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mardi 12 décembre 2006

Toute voix discordante semble désormais prohibée

Lundi, 11 Décembre 2006


Toute voix discordante semble désormais prohibée

Philippe Delbauvre

Politique
Toute voix discordante semble désormais prohibée
Toute voix discordante même discrète, tout bémol émis au sein du concerto du prêt à penser contemporain semblent désormais prohibés.

Dans la société de l’individualisme, chaque entité est une proie facile dont profitent des manipulateurs qui prétendent toujours agir en vertu d’une cause proclamée à priori grande.

Les mobilisations qui s’ensuivent sont ainsi organisées au nom du bien public et n’ont en réalité pour objectif principal que l’argent. C’est aussi, l’espace d’une ou de quelques soirées, l’occasion donnée aux dirigeants de ressusciter un peuple qu’ils anesthésient à longueur d’années.

On peut songer par exemple à la dernière coupe du monde de football qui fut assez représentative du phénomène. Pas de peuple avant, beaucoup pendant et plus du tout après et cela du jour au lendemain. Derrière l’idéal de Pierre de Coubertin qui sert de drapeau mais aussi de paravent se cachaient le refus du contrôle anti-dopage, l’arrivée des prostituées de l’Est et à nouveau l’argent. On n’a pas entendu cette fois ci les opposants à cette grande cérémonie. Peut être parce ce que c’était devenu un devoir de s’y intéresser ou de se taire.

Nous voici revenus comme chaque année à la période du Téléthon. Avec tout ce que cela peut signifier comme caricatures. Sincèrement, on ne voit guère la nécessité, si ce n’est offusquer la pudeur, d’exhiber aux yeux de ceux qui n’en ont pas, les muscles des sportifs. Cela s’appelle de l’indécence. En revanche, l’intérêt est, pour ceux qui ont la chance, d’être valides de se faire plaisir et aussi de récolter au final le veau d’or. Il ne vient pratiquement à personne l’idée pourtant évidente que si la recherche médicale sollicite l’argent des simples particuliers c’est qu’elle n’en est pas assez dotée. Il est vrai que regarder la télévision ou faire fonctionner ses muscles ne sont pas les meilleures façons de stimuler le cerveau.

L’archevêque de Paris que j’avais égratigné au profit de Monseigneur Lustiger dans un précédent article est, qu’on se le dise, un archevêque de confession catholique. Me voilà maintenant certain que tout le monde aura compris.

Rappel des faits : l’Eglise est partie prenante dans cette collecte d’argent destinée aux chercheurs travaillant sur la myopathie. Tout à fait logiquement, elle s’intéresse au devenir de cet argent et par voie de conséquence à la nature des travaux scientifiques. C’est là une démarche que de nombreux français ont suivie un jour ou l’autre en effectuant un don : sollicités dans la rue, nous prenons connaissance de la cause pour laquelle de l’argent nous est demandé.

Si nous nous trouvons en accord alors nous donnons et si en revanche nous y sommes opposés, nous passons notre chemin.

Las, l’archevêque de Paris émet le bémol discordant, réaction pourtant compréhensible, compte tenu de l’éthique qu’il représente: il souhaiterait que l’argent versé par l’Eglise n’aille pas à l’encontre de pratiques situées en opposition avec les valeurs de cette même église. Comportement surprenant voire détestable aux yeux de beaucoup. L’Eglise devrait donc financer ce qui va à l’encontre de ses valeurs et se taire. Mieux, applaudir à l’enterrement de ses propres valeurs grâce à son propre argent et cela pour ne pas troubler le bonheur consensuel d’une journée. Or, chacun sait que l’institution catholique est particulièrement sensible à tous les aspects touchant à la conception de la vie. Qu’importe aux donneurs de leçons, voilà maintenant l’Eglise accusée de se servir de l’événement afin d’en faire une tribune, manière comme une autre de la soumettre au chantage.

‘ Participez comme les autres et taisez vous ! ‘ pourraient-ils ordonner.

« Entre la plage d’Edwige ou la musique rock, d’une part, et la ronde communiste, d’autre part, l’opposition n’est qu’apparente. Tereza, un jour, après avoir regardé des photos représentant un camp de nudistes et l’entrée des chars russes en Tchécoslovaquie, ne peut s’empêcher de dire : ‘ C’est exactement la même chose’. Ces deux figures de l’idylle dite de l’innocence présentent en effet les mêmes caractéristiques fondamentales. Retenons-en deux, qui sont d’ailleurs étroitement liées : l’abolition de l’individu, le rejet des limites.

La plage d’Edwige, ou l’orgie, ou la fête rock ont d’abord ceci en commun avec le paradis communiste que la solitude y est non seulement impossible, mais interdite. C’est l’univers de la fusion, de la dissolution de l’individu dans le tout rassemblé ; et ‘ celui qui ne veut pas en être […] reste un point noir inutile et privé de sens ‘. Cette idylle, en un mot, est ‘ par essence, un monde pour tous ‘. »

François Ricard,Milan Kundera, ‘ L’insoutenable légèreté de l’être ‘ , p 464.