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samedi 28 janvier 2006

Et qui va garder les enfants ?

Samedi, 28 Janvier 2006
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Et qui va garder les enfants ?

Philippe Delbauvre

Politique
Et qui va garder les enfants ?
Ségolène Royal est issue d’une portée de huit enfants. Les familles nombreuses, on le sait bien, sont dans leur majorité, membres du prolétariat ou alors de de la bourgeoisie catholique et pratiquante. Il va de soi aussi qu’à l’image de la plupart des représentants élus, elle n’est pas représentative de son électorat. Fille d’un colonel d’artillerie dont certaines accointances étaient pétainistes, elle est donc issue d’un milieu favorisé comme le sont la plupart des socialistes. Je ne prétends pas qu’elle eut un père comme Jacques Delors comme ce fut le cas pour Martine Aubry, mais nous sommes donc bien dans les mêmes eaux en ce qui concerne l’appartenance à la hiérarchie sociale. Jacques Delors dont elle devait se sentir proche puisqu’elle signa plusieurs appels émanant de ses clubs.

Milieu gaullo pétainiste catholique et provincial qui nous rappelle immédiatement François Mitterand dont la famille avait les mêmes caractéristiques. Les deux se cartent au parti socialiste lorsqu’il n’ont plus guère le choix, (l’ancien président n’était pas membre lors de la prise de contrôle du parti à la fin du congrès d’Epinay). Elle le fit vers la trentaine ce qui montre un engagement tardif. Les ressemblances en terme de parcours semblent s’arrêter là. Lui, quoique juriste de formation est avant tout un lettré dont les connaissances étaient encyclopédiques et la culture reconnue. En ce qui la concerne, c’est tout à fait différent : licence d’économie, sciences po et ena : savoir sur tout mais très superficiellement. Parcours stéréotypé et devenu presque obligatoire pour celui qui souhaite exercer des responsabilités importantes sachant que l’école formate ses produits en fonction des besoins du moment.

Le parcours politique est assez classique lui aussi : adjointe au maire, puis député et enfin conseillère régionale avant de prendre la présidence en battant Jean Pierre Raffarin au moment où celui ci était en pleine déconfiture politique, ce qui ne fut donc pas une pas une prouesse. Elle a donc, au même titre que les autres bénéficié de la vague rose, conséquence du mécontentement généralisé.

Des présences dans plusieurs ministères mais comme adjointe (on utilise aussi le terme délégué), dans le cadre de l’enseignement ou de la famille. En revanche son seul poste de ministre fut à … l’environnement. C’est aussi le plus ancien : 1992/1993 durant un an environ. Parcours qui la aussi diverge avec celui de François Mitterand qui avait un palmarès autrement plus fourni et qui ne fut pas le seul à être dans le même cas depuis.

On ne peut donc que s’interroger sur l’engouement qu’elle suscite qui contraste avec un parcours des plus moyens qui ne peut expliquer un tel phénomène. J’ai pris acte du sondage la créditant de 57 % de français susceptibles de voter pour elle. Auraient t-ils été 80 % à se dire susceptibles de voter pour Jacques Chirac avant les élections présidentielles de 2002 ? A l’évidence non et c’est pourtant ce qui est arrivé. D’autre part, lorsqu’on est dans la mouvance socialiste on peut recueillir facilement toute la sympathie de la gauche et une partie du centre droit. Retirez donc à la gauche lutte ouvrière et d’autres ultras et ajoutez une partie de l’électorat centriste et vous constaterez que le chiffre de 57 n’a rien de surprenant.

Autre explication, Ségolène Royal ne clame rien. Quel souvenir peut t-on avoir d’elle, y compris au sein de son propre parti ? En cela elle n’est ni Martine Aubry, ni Elisabeth Guigou. Membre du parti socialiste certes mais ne participant pas aux joutes et débats d’idées internes. Il en va de même à l’extérieur : aucune déclaration fracassante aucun conflit à l’assemblée. Elle est pacsée et soutient la cause homosexuelle mais attention, interdit le port du string à l’école. Elle a compris humainement les émeutiers de novembre mais a envisagé dans le même temps le rétablissement du service militaire alors qu’elle sait pertinemment qu’il a été supprimé parce qu’il ne pouvait plus être maintenu.

Les exemples sont multipliables à souhait. Après la pensée unique c’est l’arrivée de la pensée molle et floue.

Elle bénéficie aussi de la féminisation du pouvoir dans les sociétés occidentales. Comme Hillary Clinton aux Etats Unis ainsi qu’Angela Merkel en Allemagne. A la différence près que Ségolène Royal joue de sa féminité, présente son enfant le lendemain de l’accouchement aux photographes et caméras, et bien sur bénéficie d’un physique et d’un sourire qui lui permet d’attirer les sympathies. Ne s’étant pas compromise (il y a bien l’histoire des collaboratrices non rémunérés entrainant condamnation en 1999 avec rejet de l’appel en 2005 mais enfin), on ne retient d’elle rien de rédhibitoire de sorte qu’il ne subsiste que le présent. On écoute alors un femme agréable qui possède d’office la sympathie de la gauche ne serait ce que par opposition à la droite, mais aussi de celle d’une partie de l’autre hémisphère politique, sensible d’une part à certains propos non conformistes que l’on peut trouver à droite ainsi que d’autre part et encore une fois par la féminité.

2007 ? C’est loin. Seuls les trois derniers mois comptent. Il faut savoir ce que jugera bon de choisir le parti socialiste le moment venu. Là concernant, elle a tout intérêt à faire durer le phénomène, tout en prenant de la distance, ce qu’elle a réalisé en se déplaçant au Chili et snobant de facto le dixième anniversaire de François Mitterand dont la mort à l’époque l’avait fait pleurer. Les larmes sèchent. Ainsi sont les hommes, ainsi sont les femmes. En revanche, il lui faut absolument cesser cet engouement médiatique qui va l’user prématurément.

Une chose me semble certaine : rien n’explique politiquement cet engouement. On peut déjà dire que Ségolène Royal incarne parfaitement ce qu’est devenue la politique dans le système actuel : primat du contenant sur le contenu, influence prépondérante des média sur le corps électoral, flou quant aux orientations économiques, politiques aux orientations économiques, politiques et gépolitiques. C’est la « star politic » où l’affectif primaire prime sur le cérébral.



mardi 10 janvier 2006

Mitterrand, dix ans après

Mardi, 10 Janvier 2006
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Mitterrand, dix ans après

Philippe Delbauvre

Politique
Mitterrand, dix ans après
On a été rassemblé en fin de semaine dernière à Jarnac. On pouvait craindre le pis et il est arrivé.

Je n’ai jamais aimé les mariages tout comme les enterrements : on y rencontre souvent un unanimisme qui me donne la nausée. Dans le premier cas, la bonne humeur est une nécessité et dans le second il faut y adopter la mine du même nom. On peut résumer l’ensemble assez facilement : il faut adopter le comportement stéréotypé que l’on attend de vous, même si cela ne vous enchante guère. Et il faut en rajouter. La mariée était épanouie, le marié attendait très délicatement son heure et tous les invités s’amusaient bien.

Je ne sais si à Jarnac il s’agissait d’un mariage ou d’un enterrement. Peut être faut t-il envisager une troisième solution qui serait celle d’un baptême : Il y avait ce dimanche en effet comme un avant goût de célébration, d’intronisation d’un nouveau venu portant les espoirs de demain de la grande vieille qu’est la Sfio. Bien entendu, les ténors du parti socialiste étaient présents, il eût d’ailleurs été offensant et risqué de ne pas y être : les absents ont toujours tort.

En effet, je doute que le dixième anniversaire de la mort du personnage historique que fût François Mitterrand, cause de ce rassemblement, avait pour objet central une simple commémoration. Les têtes étaient ailleurs et je n’apprends rien au lecteur si ce n’est au naïf que ce n’est certainement pas le cœur qui est frappé d’hypertrophie dans ces milieux. A Jarnac les forces maléfiques ont permis ce que l’on ne pensait pas croyable pour un être sain d’esprit : toucher une deuxième fois l’héritage. En cela la coterie assemblée était indécente. Cela n’explique pas le pourquoi du possible.

Un sondage effectué récemment plaçait François Mitterand en tête des présidents de la V ème république. Réjouissances à gauche donc. Pourtant l’analyse donne de tout autres résultats. Il fut lourdement sanctionné et aux législatives de 1986 et à celles de 1993. Dans les deux cas, il y eût déferlante de la droite, atténuée dans le premier par une proportionnelle tardivement et peu honnêtement votée. C’est dès le début de 1982 que les premières élections locales marquent le premières défaites de la gauche. Des faits qu’il fallait rappeler, surtout aux plus jeunes. François Mitterand a été apprécié seulement après sa mort et cela représente donc un échec personnel pour ses deux mandats. Où se trouve donc cette justification de la gloire posthume qui est aujourd’hui la sienne ? Il faut analyser et l’amont et l’aval. Après lui, accède au pouvoir Jacques Chirac qui n’a jamais atteint 20 % des voix à un premier tour d’élection présidentielle, et qui mène une politique économique rejetée par les français sans disposer, à l’évidence du charisme de son prédécesseur. De plus, avec le temps, on a tendance à enjoliver, à oublier les mauvais côtés alors que le chiraquisme est lui, vécu au quotidien. L’échec patent aujourd’hui de l’un renforce la mémoire positive de l’autre même si au vu des résultats, le constat est le même.

Si maintenant on se place avant 1981, on retrouve Valery Giscard D’Estaing qui n’a jamais été apprécié des français : trop technocrate, trop coincé : qui plus est, ses conceptions politico-économiques à la tête de l’Europe en font un Chirac plus libéral. Pour le général de Gaulle, le problème est différent : démographie oblige, toute une partie de l’électorat qui l’a connu est décédée et toute une partie vivante aujourd’hui ne l’a pas connu au pouvoir. Le décès du général remonte à trente cinq ans et en des temps de zapping, cela fait long.

Un autre phénomène entre en ligne de compte : le général de Gaulle n’est plus revendiqué par la droite alors que François Mitterand l’est par la gauche.

Et l’électorat de gauche ne peut se référer qu’à lui et pas un autre. Quand l’on sait enfin que le président socialiste a particulièrement soigné son dernier départ pour mieux préparer son entrée dans l’histoire, on comprend mieux.

Détail amusant, les bonnes années pour les français comme le reconnaissent les spécialistes furent les années Pompidou. Donc, encore une fois les sondages ….

Le constat est donc là, François Mitterand serait aujourd’hui le numéro un. Acceptons la sentence. L’intelligentsia de gauche était présente et chacun y est allé de sa petite phrase. Lionel Jospin a salué le grand homme. C’est ce même personnage qui disait que sur les années Mitterand, il y avait droit d’inventaire. Vous aviez oublié ? J’ai bien fait de le rappeler. Mazarine semble avoir une prédilection pour Laurent Fabius : un soutien ? François Hollande a fait remarquer que premier secrétaire, François Mitterand avait eu du mal à s’imposer. Est ce une façon de justifier ses déboires ou de défendre son épouse attaquée par Michel Rocard, adversaire de toujours de l’ancien président, qui a émis des doutes la concernant et fait clairement l’apologie de Dominique Strauss Kahn ?

Alors bien évidemment ils étaient tous venus pour lui. Vous vous souvenez de ce que je pense de ce type de cérémonie ?