Dimanche, 9 Avril 2006 |
De la culture de mort à sa promotion et défense
Philippe Delbauvre | Tribune libre |
L'une des erreurs majeures des analystes politiques lus ici ou là consiste à affirmer qu'il existe un mal franco français qui épargnerait les autres pays européens et autres contrées occidentales, ou à l'opposé que globalement les choses iraient ici plutôt bien, le danger venant d'une invasion à venir. Dans le cas de la première hypothèse, un regard objectif sur la santé de nos voisins montrent qu'à l'évidence les problèmes sont là bas les mêmes et qu'ainsi, considérer que la France n'est qu'une tumeur locale au milieu d'un continent sain est une absurdité qui ne résiste pas à l'analyse. En ce qui concerne l'invasion, j'ai bien l'impression que les assaillants sont dans la place et AU POUVOIR, et qu'aucun pays hors d'Europe n'a l'envie ni les moyens de rejouer à notre encontre les expériences de 1914 ou de 1939. On peut ne pas être d'accord: chacun a le droit d'être ridicule.
L'élection de Benoit XVI ne nous a pas laissés insensibles: il nous fallait chercher dès son arrivée à comprendre où l'Eglise allait aller et en vertu de quels choix doctrinaux. Ce fut l'occasion pour moi d'avoir de nombreux échanges à ce sujet avec un ami d'outre Manche afin d'essayer de prévoir le comportement à venir du Saint Siège. Malheureusement, nous n'avions pas tort dans nos analyses d'alors comme nous allons le constater par la suite. Que le Vatican tende la main à ceux que l'on appelle intégristes n'est en soi pas une mauvaise chose: c'est toujours cela de gagné face à la modernité. Toutefois, je crains fort que ce geste n'est pour unique but que de se rallier des islamophobes conséquents (ce que je réprouve), tout en se gardant bien d'en retirer les précieuses analyses quant au misonéisme (ce que j'attends). L'archevêque de Paris vient de s'exprimer au sujet du CPE à l'occasion du pélerinage des étudiants à Chartres. Ce n'est guère réjouissant.
Ainsi:
"Le blocage des institutions démocratiques, l'intimidation, le vote forcé, les décisions enlevées à l'arraché, la destruction des outils intellectuels, livres et instruments de travail, tout cela a fonctionné en Europe au XXè siècle, en Allemagne et en Russie. Notre démocratie devrait avoir honte de voir resurgir en son sein les fantômes des totalitarismes"
L'archevêque de Paris croit donc aux fantômes. Je doute sincèrement que cette notion fasse partie intégrante de la théologie catholique. Il est pourtant vrai que ces phénomènes ont existé au 20 ème siècle. Le premier problème est que nous sommes au 21 ème. Le second est que ces mêmes phénomènes ont existé bien avant et que l'Eglise fût experte en la matière. Je ne lui reproche pas son passé, mais son oubli: cela me rappelle Robert Hue déclarant qu'au parti communiste on aimait la démocratie.
Et de poursuivre:
"La liberté et la démocratie se méritent et se construisent par notre engagement à les rendre possibles et effectives. Pour qu'elles soient vivables, il faut que des hommes et des femmes de conviction soient déterminés à s'engager pour les soutenir et les faire grandir".
et
"Quand on me dit que les AG sont manipulées et les décisions arrachées par des minorités d'influence, je me demande si on n'abandonne pas le terrain en laissant dépérir les organisations démocratiques''.
On constate ici un appel à l'engagement des catholiques en politique pour maintenir les actuelles structures démocratiques. On ne nous dit pas en quoi elles sont légitimes ou plus simplement bonnes. Le terme de ''démocratie'' est devenu le sésame qui permet d'ouvrir les coeurs. Ainsi l'archevêque met ses pas dans ceux des artistes, chanteurs, intellectuels, rappeurs et bien pensants. Il serait temps que les membres du clergé fassent l'effort de se renseigner au sujet de la désaffection qui touche partis politiques et syndicats et autres structures démocratiques avant d'en faire l'apologie.
Ce qui est connu d'un étudiant de premier cycle en sociologie devrait l'être d'un archevêque.
Et de conclure:
"des hommes et des femmes de votre âge, et culturellement bien moins équipés que vous, ont combattu et combattent parfois jusqu'au don de leur vie pour obtenir des élections démocratiques et promouvoir un fonctionnement social qui respecte aussi les minorités".
Tous en choeur: ''we are the world, we are the children''. (Voir paragraphe précédent). N'importe quel politique aurait pu énoncer la même phrase et c'est en cela qu'il s'agit d'une catastrophe: l'Eglise n'offre aucune alternative alors que c'est justement ce que l'on attend d'elle. Catholique, je demanderais le retour à la catholicité rayonnante. Je couperais les ponts avec toute forme de collaboration avec le monde profane. Je pointerais du doigt les tares d'un système qui se mondialise ainsi que l'absence de contrepoids idéologique. Je me ferais procureur chargeant une structure politico-économique dont les vices touchent tant de familles françaises.
Il semblerait que l'Eglise ait déjà postulé la victoire du capitalisme. Et le syllabus ? Et rerum novarum ? Et la tradition ?
Jean Marie Lustiger faisait remarquer que la société dans laquelle nous vivions était une culture de mort.
Je regrette déjà Jean Marie Lustiger.
L'élection de Benoit XVI ne nous a pas laissés insensibles: il nous fallait chercher dès son arrivée à comprendre où l'Eglise allait aller et en vertu de quels choix doctrinaux. Ce fut l'occasion pour moi d'avoir de nombreux échanges à ce sujet avec un ami d'outre Manche afin d'essayer de prévoir le comportement à venir du Saint Siège. Malheureusement, nous n'avions pas tort dans nos analyses d'alors comme nous allons le constater par la suite. Que le Vatican tende la main à ceux que l'on appelle intégristes n'est en soi pas une mauvaise chose: c'est toujours cela de gagné face à la modernité. Toutefois, je crains fort que ce geste n'est pour unique but que de se rallier des islamophobes conséquents (ce que je réprouve), tout en se gardant bien d'en retirer les précieuses analyses quant au misonéisme (ce que j'attends). L'archevêque de Paris vient de s'exprimer au sujet du CPE à l'occasion du pélerinage des étudiants à Chartres. Ce n'est guère réjouissant.
Ainsi:
"Le blocage des institutions démocratiques, l'intimidation, le vote forcé, les décisions enlevées à l'arraché, la destruction des outils intellectuels, livres et instruments de travail, tout cela a fonctionné en Europe au XXè siècle, en Allemagne et en Russie. Notre démocratie devrait avoir honte de voir resurgir en son sein les fantômes des totalitarismes"
L'archevêque de Paris croit donc aux fantômes. Je doute sincèrement que cette notion fasse partie intégrante de la théologie catholique. Il est pourtant vrai que ces phénomènes ont existé au 20 ème siècle. Le premier problème est que nous sommes au 21 ème. Le second est que ces mêmes phénomènes ont existé bien avant et que l'Eglise fût experte en la matière. Je ne lui reproche pas son passé, mais son oubli: cela me rappelle Robert Hue déclarant qu'au parti communiste on aimait la démocratie.
Et de poursuivre:
"La liberté et la démocratie se méritent et se construisent par notre engagement à les rendre possibles et effectives. Pour qu'elles soient vivables, il faut que des hommes et des femmes de conviction soient déterminés à s'engager pour les soutenir et les faire grandir".
et
"Quand on me dit que les AG sont manipulées et les décisions arrachées par des minorités d'influence, je me demande si on n'abandonne pas le terrain en laissant dépérir les organisations démocratiques''.
On constate ici un appel à l'engagement des catholiques en politique pour maintenir les actuelles structures démocratiques. On ne nous dit pas en quoi elles sont légitimes ou plus simplement bonnes. Le terme de ''démocratie'' est devenu le sésame qui permet d'ouvrir les coeurs. Ainsi l'archevêque met ses pas dans ceux des artistes, chanteurs, intellectuels, rappeurs et bien pensants. Il serait temps que les membres du clergé fassent l'effort de se renseigner au sujet de la désaffection qui touche partis politiques et syndicats et autres structures démocratiques avant d'en faire l'apologie.
Ce qui est connu d'un étudiant de premier cycle en sociologie devrait l'être d'un archevêque.
Et de conclure:
"des hommes et des femmes de votre âge, et culturellement bien moins équipés que vous, ont combattu et combattent parfois jusqu'au don de leur vie pour obtenir des élections démocratiques et promouvoir un fonctionnement social qui respecte aussi les minorités".
Tous en choeur: ''we are the world, we are the children''. (Voir paragraphe précédent). N'importe quel politique aurait pu énoncer la même phrase et c'est en cela qu'il s'agit d'une catastrophe: l'Eglise n'offre aucune alternative alors que c'est justement ce que l'on attend d'elle. Catholique, je demanderais le retour à la catholicité rayonnante. Je couperais les ponts avec toute forme de collaboration avec le monde profane. Je pointerais du doigt les tares d'un système qui se mondialise ainsi que l'absence de contrepoids idéologique. Je me ferais procureur chargeant une structure politico-économique dont les vices touchent tant de familles françaises.
Il semblerait que l'Eglise ait déjà postulé la victoire du capitalisme. Et le syllabus ? Et rerum novarum ? Et la tradition ?
Jean Marie Lustiger faisait remarquer que la société dans laquelle nous vivions était une culture de mort.
Je regrette déjà Jean Marie Lustiger.