Jeudi, 30 Novembre 2006 |
Des libéraux
Philippe Delbauvre | Politique |
S’il est un terme que j’utilise bien souvent dans mes articles afin de qualifier mes adversaires politiques avant de les pourfendre, c’est bien celui de libéral. Je n’y avais guère prêté attention avant que des lecteurs ne m’en fassent la remarque à l’aide de multiples exemples qui, parce que je les avais regroupés à l’aide du même adjectif alors qu’ils émanaient d’horizons politiquement différents, étaient censés montrer une incohérence certaine. Cela aurait peut être pu me déstabiliser si je n’avais pas été contraint de méditer préalablement et longuement ce mot si particulier qui correspondait à cette douleur qui faisait écho en moi.
J’avais été assez jeune frappé par l’engouement que suscitait chez mes condisciples dans les établissements secondaires et supérieurs la simple évocation du terme de liberté sans que pour autant d’ailleurs elle ne fasse l’objet d’un questionnement à caractère philosophique pourtant bien compréhensible auquel ce concept pouvait légitimement inciter.
J’ai donc entendu à l’époque qu’il fallait être libre avec toute la contradiction logique que pouvait supposer un tel impératif.
Je n’ai pas l’intention de dévoiler une quelconque chronologie de mes rapports avec le concept de liberté pour la simple raison que j’en suis bien incapable. En effet, comme la plupart des hommes j’ai été marqué car imprégné par les environnements qui furent les miens et qui me façonnèrent tout en sachant que mes positions sur ce sujet furent assez vite tranchées et qu’elles s’affinèrent davantage qu’elles ne changèrent. Comme tout le monde j’ai vite assimilé que la liberté n’allait pas sans coercition et qu’être libéral ne signifiait pas forcément être libertaire et encore moins bienveillant. La seconde partie de la phrase précédente présente toutefois une exagération de par sa généralisation: si pratiquement tout le monde postule qu’une restriction mineure de la liberté de chacun se traduit par une plus grande liberté pour tous, bien peu nombreux sont ceux qui ont vu le vice de forme du raisonnement ; à savoir que si l’on postule que la liberté est le bien suprême avec acceptation de sa restriction pour mieux l’assurer, il n’est pas difficile d’imaginer que le simple fait d’agiter par la suite le drapeau de la liberté permettra d’imposer toutes les restrictions souhaitées.
Retour à la terminologie. Chien, chat, cheval constituent des mots faisant référence à ce que l’on peut appeler des objets dans la mesure où nous nous posons habituellement, humains que nous sommes, comme sujets. Pour l’homme doté de sens normalement développés, ces trois termes renvoient à trois réalités différentes. Réciproquement ces trois réalités renvoient aux trois mots. Bi-univocité. Ce fut la grande avancée de l’empirisme logique qui malheureusement ne fît son apparition qu’au vingtième siècle, que d’apporter toute son attention au langage et aux vices de forme que comportent les phrases mais aussi et plus simplement aux mots eux mêmes. C’est donc en ce dernier siècle que l’on a fini par comprendre véritablement que le mot ‘Dieu’ n’était nullement comparable à celui de ‘chat’.
Il n’est pas de mon intention de m’envoler vers les hautes sphères de la théologie ou de la spéculation. Je demande simplement au lecteur de constater que le mot de liberté appartient à la même catégorie que celui de Dieu.
Evidemment, on pourrait simplement souligner que le chat n’est ni libre, ni divin tout comme l’on pourrait noter que si l’espèce féline est plutôt absente du lexique théologique, il n’en est pas de même de la liberté qui y occupe une place cruciale. Pourtant, il ne s’agit pas là d’une coquetterie intellectuelle mais bien d’un fait majeur. De même, on ne peut passer sous silence l’essentiel, à savoir qu’il existe des dieux et des libertés. Je ne fais ici nulle apologie du polythéisme ou des différentes formes que peut revêtir la liberté mais bien plutôt aux différents sens donnés, aux différentes perceptions intuitives qui sont associés à ces deux mots.
Le pluriel est ici évidemment essentiel.
Un chat est un chat. Non pas qu’on le connaisse fondamentalement mais il est néanmoins reconnu comme tel par tous. Pour ce qui est de Dieu (la majuscule !) ou de la liberté (avec ou sans ) c’est chose tout à fait différente.
Je ne sais si le chat est libre mais le regard qu’il pose sur nous en dit long. Nous eussions aimé que les philosophes fussent libres, eux qui nous parlèrent tant de la liberté, mais dont sincèrement je ne puis que douter qu’ils le furent après les avoir tant lus. Ils s’exprimèrent doctement sur le sujet sans même au préalable l’avoir défini ou de manière si évanescente, (rappelons nous que ‘chat’ et ‘liberté’ n’appartiennent pas à la même catégorie), de sorte que nous finîmes par apprendre que la liberté qu’ils ne connaissaient pas était majoritairement un événement à venir. De gré ou de force.
Schopenhauer faisait certes exception mais il aimait les caniches.
La démocratie occidentale est un régime de liberté. C’est là phénomène connu. Je m’interroge donc de manière intuitive et spontanée pour trouver une autre structure politique présentant, ce que l’on va appeler par délicatesse, le même avantage. Je n’en trouve pas. J’en déduis donc que le régime dans lequel nous vivons est le seul à pouvoir se prévaloir du qualificatif de libéral. On peut donc postuler que la liberté (que l’on ne connaît pas) et qui est une bonne chose (ce qui est surprenant puisque l’on ne la connaît pas) n’existe qu’en occident.
Quitte à surprendre puisque quand bien même n’utilisant pas de jargon structuralo-kantien je progresse en déroulant la bobine : la liberté que l’on ne connaît pas est néanmoins de facto qualifiée de positive. Donc, et la nuance est d’importance non négative : la liberté est en conséquence ce que l’on n’a pas défini mais dont on sait qu’il est positif par rapport à un Ailleurs. Au delà de la stupidité logique entretenue par les tenants du système libéral dans le cadre de ce raisonnement, l’enseignement est riche : ce qui fait la valeur de la liberté d’ici dont on ne nous rabâche que le signifiant en omettant et pour cause de spécifier le signifié c’est ce qui n’est pas défini comme libre ici : le ‘libre’ d’ici n’est pas défini.
On comprend dès lors tout l’intérêt que peut présenter l’Ailleurs dès lors où il est caractérisé comme non libre. Facile, parce que le concept ‘libre’ n’étant pas défini, le non libre qui n’est pas plus définissable peut ainsi être appliqué à tous ; machiavélique, parce que se refusant à s’interroger et à instruire sur l’histoire et le devenir de sa liberté, l’occident déplace les justes questionnements qui le concernent en direction de sa périphérie : c’est ce que l’on appelle évacuer un problème.
Ce qui furent improprement appelés les indiens d’Amérique ? Des barbares. Exterminés pour la plupart et placés dans des réserves (sic) pour les autres. Ils ont permis néanmoins à leurs tortionnaires de faire de grands bénéfices dans l’industrie cinématographique, qu’ils gagnent ou perdent la bataille en fin de film.
Le Japon : liberticide probablement car impérial : il est en effet connu qu’il n’y a pas d’empire américain ainsi qu’en témoigne l’isolationnisme de ce pays dont les armées restent toujours à la maison. Relation néanmoins très juteuse après la seconde guerre mondiale. Tribunaux libéraux vite clos. Entame actuellement son réarmement libéral grâce à l’aide américaine.
Le nazisme ? Abominable, liberticide et dont certaines entreprises à vocation militaire purent poursuivre leur activités sans être bombardées durant toute la seconde guerre mondiale parce que financés en dollars. Personnel autochtone très spécialisé et efficace envoyé en renfort en Amérique du Sud ou en Angola au profit des libertés.
Union soviétique ? L’empire du mal. Opposé à ? L’Empire du bien, évidemment. Reproche invoqué ? La liberté : (voir plus haut).
La détestable Chine du grand Timonier particulièrement liberticide (qui tue ce que l’on ne connaît pas) ? Peu contestée suite au rapprochement sino-américain. Devient assez récemment plus inquiétante depuis qu’elle est devenue plus libérale. Paradoxe n’est pas contradiction.
Les extrémistes wahhabites ? Arabie Saoudite. Très liberticide mais très fidèle alliée des USA.
Les musulmans ? (Voir Union soviétique et empire du mal) : à nuancer également : musulmans liberticides pro américains donc libéraux et musulmans liberticides anti-américains donc liberticides non libéraux : liberticides liberticides non recyclables.
Liste non exhaustive.
Trois cent soixante degrés après avoir fait un tour de piste mais aussi d’horizon.
Je ne vais pas biaiser. Si je ne sais ce qu’est la liberté parce qu’en bon schopenhauerian, je n’y crois pas, je ne vais pas me contenter de conclure sur un état des lieux des sévices récents ou non infligés au nom de la liberté.
Voici brièvement ce que j’appelle libéral.
Géopolitiquement c’est l’esprit de croisade américain qui se situe bien au delà de l’impérialisme que l’on connaît depuis les origines. Cela n’a rien à voir avec l’esprit de prosélytisme qui pousse les religions à envoyer ses missionnaires aux quatre coins du monde. Certes, l’Amérique est protestante et l’évangélisme fait merveille. Il s’agit cependant de bien autre chose.
Si en son temps l’Europe, y compris la France, a eu ses colonies, elle n’a pas imposé son modèle sociétal. Ce qui fait l’horreur du système américain c’est bien sur que son citoyen représentatif vous annexe pour s’octroyer vos denrées mais surtout qu’il se réjouit en toute honnêteté de vous offrir ce qu’il appelle le bonheur qui pourtant n’est que le sien. Ainsi l’américain ne comprend pas qu’on lui refuse ce cadeau empoisonné qu’il nous offre si généreusement. C’est bien en cela qu’il est malade.
S’il n’y avait que les Etats Unis, cela ne porterait pas trop à conséquence. Il suffirait alors d’inventorier satellites, armements, production, superficie… Mais ‘La crise est dans l’homme’ et pas un jour sans que je ne voie un ‘Rhinocéros’ français ou plus généralement européen qui ne prenne plaisir à rentrer dans le grand parc des idées reçues. Evidemment, l’exportation du modèle américain y est pour beaucoup. Ainsi la fascination pour le mauvais anglais qu’est l’américain, l’usage de pseudo du même idiome au sein même de la galaxie nationaliste. La fascination pour les films à grand spectacle qui anesthésient les sens de ceux qui ne veulent Claudel connaître.
Le libéral, c’est l’individu totalitaire. Pour qui a donc écrit Ortega y Gasset ?
Le libéral est rebelle, fier d’être seul et d’exprimer tout ce que disent les autres (sic). Alors que les moyens techniques permettent aujourd’hui de se constituer une réserve des plus beaux chefs d’oeuvre de l’histoire du film, il va au cinéma où majoritairement il n’y a rien d’intéressant à regarder. Mais il est vrai ‘qu’après on peut en discuter’, ‘qu’il y a de la profondeur’, ‘qu’il y a un double sens’. ????.
Oui : sens unique et impasse.
Au passage : on ne va pas ‘voir un film’ ; ‘on va au cinéma’.
Nietzsche l’avait prévu. L’Ecole de Francfort également.
Le libéral pense. Panse les plaies béantes de ses trépanations. Adepte du prêt à penser. Ere de l’informatique. Erre de l’informatique. Pensée binaire, binerre. Religion sans participation. Participation sans émotion. Contre la pauvreté mais pour la richesse (sauf celle qu’il n’atteindra pas). Pour l’égalité si vous lui êtes supérieur ; contre si c’est l’inverse. Fait des dons (non anonymes) mais majoritairement lors des grandes campagnes télévisés. Pour les animaux, mais aussi pour le cuir (il faut bien se faire plaisir). Pense qu’avoir tort est un droit qui permet dès lors de mettre fin à la discussion. Vote parce que c’est son devoir. Ou ne vote pas parce que non. Est pour le rap. Ou contre. S’il est pour, n’écoute pratiquement que ça, s’il est contre n’en écoute jamais.
Le libéral n’est pas. Il a. Fromm avait écrit de jolies choses sur le sujet en évoquant par exemple les mystiques rhénans. Je n’imagine pas un mystique libéral. Ne restent alors pour différencier les individus dans le règne de l’indifférenciation que la possession (voir l’importance du budget voiture) fonction du salaire et la subjectivité (les (le ?) media).
Songer que le libéral est politisé au sens noble du terme serait ne pas avoir compris ce qu’il est foncièrement. J’en ai connu de gauche, de droite, d’extrême gauche et d’extrême droite. Un discours anti-libéral peut très bien masquer à beaucoup, mais mal à l’initié, un individu libéral. C’est donc plutôt le non-libéral qui se détecte parce que non conformiste. L’anticonformiste est quant à lui bien souvent libéral : une autre apologie de la subjectivité. Sortez le communiste de sa phraséologie et tel le visage démaquillé du matin apparaîtra souvent le libéral.
Il ne faudrait pas imputer à la postmodernité la responsabilité de l’écroulement final qui s’annonce. Ce n’est là que l’amoncellement de lointaines fissures. Le président américain n’avait peut être pas tort lorsqu’il évoquait la vieille Europe. C’est de là en effet qu’est parti le mal. Il y a longtemps. Très. L’époque médiévale fut à mon sens la charnière. On la présente comme ténébreuse. A tort. Quels mérites avait-on à penser quand Malesherbes et les puissants protégeaient ?
Le mal s’est propagé ailleurs. Il a métastasé dans ce que l’on a appelé le nouveau continent qui n’était au fond qu’une nouvelle europe.
Or, majoritairement les éléments sains sont restés dans l’ancienne.
Ils ont vocation à recevoir la bonne parole.
‘Seul un Dieu peut nous sauver’ Martin Heidegger
J’avais été assez jeune frappé par l’engouement que suscitait chez mes condisciples dans les établissements secondaires et supérieurs la simple évocation du terme de liberté sans que pour autant d’ailleurs elle ne fasse l’objet d’un questionnement à caractère philosophique pourtant bien compréhensible auquel ce concept pouvait légitimement inciter.
J’ai donc entendu à l’époque qu’il fallait être libre avec toute la contradiction logique que pouvait supposer un tel impératif.
Je n’ai pas l’intention de dévoiler une quelconque chronologie de mes rapports avec le concept de liberté pour la simple raison que j’en suis bien incapable. En effet, comme la plupart des hommes j’ai été marqué car imprégné par les environnements qui furent les miens et qui me façonnèrent tout en sachant que mes positions sur ce sujet furent assez vite tranchées et qu’elles s’affinèrent davantage qu’elles ne changèrent. Comme tout le monde j’ai vite assimilé que la liberté n’allait pas sans coercition et qu’être libéral ne signifiait pas forcément être libertaire et encore moins bienveillant. La seconde partie de la phrase précédente présente toutefois une exagération de par sa généralisation: si pratiquement tout le monde postule qu’une restriction mineure de la liberté de chacun se traduit par une plus grande liberté pour tous, bien peu nombreux sont ceux qui ont vu le vice de forme du raisonnement ; à savoir que si l’on postule que la liberté est le bien suprême avec acceptation de sa restriction pour mieux l’assurer, il n’est pas difficile d’imaginer que le simple fait d’agiter par la suite le drapeau de la liberté permettra d’imposer toutes les restrictions souhaitées.
Retour à la terminologie. Chien, chat, cheval constituent des mots faisant référence à ce que l’on peut appeler des objets dans la mesure où nous nous posons habituellement, humains que nous sommes, comme sujets. Pour l’homme doté de sens normalement développés, ces trois termes renvoient à trois réalités différentes. Réciproquement ces trois réalités renvoient aux trois mots. Bi-univocité. Ce fut la grande avancée de l’empirisme logique qui malheureusement ne fît son apparition qu’au vingtième siècle, que d’apporter toute son attention au langage et aux vices de forme que comportent les phrases mais aussi et plus simplement aux mots eux mêmes. C’est donc en ce dernier siècle que l’on a fini par comprendre véritablement que le mot ‘Dieu’ n’était nullement comparable à celui de ‘chat’.
Il n’est pas de mon intention de m’envoler vers les hautes sphères de la théologie ou de la spéculation. Je demande simplement au lecteur de constater que le mot de liberté appartient à la même catégorie que celui de Dieu.
Evidemment, on pourrait simplement souligner que le chat n’est ni libre, ni divin tout comme l’on pourrait noter que si l’espèce féline est plutôt absente du lexique théologique, il n’en est pas de même de la liberté qui y occupe une place cruciale. Pourtant, il ne s’agit pas là d’une coquetterie intellectuelle mais bien d’un fait majeur. De même, on ne peut passer sous silence l’essentiel, à savoir qu’il existe des dieux et des libertés. Je ne fais ici nulle apologie du polythéisme ou des différentes formes que peut revêtir la liberté mais bien plutôt aux différents sens donnés, aux différentes perceptions intuitives qui sont associés à ces deux mots.
Le pluriel est ici évidemment essentiel.
Un chat est un chat. Non pas qu’on le connaisse fondamentalement mais il est néanmoins reconnu comme tel par tous. Pour ce qui est de Dieu (la majuscule !) ou de la liberté (avec ou sans ) c’est chose tout à fait différente.
Je ne sais si le chat est libre mais le regard qu’il pose sur nous en dit long. Nous eussions aimé que les philosophes fussent libres, eux qui nous parlèrent tant de la liberté, mais dont sincèrement je ne puis que douter qu’ils le furent après les avoir tant lus. Ils s’exprimèrent doctement sur le sujet sans même au préalable l’avoir défini ou de manière si évanescente, (rappelons nous que ‘chat’ et ‘liberté’ n’appartiennent pas à la même catégorie), de sorte que nous finîmes par apprendre que la liberté qu’ils ne connaissaient pas était majoritairement un événement à venir. De gré ou de force.
Schopenhauer faisait certes exception mais il aimait les caniches.
La démocratie occidentale est un régime de liberté. C’est là phénomène connu. Je m’interroge donc de manière intuitive et spontanée pour trouver une autre structure politique présentant, ce que l’on va appeler par délicatesse, le même avantage. Je n’en trouve pas. J’en déduis donc que le régime dans lequel nous vivons est le seul à pouvoir se prévaloir du qualificatif de libéral. On peut donc postuler que la liberté (que l’on ne connaît pas) et qui est une bonne chose (ce qui est surprenant puisque l’on ne la connaît pas) n’existe qu’en occident.
Quitte à surprendre puisque quand bien même n’utilisant pas de jargon structuralo-kantien je progresse en déroulant la bobine : la liberté que l’on ne connaît pas est néanmoins de facto qualifiée de positive. Donc, et la nuance est d’importance non négative : la liberté est en conséquence ce que l’on n’a pas défini mais dont on sait qu’il est positif par rapport à un Ailleurs. Au delà de la stupidité logique entretenue par les tenants du système libéral dans le cadre de ce raisonnement, l’enseignement est riche : ce qui fait la valeur de la liberté d’ici dont on ne nous rabâche que le signifiant en omettant et pour cause de spécifier le signifié c’est ce qui n’est pas défini comme libre ici : le ‘libre’ d’ici n’est pas défini.
On comprend dès lors tout l’intérêt que peut présenter l’Ailleurs dès lors où il est caractérisé comme non libre. Facile, parce que le concept ‘libre’ n’étant pas défini, le non libre qui n’est pas plus définissable peut ainsi être appliqué à tous ; machiavélique, parce que se refusant à s’interroger et à instruire sur l’histoire et le devenir de sa liberté, l’occident déplace les justes questionnements qui le concernent en direction de sa périphérie : c’est ce que l’on appelle évacuer un problème.
Ce qui furent improprement appelés les indiens d’Amérique ? Des barbares. Exterminés pour la plupart et placés dans des réserves (sic) pour les autres. Ils ont permis néanmoins à leurs tortionnaires de faire de grands bénéfices dans l’industrie cinématographique, qu’ils gagnent ou perdent la bataille en fin de film.
Le Japon : liberticide probablement car impérial : il est en effet connu qu’il n’y a pas d’empire américain ainsi qu’en témoigne l’isolationnisme de ce pays dont les armées restent toujours à la maison. Relation néanmoins très juteuse après la seconde guerre mondiale. Tribunaux libéraux vite clos. Entame actuellement son réarmement libéral grâce à l’aide américaine.
Le nazisme ? Abominable, liberticide et dont certaines entreprises à vocation militaire purent poursuivre leur activités sans être bombardées durant toute la seconde guerre mondiale parce que financés en dollars. Personnel autochtone très spécialisé et efficace envoyé en renfort en Amérique du Sud ou en Angola au profit des libertés.
Union soviétique ? L’empire du mal. Opposé à ? L’Empire du bien, évidemment. Reproche invoqué ? La liberté : (voir plus haut).
La détestable Chine du grand Timonier particulièrement liberticide (qui tue ce que l’on ne connaît pas) ? Peu contestée suite au rapprochement sino-américain. Devient assez récemment plus inquiétante depuis qu’elle est devenue plus libérale. Paradoxe n’est pas contradiction.
Les extrémistes wahhabites ? Arabie Saoudite. Très liberticide mais très fidèle alliée des USA.
Les musulmans ? (Voir Union soviétique et empire du mal) : à nuancer également : musulmans liberticides pro américains donc libéraux et musulmans liberticides anti-américains donc liberticides non libéraux : liberticides liberticides non recyclables.
Liste non exhaustive.
Trois cent soixante degrés après avoir fait un tour de piste mais aussi d’horizon.
Je ne vais pas biaiser. Si je ne sais ce qu’est la liberté parce qu’en bon schopenhauerian, je n’y crois pas, je ne vais pas me contenter de conclure sur un état des lieux des sévices récents ou non infligés au nom de la liberté.
Voici brièvement ce que j’appelle libéral.
Géopolitiquement c’est l’esprit de croisade américain qui se situe bien au delà de l’impérialisme que l’on connaît depuis les origines. Cela n’a rien à voir avec l’esprit de prosélytisme qui pousse les religions à envoyer ses missionnaires aux quatre coins du monde. Certes, l’Amérique est protestante et l’évangélisme fait merveille. Il s’agit cependant de bien autre chose.
Si en son temps l’Europe, y compris la France, a eu ses colonies, elle n’a pas imposé son modèle sociétal. Ce qui fait l’horreur du système américain c’est bien sur que son citoyen représentatif vous annexe pour s’octroyer vos denrées mais surtout qu’il se réjouit en toute honnêteté de vous offrir ce qu’il appelle le bonheur qui pourtant n’est que le sien. Ainsi l’américain ne comprend pas qu’on lui refuse ce cadeau empoisonné qu’il nous offre si généreusement. C’est bien en cela qu’il est malade.
S’il n’y avait que les Etats Unis, cela ne porterait pas trop à conséquence. Il suffirait alors d’inventorier satellites, armements, production, superficie… Mais ‘La crise est dans l’homme’ et pas un jour sans que je ne voie un ‘Rhinocéros’ français ou plus généralement européen qui ne prenne plaisir à rentrer dans le grand parc des idées reçues. Evidemment, l’exportation du modèle américain y est pour beaucoup. Ainsi la fascination pour le mauvais anglais qu’est l’américain, l’usage de pseudo du même idiome au sein même de la galaxie nationaliste. La fascination pour les films à grand spectacle qui anesthésient les sens de ceux qui ne veulent Claudel connaître.
Le libéral, c’est l’individu totalitaire. Pour qui a donc écrit Ortega y Gasset ?
Le libéral est rebelle, fier d’être seul et d’exprimer tout ce que disent les autres (sic). Alors que les moyens techniques permettent aujourd’hui de se constituer une réserve des plus beaux chefs d’oeuvre de l’histoire du film, il va au cinéma où majoritairement il n’y a rien d’intéressant à regarder. Mais il est vrai ‘qu’après on peut en discuter’, ‘qu’il y a de la profondeur’, ‘qu’il y a un double sens’. ????.
Oui : sens unique et impasse.
Au passage : on ne va pas ‘voir un film’ ; ‘on va au cinéma’.
Nietzsche l’avait prévu. L’Ecole de Francfort également.
Le libéral pense. Panse les plaies béantes de ses trépanations. Adepte du prêt à penser. Ere de l’informatique. Erre de l’informatique. Pensée binaire, binerre. Religion sans participation. Participation sans émotion. Contre la pauvreté mais pour la richesse (sauf celle qu’il n’atteindra pas). Pour l’égalité si vous lui êtes supérieur ; contre si c’est l’inverse. Fait des dons (non anonymes) mais majoritairement lors des grandes campagnes télévisés. Pour les animaux, mais aussi pour le cuir (il faut bien se faire plaisir). Pense qu’avoir tort est un droit qui permet dès lors de mettre fin à la discussion. Vote parce que c’est son devoir. Ou ne vote pas parce que non. Est pour le rap. Ou contre. S’il est pour, n’écoute pratiquement que ça, s’il est contre n’en écoute jamais.
Le libéral n’est pas. Il a. Fromm avait écrit de jolies choses sur le sujet en évoquant par exemple les mystiques rhénans. Je n’imagine pas un mystique libéral. Ne restent alors pour différencier les individus dans le règne de l’indifférenciation que la possession (voir l’importance du budget voiture) fonction du salaire et la subjectivité (les (le ?) media).
Songer que le libéral est politisé au sens noble du terme serait ne pas avoir compris ce qu’il est foncièrement. J’en ai connu de gauche, de droite, d’extrême gauche et d’extrême droite. Un discours anti-libéral peut très bien masquer à beaucoup, mais mal à l’initié, un individu libéral. C’est donc plutôt le non-libéral qui se détecte parce que non conformiste. L’anticonformiste est quant à lui bien souvent libéral : une autre apologie de la subjectivité. Sortez le communiste de sa phraséologie et tel le visage démaquillé du matin apparaîtra souvent le libéral.
Il ne faudrait pas imputer à la postmodernité la responsabilité de l’écroulement final qui s’annonce. Ce n’est là que l’amoncellement de lointaines fissures. Le président américain n’avait peut être pas tort lorsqu’il évoquait la vieille Europe. C’est de là en effet qu’est parti le mal. Il y a longtemps. Très. L’époque médiévale fut à mon sens la charnière. On la présente comme ténébreuse. A tort. Quels mérites avait-on à penser quand Malesherbes et les puissants protégeaient ?
Le mal s’est propagé ailleurs. Il a métastasé dans ce que l’on a appelé le nouveau continent qui n’était au fond qu’une nouvelle europe.
Or, majoritairement les éléments sains sont restés dans l’ancienne.
Ils ont vocation à recevoir la bonne parole.
‘Seul un Dieu peut nous sauver’ Martin Heidegger