur choix (ou de celui qui aura fait le plus de buzz sur les réseaux sociaux), il n’est pas question un instant qu’ils soient « prémajeurs » devant les tribunaux.

« En tout cas “pas pour le moment” », précise Dame Bertinotti dont la hardiesse pour faire parler d’elle ne va tout de même pas jusqu’à courir le risque d’être clouée au pilori de la suspicion d’être répressive.

« Le tact dans l’audace, c’est de savoir jusqu’où aller trop loin », écrivait Jean Cocteau.

Avec madame la ministre, « le tact dans l’inutilité, c’est de savoir jusqu’où faire du buzz sans aller trop loin… »

jeudi 26 septembre 2013

MERIDIEN ZERO : EMISSION n° 158 : "EUROPE MAD MAX"

 Ce vendredi Méridien Zéro reçoit Bernard Wicht, géopolitologue suisse, pour son dernier ouvrage "Europe Mad Max".
Jean-Louis Roumégace à la barre, accompagné de monsieur PGL.
Lord Tesla à la technique.


mercredi 25 septembre 2013

Schopenhauer : Le monde comme volonté et comme représentation

Roland Dumas: les Anglais préparaient la guerre en Syrie deux ans avant les manifestations en 2011

France/ Occident : les dissidents du XXIe siècle

Michel Geoffroy - Polemia
Occident : les dissidents du XXIe siècle

« L’apparition de la dissidence montre qu’un système touche à sa fin. »

En France, en Occident, le temps de la transgression est venu, la dissidence explose : dissidents littéraires qui rejettent la médiocrité et le conformisme ; artistes dissidents qui refusent le non-art contemporain ; dissidents politiques qui ne croient plus aux partis institutionnels ; dissidents médiatiques qui ne supportent plus les bobards ; dissidents économiques qui préfèrent l’exil au fiscalisme ; dissidents moraux qui manifestent contre le mariage homosexuel ; dissidents scolaires qui fuient le naufrage de l’école publique ; dissidence populaire qui ne fait plus confiance à l’oligarchie ; dissidence identitaire contre le grand remplacement programmé des Européens ; dissidents contre les fauteurs de guerre occidentaux. Dissidents de toute tendance, unissez-vous ! Michel Geoffroy analyse le phénomène et le compare à ceux qui ont précédé la chute de l’Union soviétique.

Honneur aux dissidents

Les dissidents soviétiques avaient bonne presse en Occident dans les années 1970, car ils permettaient d’attaquer l’URSS sur les droits de l’homme – dont l’idéologie commençait à prendre sa forme moderne – et en particulier sur le droit d’émigrer (déjà…). Ils révélaient aussi la réalité cachée du communisme, même si en fait on savait déjà tout depuis Victor Kravtchenko (J’ai choisi la liberté, 1946) et même bien avant.

On se souvient notamment de V. Boukovski, d’A. Zinoviev, d’A. Ginsburg, des frères Kopelev, ou Medvedev, de L. Pliouchtch et, bien sûr, d’A.Soljenitsyne.

Les dissidents ont cependant commencé à moins intéresser l’Occident quand, ayant quitté l’URSS, ils ont commencé à déclarer que le « monde libre » n’était pas non plus le paradis. Et plus encore quand ils ont préféré revenir en Russie après la chute du communisme, comme Soljenitsyne, par exemple. Mais tant qu’il s’agissait de mettre en accusation l’Union soviétique, l’Occident souhaitait la bienvenue aux dissidents. Mais aujourd’hui les rôles se sont inversés.

Le phénomène de dissidence marque l’usure d’un système

L’apparition de la dissidence montre qu’un système touche à sa fin.

Le phénomène de dissidence correspond au fait qu’un jour, et d’une façon imprévisible, des personnes du système décident de ne plus jouer le jeu en acceptant, en outre, d’en supporter personnellement les conséquences. Ce qui signifie qu’ils ne croient plus au système dans lequel ils vivent et qu’ils n’ont en outre plus peur de vouloir le changer.

Ainsi, recrutés avant tout parmi les intellectuels et les chercheurs choyés par le régime, les dissidents soviétiques montraient que le mythe communiste ne faisait même plus rêver « l’avant-garde du prolétariat ». Comme le décrit A. Soljenitsyne dans son livre Le Chêne et le Veau, l’existence de la dissidence portait des coups de boutoir répétés sur le régime soviétique d’autant plus redoutables qu’elle provenait de l’intérieur du système lui-même. Comme un jeune veau têtu peut finir par abattre à la longue un vieux chêne.

Ce phénomène s’est déjà produit dans l’histoire, notamment à la fin de l’Ancien Régime, quand une partie de la noblesse s’est ralliée aux « Lumières ».
Les dissidents du XXIe siècle

La dissidence réapparaît aujourd’hui en Occident.

Julian Assange, Bradley Manning et Edward Snowden sont en effet des dissidents du XXIe siècle. Et comme leurs homologues soviétiques, ils annoncent que le système occidental se fissure de l’intérieur.

Bien qu’anglo-saxons, donc issus de la population dominant le système occidental, ces trois dissidents ont décidé un jour, et d’une façon imprévisible, de révéler au monde la réalité cachée de la politique américaine, en faisant la lumière sur les activités secrètes d’écoute des communications mondiales par la NSA auxquelles il participait, pour Snowden, ou en organisant la divulgation de documents diplomatiques ou militaires américains classifiés, pour Assange et Manning, via Wikileaks.

Ces dissidents ne pouvaient ignorer les risques auxquels ils s’exposaient. Ils les ont pourtant assumés en démontrant par là même qu’ils plaçaient l’exigence de vérité plus haut que leur propre sécurité ou que leur loyauté vis-à-vis du système occidental.

Leur dissidence porte aussi sur les télécommunications et l’internet : donc sur le cœur du réacteur occidental contemporain et sur le levier principal de sidération des populations.

Tous les trois sont jeunes, enfin : ce qui montre que la contestation monte des profondeurs du système.

Comme en URSS

Le sort des dissidents occidentaux n’a rien à envier à celui des soviétiques. Les dissidents soviétiques ne trouvaient pas asile dans les pays du Pacte de Varsovie. Il en va de même pour les dissidents du XXIe siècle : aucun pays « libre » du bloc occidental – qui croule pourtant sous les « réfugiés » venus de toute la terre – n’a couru le risque de les accueillir et de mécontenter ainsi le « grand frère » américain. Y compris les pays espionnés par la NSA et qui se sont donc montrés pas très rancuniers ! L’oligarchie présente, bien sûr, les dissidents comme des délinquants et des hooligans, comme au temps de l’URSS.

Manning, qui a déjà passé 1200 jours sous les barreaux, a été condamné à 35 ans de prison, même s’il a évité l’incrimination de « collusion avec l’ennemi » qui lui faisait courir le risque d’emprisonnement à vie. Manifestement, pour la justice militaire américaine le reste du monde s’assimile donc à un territoire ennemi, cela soit dit en passant. Peut-être le retrouvera-t-on un jour pendu dans sa cellule, comme cela arrive parfois en Occident ? Assange, réfugié à l’ambassade d’Equateur à Londres, se trouve sous le coup d’une demande d’extradition et de différentes accusations notamment d’abus sexuel. On a fait aussi circuler la rumeur qu’il se compromettait avec l’extrême droite (Le Monde du 23 août 2013), ce qui correspond en Occident au crime suprême de « contre-révolution » dans le bloc soviétique. Snowden, accusé d’espionnage, de vol et d’utilisation illégale de biens gouvernementaux, n’a pu obtenir que l’asile temporaire en Russie.

Le goulag médiatique

Les médias, habituellement si aimables avec les délinquants de toute sorte, n’ont cessé, avec un bel ensemble, de dévaloriser la portée de leurs gestes (ils n’auraient révélé qu’un secret de Polichinelle) ou leur personnalité.

Manning, que l’on présentait ainsi comme un « jeune homme » un peu dépassé, en a d’ailleurs profité habilement devant le tribunal militaire pour faire adoucir sa peine ! Le goulag médiatique est, certes, plus soft que le goulag soviétique, mais il vise à produire les mêmes effets : réduire au silence et condamner à la mort sociale.
L’Occident, URSS du XXIe siècle

Les dissidents se multiplient en réalité en Occident, pour la même raison qu’en Union soviétique. Car on croit de moins en moins aux mensonges idéologiques sur lesquels repose le Système et ses résultats inspirent de plus en plus la défiance.

Dissidents littéraires qui rejettent la médiocrité et le conformisme, artistes dissidents qui refusent l’art officiel cosmopolite déraciné, dissidents politiques qui ne croient plus aux partis institutionnels, dissidents médiatiques qui ne supportent plus les bobards, dissidents économiques qui préfèrent l’exil au fiscalisme, dissidents moraux qui manifestent contre le mariage homosexuel, dissidents scolaires qui fuient le naufrage de l’école publique, dissidence populaire qui ne fait plus confiance à l’oligarchie, dissidence identitaire contre le grand remplacement programmé des Européens, dissidents contre les fauteurs de guerre occidentaux.

Malgré la police, malgré le goulag médiatique, malgré la menace économique, la dissidence progresse partout en Occident. Parce que le Système craque de toute part.

Nous sommes tous des Assange, des Manning et des Snowden !