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mardi 5 septembre 2006

Rien ne va plus, tout est ouvert

Mardi, 5 Septembre 2006
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Rien ne va plus, tout est ouvert

Philippe Delbauvre

Politique
Rien ne va plus, tout est ouvert
Les événements récents me contraignent à reprendre un article d’Alain Rebours, disponible dans les archives pour la lecture, afin de le réadapter au contexte actuel.

Sur le forum de ce même site je m’étais à l’époque particulièrement investi dans un fil consacré au CPE où le plus souvent je prévoyais quelques jours à l’avance le devenir du phénomène, tâche d’autant plus aisée que le processus à quelques variantes près reste toujours le même. Le premier ministre ne s’est depuis jamais remis politiquement de ces manifestations et reste à ce jour (la précision est d’importance) condamné à espérer un bouleversement hypothétique de la donne sans pour autant en être l’acteur.

Ce que l’on appelle désormais par convention la gauche n’a pas d’alternative à proposer. Elle ne peut, sous peine de se ridiculiser, évoquer un flot de nationalisations ou une relance de la consommation que l’appartenance de la France au système économique mondial empêche. S’il est possible de se permettre un petit écart par rapport à l’orthodoxie économique, lequel parce que petit ne changerait fondamentalement rien, les règles édictées doivent être néanmoins scrupuleusement respectées. Les intègres et naïfs socialistes de 1981 l’ont assez vite appris comme le savent ceux qui ont connu la période ou s’y sont intéressés. Au même titre qu’en tennis la balle ne peut rebondir au plus qu’une seule fois avant relance ou qu’en football de la main le ballon il ne faut pas toucher, on ne joue pas avec les impératifs catégoriques économiques du règlement capitaliste. Si néanmoins on venait à souhaiter le faire afin de remédier aux problèmes qui se pose dans le monde occidental c’est une révolution qu’il faudrait entamer et non une réforme qui en tant que telle resterait prisonnière du carcan et en conséquence vouée à l’échec.

Les cadres de la gauche en sont parfaitement conscients. Les militants beaucoup moins. Et le peuple quasiment pas puisque l’on ne cesse de lui répéter qu’il n’existe pas d’autres alternatives. On peut ainsi expliquer facilement le pourquoi de l’absence réelle de programme au sein de la gauche sachant que les phrases très généreuses mais bien évidemment floues et très générales n’en constituent pas un. On comprend mieux le succès de Ségolène Royal qui est un succès de personne et non d’idées. On comprend aussi le rejet dont elle fait l’objet de la part d’une partie des militants socialistes qui ont bien saisi qu’avec elle une politique authentiquement de gauche n’était pas à espérer. L’erreur de ces militants est de croire qu’un autre candidat pourrait proposer une autre alternative. Ce n’est donc pas idéologiquement que ce que l’on appelle la gauche peut battre lors des prochaines présidentielles, ce que l’on appelle la droite. Il s’ensuit qu’une victoire ne peut qu’emprunter un autre chemin avec par exemple et pour clore ce paragraphe un succès de personnalité.

A huit mois de l’échéance il va de soi que les paramètres commencent progressivement à se fixer. Il faut à la gauche affaiblir le gouvernement en espérant atteindre par ricochet Nicolas Sarkozy. Voilà chose ardue puisque quand bien même membre du gouvernement ce dernier n’a jamais cessé de faire entendre sa différence. Que l’équipe ministérielle donne l’impression d’une réussite et le ministre de l’intérieur s’en réclamera. Qu’elle donne le sentiment d’un échec et il aura beau jeu d’affirmer que tout en y participant il avait fait entendre un autre son de cloche. Il faut donc à la gauche ajouter autre chose à son armement qui à ce jour semble inadapté.

La gauche a toujours su jouer dans son histoire de l’impact des manifestations de rue. Encore une fois, les manifestations à l’encontre du CPE lui ont permis de marquer des points et de couler définitivement (je me méfie par expérience du terme) le premier ministre. Le secteur public, grand mobilisateur devant l’éternel, n’est plus ce qu’il était. Cela s’explique entre autre par la dépolitisation des nouvelles classes d’âge mais aussi par le recrutement de plus en plus massif de non titulaires qui ne disposent que de contrats précaires et qui ont tout intérêt, s’ils veulent espérer leur travail garder, à se tenir tranquille. Il suffit de se renseigner sur l’évolution de la Sncf comme de la poste pour s’en rendre compte.

Il est en revanche un secteur qui reste politiquement dangereux pour tous les gouvernements et qui n’est autre que celui de l’enseignement.

A cela plusieurs raisons.

Le corps enseignant certes moins syndiqué qu’auparavant possède encore l’esprit de corps. C’est là où l’esprit corporatiste est l’un des plus développés. C’est aussi une des valeurs sures dans l’électorat de ce que l’on appelle la gauche. C’est d’ailleurs tant vrai qu’un ministre de gauche n’a guère à craindre d’eux à moins de tenir des propos particulièrement provocateurs comme l’avait fait Claude Allègre. Ce sont majoritairement des fonctionnaires dévoués à la cause du parti sans pour autant être socialistes ( ‘ Les socialistes ont le coeur à gauche et le portefeuille à droite ’) et quantitativement important. Comme de plus la grève est chez eux une seconde nature (dès lors où une mesure vient d’un gouvernement dit de droite), ils maîtrisent parfaitement le sujet et sont donc efficaces. C’est aussi une catégorie directement liée au monde estudiantin qui est non politisé dans sa majorité mais dont les représentants le sont. Là encore phénomène de masse, donc impressionnant mais aussi perçu comme sympathique par nombre de français qui ont l’occasion de se rappeler leur jeunesse et qui ne peuvent avoir de griefs à l’encontre des ‘petits’ qui à l’évidence sont globalement dépourvus d’arrières pensées. Si suite à un coup de matraque, un enseignant est envoyé comateux à l’hôpital, le français désapprouve. Si c’est un jeune étudiant depuis peu majeur, c’est l’indignation pour ne pas dire la révolte. Cette affection sélective ne bénéficie pas aux enseignants souvent décriés par les français. Il n’empêche qu’à défaut de constituer la poudre ils peuvent très bien en être la mèche : c’est d’ailleurs une habitude.

On ne peut ainsi que comprendre les réunions prévues le 6 septembre (donc dans deux jours puisque j’écris en date du 4) entre enseignants en vue de préparer la manifestation du 28 prélude à quatre jours de grèves dans le meilleur des cas. Voilà qui nous amène donc début octobre et au retour à la vie des facultés qui elles aussi, n’en doutons pas, sont déjà prêtes à intervenir. A quoi servent les fameuses longues vacances si ce n’est à préparer les actions à venir qui ‘spontanément’ adviendront peu après la rentrée ? Il ne faut pas disposer d’une intelligence lumineuse pour comprendre que les plans ont déjà été élaborés et que les deux mouvements en apparence différents vont converger et se fondre.

Comme de plus le problème de la non régularisation est posée et que la responsabilité en incombe directement au ministère de l’intérieur qui est dans cette histoire le premier visé, il n’est pas difficile d’imaginer que la défense de la veuve et de l’orphelin va être à maintes reprises évoquée. Loi des séries, le ministre de l’éducation nationale est un Udf favorable à l’Ump. Est-il nécessaire d’expliquer que François Bayrou va être ravi de l’aubaine et saisir la chance qui va lui être offerte de faire entendre sa différence aussi bien à l’encontre de son rival mais aussi du gouvernement ? Il va de soi que le front national qui est en hausse dans les sondages va jouer le rôle qui est le sien : de Villiers maintenant rejeté par l’opinion elle même, tout ce qui peut arriver de mal au gouvernement et surtout à Nicolas Sarkozy ne peut que profiter au menhir. Un quelconque cas de bavure ou de déclaration malencontreuse imputables au ministre de l’intérieur ne constitue t-il pas la dernière chance qui s’offre à un Ump de faire ou de refaire surface ?

Désormais, comme on le dit au jeu : ‘rien ne va plus’. Tout est ouvert.

Le CPE n’était pas la solution. L’opposition en elle même au CPE non plus.

Le programme présidentiel de Nicolas Sarkozy dont il n’a dévoilé que la face émergée est détestable. Celui des candidats socialistes est inexistant, ce qui constitue un mieux. Faute de grives …

Que les manifestations à venir ne poseront pas les vrais problèmes, j’en suis convaincu. Il n’est pas cependant impossible qu’elles soient décisives en ce qui concerne les prochaines élections présidentielles