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jeudi 19 septembre 2013

1909 - le Manifeste du futurisme






megalithe





1. Nous voulons chanter l’amour du risque, l’habitude de l’énergie et de la témérité.

2. Le courage, l’audace et la révolte seront les éléments essentiels de notre poésie.

3. La littérature ayant jusqu’ici magnifié l’immobilité pensive, l’extase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif, l’insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing.

4. Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive … une automobile rugissante qui semble courir sur la mitraille est plus belle que la Victoire de Samothrace.

5. Nous voulons chanter l’homme qui tient le volant dont la tige idéale traverse la Terre, lancée elle-même sur le circuit de son orbite.

6. Il faut que le poète se prodigue avec chaleur, éclat et prodigalité, pour augmenter la ferveur enthousiaste des éléments primordiaux.

7. Il n’y a plus de beauté que dans la lutte. Pas de chef d’œuvre sans un caractère agressif. La poésie doit être un assaut violent contre les forces inconnues pour les sommer de se coucher devant l’homme.

8. Nous sommes sur le promontoire extrême des siècles ! … A quoi bon regarder derrière nous , du moment qu’il faut défoncer les vantaux mystérieux de l’Impossible ? Le Temps et l’Espace sont morts hier. Nous vivons déjà dans l’absolu, puisque nous avons déjà créé l’éternelle vitesse omniprésente.

9. Nous voulons glorifier la guerre - seule hygiène du monde -, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent et le mépris de la femme.

10. Nous voulons démolir les musées, les bibliothèques, combattre le moralisme, le féminisme et toutes les autres lâchetés opportunistes et utilitaires.

11. Nous chanterons les grandes foules agitées par le travail, le plaisir ou par la révolte ; les ressacs multicolores et polyphoniques des révolutions dans les capitales modernes ; la vibration nocturne des arsenaux et des chantiers sous leurs violentes lunes électriques ; les gares gloutonnes avaleuses de serpents qui fument ; les ponts aux bonds de gymnastes lancés sur la coutellerie diabolique des fleuves ensoleillés ; les usines suspendues aux nuages par des fils tordus de fumée, les paquebots aventureux flairant l’horizon ; les locomotives au grand poitrail, qui piaffent sur les rails tels d’énormes chevaux d’acier bridés de long tuyaux et le vol glissant des aéroplanes dont l’hélice a des claquements de drapeaux et des applaudissements de foule enthousiaste.

C’est en Italie que nous lançons ce manifeste de violence culbutante et incendiaire, par lequel nous fondons aujourd’hui le Futurisme parce que nous voulons délivrer l’Italie de sa gangrène de professeurs, d’archéologues, de cicérones et d’antiquaires …

L’Italie a été trop longtemps la grand marché des brocanteurs. Nous voulons la débarrasser des musées innombrable qui la couvrent d’innommables cimetières.

Musées, cimetières ! … Identiques vraiment dans leur sinistre coudoiement de corps qui ne se connaissent pas.


Signé : FILIPPO TOMMASO MARINETTI (Extrait du manifeste paru dans « Figaro « du 20 février 1909.)