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mardi 10 janvier 2006

Mitterrand, dix ans après

Mardi, 10 Janvier 2006
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Mitterrand, dix ans après

Philippe Delbauvre

Politique
Mitterrand, dix ans après
On a été rassemblé en fin de semaine dernière à Jarnac. On pouvait craindre le pis et il est arrivé.

Je n’ai jamais aimé les mariages tout comme les enterrements : on y rencontre souvent un unanimisme qui me donne la nausée. Dans le premier cas, la bonne humeur est une nécessité et dans le second il faut y adopter la mine du même nom. On peut résumer l’ensemble assez facilement : il faut adopter le comportement stéréotypé que l’on attend de vous, même si cela ne vous enchante guère. Et il faut en rajouter. La mariée était épanouie, le marié attendait très délicatement son heure et tous les invités s’amusaient bien.

Je ne sais si à Jarnac il s’agissait d’un mariage ou d’un enterrement. Peut être faut t-il envisager une troisième solution qui serait celle d’un baptême : Il y avait ce dimanche en effet comme un avant goût de célébration, d’intronisation d’un nouveau venu portant les espoirs de demain de la grande vieille qu’est la Sfio. Bien entendu, les ténors du parti socialiste étaient présents, il eût d’ailleurs été offensant et risqué de ne pas y être : les absents ont toujours tort.

En effet, je doute que le dixième anniversaire de la mort du personnage historique que fût François Mitterrand, cause de ce rassemblement, avait pour objet central une simple commémoration. Les têtes étaient ailleurs et je n’apprends rien au lecteur si ce n’est au naïf que ce n’est certainement pas le cœur qui est frappé d’hypertrophie dans ces milieux. A Jarnac les forces maléfiques ont permis ce que l’on ne pensait pas croyable pour un être sain d’esprit : toucher une deuxième fois l’héritage. En cela la coterie assemblée était indécente. Cela n’explique pas le pourquoi du possible.

Un sondage effectué récemment plaçait François Mitterand en tête des présidents de la V ème république. Réjouissances à gauche donc. Pourtant l’analyse donne de tout autres résultats. Il fut lourdement sanctionné et aux législatives de 1986 et à celles de 1993. Dans les deux cas, il y eût déferlante de la droite, atténuée dans le premier par une proportionnelle tardivement et peu honnêtement votée. C’est dès le début de 1982 que les premières élections locales marquent le premières défaites de la gauche. Des faits qu’il fallait rappeler, surtout aux plus jeunes. François Mitterand a été apprécié seulement après sa mort et cela représente donc un échec personnel pour ses deux mandats. Où se trouve donc cette justification de la gloire posthume qui est aujourd’hui la sienne ? Il faut analyser et l’amont et l’aval. Après lui, accède au pouvoir Jacques Chirac qui n’a jamais atteint 20 % des voix à un premier tour d’élection présidentielle, et qui mène une politique économique rejetée par les français sans disposer, à l’évidence du charisme de son prédécesseur. De plus, avec le temps, on a tendance à enjoliver, à oublier les mauvais côtés alors que le chiraquisme est lui, vécu au quotidien. L’échec patent aujourd’hui de l’un renforce la mémoire positive de l’autre même si au vu des résultats, le constat est le même.

Si maintenant on se place avant 1981, on retrouve Valery Giscard D’Estaing qui n’a jamais été apprécié des français : trop technocrate, trop coincé : qui plus est, ses conceptions politico-économiques à la tête de l’Europe en font un Chirac plus libéral. Pour le général de Gaulle, le problème est différent : démographie oblige, toute une partie de l’électorat qui l’a connu est décédée et toute une partie vivante aujourd’hui ne l’a pas connu au pouvoir. Le décès du général remonte à trente cinq ans et en des temps de zapping, cela fait long.

Un autre phénomène entre en ligne de compte : le général de Gaulle n’est plus revendiqué par la droite alors que François Mitterand l’est par la gauche.

Et l’électorat de gauche ne peut se référer qu’à lui et pas un autre. Quand l’on sait enfin que le président socialiste a particulièrement soigné son dernier départ pour mieux préparer son entrée dans l’histoire, on comprend mieux.

Détail amusant, les bonnes années pour les français comme le reconnaissent les spécialistes furent les années Pompidou. Donc, encore une fois les sondages ….

Le constat est donc là, François Mitterand serait aujourd’hui le numéro un. Acceptons la sentence. L’intelligentsia de gauche était présente et chacun y est allé de sa petite phrase. Lionel Jospin a salué le grand homme. C’est ce même personnage qui disait que sur les années Mitterand, il y avait droit d’inventaire. Vous aviez oublié ? J’ai bien fait de le rappeler. Mazarine semble avoir une prédilection pour Laurent Fabius : un soutien ? François Hollande a fait remarquer que premier secrétaire, François Mitterand avait eu du mal à s’imposer. Est ce une façon de justifier ses déboires ou de défendre son épouse attaquée par Michel Rocard, adversaire de toujours de l’ancien président, qui a émis des doutes la concernant et fait clairement l’apologie de Dominique Strauss Kahn ?

Alors bien évidemment ils étaient tous venus pour lui. Vous vous souvenez de ce que je pense de ce type de cérémonie ?