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samedi 17 novembre 2007

Dependance day









Dependance day

Philippe Delbauvre

Étranger

C’est une indécence politique en passe de devenir une fâcheuse habitude que d’exposer, ou d’utiliser en terre étrangère des problèmes de politique intérieure ; cela d’autant plus que l’objectif de la manœuvre n’a pour but principal que de justifier des choix personnels politiciens qui n’engagent donc que leur seul auteur qui dès lors usurpe sa fonction originelle de représentant national. C’est ainsi que venu en ministre de l’intérieur il y a quelques années lors de son séjour aux Etats Unis, celui qui allait devenir président de la république avait déjà fait entendre sa différence dans un domaine qui ne relevait pas de sa compétence à savoir celui de la politique étrangère. Il vient de récidiver.

On aimerait par exemple savoir en quoi la notion d’ouverture qui se caractérise par l’entrée dans le gouvernement français de personnalités dites socialistes intéresse le congrès américain. A l’évidence d’ailleurs, la proposition suivante est risible et les auditeurs ont du le percevoir ainsi:

« Moi, je ne leur ai pas dit : "ne soyez plus socialistes. Soyez ce que vous êtes et aidez-moi à mettre en œuvre le projet présidentiel tel que les Français l'ont adopté à 53 %”.

En effet, lorsqu’on songe au désagréable ressenti que peut engendrer outre atlantique un tel apport politique, on ne peut qu’imaginer les sourires des élus américains qui évidemment ont apprécié ce qu’ils ont du prendre à juste titre pour une plaisanterie: c’est ainsi que si des socialistes font partie du nouveau gouvernement, c’est qu’ils ne le sont pas. Et s’ils le sont, Nicolas Sarkozy n’est pas libéral: dans les deux cas, il ment.

Peu importe chez les dirigeants américains ce défaut qu’est le mensonge, qui ailleurs rédhibitoire, n’en est pas même un chez eux. Ce qu’ils retiendront est la volonté du président Français de montrer sa volonté d’alignement sur les Usa. Alignement caractérisé par un état d’esprit qui trouve son inspiration aux Etats Unis, comme en témoignent les faits suivants:

L’apologie de la féminisation, conséquence de la féminitude.

« Dans mon gouvernement, il y a une femme ministre de l’économie et des finances ».

La belle affaire que voilà et la mauvaise publicité ainsi faite aux femmes. Quand se décidera t-on à nommer suite aux compétences et non aux accidents de la nature ?

L’apologie de la féminisation tant comme cause que comme conséquence du melting pot.

« Je veux dire aussi, combien je suis heureux d'avoir à mes côtés, Rachida Dati, ministre de la Justice, qui fait un travail remarquable. J'ai voulu dire : "mais voilà, il n'y a pas qu'une France dans la France d'aujourd'hui, il n'y a pas une justice à deux vitesses". J'ai voulu bousculer toutes ces idées sur le racisme. On faisait des beaux discours sur l'intégration, mais… »

« Moi, j'admire les Etats-Unis, parce que Madeleine Albright, Colin Powell, Mme Rice, ce n'est pas des Américains de longue tradition et cela fait plus de vingt ans que votre ministre des Affaires étrangères est un américain venu d'ailleurs. Moi, je suis fier que Rachida Dati soit Garde des Sceaux. »

« La plus jeune du gouvernement Fillon est Rama Yade. Elle travaille au côté de Bernard Kouchner. Pour moi, c'est très important et Rama le sait. Trente ans, beaucoup de talent. A sa façon, elle donne le visage que je souhaitais donner de mon pays, moins classique, mais c'est mon pays, c'est la France. »

S’agit-il dans le cas présent des Etats Unis ou de la France ? Que l’intégration soit une tradition Française n’est historiquement pas contestable mais elle s’est toujours dans le passé réalisée sur la base d’un contrat qui était celui de la République et d’un projet commun . Cette dernière est aujourd’hui remplacée par le marché qui fait fi de tout projet national et les quelques exemples de réussite – sur lesquels on braque les projecteurs – ne doivent pas masquer tous les problèmes que les Français connaissent bien.

La reprise de l’expression de triste mémoire de « nouvelle France ».

Les tenants de l’ancienne France ou de la « Vieille France » en sont ici pour leurs frais puisque c’est justement celle là que l’on brade. On pensera ce que l’on voudra de Ségolène Royal mais le choix non « progressiste » lors du second tour de la présidentielle était justement celui là. Peu importe aussi la staticité chiraquienne tant vilipendée sachant que sur le chemin de l’erreur il vaut mieux être immobile que véloce. La nouvelle France renvoie aussi à une expression similaire, à savoir celle de « nouvelle Europe » qui fut valorisée il n’y a pas si longtemps et ce aux dépends de la France par … les américains justement. Cette nouvelle France n’est autre que la version Française du blairisme, de l’aznarisme et du berlusconisme qui furent alignés tant en politique intérieure qu’en politique étrangère sur … les Etats Unis.

Le vocabulaire.

Voici quelques phrases ou tronçons de phrases extraits du discours de Nicolas Sarkozy.
« Je suis très fier »
« à nos amis américains
« Bernard Kouchner, qui est un ami des Etats-Unis »
« Je suis très fier et très heureux »
« Moi, je ne leur ai pas dit. »
« Moi, j'étais »
« je suis fier, et je me dis »
« combien je suis heureux »
« Moi, j'admire les Etats-Unis »
« Moi, je suis »
« J'étais fier que la Garde des Sceaux »
« Pour moi, c'est très important »
« elle était très émue, moi aussi »
« Moi, je veux m'inscrire dans cette tradition là »
« Moi, je suis venu vous dire que le peuple français n'oubliera jamais. »
« Il y a une dette éternelle du peuple français à l'endroit du peuple américain pour ce que vous avez fait pour nous. »
« mais on reste des amis, parce que l'on est de la même famille. »
« Dans une famille, on peut assumer ses désaccords, mais on reste des amis. »
« Je ne peux pas m'empêcher de penser, à chaque fois qu'un soldat américain, où que ce soit dans le monde, meurt, à ce que l'armée d'Amérique a fait pour nous.
« Vous savez, ce n'est pas moi qui le dis, ce n'est pas moi qui en parle, c'est le peuple français qui aime le peuple américain. »
« Moi, je veux vous dire une parce que ce qui vous est arrivé aurait pu nous arriver. »
« Mais ce désaccord ne doit pas remettre en cause l'amitié, l'alliance et la solidarité entre nous. »
« J'ai dit que j'étais un ami des Américains. »
« J'aime passionnément mon pays. »
« Je veux pour la France le meilleur. »
« "tiens, on va s'arrêter". C'était extrêmement intéressant, parce que j'ai vu un millier de pêcheurs, c'était un peu rude, un peu franc, mais en moi-même je disais, ces gens qu'est-ce qu'ils veulent ? Ils ne veulent pas mourir et ils ont raison
Je leur ai dit : vous êtes en colère contre qui ? Contre moi ? Moi qui viens vous voir ? Vous auriez dû être en colère contre tous ceux qui auraient dû venir vous voir mais qui ne sont pas venus vous voir.
“A l'arrivée, on a trouvé un accord.” »
« “Mais moi, j'ai cinq ans.” »
« “Comme si cela était de ma faute” »
« “Moi, ce que je pense que ce qui vous intéresse” »
« “Nous, on aime l'Amérique.” »
« “Nous, on aime une Amérique qui est fidèle à ses valeurs.” »
« “On aime la grande Amérique, celle qui sait donner l'exemple.” »
« “On aime l'Amérique qui soutient les créateurs, pas les spéculateurs.” »
« “On aime l'Amérique qui croit au libre-échange, à la concurrence loyale, mais pas à la concurrence déloyale. »
« On aime l'Amérique qui favorise la compétition, mais la compétition à armes égales »
« Et puis, quand on n'est pas d'accord, on peut se le dire sans manière, sans hypocrisie, sans mensonge »
« Vous savez, le pire de tous, c'est que tout ce que je viens de vous dire, c'est très sincère. »
« “Parce que, plus important que la politique, c'est l'amitié entre nos deux peuples.” »
« “c'est qu'on se soit fâché.” »
« “Ce qui est naturel, c'est qu'on soit amis.” »

On aura constaté à la lecture de ces bribes de phrases, ponctionnées au fur et a mesure de la lecture du texte du discours, l’omniprésence de certains termes qui renvoie à la personnalité du président: ainsi, est ce le cas pour “fier”, “heureux” et surtout “moi”: il ne faut pas être psychologue pour établir un bilan.

On remarque également une prédilection pour le style direct tout comme, et c’est essentiel, une tendance pour l’usage du mode instinctif-affectif. Ainsi, alors que ses prédécesseurs - surtout le général De Gaulle et François Mitterand - utilisaient un style classique où chaque terme était mesuré et renvoyait à une idée précise, on baigne désormais dans une sitcom, une émission dite de télé réalité telles qu’on peut les voir sur le petit écran américanisé, dans lesquelles « on s’aime d’amour d’un cœur aimant ».

L’amour des Etats Unis

Le pourquoi de l’amour de Nicolas Sarkozy pour les Etats Unis repose sur plusieurs piliers qui ne sont pas la conséquence de l’admiration de certaines qualités présentes là bas que l’on souhaiterait en France acquérir mais plutôt sur la fascination qu’exerce la société américaine dans sa globalité sur le président français.

Fascination pour le melting pot qui fut a plusieurs reprises vanté:

« Moi, je pense que c'est la vraie France, la France de la diversité. », est le pendant français de :
« Moi, j'admire les Etats-Unis, parce que Madeleine Albright, Colin Powell, Mme Rice, ce n'est pas des Américains de longue tradition et cela fait plus de vingt ans que votre ministre des Affaires étrangères est un américain venu d'ailleurs. ».
Là encore, on ne voit pas pourquoi la présence des externes, qui logiquement peut prêter à débat, devient un leitmotiv ou un objectif à atteindre. Au nom de quoi ? Au nom de qui ? De quel mimétisme ?
Peut être faut-il y voir plus généralement l’apologie du libéralisme, c’est à dire du laissez faire et du laissez passer dans tous les domaines: ainsi sont révélateurs le :
« la France a pris beaucoup de retard. Nous sommes en train de rattraper ce retard.»
et
« Nous, on aime l'Amérique. Nous, on aime une Amérique qui est fidèle à ses valeurs. On aime la grande Amérique, celle qui sait donner l'exemple. On aime l'Amérique qui soutient les créateurs, pas les spéculateurs. On aime l'Amérique qui croit au libre-échange, à la concurrence loyale, mais pas à la concurrence déloyale. On aime l'Amérique qui favorise la compétition, mais la compétition à armes égales.»

Retard sur qui si ce n’est sur le modèle américain ? Une chose est pourtant certaine, c’est que les mérites attribués ici théoriquement au libéralisme disparaissent à l’analyse et qu’il n’est un secret pour personne que dans un régime capitaliste, il vaut mieux vivre des revenus du capital que de ceux du travail, être actionnaire que travailleur.
Un autre facteur essentiel de cet amour serait l’histoire – notons que l’on ressuscite cette fois ci la tradition que l’on abandonne en France – où l’on met en relief l’indéfectible lien entre les deux pays :
« Il y a une dette éternelle du peuple français à l'endroit du peuple américain pour ce que vous avez fait pour nous. Ce n'est pas de l'histoire ancienne. »
«Parce que, comme le titrait un journal qui n'a pas toujours mes opinions, on était tous des Américains, ce jour là. »

Là encore, c’est faire fi de l’histoire telle qu’elle s’est déroulée : les Français n’aidèrent les Américains que pour affaiblir le rival anglais ; les Américains débarquèrent tardivement en 1917 comme en 1944. Dans les deux cas, c’était par intérêt et non en raison de nobles idéaux.

Quant à reconnaître une dette, surtout éternelle, à l’égard des Etats Unis, c’est postuler de facto la fin de toute indépendance dans la politique étrangère française de peur de fâcher le créancier. Quant au 11 septembre …. la vérité est en marche et n'est pas conforme à ce que l'on nous a annoncé.

De vaines supplications et jérémiades.

Bien sur, Nicolas Sarkozy sait très bien le solide handicap que représente pour les économies européennes un dollar côté au plus bas.

Bien sur, il est conscient que cette monnaie sous-évaluée explique les quelques factices succès américains en économie.

Alors il plaide pour une réévalution, un juste équilibre monétaire.

Et il se trompe : parce que les américains, quand bien même ils le voudraient, ne le peuvent pas. En effet, leur déficit interdit toute mesure de réajustement monétaire. Il leur est nécessaire de financer leurs deficits par la monnaie et par elle seule. D’ailleurs les quelques questions pertinentes (on pourrait les qualifier également de naïves ) n’ont reçu aucune réponse.

La baudruche se dégonfle.

Aussi bien son voyage aux Etats Unis que celui en Russie furent des échecs. Ceux ci furent la conséquence d’une stratégie personnelle basée sur le culte des apparences, favorisé par des médiats hexagonaux par trop partiaux, qui à l’étranger ne peuvent faire recette face à des gouvernements soucieux de préserver leurs intérêts. Faut-il en vouloir à Bush ou à Poutine d’être respectivement américain et russe et de se comporter en tant que tel ? Bien sur que non puisqu’ils sont dans leurs rôles et font leur boulot.

Comme déjà écrit dans un article précédent, d’un président français, on attend une politique française.

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Article publié sur http://www.voxnr.com/



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mardi 6 novembre 2007

Les vices privés font les vertus publiques

Mardi, 6 Novembre 2007



Les vices privés font les vertus publiques

Philippe Delbauvre

Politique
Les vices privés font les vertus publiques
Ah, mais c'est qu'on nous l'avait dit, et juré, et craché, et ce à l'aide d'un de ces raisonnements définitifs ayant valeur de preuve dont les économistes libéraux – comprenez capitalistes – ont le secret: en faisant jouer la concurrence, on parvient tout naturellement à faire baisser les prix et ce pour le grand bien grand bien de tous. C'est ainsi que, forcément, « les vices privés font les vertus publiques », pensée de cigale dans le monde et sous le règne des fourmis.

La concurrence entre les distributeurs devrait en effet, théoriquement, conduire ceux ci à se livrer à une guerre sans merci de manière à ce que chaque produit soit vendu au prix le plus bas du marché, l'enseigne victorieuse étant celle qui épargnerait le plus la bourse du consommateur, tout ravi de l'aubaine.

Pour ce faire, il est nécessaire, puisque les vendeurs sont en fait des revendeurs, de se procurer les produits initiaux au prix le plus bas chez les fournisseurs: c'est ce qui est fait - et c'est le premier hic dans cette histoire - grâce aux délocalisations où l'on fait appel ailleurs à une main d'oeuvre moins onéreuse entraînant de facto du chômage ici et donc une baisse de pouvoir d'achat. C'est le premier effet pervers d'un système censé nous apporter davantage.

Chacun des revendeurs doit également minimaliser ses coûts médians, ce qui le pousse à pratiquer la stagnation des rémunérations de la majeure partie de ses employés, mais aussi à ne pas employer voire à licencier à l'aide de l'optimisation de l'aménagement interne. Voici le second effet pervers de ce système où là encore, les employés paient littéralement la diminution du coût.

A ce stade, rien ne serait perdu si la guerre entre enseignes se faisait conformément aux principes libéraux: « concurrence pure et parfaite » dixit la bible en ce domaine. Ici encore, mensonge: ce n'est pas parce que l'entente illicite n'est pas prouvée qu'elle n'existe pas. Au contraire, les prix sont alignés puisqu'il n'est pas difficile d'aller constater ceux pratiqués chez le concurrent. La marge bénéficiaire n'est donc pas tirée à la baisse mais à la hausse, ce que la ménagère sait très bien et quoiqu'en disent les économistes, ceux là mêmes qui nous affirment que nous n'en sommes qu'à deux millions de chômeurs, ce que chacun sait très bien être faux. C'est là, le troisième vice de forme.

D'où ces abonnements proposés par les Fai où les prix avancés sont approximativement les mêmes malgré de gros bénéfices. D'où les désastreuses conséquences de la privatisation du service des eaux se traduisant par une envolée des tarifs d'autant plus perverse que cette privatisation s'accompagne d'une absence de concurrence. D'où un système de santé où l'absence d'intervention de l'Etat se traduit par des zones où le corps médical est en situation de surnombre alors qu'en d'autres lieux il y a carence.

On ne peut ici que constater la faillite d'une idéologie politique faisant l'apologie d'un Etat simplement cantonné à ses tâches régaliennes.

Le pis est que le mouvement ne vient seulement de se mettre en marche que récemment. Voilà qui promet !



Article publié sur: http://www.voxnr.com