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mercredi 13 septembre 2006

Un sophisme économique

Mercredi, 13 Septembre 2006
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Un sophisme économique

Philippe Delbauvre

Politique
Un sophisme économique
Il ne s’agit pas d’affirmer que l’on s’achemine vers la suppression du Smic. On peut néanmoins constater que les libéraux (c’est à dire la gauche et la droite) tentent d’optimiser le système économique actuellement en place qui fait encore la part trop belle à des gâchis financiers que constituent à leurs yeux à titre d’exemple le rmi ou les prestations sociales.

Ainsi, le smic est un frein à l’emploi. C’est évidemment juste. Si les comportements économiques veulent être expliqués avec cohérence, il faut les analyser à la fois côté employeur que côté employé. L’intérêt du premier est de donner le minimum, celui du second d’obtenir le maximum. Il s’agit d’une évidence qu’il est tout de même nécessaire de rappeler avant toute étude. Il est en effet exact que l’on ne peut embaucher que si l’on dispose au moins, en surplus de la part que l’on se réserve, du minimum légal charges comprises. En conséquence on ne le peut pas si on ne possède, pour prendre un exemple, que de 70 % dudit minimum. Avec cette même somme, on le pourrait si minimum il n’y avait pas. Raisonnement imparable.

Donc on en déduit dans la poursuite de cette logique que la suppression du smic est un bien pour les employeurs qui peuvent désormais plus facilement embaucher, mais aussi pour les chômeurs qui trouveront ainsi davantage d’offres d’emploi. Toujours juste à l’évidence.

Ce que les tenants de cette révolution, qui pour certains sont tout aussi naïfs que généreux, c’est que cette logique ne fait pas du tout l’affaire de nombre de travailleurs. Il va de soi que ceux qui sont rémunérés au smic sont ici directement concernés puisque la baisse des salaires qui s’en suivra les touchera de suite. Il en est de même pour ceux dont le salaire est indexé sur le smic ; que l’on soit rémunéré à 70% ou à 140 % du smic, dès lors où salaire minimum il n’y a plus, le résultat sera le même : la baisse d’une rémunération déjà par trop modeste. Il faut également prendre en compte ceux qui dix heures par semaine travaillent et sont payés au smic : qu’adviendra t-il d’eux ? Voilà un paragraphe tout aussi cohérent que les précédents mais que l’on ne trouvera pas dans les analyses libérales.

Evidemment on suggère quelquefois une compensation grâce à une solidarité à maintes reprises évoquée mais jamais définie. Et pour cause. Qui sera solidaire ? Plus vulgairement, qui paiera ? Pas les entreprises puisque l’objet de la mesure consiste justement à les alléger financièrement. Pas l’état puisque son objectif ainsi qu’en témoignent ses désengagements aux échelles locales et nationales est de faire des économies pour s’aligner sur les autres modèles européens souvent plus libéraux et paupérisateurs (voir Royaume Uni). Pas les cadres véritables que l’on souhaite protéger via une diminution fiscale sous peine de les voir s’expatrier. Donc une solidarité payée par ceux qui devraient en principe en bénéficier : ceux qui n’appartiennent pas à une des catégories déjà mentionnées. Ou on fait payer ceux pour qui financièrement la vie n’est pas rose à l’aide par exemple d’une taxation indirecte pratiquement invisible politiquement et très douloureuse financièrement, où il n’y aura pas de solidarité. Et donc, pas de compensation.

A qui donc en définitive profite sincèrement la suppression du smic ?

Amen.

On peut très honnêtement reconnaître que ceux qui n’ont pas d’emploi pourront éventuellement en avoir un. Enfin, pour certains d’entre eux. C’est vrai. Si au smic on associe la base 1000, pour un travail effectué à cette rémunération, une suppression pousserait les offres à la hausse avec dans le même temps une mensualité à la baisse : qui prend à 900 ? 800 ? 700 ? Dans la tête d’un patron normal, conscient de ses intérêts (la nature humaine étant ce qu’elle est), l’idée de commencer directement à 300 vient naturellement ; s’il y a preneur c’est tout bénéfice, sinon augmenter progressivement. C’est tout simplement ce que l’on appelle la loi du marché. Dans la continuité du raisonnement précédent, il va de soi que le rmi ne peut qu’être revu à la baisse : on ne peut pas payer autant voir davantage celui qui ne travaille pas que celui qui travaille.

Les rmistes aussi vont être contents.

Amen.

Dernière étape, pour contraindre démocratiquement (c’est à dire intelligemment) ceux qui viendraient à rechigner, l’idée d’immigration choisie. Superbe expression qui sous entend :

Premièrement : que ceux qui vont venir ne sont pas méchants et ne doivent pas être amalgamés avec ceux que l’on connaît : si ce n’est pas faux, rien ne prouve qu’à long terme cela le devienne : on a déjà donné.

Deuxièmement : que ceux qui vont venir correspondent exactement aux profils manquants ici et qu’en conséquence personne d’ici ne sera lésé. Et là c’est faux. Parce que les offres fluctuent au cours du temps, parce que bien évidemment on n’a pas fait le recensement de tout ce qui pourrait manquer, parce qu’on a suffisamment de millions de chômeurs à employer.

Non ?

Si.

Hors sujet ? Du tout. A nouveau le but est de tirer conformément à la logique libérale les salaires vers le bas. On sait très bien que les praticiens étrangers travaillant dans la dite fonction publique hospitalière sont moins bien rémunérés que les français. Autre façon de pousser ces derniers à partir un jour ou l’autre vers un secteur privé appelé à se développer et bien plus attractif financièrement. On revient donc à la ‘légitime suppression’ du smic. Tout est cohérent pour celui qui veut voir.

L’enfer est pavé de bonnes attentions.

Ici, elle sont de plus mauvaises.